Chapitre 8

Stiles repoussa avec empressement la main de Lydia. Quand elle et Isaac comprendraient-ils qu'il n'avait pas envie qu'on le touche ? Qu'il voulait juste rentrer chez lui, jouir d'un peu de tranquillité... Sa journée n'était pas simple à vivre et il était toujours dans l'attente d'un quatrième évènement qui viendrait sans doute l'achever.

- Bordel, ça va, laissez-moi...

Sa voix était si basse qu'elle était semblable à un pauvre chuchotement. S'il regrettait au départ de s'être légèrement assoupi, il regrettait cette fois de ne pas être resté dans l'inconscience plus longtemps. Au moins, il y était tranquille.

Lydia s'assit face à lui, parce que Stiles avait trouvé refuge sur une chaise, derrière la grande table. Quelle autre cachette pouvait-il avoir dans une cuisine ? A croire qu'il s'agissait de la pièce principale de la maison...

- Stiles, commença-t-elle, tu as géré la crise d'Isaac, Scott est venu, il t'a agressé et tu as pleuré. Tu comprends bien qu'on peut pas te laisser partir comme ça.

- Et pourquoi pas ? Demanda Stiles, qui ne voyait pas où était le problème.

Ses soucis n'avaient aucune importance et Lydia ne s'y intéressait pas vraiment. Alors non, il ne comprenait pas pourquoi ses deux amis ne le laissaient pas simplement partir. Concernant Derek, il l'avait vu se renfrogner après avoir passé un appel : le loup était ensuite monté en haut pour, sans doute, se calmer. Tant mieux, au moins, Stiles avait une personne de moins à convaincre même si, au fond, il était certain que Derek ne l'aurait pas retenu outre mesure. Il l'avait fait une fois – sans doute pour la forme – et après, lorsque Stiles avait failli réussir à convaincre Derek – de son point de vue – qu'il pouvait partir, Scott était arrivé et avait tout foutu en l'air. En soi, c'était de la faute de son meilleur ami s'il avait craqué et son action avait participé à l'accumulation de ces évènements qui le mettaient à mal en ce jour. Mais, comme toujours, Stiles tourna l'histoire dans un autre sens et se convainquit que Scott n'était pour rien dans son semblant de craquage. L'hyperactif était simplement faible et fatigué, incapable d'enchaîner trop d'épisodes qu'il jugeait compliqués à tort. S'il avait pleuré, c'était juste parce qu'il était incapable d'assumer quoi que ce soit. En plus, c'était idiot : Scott ne l'avait même pas frappé, juste... Plaqué contre un mur, comme Derek le faisait autrefois, en soi. Il ne fallait donc pas se plaindre. Ce qui s'était passé n'avait rien d'anormal, mise à part la petite colère de Scott. Ce dernier avait été tellement véhément que ses mots tournaient encore en boucle dans son esprit, si bien que Stiles commença intérieurement à se remettre en question. Et s'il avait, effectivement, eu un geste déplacé envers Liam ? Et s'il l'avait cherché, inconsciemment ? Stiles se gratta l'intérieur du poignet, par-dessus sa manche particulièrement bien remontée. Isaac avait vu un bout de ses bandages dépasser, tout à l'heure, mais sans doute n'avait-il pas compris leur utilité – ce qui l'arrangeait.

Non, sérieusement, Stiles avait envie de rentrer chez lui et pas seulement pour être tranquille. Il avait des choses à faire. Des émotions à évacuer. Son secret à perpétuer. Ses bras le démangeaient. Dans son esprit, l'éclat argenté d'une lame refit surface. Ce n'était pas bien. Y penser était réellement mauvais.

Oui, mais il en avait envie.

Poussé par son mal-être qui avait pris du galon avec tout ce qu'il s'était passé en ce jour, Stiles eut bien du mal à empêcher cette image d'être omniprésente à l'intérieur de lui. Il avait besoin de céder à ses pulsions presque suicidaires, parce qu'il allait mal. C'était encore pire que d'habitude. Il était dans cet état de transition, plongé dans le mal et sortant d'une sorte de crise. Il avait pleuré devant Isaac et Lydia. Isaac et Lydia. Rien que ce fait lui créait une boule au ventre difficilement contrôlable. Ce qu'il avait honte... Ce qu'il avait envie de se faire mal pour oublier ce sentiment noir.

- C'est pas une bonne idée, Stiles, continua Lydia. Parle-nous, dis-nous au moins ce que tu ressens. On est tes amis, on est là pour t'écouter.

Adossé contre la porte du frigo américain fermé, Isaac observait Stiles et son comportement qu'il trouvait déjà douteux. Il avait pleuré, s'était légèrement endormi et le voilà qui agissait comme si tout allait bien et qui voulait rentrer chez lui ? Avait-il oublié ce qu'il s'était passé ? Non, bien sûr que non puisque son odeur suintait la négativité. Mais alors, pourquoi tenait-il tant que ça à s'en aller ? Isaac n'oubliait pas non plus ces bandages, qu'il avait entrevus. Lorsque Stiles était dans ses bras, il avait refusé de lui dire ce que c'était. Des hypothèses, le bouclé en avait, mais il espérait sincèrement qu'aucune d'entre elle n'était bonne. Une chose était certaine, Stiles leur cachait des choses et son refus de coopérer de, peut-être, se confier, était étrange.

