4 ~ A piece of paper
Lorsque mon réveil se déclenche le lendemain je mets du temps à émerger, passant mes mains sur mes yeux gonflés et étirant chaque muscle de mon corps. Je pense qu’il serait bon que je reprenne une activité sportive, je commence à me rouiller et je n’aime pas ça.
Comme chaque matin je prends la direction de ma salle de bain et comme chaque matin j’effectue les mêmes gestes, le seul moment qui me plait c’est lorsque je m’occupe de mes cheveux, je les noue en une natte et souris en voyant le résultat. Je ne fais pas mon âge, avec mes joues rebondies, mes grands yeux bruns, ma frange blanche et ma peau ivoire rehaussée par la teinte rosée de mes pommettes, on me donne souvent 16 ou 17 ans, alors que je vais en avoir 24.
Une fois l’éternel rituel de la salle de bain terminé, je prépare mon sac et vais pour prendre des biscuits que je grignoterai sur le chemin lorsqu’on frappe à ma porte. J’hausse un sourcil, c’est bien la première fois. En m’approchant de la clenche je ne peux m’empêcher de cogiter. Est-ce Ashton Irwin ? Si ça se trouve il a trouvé l’enveloppe déjà ouverte et va me passer un savon. Je déglutis et fais une légère pression sur la clenche, ouvrant lentement ma porte sur le visage bienheureux de Calum.
« - Non seulement tu es lente pour rentrer des cours, mais je crois bien que tu es la seule personne au monde qui ouvre une porte à une telle vitesse –Ricane-t-il-
-Je m’attendais à quelqu’un d’autre –Dis-je surprise de le voir-
-Merci ça fait plaisir –Il jette des regards curieux dans mon appartement- Est-ce que je peux entrer ?
-Bien-sûr –Je m’écarte et le laisse entrer-
-Et bonjour au fait Blanche-Neige ! –Je ferme la porte et me tourne vers lui prise au dépourvu, il glousse et me tend sa joue que j’embrasse poliment-
-Tu sais que ta blague ne fonctionne pas Calum ? Blanche-Neige a les cheveux noirs.
-Dans ce cas préfères-tu Daenerys ?
-Je ne regarde pas les séries télé, désolée et il me semble que cette dernière est blonde. Laisse tomber Hood. »
Ce dernier continue de rire et je l’observe qui scrute chaque recoin de mon appartement. Comment se fait-il qu’un garçon comme lui soit avec le groupe des Erudits ? Il rigole souvent, il a l’air modeste et ses références sont assez basiques. Je ne comprends pas.
Je ne comprends pas non plus ce qu’il fait chez moi de si bon matin d’ailleurs.
« - Tu fais du repérage pour venir me cambrioler ? –Je demande en ouvrant ma boite à biscuits-
-Pas du tout, je me disais juste que ça changeait de quand Daphnée vivait ici.
-C’était comment ?
-Sale, elle fumait et buvait beaucoup –Il se tourne vers moi et me dévoile un petit rire- comme tous les musiciens en fait.
-Tu ne crois pas que c’est un peu cliché Calum ?
-Chaque section a son cliché qui lui est propre –Dit-il en haussant les épaules comme si c’était anodin-
-Il serait temps d’aller au-delà de ça. »
Je soupire et prends mon sac pour le suivre à l’extérieur lorsque mon cœur rate un battement. L’enveloppe, l’ont-ils prise ? Je m’excuse auprès de Calum et vais sur mon balcon, me courbant pour voir la petite masse de papier blanche toujours coincée sous la chaise. Ils ne l’ont pas encore vue.
« - Si ton objectif est de voir ton voisin nu sur son balcon, il y a mieux que de regarder par en dessous. –Je sursaute en voyant Calum juste derrière moi, mes joues prenant une teinte plus rose que d’habitude-
-Je ne regardais pas mes voisins !
-Alors qu’est-ce que tu faisais ?
-Rien –Dis-je en lui passant devant-
-Ne te vexe pas Heidi, mais une fille qui se met à quatre pattes pour voir sous le paravent de ses voisins… Ça veut tout dire.
-Ce n’était pas mon intention et ce que je fais de mes affaires de voisinage ne te regarde pas.
