Chapitre 4
Stiles tremblait encore lorsqu'il se gara devant le loft. Le seul point positif, c'était qu'il ne pleurait plus. Un regard furtif dans son rétroviseur lui confirma cependant que ses yeux étaient encore rouges, n'accordant aucun doute au fait que des larmes avaient coulé. Très honnêtement, il aimerait rentrer chez lui, ne pas être là. Il n'était pas en état d'aider qui que ce soit, mais... C'était trop tard, il avait dit oui parce que parfois, le bien-être des autres lui importait plus que le sien, qui passait généralement à la trappe. Et puis Isaac... C'était un garçon abîmé par la vie dont les insécurités étaient encore énormes. Stiles ne pouvait pas le laisser tomber dans un moment où il était en détresse. Cela faisait à peine un an que son père l'avait laissé en paix – en mourant, par ailleurs. Isaac n'était pas encore remis, sans doute avait-il dû faire un cauchemar pire que les autres... Stiles inspira un bon coup et, prenant son courage à deux mains, il sortit de sa voiture et pénétra à l'intérieur de l'immeuble. Dans l'ascenseur, il ferma les yeux et se mentalisa. Tout va bien se passer. Isaac ne va pas te sauter dessus et s'il le fait, Derek et Lydia seront là. Il n'aimait pas penser de cette manière car il se savait encore plus en position de faiblesse que d'ordinaire, mais... Il fallait qu'il soit réaliste. Il avait eu bien du mal à réagir et à tenter de repousser Liam. Le choc de son agression par son ami planait encore sur lui, si bien qu'il ne savait pas s'il aurait le réflexe de se défendre en cas d'une nouvelle agression... Surtout si elle était aussi rapprochée. Et Stiles n'allait pas assez bien pour avoir la force de se battre. Il allait me violer, réalisa-t-il enfin alors que les portes de l'ascenseur s'ouvraient, lui laissant un simple couloir de quelques mètres pour réfléchir à sa situation et museler ses émotions. Bien évidemment, cela fut difficile et Stiles eut plusieurs fois eu envie de rebrousser chemin. Mais il ne pouvait pas faire ça à Isaac, ne pouvait pas l'abandonner même si... Même si Liam... N'y pense pas bordel. Comment ne pas y penser ?
Stiles s'arrêta devant la grande porte et leva la main. Son doigt s'approcha de la sonnette et s'arrêta quelques centimètres avant de la toucher. Tu peux encore rebrousser chemin, partir et rentrer chez toi. La gueule d'ange d'Isaac se rappela à lui, avec un peu moins d'intensité qu'auparavant. Oui, il pourrait aller chez lui, se calfeutrer dans la salle de bain et se changer les idées... Ses poignets et avant-bras le démangeaient. Ses lèvres le brûlaient. Son cou aussi.
Mais il n'eut pas le temps de réfléchir ou de prendre une quelconque décision puisque la porte s'ouvrit devant lui sur une Lydia à l'air affolée, sans doute prévenue par Derek de l'arrivée de l'hyperactif – foutus sens lupins des enfers.
- Dieu merci tu es enfin là ! Entre ! S'exclama-t-elle en l'attrapant par le bras.
Stiles grimaça légèrement à ce contact un peu serré sur des choses qui ne regardaient que lui mais ne dit rien et finit malgré lui à l'intérieur du loft. D'un geste discret, il vérifia que ses manches étaient bien baissées et c'était le cas. Il entendit alors ensuite quelques gémissements, puis des cris ainsi qu'un fabuleux :
- Isaac, arrête, c'est moi !
Prononcé d'une voix grave, ce semblant d'ordre était très parlant. Derek voulait se faire entendre, tout en tentant de rassurer. L'hyperactif se tourna vers la banshee :
- Il va si mal que ça ?
- Plus encore que tu ne l'imagines, lui répondit-elle d'un ton alarmant. Je n'ai jamais vu Isaac aller aussi mal.
- Je veux Stiles ! Entendirent-ils hurler.
Le fils du shérif frissonna de terreur. Il avait la preuve ultime que le bouclé ne désirait que sa présence et cela ne le rassurait pas franchement. Les images de Liam le touchant et l'embrassant de force tournaient en boucle dans son esprit. Alors c'était à ça qu'il servait ? A apaiser les pulsions et instincts des loups ? Non, Stiles ne voulait pas être touché, il ne voulait pas contenter les autres au détriment de ses besoins à lui, mais...
... Mais il avait dit oui, il était venu. Et il était figé par la terreur qui l'étreignait comme une vieille amie.
- Stiles, il faut que tu y ailles ! Lui intima une nouvelle fois Lydia.
