24 ~ The Caterpillar's Straitjacket

        Je suis déjà au sol mais ça ne m’empêche pas de ressentir cette sensation d’écrasement total, comme si le paravent s’était écroulé sur mon corps chétif. Me réduisant à l’état de souffrance. Je ne bouge pas, de toute façon mon corps s’est pétrifié dans mon cocon qui à présent me fait plus penser à une camisole. Je fixe un point invisible, seuls mes doigts s’activent à triturer la couette qui commence à s’abimer et j’entends toujours Ashton respirer derrière le paravent, sauf qu’il ne dit rien lui non plus. Il ne doit pas être ravi de voir que son colocataire est parti par ma faute.

« Q…Quand est-il parti ? –Je demande d’une voix malhabile-

-Cette nuit. On s’est un peu disputés.

-Je vous ai entendu –Dis-je en repensant aux bruits de fracas qui m’étaient parvenus aux oreilles hier soir-

-Tu ne dormais pas ?

-Ca fait quelques jours que je ne dors plus.

-Alors tu l’as entendu ? –S’empresse-t-il d’ajouter-

-Entendu quoi ?

-Il est sorti sur le balcon, cet imbécile a crié pour te parler.

-Oh je –Je cherche un mensonge mais si je les avais entendu se disputer il était juste impossible que je n’ai pas entendu ses lamentations- eh bien..

-Je n’y crois pas ! –Dit-il d’une voix forte qui me fait me tasser encore un peu plus dans ma prison de textile- Tu étais là, tu l’as entendu et tu n’es même pas sorti !

-Je… Je n’osais pas, je ne savais pas quoi faire !

-Heidi tu as accepté de parler avec Luke mais nous tu refuses de nous parler, tu nous écoutes nous plaindre mais tu fais comme si nous n’existons pas ! A quoi tu joues bordel ?!

-Je…

-Quand Michael a appris que tu avais passé du temps avec Luke, il est devenu complétement fou !

-Ca ne devait pas changer de d’habitude –Dis-je en pensant parler dans ma tête-

-PARDON ? –La voix rugissante d’Ashton me paralyse un peu plus et je m’enfouis de nouveau dans ma couverture comme une enfant qui a peur de se faire gronder-

-J…Je suis désolée… -Couiné-je d’une voix calfeutrée par la couverture- Je ne voulais pas dire ça je..

-Heidi sors ta tête de cette putain de couverture, je n’entends rien!

-Je m’en veux Ashton –Dis-je en sortant à peine la tête du tissu, assez pour respirer-

-Et encore heureux, je pense que si tu avais dit le contraire j’aurais réduit ce paravent en cendres pour venir te mettre une bonne gifle. Non mais je rêve, pourquoi tu nous fait ça ? Pourquoi quand Luke vient te voir, ni une ni deux tu gambades avec lui ? Tandis que moi je me retrouve à devoir me battre avec mon ancien meilleur ami ? POURQUOI ? Dois-je te rappeler ce qu’il s’est passé lors de la soirée d’inté ?

-Vous n’avez pas fini de vous renvoyer la balle tous autant que vous êtes ?! –Dis-je en explosant- Vous n’êtes rien de plus que des menteurs, toi, Michael, Luke, Calum. Je vous déteste ! Tu me dis que ce n’était pas ton idée, sauf que Luke me dit la même chose, alors quoi, c’est Michael ? En attendant toi comme Luke vous avez cautionné son mensonge, tu as joué le jeu, tu m’as présenté Luke comme étant Michael, vous vous êtes foutu de ma gueule jusqu’au bout !

-En attendant Michael était sur le point de te dire la vérité, mais toi tu l’as ignoré ! Tu lui a répondu comme s’il n’était qu’une merde ! J’ai vu ce que tu n’as pas vu Heidi, j’ai vu son visage devenir aussi blanc qu’un linge lorsqu’il a lu ton dernier message. J’ai vu dans ses yeux la détresse, la perte de quelque chose à laquelle il se retenait ! Ca tu ne l’as pas vu, tu ignores sa réaction. Tu ne le connaissais pas, tu l’as jugé alors qu’il pensait qu’il pouvait te faire confiance ! –Chaque mot craché par Ashton me fait l’effet d’un morceau de corde supplémentaire qu’on enroulerait autour de mon cou à présent serré au maximum- Tu veux que je te dise un truc ? –Sa voix tremble et fini par se briser-

-Q…Quoi ?