-Au moins si tu veux me voir moi tu n’auras pas à te donner tout ce mal vu que nous n’avons pas de paravent entre nous ! »
Il rit, me faisant lever les yeux au ciel puis je ferme la baie vitrée en posant une dernière fois mon regard sur la pointe blanche qui dépasse de sous l’imposant paravent en bois. J’espère qu’ils la trouveront. Sur le chemin Calum n’a de cesse de me taquiner à propos de ce qu’il avait vu .
« - Tu caches bien ton jeu en fait Miss Fauste, sous tes airs de petite poupée en adoration devant les musiciens tu es en fait u…
-Oh Dieu merci ! »
Calum s’arrête net et me dévisage avec incrédulité, ne comprenant pas pourquoi je me suis exprimée ainsi alors que ce dernier parlait. La raison se trouve face à nous, une petite épicerie dans laquelle sont exposés une multitude de gâteaux rondouillets recouverts de crème colorée.
Des cupcakes.
Je m’engouffre dans la boutique sans prêter attention aux protestations du basané et prends deux généreux cupcakes à vanille surmontés de lemon curd, en offrant un au brun dont le visage s’illumine presque par enchantement, oubliant le fait que je lui ai coupé la parole.
« - Oh Heidi je…
-C’était le seul moyen pour te faire taire –Dis-je en souriant face à son regard pétillant qui dévore le gâteau-
-Je devrais te parler plus souvent –Dit-il- Je viendrais te chercher tous les matins désormais !
-Trop aimable Hood mais je préfère éviter. »
Il me fait une légère étreinte avant de prendre son cupcake à deux mains et de l’admirer, le faisant tourner entre ses longs doigts et admirant les reflets du soleil sur le lemon curd. Je ne pensais pas qu’on pouvait idolâtrer autant un simple gâteau. Je me sens même mal à l’aise à dévorer le mien alors que lui est toujours en train de faire une étude sur l'aspect de son gâteau.
« - Tu aimes manger les cupcakes ou regarder les cupcakes ? –Je demande alors que nous arrivons bientôt devant l’enceinte des littéraires-
-Les deux, mais j’aime surtout observer, toute cette manie du détail, cette harmonie des couleurs, ce…
-Calum… -Je soupire et prends un air blasé- Ce n’est qu’un mélange d’œuf, de farine, de beurre et de sucre surmonté de crème au citron.
-Quelle poésie pour une littéraire…
-La nourriture ne m’inspire pas –Dis-je avec un haussement d’épaule-
-Qu’est-ce qui t’inspire dans ce cas ? –Me dit-il en approchant enfin le gâteau de ses lèvres- Regarder tes voisins à la dérobé ? –Il éclate d’un petit rire alors que je reste la bouche entrouverte sous la surprise-
-Tu ne vas pas me lâcher avec ça ? –Dis-je-
-Oh non c’était tellement marrant ! –Il croque son cupcake à pleine dent et un large sourire prend place sur son visage enfantin- Mh merch’i Heidi !
-De rien, mais si tu continues à me parler de ce que tu as vu ce matin, tu n’en auras plus jamais !
-Je me tais dans ce cas ! –Il rit et je repère Rudy au loin qui me fait signe- Avant que tu ne t’en ailles voir ton chéri, j’aimerais bien savoir ce qui t’inspire.
-Rudy est mon meilleur ami ! –Dis-je avec protestation-
-Bref, vos inspirations mademoiselle Fauste ? –Il sourit et me regarde avec attention, laissant son cupcake attendre sagement dans sa main-
-La musique. »
Le petit sourire en coin qui nait sur son visage me montre qu’il s’attendait exactement à cette réponse. Certes je suis prévisible mais je m’en moque. Les sonorités m’inspirent, je les écoute pour ensuite les traduire. Je m’en fiche de ce que Calum peut penser de moi, après tout, chacun est inspiré à sa façon, lui visiblement par les cupcakes et pour ma part la nourriture ne m’inspire rien. Ça ne veut pas pour autant dire que l’un de nous n’a pas sa place dans le monde de l’écriture.
