Chapitre 19
Pour être honnête, Derek n'aurait jamais cru que l'entrevue entre Isaac et Stiles se passerait aussi bien. Evidemment, il avait été tenté d'intervenir à plusieurs reprises mais la voix de la raison – aussi prénommée Lydia – l'en avait empêché. Et elle avait eu raison, parce qu'il avait coupé court à la discussion des deux jeunes hommes, Stiles n'aurait sans doute jamais craqué de cette manière. Jamais il n'aurait été à l'origine d'un contact avec Isaac. Jamais il n'aurait accepté leur étreinte à tous. Et c'était pourtant ce qu'il s'était passé.
Il avait longuement pleuré, sans faire aucun bruit toutefois. Mais il n'avait jamais cherché à les repousser et son besoin d'affection avait été indéniable. Sur le moment, tout le monde s'était montré brave, rassurant, aimant – même Derek, à sa manière. Cependant lorsqu'on l'avait laissé se reposer un long moment plus tard, les masques étaient tombés. Isaac avait ressenti le besoin de s'isoler dans sa chambre. Lydia était sortie sur le balcon pleurer en toute discrétion. Derek... Il avait longuement fixé d'un air hagard la porte de la chambre dans laquelle l'hyperactif avait fini par se rendormir, épuisé par ses propres émotions.
Le lendemain, on ne se fit pas distant. Derek, Lydia et Isaac passèrent d'autres moments avec Stiles qui, s'il se montrait timide et fébrile, acceptait leur attention avec une timidité extrême. Il alla même jusqu'à demander un câlin à Isaac. Pas à Lydia ni à Derek, seulement à Isaac. Parce qu'ils étaient proches tous les deux et que... Ils avaient l'habitude même si en général, c'était le bouclé qui désirait que le châtain lui remonte le moral. L'inversion des rôles avait l'air anormale tant elle était inédite.
Tant on n'avait pas l'habitude de voir Stiles dans un tel état de détresse.
Parce qu'il ne s'agissait pas de faiblesse, mais bien d'une détresse plus profonde encore qu'on ne l'imaginait. Jamais on n'avait trouvé Stiles faible, de toute manière : il était le seul à se qualifier comme tel. C'était son habitude à lui. Il avait toujours eu tendance à se dévaloriser mais cette habitude sonnait différemment depuis qu'on avait à le surveiller.
Car Stiles, même s'il n'aimait pas parler de ses problèmes, avait finalement avoué à Isaac qu'il avait envie de recommencer. Qu'il lui prenait souvent le besoin de se saisir d'une lame pour faire couler son sang. Aucune sorte de fascination ne colorait ses mots de pourpre : l'hyperactif avait peur et il l'avouait. Il avait peur de lui-même. De ce qu'il était capable de faire. Il l'avouait, parce qu'il n'avait pas le choix. Il n'avait lui-même pas envie de se faire du mal, en tout cas, pas à ce point. S'il ne chercha pas à expliquer à son ami les raisons pour lesquelles il avait un jour commencé à se mutiler, Isaac ne le força pas non plus à se confier. Ce qu'il lui disait était déjà énorme et chacun des trois êtres surnaturels – qui se transmettaient chaque information à son sujet – était d'accord sur la marche à suivre. S'occuper de lui, en douceur. Essayer de comprendre ce qui le poussait à songer sans arrêt à se faire du mal. Il y eut bien un point qu'on oublia.
Enfin, Derek fut le seul à le garder en tête.
L'espèce de lien étrange qui semblait relier Isaac et Stiles. Ce qui était d'autant plus perturbant, c'était de constater que le bouclé était de nouveau complètement normal. Il n'avait eu à subir aucune crise depuis la veille et semblait aller beaucoup mieux. De manière générale, il allait bien. Parce qu'il avait vu et parlé à Stiles. Parce qu'il était à nouveau proche de lui. L'hyperactif, de son côté, paraissait également plus stable : il ne l'était toutefois pas assez pour qu'on le laisse sans surveillance. Penser qu'il n'en avait pas conscience serait sous-estimer l'intelligence et la vivacité d'esprit de Stiles Stilinski. Il était au fait de tout ce qui lui arrivait et comprenait les mesures qu'on prenait à son égard, même si elles l'auraient agacé en temps normal.
Il les acceptait, parce qu'il était terrifié. Terrifié et fatigué de se craindre.
- Merci, fit-il alors que Derek venait de lui apporter un petit snack accompagné d'une bouteille d'eau.
Stiles n'avait pas faim, mais il mangea. De manière générale, il ne faisait plus vraiment attention au temps qui passait, à l'heure qu'il était. La majorité de son être était tourné vers cette lutte incessante contre ces pulsions qui lui pourrissaient la vie. Le reste passait au second plan. Il n'arrivait plus à penser aux choses essentielles seul alors, on l'aidait. Il ne sentait plus vraiment la faim, ni la soif. Côté vessie, c'était tout juste si elle se réveillait de temps à autres.