C'est ça, va te jeter dans la gueule du loup qui veut ton cul, fit une petite voix dans sa tête. Il serra les poings. Non, vraiment, il ne voulait pas... Après, Derek était là, s'il voyait que les choses dérapaient, il arrêterait le bouclé, ou alors... Peut-être le laisserait-il faire, juste le temps qu'il se calme ? Oui mais Stiles ne voulait pas servir de poupée sexuelle pour loup-garou, il ne voulait pas être le pantin dont on se servait pour son bon plaisir. Il allait déjà bien assez mal en secret, ce n'était pas la peine dans rajouter... Et pourtant, ses pieds avancèrent tous seuls, contre sa volonté de rentrer chez lui et de laisser le pauvre Isaac tomber. A l'intérieur de lui, c'était le bazar. Ses émotions se déchaînaient dans son esprit, agissaient comme des déferlantes sur la digue faiblarde qui le maintenait hors de l'eau. Si Stiles avait pu rentrer chez lui, nul doute qu'il serait passé par la case salle de bain avant de s'effondrer dans sa chambre. L'image fugace de l'éclat argenté d'une lame de rasoir passa dans son esprit et loin de lui donner du courage, il faillit le faire reculer.
Mais finalement, il arriva à la cuisine sans réellement s'être rendu compte qu'il avait marché jusque-là. Et ce qu'il vit acheva de le tétaniser. Si Derek était effectivement là, face à Isaac, celui-ci était recroquevillé sur lui-même, dans un coin de la cuisine et brandissait en tremblant un énorme couteau de cuisine dans la direction de son aîné. Son visage juvénile était déformé par la terreur et ses yeux couleur océan brillaient à cause des larmes qui les inondaient. Isaac était complètement terrifié, au point que même Derek lui faisait peur alors qu'il était celui qui l'avait littéralement sauvé de son père violent. Il l'avait hébergé, nourri, logé, blanchi. Il avait toujours pris soin de lui et l'avait dès le début considéré comme un petit frère. Et pourtant, Isaac avait peur de lui.
Les yeux clairs du bouclé changèrent légèrement d'expression lorsqu'il remarqua Stiles, à l'entrée de la pièce. Voyant son regard, Derek se plaça d'instinct devant l'hyperactif, montrant ainsi clairement qu'il lui accordait sa protection.
- Sors de là, Derek ! Je veux Stiles ! Laisse-le moi ! Cria Isaac d'une voix étrange.
Elle donna des frissons à l'hyperactif tant elle était... Cassée. Comme s'il s'était littéralement cassé la voix à force d'hurler. En temps normal, Stiles aurait bien mieux analysé la situation et il aurait d'ailleurs assimilé cette fracture vocale à un semblant de douleur, mais... Il était mal en point, de son côté. Réfléchir correctement alors qu'il sortait tout juste d'une agression n'était pas une mince affaire. Stiles se fit toutefois la réflexion qu'il aurait sans doute déjà su quoi faire si... Si rien n'était arrivé. Sans doute Derek devait sentir l'odeur putride de ses émotions, puisqu'il tourna la tête dans sa direction et le regarda d'un air abasourdi, comme s'il découvrait que Stiles n'allait pas si bien que ça. En soi, c'était le cas, mais la puissance du mal-être de l'hyperactif le submergeait bien tardivement. En même temps, on ne pouvait pas dire qu'il avait eu le temps de faire attention à lui, avec Isaac qui agissait de manière aussi violente... Mais il nota la pâleur trop prononcée de Stiles, les tremblements légers de son corps, cette odeur tantôt forte, tantôt ténue, comme si l'adolescent tentait comme il pouvait de se retenir et... Ses yeux. Ils étaient rouges, comme si des pleurs récents étaient venus les irriter. Mais ce qui affecta le plus le loup à cet instant fut cet air de terreur qui crispait son visage. Depuis quand Stiles avait-il peur en présence de loups ? Il s'était déjà retrouvé dans des situations bien plus dangereuses et pourtant, c'était la première fois qu'il agissait de la sorte. Il avait l'air tétanisé... Etait-ce Isaac qui lui faisait ce drôle d'effet ?
Isaac hurla encore et Stiles fit un pas en arrière. C'était tout ce qu'il pouvait faire dans son état. Derek fit luire ses yeux lupins et campa sur sa position qui se voulait dominante mais qui, au fond, était plus une démonstration de protection qu'autre chose. Voir son presque petit frère aller aussi mal lui brisait le cœur mais il n'avait pas le choix. Il devait se montrer ferme. Une chose était sûre, il fallait lui accorder Stiles. Parce que cela faisait plus d'une heure qu'il le demandait. Au début, Lydia et lui avaient fermement refusé de faire venir l'hyperactif pour les aider à le calmer mais force était de constater qu'Isaac était impossible à raisonner, alors... Alors il fallait qu'ils essayent. Si Stiles pouvait l'aider à le faire sortir de cette espèce de transe... Bien sûr, pour cela, il fallait que l'hyperactif soit d'accord. Mais maintenant qu'il le voyait, qu'il le sentait trembler derrière lui... Etait-ce réellement une bonne idée ? Néanmoins, il tenta quelque chose. Il fallait faire bouger cette situation intenable pour tous.