Mais à ma grande surprise il ne dit rien, il se contente de prendre une autre bouchée de son gâteau et se dirige vers le groupe des Erudits, m’obligeant à prendre un autre chemin.
« - Tu vas où ? –Me demande Calum avec surprise-
-Rejoindre Rudy –Il s’apprête à me dire quelque chose mais je le devance- ce n’est pas contre toi Calum, mais je n’aime pas ce groupe et c’est réciproque, je ne comprends pas comment tu peux rester avec eux d’ailleurs.
-Ils sont gentils –Dit-il avec innocence-
-Non ils sont orgueilleux et vils.
-Je croyais que tu voulais qu’on aille au-delà des préjugés, ce n’est pas ce que tu es en train de faire là Heidi –Dit-il d’un ton calme tandis que je sens le rouge me monter aux joues-
-Ne réutilise pas mes paroles contre moi ! Eux sont plus bourrés de préjugés que moi, il n’y a qu’à voir les regards qu’ils me jettent.
-Ce sont tes cheveux –Dit-il en désignant ma natte du regard-
-Et bien raison de plus pour ne pas les approcher.
-Bon très bien –Dit-il déçu-
-Désolée Calum.
-On rentre quand même ensemble ce soir ? –Dit-il en fronçant légèrement ses sourcils ténébreux-
-Bien-sûr, je me doute que tu n’es pas comme eux. »
Il me fait un dernier sourire avant de rejoindre les Erudits qui me fusillent du regard. Même en m’éloignant je sens encore le poids de leur jugement sur moi. Moi, simple étudiante qui a juste osé opter pour ce qu’ils qualifient de frivolité. Je soupire et reprends confiance en moi lorsque j’arrive à hauteur de la seule personne dont le regard me fait me sentir forte, mon meilleur ami. Lui je sais qu’il ne me juge pas, il me connait, il va au-delà de la simple couleur de cheveux. Si ce dernier n’est pas avec le groupe des Erudits, c’est bien parce qu’il sait voir l’humain chez les gens, il est bien trop tolérant pour faire partie de ce groupe de prétentieux. Je fronce les sourcils à cette pensée.
Etonnement, ça me fait un peu de peine de penser ça, car indirectement j’accuse Calum de leur ressembler. Et pourtant, même si je ne le connais pas vraiment, il n’a pas l’air d’être dans cet état d’esprit superficiel. Vraiment je ne comprends pas ce que ce groupe lui apporte.
*
Je me laisse tomber lourdement dans mon canapé après m’être préparé un bol de chocolat chaud aux épices puis j’entame la lecture d’un petit livre. D’habitude je déguste ce chocolat en hiver, pour Noël, mais ce soir j’ai envie d’en boire, j’ai envie de penser à cette période qu’est Noël. Penser aux couleurs, aux odeurs et surtout aux sons. Le livre que je suis en train de lire parle également de cette période, du bruit de papier froissé que fait la guirlande lorsqu’on l’enroule autour du sapin, les boules colorées qui s’entrechoquent joyeusement et la neige qui tombe avec un bruit sourd.
La neige.
Pour moi c’est la plus belle chose au monde, c’est ce qui m’a donné envie de teindre mes cheveux en blanc. Ce n’était pas une frivolité ou une envie de ressembler aux élèves de la section musique, non c’était plus profond que ça. S’il y a un bruit qui me plait par-dessus tout, c’est celui de la légère chute de ces particules cotonneuses. Quelqu’un d’autre que moi dira que la neige ne fait aucun bruit, ma mère elle a toujours été oppressé par le bruit de la neige qui tombe, elle trouvait ça pesant, lourd et c’était étrange que de si petites boules blanches pourtant légères puissent provoquer un tel chamboulement en elle.
Vraiment la neige m’intrigue et m’inspire.
Je pose mon livre et me poste devant ma baie vitrée qui donne sur le réverbère. J’ai hâte de voir les ombres floconneuses virevolter devant la source lumineuse, s’il ne fait pas trop froid je pourrais rester sur le balcon à observer et à écouter, me mettant à l’abris contre le paravent.
Oh !
