Chapitre 9


Isaac se tenait le ventre, assis sur le canapé du salon du loft. Il n'avait pas mal à proprement parler, mais c'était... Dérangeant. Atrocement dérangeant.

- Tu es sûr que tu ne veux pas tenter de prendre un cachet ? Peut-être que ça pourrait t'aider... Tenta Lydia, installée à ses côtés.

Le bouclé secoua la tête. Selon lui, c'était inutile et Derek le conforta dans son idée :

- Puisque les loups-garous ne peuvent pas tomber malade, ce n'est pas un Doliprane ou du Spasfon qui vont l'aider.

Il marquait un point, mais la banshee se sentait dépassée. Cette journée était longue, atrocement longue et elle ne savait plus où donner de la tête. Entre Isaac, Stiles, Liam et Scott... Elle avait donné, même si pour certains, c'était indirectement. Elle restait toutefois fortement préoccupée à cause de tous les évènements s'étant déroulés ce jour et elle craignait déjà l'arrivée d'un nouveau problème. Le soudain mal-être d'Isaac lui faisait d'ores et déjà craindre le pire, à la différence que cette fois-ci, il était complètement lui-même et ne quémandait pas Stiles à coups de pleurs et de cris. Cette fois, il était calme, parfaitement calme.

Derek éclaira alors la banshee en s'adressant au bouclé :

- Pourquoi tu stresses, Isaac ?

Le susnommé hocha la tête après avoir un peu hésité. Il avait un peu honte d'être percé à jour si facilement, mais il ne pouvait en être autrement, avec un autre loup-garou face à lui. Sans chercher à se cacher plus que cela, Isaac avoua ce qui le préoccupait au point de lui mettre le ventre sens-dessus-dessous :

- J'arrête pas de me dire qu'on aurait pas dû laisser Stiles rentrer chez lui. Je sais pas, j'ai... Un mauvais feeling. Ça me stresse.

Derek hocha la tête, compréhensif. Pour être tout à fait honnête, il s'inquiétait également, surtout depuis qu'il avait appris ce que Liam avait essayé de faire – involontairement, il en était certain. Il continuait d'enrager intérieurement mais se devait de garder la face et de montrer l'exemple. Il avait beau n'être plus qu'un bêta, il avait tout de même l'image de l'aîné, de celui sur lequel on se reposait. Alors tant que Lydia et Isaac étaient chez lui, il ferait l'effort de se contenir.

- Si tu veux, on peut essayer de l'appeler et s'il ne répond pas, on ira le voir chez lui, d'accord ? Proposa la banshee.

Son idée fut retenue et Isaac oublia, dans la foulée, de parler du bandage qu'il avait entrevu. Son stress était si grand qu'il éclipsait tout le reste.

xxx

Stiles se laissa tomber à terre, tout tremblant. Ses sanglots étaient bruyants et incontrôlables, tout comme cette pulsion qui l'avait poussé à faire plus que d'ordinaire. Il avait les bras pleins de sangs et ça n'en finissait pas de couler, si bien qu'il avait plutôt intérêt à se soigner s'il ne voulait pas avoir de problèmes.

Mais Stiles s'en voulait. Il s'en voulait parce qu'il ne voulait pas se tailler autant. Voir tant de sang ne l'aidait pas à se calmer, bien au contraire : il était à la limite de vomir. Ses mains tremblaient, il les regardait, constellées du sang de ses bras qu'il avait tenté d'essuyer rapidement et sommairement. Quelle perte de temps... Cela continuait, encore et encore. Il y en avait trop, il avait abusé, n'aurait pas dû se laisser submerger par cette étrange pulsion. Toutefois, il ne comprenait pas : comment avait-il pu... Se faire ça ? Il ne s'aimait pas, certes, mais de là à... Se massacrer... Non, pas à ce point-là. Tout ce qu'il savait, c'est qu'il était horrifié et qu'il ne voulait pas se faire ça. Les proportions qu'avaient pris son petit rituel étaient trop graves et il s'en rendait compte.

Et c'est en tremblant comme une feuille qu'il se releva et tenta de se soigner, les joues ruisselantes de larmes.

Une quinzaine de minutes plus tard, ses bras étaient bandés et la salle de bain, nettoyée, vide de son précédent occupant. Jamais Noah ne pourrait deviner, en rentrant le soir, la boucherie à laquelle s'était adonné son fils.

xxx

Lorsque son téléphone sonna, Stiles hésita franchement à décrocher. L'envie et la motivation lui manquaient, mais il savait au fond de lui qu'ignorer cet appel lui apporterait des problèmes, parce qu'il savait pertinemment que ne pas répondre n'était pas dans ses habitudes et alerterait tout de suite. Une autre partie de son cerveau lui soufflait que son comportement n'alerterait personne mais que répondre lui apporterait la tranquillité dont il avait tant besoin. Stiles se redressa alors et vit le reflet de son visage dans le petit miroir face à son lit. Les joues toutes aussi rouges que ses yeux, les sillons pas encore secs que ses larmes avaient laissé. Cela faisait à peine quelques minutes qu'il avait arrêté de pleurer et pour lui, il était trop tôt pour parler, pour avoir un contact social, pour... Faire bonne figure. Son acte le hantait tout autant que les nombreux incidents de cette journée maudite : autant dire qu'il avait besoin de repos.

