Chapitre 27

- Fais chier, siffla Théo entre ses dents.

Il aurait bien râlé un peu plus fort et même tapé dans son volant si Liam ne se trouvait pas avec lui, dans la voiture. Déjà qu'il sursautait au moindre de ses mots... Autant ne pas augmenter l'ampleur de sa peur en faisant quelque chose d'idiot. L'avantage, c'est que Théo se savait capable de garder son sang-froid.

Qu'il ait du mal cette fois-ci était donc étrange, mais peu importe. La colère qu'il ressentait était bien réelle et suffisamment forte pour déformer les traits d'ordinaire naturellement harmonieux de son visage. Des traits dont on lui vantait souvent la beauté mais qui s'enlaidissaient chaque fois que l'ire les contrôlait. Ainsi, difficile pour Théo d'avoir la mainmise sur l'entièreté de la situation.

Surtout que l'unique responsable de sa colère faisait non seulement partie de sa meute mais lui refusait, en plus, quelque chose qui pouvait aider Liam. Alors oui, cela pouvait paraître risqué et apparaissait même... Stupide de prime abord, mais Théo était persuadé que c'était justement ce qu'il fallait.

Néanmoins, Lahey s'était montré inflexible quant à sa demande. Il ne laisserait pas Liam passer les portes du loft. Théo avait eu beau faire son possible pour lui décrire l'état du louveteau, Isaac n'avait rien voulu entendre. Stiles était déjà là et il était selon lui inconcevable que son agresseur se trouve sous le même toit que lui, même pour quelques minutes. Sauf que pour Théo, les choses étaient bien plus compliquées que cela, de même qu'il considérait cet épisode d'agression beaucoup trop étrange. Pas qu'il doute de ce qu'avait vécu Stiles – loin de là. Le souci, c'était Liam. Sans nier ce qu'il avait fait, il fallait toutefois avouer que son comportement était inquiétant... Peut-être tout autant que son odeur et cette espèce d'air... Perpétuellement ailleurs qu'il affichait. Et puis il tremblait. Merde, il tremblait. Paraissait minuscule et atrocement vulnérable – tout ce qu'il n'était pas.

Il s'agissait de l'exacte raison pour laquelle Théo ne le ramena pas chez lui. Enfin, il y en avait d'autres, mais celle-ci prenait le pas sur tout le reste. Une idée malsaine mais véridique tournait en boucle dans son esprit : celle qu'à cet instant, n'importe qui pourrait lui faire du mal avec une aisance folle.

Théo en frissonna.

On l'avait longtemps connu insensible, froid, sadique, se fichant de la vie humaine comme si elle n'était rien de plus qu'un jeu... De pouvoirs. Ou un jeu tout court dans lequel il se pensait forcément gagnant.

Il était dingue de voir à quel point il avait appris, à quel point le contact des gens de cette meute l'avaient changé – en bien. Aujourd'hui, Théo se savait incapable de retourner dans sa vie d'avant, de renfiler ce masque qui faisait également office d'état d'esprit. Il éprouvait le besoin de se repentir pour... Entrer correctement dans cette vie-là, celle qu'il désirait vraiment avec des gens qu'il apprenait doucement à apprécier.

C'était d'autant plus vrai pour Liam qui, sans le savoir, lui avait ouvert les yeux sur bon nombre de choses. Alors il était hors de question qu'il le laisse sur le côté, qu'il ferme les yeux sur son état.

Théo soupira. Il n'aimait pas conduire en général et c'était d'autant plus vrai lorsque ses émotions prenaient le dessus. Il ressentait le besoin de s'enquérir régulièrement de son état, de lui demander comment il se sentait, d'essayer de lui tirer les vers du nez... Or, c'était sur la route qu'il devait se concentrer.

Mais son nez le titillait. Parce que Liam dégageait une odeur qu'il n'avait jamais sentie chez lui auparavant. Qu'il arrivait à y trouver quelque chose de familier... Sans être capable de dire quoi. Il s'agissait de quelqu'un qui avait en quelque sorte laissé sa trace sur lui, mais qui ? Théo n'en savait rien et c'était peut-être ça, le plus frustrant. Ne pas être dans la capacité de venger son ami, de faire payer celui qui l'avait mis dans cet état... Si déplorable qu'il lui paraissait indescriptible.

Théo finit par arrêter la voiture aux abords d'un vieil immeuble qui n'avait pas fière allure, mais qui restait habitable. Il sortit de son véhicule et réprima au maximum ses émotions lorsqu'il dut porter Liam pour l'emmener à l'intérieur. Le louveteau ne pouvait pas marcher : en plus d'avoir l'air complètement ailleurs et de trembler de tous ses membres, il ne semblait avoir ni la force ni l'énergie adéquate pour mettre un pied devant l'autre. Il ne réagissait même pas lorsque Théo l'appelait, alors inutile de tenter quoi que ce soit de plus.

