A l’entente de mon cri Michael se contracte plus que jamais et d’épaisses larmes viennent border ses yeux choqués. Je ne sais pas quoi dire, je ne m’attendais pas à ça et apparemment mon silence lui laisse présager le pire si bien qu’il se rue dans la pièce la plus proche, forçant sur ses bras tremblants pour faire avancer son fauteuil. A peine ai-je réussi à me sortir de l’étreinte de Calum que Michael a verrouillé la pièce de l’intérieur, brisant  le semblant de cœur qu’il me reste.

« - Calum c’est quoi ce bordel ?! Je t’avais dit qu’elle ne devait pas venir ! –Peste Ashton-

- Je ne voulais pas la laisser seule –Grogne le basané- J’ai peur pour elle.

- Moi aussi j’ai peur pour elle mais regarde ce qu’ils ont gagné ! –Je ne me retourne pas mais je sens leurs regards sur moi-

- Elle avait le droit de venir voir Michael, ce n’est pas de sa faute si il est aussi froussard !

- VA TE FAIRE –Hurle Michael depuis la pièce, essayant de cacher ses sanglots-

- M…Michael ouvre-moi –Dis-je d’une voix plaintive, tapotant doucement contre le bois de la porte-

- N…NON ! –Je baisse la tête-

- Heidi c’est inutile -Grogne Calum- bon en tout cas maintenant je sais que je peux te faire confiance Ashton. Du coup je pense qu’il faut que je te parle.

- A la bonne heure –Marmonne ce dernier avant de fermer la porte- tu veux boire quelque chose ?

- Juste un chocolat chaud merci, je pense qu’on ne va pas trop trainer, j’ai laissé Amarande toute seule à l’appart et je n’ai pas envie qu’il se passe quoi que ce soit.

- Elle est en danger elle aussi ? –Demande Ashton surpris-

- Qui ne l’est pas…

- C’est vrai que vu comme ça… Heidi tu veux boire quelque chose ? Heidi ? »

        Il me semble que je discerne mon prénom mais mon esprit est ailleurs. Fixé dans le passé, quelques minutes auparavant, lorsque mes yeux avaient croisés ceux de Michael. Il semblait terrorisé à l’idée que je puisse le voir, lui qui s’était donné tout ce mal pour se cacher de moi. Ai-je vraiment fait une bêtise en venant ici ? Est-ce que j’avais brisé quelque chose entre nous ?

        Je fais doucement glisser mes doigts le long de la porte. Même une fois chez lui, un autre mur en bois nous cache l’un de l’autre. Quelle ironie. Je m’assois devant la porte et la fixe, tapotant doucement le bois en espérant voir sortir Michael.

Mais il ne sort pas et je sens mon être se déchirer tout entier. J'avais attendu ce moment depuis si longtemps, j'avais placé tout mes espoirs dans cette rencontre, mais force est de constater qu'il ne veut pas me voir, il ne ressent pas ce même besoin que j’ai ressenti. Il n’a pas besoin de moi.

Une larme perle le long de ma joue et s’écrase dans mes cheveux en bataille.

Encore un amour à sens-unique.

*

        Je colle mon dos contre la porte et enfoui ma tête dans mes bras trop maigres, laissant couler silencieusement mes larmes. Ni Calum, ni Ashton n’ose m’approcher. Ils me laissent dans mon coin, comme une enfant et je crois que c’est mieux ainsi. Michael était la seule motivation qu’il me restait, le seul repère et maintenant il s’est écroulé.

        Je vais pour sortir un mouchoir de la poche de mon manteau lorsque je sens autre chose. Un bout de papier. Rapidement je le sors et prends un stylo sur le meuble d’entrée. Il n’y a toujours eut qu’un seul moyen de communiquer avec Michael lorsque la parole ne marchait pas.

« - Pourquoi tu te caches ? Je suis venu exprès pour te voir, pour te parler. Est-ce que je te fais peur ? Tu ne veux pas me voir ? »

Je renifle avant de faire glisser doucement le bout de papier sous la porte, priant pour qu’il soit derrière et qu’il le lise. Pas moins de deux minutes plus tard j’entends un bruit de papier dans mon dos et aperçois le bout de feuille sur lequel est à présent visible l’écriture que j’aime tant.