- Isaac, dépose ce couteau et on pourra discuter, dit-il d'une voix ferme toutefois.
- Non ! Je veux Stiles ! Hurla encore Isaac, les yeux larmoyants et la voix complètement bousillée.
Ce que ne comprenait pas non plus Derek, c'était cette peur irraisonnée qu'il sentait dans l'odeur des deux adolescents. Il y avait quelque chose de différent entre les deux, quelque chose qui lui faisait dire qu'elles n'avaient pas la même origine mais... Celle d'Isaac était extrêmement forte, comme boostée au sens littéral du terme. Si Stiles avait l'air terrifié et presque paralysé, la peur faisait perdre à Isaac tout son contrôle, sa reconnaissance des gens, le sens des réalités également. Le bouclé ne se rendait même pas compte qu'il menaçait son presque frère avec un couteau en hurlant à la mort pour avoir accès à... Stiles, pour une raison qui le dépassait complètement. En tous les cas, Isaac était clairement inconscient de tout ça et Derek le voyait bien.
- Si tu lâches ce couteau, je... Je viens.
Derek tourna brusquement la tête vers Stiles, qui venait de lâcher cette phrase d'une voix faible, éraillée et pas du tout assurée. Ses yeux brillaient, comme ceux d'Isaac. Stiles avait l'air d'avoir envie de pleurer et concéder un peu de terrain au bouclé semblait beaucoup lui coûter. A cet instant, le Hale voulut rebrousser chemin, le prendre avec lui et l'éloigner d'ici. Le loft en lui-même n'était pas foncièrement dangereux et Isaac non plus, si l'on prenait en compte le fait que Derek ne le laisserait absolument pas faire de mal à l'hyperactif et que le bouclé n'avait pas l'air non plus de lui vouloir quoi que ce soit de mauvais. Stiles semblait être une solution... Sa solution face à cette peur. Une bouée jetée à la mer, un phare dans l'obscurité. Oui mais Isaac restait armé, si l'on excluait ses griffes qu'il n'avait pas sorties. Armé, et terrifié. Par quoi ? Derek ne comprenait toujours pas. Et puis de l'autre côté, il y avait Stiles, dont la peur était elle aussi très présente, mais pas de la même manière. Il paraissait ne pas aller très bien, au point qu'il semblait retenir ses larmes et son odeur... Dieu qu'elle était piquante. Derek mit sa main devant lui, comme une barrière.
- Non, tu n'es pas obligé, lui dit-il pour le rassurer.
- Il faut bien le calmer, non ? Murmura Stiles en détournant le regard.
Derek resta bouche bée devant une telle résignation qu'il ne lui connaissait pas. Mais le pire, ce fut lorsque Isaac laissa délibérément tomber le couteau au sol. Faisant preuve de bonne volonté malgré cette terreur irrationnelle qui le poussait à se montrer très, voire trop méfiant envers son entourage, il donna un coup de pied dans le couteau, qui glissa jusqu'aux baskets de Derek. Isaac n'était plus armé. Il avait accepté le marché de Stiles sans sourciller. Il avait suffi que l'hyperactif arrive et prononce un mot pour le faire obéir.
- V-viens Stiles, s'il te plaît... Aide-moi... Le supplia Isaac à un volume bien plus bas, même si sa voix restait cassée.
Et l'air de rien, ce fait fit mal au cœur de l'hyperactif qui, malgré son propre mal-être, fit un pas en avant. Derek, trop abasourdi par cette situation qu'il ne comprenait absolument pas, n'empêcha pas le brun de s'approcher du blondinet. Encore moins de s'accroupir face à lui. Stiles eut à cet instant un sentiment de déjà vu qui le fit violemment sursauter. Et il ferma les yeux, offert, s'attendant à ce qu'Isaac se comporte comme Liam. Il s'offrait, oui, sachant pertinemment qu'il ne pourrait rien faire contre lui s'il décidait de l'agresser à son tour. Après tout, il l'avait appelé spécifiquement lui, Stiles Stilinski, parce qu'il avait besoin d'aide... Comme Liam. Et Stiles n'allait pas assez bien pour ne serait-ce que songer à se défendre.
Isaac fondit effectivement sur lui, mais pas dans le même but, ni avec la même brutalité. Il se colla maladroitement contre Stiles et se lova dans ses bras à la recherche d'un réconfort dont il avait atrocement besoin. Ses doigts encore humains s'accrochèrent au haut de l'hyperactif, dont il respira l'odeur clairement et sans se cacher. Stiles garda les yeux fermés, par peur de... Il ne savait quoi. Isaac avait son museau humain collé à son cou, mais il se contentait de le sentir. Il ne l'embrassait pas, ne cherchait pas à le déshabiller, à le toucher ou quoi que ce soit d'autre. Non. Isaac se pelotonna dans ses bras qui pendaient le long de son corps et que Stiles devait sans doute penser à relever pour étreindre le loup...
... Ce pauvre loup qui pleurait comme un enfant terrorisé, contre lui.
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