Chapitre huit
J'étais allongée sur mon lit, les yeux grands ouverts, ne pouvant décidément pas dormir. Claire était partie en fin de soirée, nous avions dîné ensemble. Ce que j'avais appris a déclenché en moi un sentiment de joie mêlé à de la tristesse. J'étais heureuse de partager le même sentiment avec lui, mais à la fois triste de ne pas pouvoir l'assurer pleinement. On souffrait tous les deux de cette situation, c'était insoutenable.
Un petit bruit retentit dans ma chambre. Je me redressai et vis sur mon ordinateur que j'avais une notification. Je l'ouvrai et vis que JongDae m'avait envoyé un message.
-Tu dors ?
J'hésitai à lui répondre, restant immobile à fixer l'écran. Mais je finis par faire courir mes doigts sur le clavier, dans le but de saisir ma réponse.
-Non. Je n'y arrive pas.
-Tu penses beaucoup, sûrement.
Ce garçon me connaît définitivement bien.
-Oui, c'est ça. Tu as vu juste.
-C'est parce que j'ai appris à te connaître.
Je me mordis la lèvre et essayai tant bien que mal à retenir mes larmes.
-Désolé de ne pas avoir accepté ton cadeau toute à l'heure.
-Je comprend, ne t'inquiètes pas. C'est moi.
-Mais même si je n'y ai pas goûté, j'apprécie ton geste. Comme tous les autres, d'ailleurs.
-Merci.
-J'ai longtemps réfléchi. Et j'ai pensé à un conte à propos de nous. Tu sais, je te vois comme quelqu'un qui vit dans l'ombre, alors que je suis quelqu'un qui vit dans la lumière. Nous sommes le jour et la nuit. Le jour, le Soleil resplendit. La nuit, la Lune brille. Ces deux astres se succèdent au fil des heures, mais jamais ils ne se rencontrent. Comme deux éternels amoureux qui font la course pour se retrouver. Mais comme chacun avance, ils ne se verront jamais.
Une larme roula sur ma joue, je lui répondis :
-C'est vraiment beau ce que tu dis. J'ajouterai même que ton sourire est un rayon de Soleil.
-Tes yeux sont deux étoiles dans la nuit.
Je souris, mais ne pus retenir les larmes qui alors se succédaient les unes aux autres.
-Ne pleure pas, JiHye. Un jour tu réussiras à venir vers moi. Tu sais ce que c'est une éclipse ?
-Oui.
-Attends le bon moment pour que le Soleil et la Lune puisse enfin se rencontrer.
Je souris. Il avait toujours les mots justes pour pouvoir me réconforter. Un appel audio fut lancé, j'acceptai mais désactivai la caméra.
-J'avais envie que tu me vois.
-Et moi, que tu m'entendes.
Il était bouche-bée. J'avais laissé le micro, je ne l'avais pas éteint. Il mit son visage dans ses mains, avant de les enlever, surpris comme jamais. Je souris, fière de ma surprise.
-C'est pour me faire par-
-JiHye. T'as pas à t'excuser.
Il mit sa main sur la caméra, comme s'il me caressait la joue. Je mis aussi la mienne. Ce moment était celui où j'avais le plus avancé dans notre amitié. C'était un pas de plus. J'envoyai un message à Claire, toute contente, tout en continuant à discuter avec JongDae. Elle me répondit "Faites un trou dans le mur, c'est mieux". J'éclatai de rire, JongDae se demanda qu'est-ce qu'il se passait. Je lui expliquai, il rit à son tour.
-Cette enfant est incroyable.
-Oui, vraiment.
-Des fois, heureusement qu'elle est là.
-Des fois ? Moi c'est toujours.
-Ahah, oui c'est vrai.
-JongDae ?
-Oui ?
-Toute à l'heure, quand elle est venue te voir... tu n'allais pas bien ? N'est-ce pas ?
Il ne répondit pas tout de suite, fixant un point sur son clavier. Je me demandai alors en ce moment même pourquoi j'avais posé cette question idiote qui était bel et bien rhétorique.
-T'es pas obligé de répondre, je connais la réponse. Je vois pas pourquoi je...
-Je te veux.
Une décharge électrique parcourut mon corps tout entier. Qu'est-ce qu'il veut ? Moi ? Non, ce n'est pas possible. Qu'ai-je fait pour qu'il me désire de la sorte ? Dans ses yeux, fixant la caméra, comme plongeant son regard dans le mien, il y avait une sorte de détermination. Une triste détermination. Il souffla un bon coup et commença alors un long récit.
-Cela fait maintenant un mois que nous nous connaissons. J'ai d'abord trouvé cela amusant que tu gardes autant de mystère autour de toi. J'ai petit à petit écorché la coquille et entrevu certains de tes aspects. J'ai alors découvert une personne qui méritait beaucoup d'attention. Comme le fait Claire, j'ai envie de te consoler, de te réconforter quand ça ne va pas. Mais j'ai aussi envie de partager des moments de joie et de bonheur avec toi. Jamais je n'ai rencontré une fille aussi attirante que toi. JiHye, mon amitié est passé au stade supérieur. Celui de l'amour.
Un long silence défila entre nous, en coup de vent, comme une barrière supplémentaire entre nous. Il y avait tellement de barrières que je ne savais plus laquelle je devais briser en premier.
-Non, je ne me suis pas entraîné devant le miroir.
Nous rîmes tous les deux. Il avait toujours les bons mots pour détendre l'atmosphère.
-N'oublie pas ce que je viens de dire, et ne doutes jamais de mes mots. Claire a dû te le dire, je pars dans une semaine si rien ne change. Je suis désolé, mais je n'ai pas envie de souffrir. Enfin... je serais prêt à souffrir pour toi, en t'attendant. Mais comme je suis déjà en train de le faire, si j'attend encore quelque jours, ça risque d'être insupportable et je serais contraint de partir. Pour oublier tout ça. Alors que je ne veux pas.
Au fur et à mesure qu'il parlait, sa voix commençait à s'affaiblir. Je baissai la tête. Puis, une douce mélodie commença alors à s'élever dans l'air. JongDae chantait. Il s'agissait de Best Luck, la chanson qu'il avait écrit lui-même et qu'il chantait quelquefois chez lui. Que j'écoutais à son insu. Je me mis alors à chanter avec lui, il fut surpris de mon initiative. Nous chantâmes alors ensemble, en chœur. Avec le cœur.
Quand la chanson toucha à sa fin, je coupai l'appel. Tout de suite après, JongDae m'envoya un message si tout allait bien. Je ne lui répondis pas et fonçai jusqu'à l'entrée. Je me chaussai et mis ma veste, puis sortis pour arriver devant sa porte. Je me coiffai de ma capuche...
Et sonnai.
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