« Je t’ai dit que je ne voulais pas que tu me voies, j’ai honte de ce que je suis ! Pourquoi es-tu venu ? Pourquoi as-tu cherché à voir cette vision pitoyable de moi que je voulais t’épargner ? Je préfère te voir sans que tu le saches, te regarder rentrer des cours par exemple. Car au moins tu ne me vois pas. »

*

« - De quoi as-tu honte ? Tu n’as pas à te cacher de moi Michael ! Crois-tu que je sois ravie que tu me voies dans un tel état de santé ? Mon corps est asséché, mes cheveux sont horribles, mon visage est émacié. Je fais peur, je me fais peur. Mais je voulais quand même te voir. Sors s’il-te-plait. »

*

« - Bon je prends un autre papier car il n’y a plus de place sur l’autre. J’ai honte de ne pas être à la hauteur de tes attentes. En me parlant tu devais t’imaginer une version idéalisée de moi. Quand je me suis décrit je n’ai même pas eût la force et l’honnêteté de dire la vérité. Je ne suis pas grand ni musclé ni quoi que ce soit. Je suis un putain d’handicapé qui n’a aucune autre activité que d’aller et venir dans son appartement. Frustré à l’idée de te décevoir. Est-ce d’un ami comme ça que tu as revé ? Je ne crois pas. Je ne sortirai pas Heidi. »

*

«  Je n’attends rien de toi ! Je voulais seulement te revoir, ne pas avoir cette impression de parler à un fantôme. Je me doute qu’Ashton t’en ai parlé mais on m’a dit que tu étais mort. Je ne sais pas si tu imagines le choc que j’ai pu ressentir à ce moment-là. Je me suis tellement attachée à toi Michael. Tu comptes pour moi. »

*

«  Je ne peux pas agir comme un véritable ami, je ne peux même pas te protéger. Je suis bon à rien, je ne mérite que la solitude. Ne dis pas le contraire, depuis qu’on est entré à la fac je l’ai compris. J’ai compris que je n’étais pas intéressant, que j’étais trop faible et que les gens avaient honte de moi. Toi aussi tu peux avoir honte de moi, je ne le prendrai pas mal. Qui assumerait un ami handicapé ?

Moi aussi je me suis attaché à toi, mais je ne voulais pas lire ce que j’ai pu lire dans tes yeux tout à l’heure. J’avais peur de ta réaction, peur de te déplaire et tes yeux ont parlé pour toi Heidi. Je te comprends. »

*

«  Tu n’as pas besoin de tes jambes pour me protéger, si au moins tu savais ce que tes lettres m’ont apportées. C’est grâce à tes mots que je me suis liée à toi, je me moque du physique. Si vraiment il n’y avait que ça qui m’importait j’aurais arrêté de te parler. Mais c’est à la personne que tu es au fond que je me suis attachée. Oublie Marge et Daphnée, je ne suis pas comme elle. Je suis folle, certes, mais je sais reconnaitre une belle personne. Et tu es une belle personne. Je suis fière d’être ton amie Michael.

Je ne m’y attendais pas c’est tout, je ne voulais pas que tu te sentes jugé. C’est juste que je ne comprenais pas pourquoi tu t’acharnais à te cacher, je croyais que le problème venait de moi. Je ne pensais pas que tu souffrais autant. Pardonne-moi. »

*

«  Mes lettres t’ont fait du mal Heidi, je sais qu’à cause de moi tu as fait une dépression et que c’est cette dépression qui t’a affaiblie et empêchée d’affronter les récents évènements. Je sais que tout est de ma faute. Oui tu es folle, folle de t’être attachée à quelqu’un comme moi. Je ne mérite pas une amie telle que toi, tu mérites tellement mieux, comme Luke ou Ashton par exemple. Eux ils peuvent répondre à tes besoins, eux ont la chance de te côtoyer de près et de s’occuper de toi comme j’aimerais pouvoir le faire. Mais je ne peux rien faire pour toi Heidi en dehors de t’écrire de stupides lettres et te jouer un morceau de guitare. »

*

«  Michael je crois que tu ne comprends pas. »

*

« Quoi ? Explique moi. »

*

«  Mes sentiments pour toi. »

*

«  Heidi, tu mérites mieux que ce garçon que je suis. Tu ne peux pas avoir des sentiments pour moi, je suis un menteur, un froussard. Jusque là tu ne m'avais jamais réellement vu, je n'étais qu'une sorte de souvenir pathétique... Ne gâche pas ton temps avec moi. »

*

« Nous n’avons presque plus de temps à passer l’un avec l’autre. Même par correspondance. Je voulais juste passer mes derniers instants ici avec toi. Je voulais te voir avant de partir. Te dire la vérité. Mais à quoi bon finalement.

