Chapitre 16


S'il y avait bien une chose que Stiles avait toujours trouvée difficile, c'était bien de lutter contre ses pulsions. Derek l'avait laissé seul et était revenu le voir à plusieurs reprises pour, semblait-il, prendre de ses nouvelles et s'assurer que tout allait bien de son côté. L'hyperactif avait toujours accès à son téléphone et avait gagné le droit de sortir de la chambre et de vaquer où bon lui semblait, à condition de l'appeler pour qu'il vienne l'aider. Effectivement, les blessures que l'adolescent s'étaient infligées au niveau de ses cuisses l'empêchaient de marcher correctement, pour la bonne et simple raison qu'elles lui faisaient mal à chaque mouvement. Ainsi, il s'occupait comme il pouvait tout en essayant de se changer les idées. Pour l'instant, ses pulsions étaient contrôlables et n'allaient pas plus haut que le simple stade de l'envie. Il en avait envie parce qu'il se sentait mal, mais cela restait à ce niveau. En y réfléchissant grossièrement, Stiles n'arrivait pas à comprendre comment il avait pu perdre le contrôle à ce point, par deux fois d'ailleurs. Lorsqu'il se considérait actuellement, il ne voyait rien. Aucun signe avant-coureur, ne décelait rien à part l'horreur qui le parcourait lorsqu'il repensait à ces massacres. Déjà qu'il n'aimait pas beaucoup son corps, les marques qui y resteraient imprimées n'allaient pas l'embellir... Stiles s'était donc par conséquent ajouté un problème, allongeant la liste de ceux qu'il collectionnait déjà. Sans ces soucis, sans doute frôlerait-il le bonheur, en quelque sorte. A quoi ressemblait la vie sans un esprit torturé ?

Stiles vénérait presque les moments où il s'endormait, tout simplement car l'inconscience lui permettait d'oublier, l'espace de quelques heures, ses préoccupations et son anxiété grandissante. Qu'il était simple de flotter dans un monde immatériel et de laisser le temps filer sans s'en rendre compte. Pour Stiles, c'était à cela que ressemblait le paradis : c'était quelque chose, ou un état, qui lui permettait de ne plus penser. Malheureusement, tout ce qu'il arrivait à faire ici, au loft, c'était somnoler de temps à autres. Du sang, il en avait perdu, et c'était cela qui créait cette faiblesse généralisée, la lourdeur de ses membres endoloris.

Si l'hyperactif fut particulièrement vigilant les moments où il ne dormait pas, il lâchait complètement prise lorsqu'il se mettait à dormir parce qu'à la longue, même au bout de quelques pauvres heures, c'était épuisant. Son envie allait et venait, s'affirmait et s'effaçait, prenait plus ou moins de place. La sensation était d'autant plus étrange que ce n'était pas constant, et complètement irrégulier. Il avait l'impression de se retrouver face à un prédateur qui pouvait lui sauter dessus à tout moment. Un prédateur... Qu'il n'arrivait pas à identifier. Était-il devenu son propre ennemi ou la source du problème se trouvait-elle ailleurs ? Le pire, c'est que Stiles cherchait sincèrement à connaître la réponse. Il n'en fit pas part à Derek, ne lui confia pas qu'il n'arrêtait pas de réfléchir à ce sujet. Le pauvre avait déjà fait beaucoup pour lui, en moins d'une journée : pas la peine de lui rajouter du poids supplémentaire. L'hyperactif essaya même, pour simplement le soulager et sans aucune autre arrière-pensée, de le convaincre de le laisser rentrer chez lui. Il alla même jusqu'à lui assurer que ce à quoi il avait plus ou moins assisté ne se reproduirait pas. Si Derek avait effectivement eu la preuve, grâce à ses battements de cœur, qu'il était sincère, il refusa toutefois de le laisser s'en aller et lui indiqua qu'il allait rester ici. Stiles essaya de trouver quelque chose, mentionna son père et la nécessité de nettoyer cette scène innommable, mais Derek ne lui laissa aucune chance de négocier.