-C’est de ta faute si il est parti ! »

        Ca je le sais, pas besoin d’Ashton pour le comprendre. Mais malgré tout je ne peux m’empêcher de pousser un cri strident et de me rouler sur mon balcon comme une hystérique, frappant le sol de mes poings affaiblis et pleurant à chaudes larmes. Je sais que c’est de ma faute, je sais que je ne suis pas quelqu’un de bien. Mes cheveux blancs ne sont qu’un leurre, mon corps est pur, mais mon âme ne l’est pas, je fais du mal aux autres pour inconsciemment me venger de mon passé. Je sais très bien pourquoi je n’ai pas d’amis, pourquoi mes parents m’ont laissé quitter la maison pour prendre un appartement alors que je n’étais pas dans un état très stable. Parce que je fais du mal sans le vouloir. Peut-être même le déces prématuré de mon petit frère avait été un signe, il ne fallait pas qu’il naisse dans une famille pareille, avec une sœur comme moi.

Mon pauvre petit Oscar, ce que tu dois être mieux là où tu es.

        Je pousse de petits cris sans penser une seconde au fait qu’Ashton est toujours là et m’entend. Je crois même qu’il me regarde. Je suis pitoyable. Les Erudits ont raison et Michael avait tort. Je devrais me cacher, m’en aller. Ca ne ferait de mal à personne, au contraire. C’est parce que je suis arrivée dans ce logement que tout a changé, si j’étais resté chez mes parents on n’en serait pas là. Je n’aurais pas fait la connaissance d’Ashon et Michael, J’aurais croisé Calum à mon cours d’écriture, il m’aurait exaspéré avec son ordinateur mais je n’aurais pas cherché à le connaitre plus, je l’aurais snobé comme je fais avec tous les élèves de la fac de littéraire. Je ne suis amie avec lui que parce que ce dernier a fait en sorte que ça n’arrive.

        Ma seule amitié spontanée, le seul moment où j’avais l’impression d’être libre et d’être honnête c’est lorsque j’échangeais avec Michael, cet illustre inconnu qui prenait le temps de m’écrire. Mais même lui j’avais réussi à l’atteindre, à l’empoisonner avec ma pseudo pureté.

        Je continue à frapper le sol, sentant une douleur parcourir mes poings puis des fourmillements, me procurant une sensation de froid désagréable. Qui de Michael ou de moi est le plus instable ? Lui au moins a eu la brillante idée de partir loin de la douleur tandis que moi  je sombre un peu plus dedans chaque minute. Plus aucun bruit ne me parvient du balcon voisin. Sûrement Ashton en a-t-il eût marre de m’entendre couiner comme une pauvre gamine ou bien me fait-il ressentir ce que Michael avait ressenti hier soir, lorsqu’il avait crié contre le paravent dans l’attente d’une réponse. Je l’avais entendu, mais je n’avais rien fait. Je l’avais laissé s’égosiller, ignorant sa douleur. C’est ce que fais Ashton et je me sens terriblement abandonnée.

J’ai abandonné Michael.

*

        Je ne sais pas quand est-ce que je vais m’arrêter de chouiner, sûrement les gens vont finir par sortir la tête de leur fenêtre et me demander de me taire, mais à cette heure-ci, tous les étudiants sont en cours, à l’inverse d’Ashton et moi. D’ailleurs pourquoi n’est-il pas en cours lui ? A-t-il été de nouveau expulsé ? Ou bien était-ce parce qu’il avait de la peine pour son ami ? Encore une fois c’était de ma faute. J’arrête de frapper le sol et approche mes poings devant mes yeux troubles. Je saigne, je sens le liquide chaud couler le long de mes poignets, devenant rapidement froid au contact de l’air. Peut-être mes larmes sont de sang elles aussi, à vrai dire je m’en moque, je laisse ma tête se poser lourdement contre le sol en béton et regarde le paravent érigé au-dessus de moi. Sans cette imposante planche, j’aurais pu voir Michael.

Mais il semblerait que jamais plus je n’aurais d’occasion de voir son visage.

        Je renifle, laissant mon corps pris de spasmes se remettre de ma crise. J’aurais dû répondre à Michael, l’écouter comme lui m’avait écoutée. Je suis si égoïste, si néfaste. En fait je pourrais très bien rentrer dans le groupe des Erudits si mes parents avaient des métiers un peu plus valorisants. Cette pensée me donne la gerbe, imaginer un instant faire partie de ce groupe m’horripile, mais je fais du mal presque autant qu’ils en font.

        Ma joue qui frotte contre le béton lorsque j’hoquète me fait mal. Tout me fait mal de toute façon, je ne suis plus à une douleur près. Je sais que c’est démesuré, tout ça pour un garçon, mais je n’ai plus d’emprise sur mon être, sur ma raison. Je suis trop fatiguée pour me contenir et bientôt je m’endors contre le sol inconfortable.