Je regrette d'être venu Michael.»

*

        Je m’affaisse contre la porte et mon cœur se serre lorsque j’entends Michael expulser un hoquet de surprise. Sauf qu’il n’ouvre pas pour autant et ne me répond pas. Achevant le peu d’espoir qu’il me reste. Je n’aurais pas dû lui parler de mes sentiments. Je suis tellement stupide.

        Je n'aurais pas dû venir un point c'est tout, Calum avait raison lorsqu'il disait que c'était stupide de se dire amoureuse de quelqu'un qu'on ne connaissait pas vraiment. Je regrette.

        Je renifle et fixe le bas de la porte, attentive au moindre mouvement, au moindre bruit de papier. Mais rien, il ne règne qu’un silence angoissant.

«Bon Heidi tu as fait tes adieux ? –Soupire Calum alors que je me pétrifie sur place-

-Adieux ? – Demande Ashton-

-Oui, j’allais t’en parler –Il hésite un instant se demandant si vraiment il peut lui faire confiance- je l’emmène loin d’ici.

-QUOI ? –Il se redresse et il me semble entendre du bruit dans la pièce où se trouve Michael- de quoi tu parles Calum ?

-J’ai décidé de partir d’ici, avec Heidi. Ca devient trop dangereux pour elle.

-Est-ce qu’elle est d’accord au moins ?

-Elle n’a pas le choix –Dit le basané d’un ton sec-

-Hors de question que tu l’amènes ! –Gronde le bouclé-

-Ah oui et pourquoi ?

-Michael a besoin d’elle !

-Laisse-moi rire ! –Gronde Calum- ça fait vingt minutes qu’elle est rabattue contre sa porte et il n’a même pas daigné lui ouvrir ! Non c’est décidé, je préfère l’amener avec moi plutôt que de la contempler en train de dépérir. Elle a besoin de changer d’air.

-Et les Erudits ? Ils vont vous traquer !

-Personne en dehors de toi n’est au courant. On partira du jour au lendemain pour l'effet de surprise. -Il marque une pause- Après il est possible que Michael, Luke et toi en subissiez les conséquences.

-Ca ne changera pas d'avec Daphnée. Mais, Heidi, est-ce que tu veux vraiment partir ? –Me demande Ashton alors que je fixe la porte d’un air vide-

-Je…. Je crois que oui, je n’ai plus rien à faire ici de toute façon. »

        Je me lève avec difficulté, me tenant contre la porte lorsqu’un bruit de verrou se fait entendre et qu’elle s’ouvre à la volée, me faisant perdre mon unique appui. Rapidement je n’ai plus d’équilibre et m’effondre contre Michael qui était sur le point de sortir.

« - H…Heidi ça va ?! –Me demande Michael inquiet, le visage ravagé par les larmes-

- T…Tu aurais pu me prévenir que tu allais ouvrir imbécile –Dis-je en massant mon dos qui vient de percuter l'armature de son siège-

- Pardon. »

        Je tente de me redresser mais ce dernier m’enroule dans ses bras froids, appuyant ma tête contre son épaule alors qu’il sanglote et que ses larmes s’échouent sur mon front. Mon cœur pulse à une vitesse incontrôlable et mes yeux se remplissent de larmes à ce contact. Instinctivement je m’agrippe à lui et serre son haut, passant une main dans sa nuque bouillante où se trouvent des marques longilignes et violacées. Sûrement les séquelles de sa tentative de suicide, ce genre de chose vous marque à vie, tant physiquement que mentalement.

Je ne veux pas le lâcher, depuis le temps que j’attendais de le prendre dans mes bras, de sentir son odeur, de me sentir prêt de lui. Je veux profiter.

        Là je me sens bien, c’est comme si tous mes problèmes venaient de s’envoler au seul contact de la peau de Michael. Son souffle chaud secoue mes cheveux et je serre un peu plus son tshirt, comme pour me prouver que ce n’est pas un rêve.

« - Heidi on y va –Soupire Calum-

- N…Non ! –Dis-je en même temps que Michael-

- Heidi tu m’as promis qu’après avoir vu Michael tu partirais sans faire d’histoires !

- Fiche-lui la paix –Grogne Michael en resserrant son étreinte contre mon corps frêle, me faisant frissonner-

- Elle ne peut pas rester ici –Tempête Calum- regarde -la ! Ashton toi tu as vu son état se détériorer, tu sais qu’elle doit partir !