Mais il décrocha, encore, parce que d'un côté, il avait peur qu'on ait encore besoin de lui. Et son côté trop gentil était toujours prêt à aider.

- Allô ? Finit-il par dire en essayant de contrôler sa voix.

- Stiles ! C'est moi, lâcha Lydia au bout du fil.

- Ah euh... Cool, j'imagine, qu'est-ce qu'il y a ?

Pour le moment, il ne s'en sortait pas trop mal, mais il devait faire de gros efforts pour être discret et ce n'était pas simple. Sa gorge était nouée et les larmes pouvaient revenir à tout moment. Il espérait que, pour sa santé mentale, Lydia ne lui parle pas de tout ce qu'il s'était passé au loft. Il avait durement négocié pour pouvoir s'en aller, il était hors de question pour lui d'attirer à nouveau l'attention et de risquer qu'on essaie de le surveiller. Du temps, de la tranquillité : c'était tout ce dont il avait besoin pour se changer les idées et aller mieux.

- Je t'appelais parce qu'Isaac s'inquiète, et j'avoue que moi aussi. Au vu de la tête que tire Derek, je suppose que c'est la même chose pour lui.

Tant de sollicitude de la part de ses amis devrait lui faire plaisir mais elle l'angoissa plus qu'autre chose. Il avala lentement sa salive et usa de tout son self-control pour empêcher sa voix de trembler lorsqu'il récita son mensonge :

- Vous n'avez pas à vous inquiéter pour moi.

Je ne le mérite pas.

- Je vais bien.

Non.

- J'ai juste... Besoin d'un peu de tranquillité. Cette journée était épuisante et ça fait juste un peu beaucoup pour mon petit cerveau d'hyperactif un peu faible.

C'est bien, s'encouragea-t-il, continue. Il ne fallait pas que sa voix tremble et sa manière de parler devait être habituelle : son jeu devait être sans faille. L'on n'avait pas à se douter que Stiles mentait sur toute la ligne, qu'il était encore sous le choc de ce qu'il s'était fait.

- Alors vous m'en voudrez pas de vous avoir quittés aussi vite mais j'ai envie de dormir.

Les minutes furent longues et l'entretien, fastidieux, mais Stiles finit finalement par rassurer Lydia – et Isaac, qui s'était invité dans l'appel. Derek n'avait pas fait son apparition mais l'hyperactif se doutait qu'il devait écouter la conversation de loin. Pour quelle raison ? Il n'en avait aucune idée, mais il savait que c'était possible. Derek était toujours partout et nulle part à la fois, tout comme il se tenait au courant de tout, histoire de savoir à quoi s'attendre et ne pas tomber des nues si quelque chose venait à arriver. Qu'il n'ait crainte : Stiles ne comptait pas faire de bêtise. Du moins, pas plus grandes que celles qu'il faisait déjà en secret dans la salle de bain. Mais ça, Derek n'avait pas à le savoir.

Stiles poussa un profond soupir de soulagement lorsqu'il eut enfin raccroché. L'appel téléphonique n'avait pas duré plus de dix minutes, mais l'hyperactif était déjà éreinté mentalement, si bien qu'il avait failli briser le contrôle bancal qu'il avait sur lui-même.

Le soulagement passé, le stress revint et Stiles se rallongea sur son lit après avoir mis son téléphone en veille. Se calmer. Il devait se calmer. Et oublier, aussi. En fait, il fallait qu'il passe outre. Il avait fait une bêtise parmi d'autres et ce n'était pas grave. Il faudrait juste qu'il fasse un peu plus attention à l'avenir. Se soulager de sa peine, d'accord, mais sans abuser non plus. Là, il s'était... Détruit les bras, complètement charcuté. Alors que les larmes inondaient à nouveau ses yeux de miel, il tira sur ses manches jusqu'à ce qu'on ne puisse voir que le bout de ses doigts. Honte. Il avait honte.

Il ferma les yeux et seul le silence put témoigner de son chagrin.

xxx

Dimanche.