Quelques instants plus tard, Théo déverrouilla péniblement la porte de son logement et s'y engouffra, son précieux fardeau dans les bras. Un fardeau si précieux qu'il le déposa sur le canapé-lit avec délicatesse étonnante. On avait tendance à relier Théo à une idée de perfidie, de douce brutalité. S'il ne se montrait pas particulièrement violent au sens propre du terme, il agissait toujours de façon nette et efficace pour arriver à ses fins. Ainsi le voir lent, précautionneux et presque un peu maladroit avait de quoi surprendre. Mais Liam n'avait pas les idées claires, et donc pas les moyens de relever ce fait.

Théo jeta un coup d'œil rapide aux alentours. Son studio – minuscule – était mal rangé. Disons qu'il n'y allait que pour dormir et qu'il ne rangeait ses affaires que de temps en temps, lorsqu'il avait le temps. Le reste, il le passait au lycée, ou à son travail. Embauché tout récemment, il n'hésitait pas à multiplier les heures, dans l'espoir d'avoir toujours quelque chose à manger ainsi qu'un toit sur la tête. Ces mois passés à vivre dans sa voiture l'avaient vacciné. Enfin, il décida de reléguer le bazar au second plan : sa priorité, c'était Liam.

Alors il s'attela à le mettre à l'aise. Il lui dégota un oreiller – le sien, le seul qu'il avait – le fit s'allonger et étala un plaid sur son corps tremblant. Bien qu'il sache fort bien que Liam n'avait pas juste froid, c'était tout ce qu'il pouvait faire à l'heure actuelle. Quoiqu'il tenta de lui parler, mais uniquement dans le but de le calmer. De retrouver dans son regard un semblant de lucidité, de pouvoir... Comprendre, démêler ce qu'il entrevoyait déjà, mais qu'il n'arrivait pas à nommer car dans sa tête dansait un brouillard incroyable. Dans l'idée, il savait, mais il ne s'en rendait pas véritablement compte.

Car l'état déplorable de Liam le rendait aveugle... Au sens propre comme au sens figuré.

xxx

- Isaac, ne me dis pas que tu as fait ce que je pense, articula Lydia, blanche, après que son ami ait raccroché.

Elle avait entendu l'entièreté de la conversation mais avait été si sonnée par le ton d'Isaac qu'elle n'avait pas su réagir. Elle aurait pu compter sur l'appui de Peter si celui-ci ne s'en était pas allé voir Deaton, pour obtenir davantage d'informations concernant cette histoire de drogue.

- Si, et je l'assume, répondit Isaac. Il ne foutra pas les pieds ici tant que Stiles y est.

Le ton du jeune homme était ferme, laissant entendre que rien ni personne ne le ferait changer d'avis, ni céder d'une quelconque manière. Qu'importe ce que Lydia puisse penser à son sujet : Isaac protègerait son ami quel qu'en soit le prix. Il se fichait d'avoir un éventuel désaccord avec elle dans la mesure où... Liam avait fait ce qu'il avait fait. C'était tel qu'Isaac avait déjà oublié la révélation que Peter leur avait faite quelques minutes plus tôt. Pour lui, de toute façon, ça ne comptait pas... Parce qu'il ne savait rien.

L'ignorance était à l'origine de bien des choix... Dont une majorité stupide.

- Théo t'a dit qu'il n'allait pas bien, qu'il était complètement...

- Je m'en fous, la coupa-t-il. Liam reste dangereux.

Et qu'on n'essaie pas de le persuader du contraire – tant qu'on n'avait pas de preuve tangible à lui présenter.

- Tu n'es pas chez toi, Isaac, ce n'est pas à toi de décider ! S'exclama-t-elle. C'est à Derek de le faire.

Et c'était justement pour cette raison qu'elle ne se positionnait qu'à moitié et qu'elle refusait de prendre une décision directe quant à ce sujet. A ses yeux, il s'agissait là d'une chose importante dont il fallait discuter, d'autant plus... Que la description rapide que Théo avait faite de Liam était troublante.

Elle lui avait glacé le sang.

- Il le fera une fois qu'il sortira de la chambre, maugréa Isaac.

Ses yeux accrochèrent les escaliers qui donnaient sur l'étage, où son mentor était toujours occupé à tenir compagnie à Stiles, à le calmer lorsqu'un début de crise commençait. De son côté, Isaac se sentait également fort titillé, comme chaque fois que son ami en faisait une. C'était en tout cas ce qu'il se passait depuis quelques temps.

- De toute façon, il sera d'accord avec moi.

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