Alors même s'il s'était un peu ouvert, on s'inquiétait pour lui. Derek se rongeait les sangs. En fait, il avait même du mal à déléguer à Isaac et Lydia. Lorsque l'un des deux adolescents allaient tenir compagnie à l'hyperactif, il préférait écouter. Être là, pas loin. Toujours dans le coin, prêt à intervenir si besoin. Il écoutait, aussi. C'était mal et il le savait, mais il était incapable de s'en empêcher. Il avait besoin de savoir ce qu'ils se disaient, besoin d'en savoir un maximum pour éviter toute situation qui risquerait éventuellement de faire basculer Stiles dans une nouvelle crise. Oui, ça le terrifiait. Les images de la salle de bain continuaient de le hanter malgré lui et il peinait à s'en détacher.
Enfin, il n'y avait pas que ça, mais Derek n'était en cet instant pas capable de s'en rendre compte. De manière générale, il contrôlait bien ses pulsions protectrices. Alors oui, il écoutait, n'était jamais loin, mais il se faisait toujours violence pour éviter d'intervenir. Parce qu'instinctivement, il savait qu'on n'avait pas besoin de lui, du moins pas de cette façon-là.
Derek ne put se résoudre à laisser l'hyperactif manger seul. Même s'il avait déjà grignoté quelque chose avec Isaac une bonne demi-heure plus tôt, le loup choisit de tenir compagnie à Stiles, qui le remercia du regard. Par la suite, aucun mot ne fut échangé, Derek se contentant d'être là, présent pour le châtain. Le silence, loin d'être gênant, dura jusqu'à la fin du repas.
Derek fit attention à chacun des gestes de l'hyperactif. Même si ce qu'il lui avait apporté ne nécessitait pas de couverts, il ne relâchait pas sa vigilance. Sous son toit, Stiles ne se ferait pas de mal. En plus, il savait que celui-ci ne le désirait pas... Ce qui rendait encore plus perturbant ces aveux qu'il avait déjà faits. Il ne le voulait pas, mais le ferait si on ne le retenait pas. Alors oui, Derek continuait de se montrer vigilant et ça durerait, jusqu'à ce que cette histoire incompréhensible soit terminée.
Lorsque l'hyperactif eut terminé, Derek le débarrassa et le laissa tranquille un moment, sans cesser de le surveiller à distance.
xxx
Liam avait réussi à ne pas trop penser. Il faut dire que l'aconit qu'il s'était injecté faisait son effet. Puisque les somnifères n'avaient aucun effet sur l'organisme des loups-garous tout comme à peu près tous les médicaments humains, il n'avait trouvé que ça pour se soulager. S'anesthésier. Que faisait-il de ses journées ? Pas grand-chose. Il phasait sans cesse, restant chez lui pour éviter de se montrer. Il était censé avoir cours, oui, mais... Il ne s'était pas senti capable d'y aller. Alors il avait continué de simuler une maladie et son père l'avait cru, encore. Liam pouvait remercier là les effets de l'aconit à petite dose. Car après tout, il s'agissait du poison pour loups-garous par excellence. Il le rendait pâle, faiblard, toujours à l'ouest.
En somme, Liam avait tout ce qu'il lui fallait pour rester chez lui sans que son père ne se pose de questions. C'était ça, de garder le maximum d'informations sur le monde surnaturel pour lui : comment le docteur Dubar pouvait-il savoir qu'un loup ne pouvait pas tomber malade ? Son ignorance était le salut de Liam qui continuait de se droguer à son insu.
C'était Deaton qui lui avait fourni l'aconit. Liam ne savait plus ce qu'il avait trouvé comme excuse pour se retrouver avec cette arme à sa disposition, mais... Le fait était que ça avait fonctionné : le vétérinaire la lui avait fournie sans problème. Et depuis, il s'en injectait sans arrêt. Parce que ça lui évitait de penser, tout comme ça l'empêchait de se laisser aller à une certaine envie et pas des moindres. Si Liam ne se sentait pas aussi coupable, sans doute l'aurait-il déjà réalisée. Après tout, il avait même de quoi ! Mais il ne le faisait pas.
Parce que ce qu'il avait fait à Stiles, il ne pouvait pas se le pardonner et mourir de cette manière, ce serait lâche et ne pas assumer ce qu'il avait fait. Liam n'était pourtant pas vraiment maître de lui-même à ce moment-là, mais qu'importe : pour lui, c'était du pareil au même.
Et au final, ce que lui avait fait subir Scott n'était que justice – de son point de vue. Liam l'avait eue sa punition, du moins... En partie. Scott ne lui avait-il pas dit qu'il reviendrait ? Le regard vide, le louveteau prit une nouvelle dose d'aconit. Trop faible pour le tuer, assez forte pour le plonger à nouveau dans cet état d'hébétude qui l'empêcherait d'essayer de passer l'arme à gauche.
Sur sa table de chevet, il restait trois petits flacons. De quoi tenir un jour de plus avant qu'une nouvelle crise ne le prenne. Mais Liam n'y pensa pas. Allongé dans son lit, chaudement vêtu sous ses draps, il était déjà ailleurs.
Dans un monde qui n'était déjà plus le sien.
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