A peine ai-je regardé la masse foncé que mon regard se pose automatiquement sur quelque chose de clair à sa base, comme un post-it qu’on aurait collé au sol de mon balcon. Je pose rapidement ma tasse et ouvre la baie vitrée, sentant mon cœur s’emballer. Ce n’est qu’un bout de papier, je suis stupide. Mais lorsque je déplie la petite feuille adhésive et y découvre une écriture malhabile sur laquelle se lit l’effort de propreté pour être rendue lisible, je ne peux m’empêcher de sourire.
« A notre voisine du B1 :
Quand j’ai vu votre mot j’ai tout de suite compris qu’il ne s’agissait pas de Daphnée, d’ailleurs je ne savais pas qu’elle était partie. Etes-vous une amie à elle ? En tout cas merci pour le courrier, ne vous inquiétez pas, les facteurs ici sont réputés pour être assez tête en l’air. Si bien qu’Ashton commençait à croire et surtout à se réjouir, que la loi l’avait enfin laissé tranquille...Mais non. Voilà la facture tant attendue.
Sinon c’était gentil à vous d’avoir refermé la languette et merci également pour le mot. Ce paravent est bien pratique mine de rien.
En vous souhaitant une bonne soirée ou journée, tout dépend le moment où vous allez lire ce mot, Ashton et moi vous remercions encore. Enfin non, pas Ashton, il aurait préféré ne jamais trouver cette facture… Mais bon, faites comme si il en était ravi.
Votre voisin du B2 »
Je fais glisser mes doigts sur les plis du papier et m’empresse de sortir une petite feuille. Qu’est-ce qu’il me prend ? Mon voisin m’a seulement répondu ce n’est pas le début d’une folle aventure, mais malgré tout j’ai envie de lui répondre, il a prit la peine de le faire, il a prit la peine de soigner son écriture, ça se voit, le stylo à presque transpercé la feuille tellement il s’est appuyé pour s’appliquer. C’est la moindre des choses.
« A un de mes voisins du B2,
En effet Daphnée est parti mais non je ne la connaissais pas avant d’aménager ici, je suis désolée si vous étiez attaché à elle. Si vous voulez je peux me renseigner pour vous à son sujet ?
Je suis d'autant plus navrée d’avoir brisé les rêve de votre ami mais je me voyais mal payer à sa place. En esperant qu’il ne m’en voudra pas trop.
Sinon je voulais vous remercier d’avoir pris le temps de me répondre, c’est rare de nos jours de trouver des gens qui ont encore la motivation d’écrire, c’était une bonne surprise et oui je suis d’accord pour dire que ce paravent est finalement pratique.
En vous souhaitant une bonne soirée ou journée, la prochaine fois qu’une de vos factures atterrira chez moi, je vous promets que je la brûlerai, ce devrait faire plaisir à votre ami !
Merci encore pour votre réponse.
Voitre voisine du B1. »
Comme la veille je vais ouvrir ma baie vitrée et glisse le bout de papier sous le paravent, le bloquant contre la même chaise qui me semble être plus proche qu’hier. Mon voisin l’a-t-il avancée en se doutant que je répondrais ? J’attends quelques minutes dans le froid, esperant entendre la baie vitrée voisine coulisser, mais rien ne se passe et bientôt je rentre à l’intérieur pour m’enrouler dans mes couvertures.
J’y pense, il ne m’a pas dit son nom dans son mot, peut-être le fera-t-il plus tard, après tout je ne l’ai pas fait non plus.
En tout cas bien que j’avais eu un doute à ce sujet pendant un moment, force était de constater qu’Ashton Irwin ne vivait pas seul dans cet appartement. Maintenant ne restait plus qu’à savoir si cet autre garçon était lui aussi accoutumé à se faire appeler monsieur.
Je souris en coin avant de m’endormir, repassant dans ma tête la vue de ce petit bout de papier glissé innocemment de mon côté de balcon et ce qu'il avait provoqué chez moi.
Si seulement il le savait.
~ Hello ! Bon j'ai finalement posté :') et j'espère pouvoir poster demain également ^^ sinon ça y est, la correspondance commence à prendre forme :) j'espère que ça vous plait ^^
Merci à tous pour vos lectures et messages !
Kactus
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