- O…Oui mais –Ashton rougit, posant son regard sur Michael qui lui lance un regard assassin-

- Vous voulez qu’elle devienne complétement folle ? Vous voulez qu’elle subisse ce que Daphnée a subit ? Michael si tu t…

- Ne parle pas d’elle ! –Gronde Michael-

-Bon on se calme –Intervient Ashton- Calum, j’ai une idée, laisse-la rester ici ce soir et demain je te promets que je te la ramène.

-Je ne veux pas qu’elle parte ! –Braille Michael en me serrant le plus fort possible contre son corps-

-Michael ! –Lance Ashton- C’est pour son bien.

-Ashton elle ne peut pas aller bien avec un Erudit ! »

        Calum manque de coller un poing à Michael avant de finalement partir en claquant la porte, suivi de près par Ashton qui tente de le raisonner. Nous laissant seuls Michael et moi au milieu de l’appartement silencieux. Les choses viennent de se succéder à une vitesse folle, j’ai la tête qui tourne et j’ai l’impression d’avoir assisté à une scène surréaliste si bien que je suis obligée de me reculer pour observer Michael. Il évite mon regard et ses joues prennent une teinte rosée.

« - Q…Quoi ? –Dit-il gêné-

-Je vérifiais que je ne rêvais pas –Je passe doucement ma main osseuse contre sa joue, en retraçant les courbes du bout des doigts-

-Non… Cette fois-ci je suis bien là.

-Tu ne vas plus te cacher ? –Je demande timidement, plongeant enfin mes iris bruns dans ses yeux clairs-

-Je n’ai plus vraiment le choix maintenant –Dit-il en passant sa propre main sur ma joue ce qui me provoque la chair de poule, depuis que je lui avais donné la main je rêvais de son toucher- Tu es encore plus belle que ce que j’imaginais.

-Menteur –Je rougis et enfoui mon visage dans mes cheveux blancs-

-Non je suis sérieux –Il glousse doucement en poussant mes cheveux derrière mes oreilles- Ce que je vais te dire va te sembler égoïste mais… Je ne veux pas que tu partes.

-Moi non plus –Dis-je en posant mon regard timide sur ses cheveux que je touche du bout des doigts-

-Et encore moins avec lui –Il fronce ses sourcils-

-J’ai confiance en Calum –Dis-je simplement en faisant une petite natte rouge dans ses cheveux-

-Si tu pars je… Je vais être tout seul –Il déglutit- Ok je ne suis pas vraiment raccord avec ce que je te disais par papier tout à l’heure mais je…. De savoir que tu allais partir ça m’a fait réfléchir… Et je sais que j’ai besoin de toi. C'est la seule chose qui m'importe.

-Vraiment Michael ? –Je demande en le regardant à nouveau-

-Oui. »

        Je me blottis à nouveau dans ses bras et le laisse me positionner correctement sur ses genoux. ‘Je ne suis pas trop lourde ?’ Evidemment le regard qu’il me lance me prouve que j’ai été stupide de demander ça. Il n’a plus l’usage de ses jambes. C’est tellement bizarre de se dire qu’il ne sent rien, que malgré le fait que moi je sente ses cuisses sous moi, lui à l’impression de n’être qu’envahi de vide. Je regarde ses jambes et caresse timidement son genou gauche. Il n’a aucune réaction. Alors je remonte ma main contre sa joue, le laissant frotter doucement son visage rond contre mes doigts. Sa peau est douce et bientôt ses yeux se ferment sous mon toucher. Je touche doucement son piercing avant de dessiner ses arcades de mes pouces, glissant le long de sa machoire et faisant courir mes phalanges le long de ses lèvres qui s’entrouvrent dans un léger bruit humide, faisant s’échouer son souffle chaud contre ma main.

Le pauvre, tant de souffrance en une seule personne. Il ne mérite pas ça.

« - Michael ?

-Oui ? –Il ouvre un œil et je retire doucement ma main de contre son visage-

-Est-ce que tu vas me dire la vérité ? –Je le regarde dans les yeux- S’il-te-plait.

-J’imagine qu’on a jusqu’à demain pour parler –Il sourit timidement- alors oui. Je vais tout te raconter. Mais promet moi de ne pas juger, j’ai suffisamment honte. »

~ Voilà :) Bon j'ai honte de vous avoir fait patienter jusqu'à aussi tard pour un chapitre pareil :( en plus j'ai dû ramener une amie donc je suis rentrée plus tard que prévu :(

Je suis désolée si vous vous attendiez à mieux, le suspenses revient bientôt :)

Merci à tous !

Kactus