Il était dix heures et demie. Noah, qui n'était rentré qu'aux alentours de vingt-deux heures après avoir pris un verre avec ses collègues, n'avait pas eu l'occasion de voir son fils qui dormait à poings fermés à son retour. Il aurait bien aimé se rattraper en ce jour mais un shérif de sa trempe n'avait jamais vraiment droit au repos, si bien qu'on l'avait appelé à sept heures pour une affaire urgente. Il avait alors envoyé un texto à son fils, qui l'avait survolé du regard avant de reposer son téléphone à côté de son oreiller. Aucune importance, il n'avait pas envie de passer du temps avec qui que ce soit, pas même son paternel. Tout ce qu'il voulait, c'était dormir et... Dormir. C'était la seule chose qu'il se sentait capable de faire dans son état. A travers ses bandages grossièrement faits, ses trop nombreuses plaies le piquaient. De source sûre, c'était la première fois que son petit secret lui faisait cet effet-là, parce que c'était la première fois... Qu'il dépassait autant les bornes. En fait, une nuit avait beau être passée, il était toujours sous le choc, incapable de croire qu'il avait pu perdre le contrôle de lui-même à ce point.

Ne dormant pas et une chose en entraînant une autre, Stiles se mit à réfléchir. Son mal-être grandement croissant l'influença et il fut tout sauf objectif.

Si bien qu'il en vint à la conclusion qu'il était complètement fautif et que s'il s'était fait autant de mal, c'était simplement parce qu'il l'avait cherché.

Ainsi passa sa journée où il bougea à peine de son lit, où il oublia de manger, où il dormit sans compter les heures.

xxx

Stiles fut méconnaissable lorsqu'il passa les portes du lycée. Il semblait tranquille et ouvert alors qu'en réalité, il était angoissé au possible. Tous les membres de la meute encore en âge d'étudier étaient dans le même lycée, ce qui voulait dire qu'il pouvait croiser Liam à n'importe quel moment. Le seul avantage qu'il avait, c'était qu'ils n'étaient pas dans la même classe et ainsi, il pouvait ne pas trop penser à lui. En revanche, il partageait tous ses cours avec Scott et ça, ce n'était pas rassurant. Si l'alpha se montrait à nouveau hargneux à son égard, Stiles lui avouerait qu'il ne ferait plus rien qui puisse nuire à Liam et qu'il ferait tout pour l'aider et réparer ses erreurs – qu'il était désormais persuadé d'avoir commises. Ainsi, Stiles décida, pour le bien de tout le monde, qu'il allait prendre ses distances – physiques – histoire de ne créer aucune situation ambigüe. Histoire de ne pas être vu comme un allumeur. Les mots de Scott, aussi blessants soient-ils, lui avaient appris qu'il devait faire attention à son comportement. Jusqu'à maintenant, il s'était montré trop laxiste, peut-être trop... Libertin.

Il ne ferait plus la même erreur.

Sans faire attention au monde qui l'entourait pour se concentrer sur ses pensées, Stiles se dirigea vers son casier pour s'emparer des livres dont il avait besoin. Il vérifia, au cas-où, son emploi du temps sur son téléphone et mit son sac à jour. Il ferma son casier et sursauta en se retournant. Scott lui faisait face, le visage complètement fermé. Aussitôt, Stiles eut peur, mais se retint de réagir de manière... Visible. Il recula simplement d'un pas en bredouillant un léger « salut ». C'était la seule chose qui lui était venue à l'esprit.

Le regard de Scott était noir et Stiles se sentit tout petit alors qu'il le voyait le toiser, le dévisager en long, en large et en travers. Le latino prenait son temps pour le regarder et si Stiles n'appréciait pas du tout, il n'osait émettre une seule objection, de peur de réveiller sa colère qu'il s'était promis de tout faire pour ne pas provoquer. Avec un peu de chance, Scott ne s'en prendrait pas à lui, et puis ils étaient au lycée, il y aurait des témoins, il ne pouvait pas... Pas faire ça. Et puis, pourquoi l'attaquerait-il ? Stiles n'avait pas recontacté Liam, n'avait même pas essayé de prendre de ses nouvelles pour savoir s'il allait mieux. Malgré ce que le louveteau lui avait fait et même s'il y était potentiellement pour quelque chose, Stiles s'inquiétait pour lui. Il était comme ça. Il avait un cœur et beaucoup d'amour à donner, qu'il soit amical, ou... Autre. En l'occurrence, Stiles aimait Liam comme ce petit frère qu'il n'avait jamais eu et même s'il l'avait embrassé contre son gré, même s'il avait tenté de profiter de lui, il tenait à ce louveteau encore fragile.

Mais pour Scott, Stiles ne lui avait envoyé aucun message, histoire de bien éteindre ce feu qu'il avait probablement allumé.

L'alpha fit un pas en avant, Stiles en fit un supplémentaire en arrière et frissonna en sentant son casier contre son dos. En fait, le regard de Scott, qui ne semblait pas le regarder mais le mater, le tétanisa sur place.

Quelque chose ne tournait pas rond.

Et il n'était pas le seul à penser cela.

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