*

        Est-ce ma joue qui saigne, cette sensation de froid qui me prend toute une partie du visage ? En tout cas je me tourne sur moi-même avant de sentir la surface froide foudroyer chaque partie à nue de mon corps. Où est ma couverture ? Mes poils se hérissent et je sens mes muscles se raidir sous mes frissons. Je suis trop fatiguée pour ouvrir les yeux mais je dirais que je ne suis plus sur mon balcon, je n’entends plus les bruits de l’extérieur, où bien suis-je devenue sourde à force de crier ? Non, je perçois des bruits de pas autour de moi. Je ne suis pas seule, je sais que je ne rêve pas. Je bouge un petit peu et sursaute lorsque quelque chose se resserre autour de mes épaules.

«  Chut reste calme. »

      Mon coeur manque d'eploser. Il y a quelqu’un chez moi. Un garçon. Comment est-il entré ?! Je tente de me redresser mes ses mains sur mes épaules me maintiennent allongée. A mesure que la raison me revient, je comprends que je ne suis pas en train de saigner de partout. Cette sensation désagréable de froid c’est mon canapé en cuir et bientôt je parviens à ouvrir un œil, bien décidée à savoir qui est l’inconnu qui s’est introduit chez moi. Sauf que ce n’est pas un inconnu et ça me parait surréaliste.

Au-dessus de moi je discerne les bouclettes en désordre d’Ashton, ses mains resserrées autour de mes épaules.

« - Repose-toi Heidi –Me chuchote-t-il alors que j’ouvre la bouche-

-A…Ashton ?!

-Tais-toi –Soupire ce dernier, approchant ce que je pense être un gant humide de mon visage- Je suis désolé de t'avoir crié dessus.

-C…Comment tu…

-Je connais les codes des batiments et j’ai le double des clés de cet appartement. »

        J’hausse un sourcil. Même si je suis sonnée je comprends bien que la situation est pour le moins étrange. Pour le code du B1 je conçois que son père ait pu lui dire, mais comment se fait-il qu’il ait le double des clés de cet appartement précisément ? Même si son père gère les deux bâtiments, c’est louche qu’il ait un double. Je lui lance un regard lourd de soupçons, histoire d’économiser ma parole et à ma grande surprise ce dernier me comprend.

« - C’est un peu long à expliquer –Dit-il-

-J’ai le temps, je suis en train de comater –Dis-je alors qu’il me passe le gant sur le visage-

-Eh bien, si j’ai les clés de cet appartement c’est parce qu’avant je passais mes journées ici –Je le dévisage avec surprise- tu dois avoir deviné pourquoi.

-J’ai une tête à comprendre tes énigmes ? –Dis-je faiblement ce qui lui déclenche un petit rire-

-Non en effet –Il regarde chaque recoin de mon appartement- en tout cas ça a bien changé. »

Une minute, j’ai déjà entendu ça quelque part. Je fronce les sourcils et essaye de retourner en arrière, lorsqu’un autre garçon qu’Ashton se tenait là, me tenant les mêmes propos. C’était Calum, lorsqu’il était venu pour la première fois depuis le départ de... Eh !

« Daphnée ! –Dis-je dans un souffle alors que le bouclé acquiesce-

-C’était ma petite amie, à l’époque. Je venais la voir souvent et c’est pour cette raison que j’avais la clé, c’était trop dangereux de passer par le balcon.

-Mais et aujourd’hui ?

-Ca fait des mois que je ne suis plus avec elle.

-A cause des articles dans le journal des Erudits ? –Il me regarde de biais-

-Je vois que Luke t’a parlé de pas mal de choses. –Mes joues prennent une teinte rosée- Oui c’était en partie à cause de ça –Dit-il en regardant les murs comme si un fantôme allait en surgir- mais j’aurais préféré que ça ne soit que ça.

-Tu sais qu’en disant ça tu attises ma curiosité –Dis-je en essayant de me redresser mais ce dernier me maintient allongée sur le canapé- Pourquoi as-tu gardé cette clé ?

-Je ne sais pas, en souvenir du bon vieux temps.

-Est-ce que Daphnée avait le double de ton appartement ?

-Oui, mais elle me l’a rendu avant de partir, elle ne voulait plus venir. -Je soupire-

-Pourquoi ?

-Car il y avait Michael à ce moment là. –Je fronce encore plus les sourcils-

-Attends… T’es pas en collocation avec lui depuis la première année de fac ?

-Pas du tout, Michael est arrivé en deuxième année, en même temps que Daphnée, c’était mon binôme en musique mais il venait de rompre avec sa copine donc il était retourné vivre chez ses parents.

-Il était en quoi avant d’arriver en musique ?

 -En littéraire»

~ Bonsoir :) je poste plus tôt ce soir ^^ j'espère que ce chapitre vous plaira, peut-être vais-je faire une double update mais je ne promet rien :/ en tout cas merci encore pour votre soutien et pour m'avoir rassurée quant à mon chapitre précédent ^^ Bientôt vous commencerez à avoir des réponses à vos questions, promis !

PS : Straitjacket = Camisole

Kactus

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