- Non. J'ai pas envie. J'ai pas envie de rester ici, j'ai pas envie de parler, j'ai pas envie de me justifier, rétorqua presque froidement Stiles en croisant les bras sur son torse.

- Je comprends, c'est peut-être encore frais, tempéra Lydia.

- C'est pas ça, je veux juste être putain de tranquille, maugréa l'hyperactif.

Entre ses remords montants concernant Liam et tout le reste, il en avait assez. Il voulait tout, sauf parler et se retrouver en compagnie de qui que ce soit. Ce qu'il voulait, c'était rentrer chez lui et rester en tête à tête avec sa lame. A l'intérieur de lui, l'envie se fit plus forte et ses démangeaisons augmentèrent. Et sans même qu'il s'en rende compte, ses pensées et réflexions commençaient déjà à changer. A s'organiser et s'imbriquer différemment. La douleur et le chagrin disparurent, du moins ce qu'il en était visible, pour être complètement endigué et catalysé. Son odeur s'affadit légèrement de sorte à ne pas éveiller les soupçons et ses remords reculèrent. Le tout se tassa à l'intérieur de lui et son regard devint plus calme, plus posé.

- Ecoutez, je suis tout simplement fatigué. J'ai eu une journée de merde et presque pas pu avoir une minute pour me reposer. Les choses s'enchaînent et moi, j'en ai marre. J'ai pas envie de parler et c'est pas une question d'évènement récent ou quoi. Tout ce que je demande, c'est un peu de solitude et de calme. C'est trop demander, peut-être ?

Son cœur ne rata aucun battement.

xxx

Les négociations avaient été longues, mais il avait réussi. Le voilà désormais au volant de Roscoe, sa bonne vieille Jeep de toujours. La seule chose qui ne l'emmerderait pas, parce qu'elle ne parlait pas. Quoi de plus normal pour un véhicule, un objet ? Oui mais même si elle tombait en panne, Stiles trouvait toujours un moyen de la refaire fonctionner. C'était sa plus grande alliée et même si elle déconnait régulièrement, elle ne le lâchait jamais. Stiles enclencha le frein à main une fois qu'il fut bien garé. Une chance qu'il ait été convainquant, une chance que Lydia et Isaac aient lâché l'affaire, une chance que Derek ne soit pas redescendu.

Une chance que Stiles n'ait pas été réellement lui-même à ce moment-là. Autrement, on aurait forcé pour le garder.

Une bonne minute plus tard, il était en train de monter les escaliers. Son père n'était pas là, tant mieux. De toute manière, qu'il ait été présent ou pas, Stiles n'aurait pas changé son programme et bien vite, il s'enferma à clé dans la salle de bain. Le regard vide, il retira sa veste et l'on vit des bandages tachés de rouge foncé, du sang séché, tomber au sol. Un tiroir ouvert plus tard, la lame d'argent trônait au creux de sa main. Elle était propre, étonnamment bien nette, sans aucune trace des actes qu'elle aidait à effectuer. Stiles la nettoyait après chaque utilisation : aucun risque que son père puisse tomber sur une lame de rasoir ensanglantée, qu'il pioche dans son stock à lui ou non. Noah ne prenait pas soin de ses lames et elles s'émoussaient rapidement, alors il arrivait qu'il en pique à son fils, qui les utilisait pour raser les trois poils qui apparaissaient de temps à autres sur son menton. Alors, Stiles ne prenait aucun risque et était passé maître dans l'art du camouflage et de la dissimulation. Ses bandages, il les jetterait dans la poubelle extérieure après les avoir dissimulés entre moults papiers et déchets de la poubelle de la cuisine. Noah ne regardait jamais la poubelle. Pourquoi le ferait-il ? Il n'était jamais là.

Le regard complètement vide, Stiles se vit approcher la lame de son poignet et soudain, ses émotions déferlèrent en lui comme un tsunami déferlant avec violence sur la côte. Lui qui ne ressentait presque rien depuis l'épisode du loft se retrouvait d'un coup submergé par son mal-être et la souffrance de l'agression de Liam, la peur de réconforter Isaac, la terreur de son accrochage avec Scott, ses remords grandissants. D'un seul coup, il se sentait coupable de tout, victime de rien. D'un seul coup, il perdait la notion de limite. D'un seul coup, ses fragilités explosaient en un millier de bouts de verres.

Une première larme s'écrasa sur le sol...

Et Stiles, redevenu un peu trop lui-même, fut incapable de se contrôler.

... Suivie d'une première goutte de sang.


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Alors oui, le chapitre est relativement court, MAIS c'est parce que je pouvais pas couper plus tard. Et parce que le prochain chapitre va être particulièrement bien rempli.

Parce que ça y est, ça commence un peu ! Du coup, forcément, j'ai dû édulcorer des petits trucs pour le moment, qui seront développés dans peu de temps et c'est tout à fait normalissime !

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