Stiles resterait ici, qu'il le veuille ou non.

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Liam laissa un soupir tremblant s'échapper de ses lèvres alors qu'il venait de terminer d'écrire son message et de l'envoyer.

Il avait passé des heures au sol, à moitié nu, avant de finalement trouver l'énergie de se lever et d'aller se calfeutrer dans sa chambre, où il s'était vêtu. Les vêtements que lui avaient retiré Scott avaient été mis à la poubelle par ses soins. Lorsqu'il les avait ramassés, les images de ce qui lui était arrivé l'avaient transcendé de part en part et il savait... Qu'il ne pourrait jamais les remettre. Ensuite, il avait passé un bon moment à vomir, vider son estomac autant que possible. Puis, il avait pris trois douches, tout en accordant une attention certaine à son antre. C'était cette zone, la plus souillée. Celle de laquelle avait rapidement coulé une certaine substance à laquelle il refusait de penser.

Et il en était là. En gros pyjama, dans son lit, frigorifié alors qu'il n'était même pas censé frissonner à cette température. Pour être honnête, il ne ressentait pas grand-chose, du moins consciemment. Ou alors il se l'interdisait, peut-être. Il ne saurait le dire. Simplement... Il fallait avouer qu'il avait eu peur lorsque Théo lui avait envoyé un message, lui demandant si tout allait bien en lui précisant qu'il était occupé mais qu'il pourrait passer en cas de besoin. Pétrifié à l'idée que le blond découvre ce qui avait pu lui arriver, Liam avait mis du temps à concocter une réponse crédible et cohérente. Mais il avait réussi et s'était assuré un bon moment de tranquillité. Evidemment, il aimerait pouvoir faire le contraire. Théo lui manquait. Il avait besoin de lui. De Lydia. D'Isaac. De Derek. De tout le monde. Le visage de Stiles revint le hanter. Il avait aussi besoin de lui. S'il avait été là, il aurait su quoi faire. Mais... Il ne l'approcherait plus jamais, à raison. Liam avait vécu dans son entièreté ce qu'il avait commencé à lui infliger. Et c'était ce qui l'avait convaincu de n'avertir personne, de garder le silence, d'autant plus que Scott l'avait menacé à ce sujet.

Et même si c'était dur, il n'allait rien dire. Il ne méritait pas la moindre compassion. Après tout, il avait simplement eu ce qu'il méritait.

Le soir, son père rentra et Liam fit semblant d'être malade pour ne pas affronter son regard, ses potentielles questions, sa compassion. Le docteur Dunbar n'étant pas au fait de toutes les subtilités de la lycanthropie, il le crut aisément.

La nuit venue, Liam fut incapable de dormir et trembla des heures durant, en pleurant sans un bruit.

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Stiles fit un nombre conséquent de cauchemars cette nuit-là, à tel point que Derek vint le voir à plusieurs reprises avant de repartir se coucher. Si les pulsions sanglantes ne quittèrent pas l'hyperactif, il fit toutefois de son mieux pour les combattre, ne serait-ce que pour montrer au loup qu'il ne voulait réellement pas recommencer. Que ce bain de sang n'avait jamais été désiré. Il avait beau se tailler de temps à autres, ce n'était jamais au point de vouloir se massacrer de la sorte. C'est ainsi qu'il tomba dans un cercle vicieux : il ne pensait qu'à ça. A ne rien faire. A le faire. A ne pas le faire. A se forcer à ne pas dépasser le stade de la pensée. Ce fut au point que son humeur, déjà pas bien reluisante, empira. Il n'arriva même plus à faire semblant de sourire, à enfiler sur son visage ce masque qui l'avait longtemps protégé de ses amis. Ses pensées mises à part, il avait toujours cette souffrance constante qui l'étreignait et refusait de le quitter.

Il se sentait perpétuellement sale.

Toutefois, cela ne convainquit pas Derek de le laisser prendre toutes les douches qu'il voulait, d'une part parce que cela pouvait attendre un peu, mais également parce que ses plaies étaient extrêmement récentes, pour la plupart, et qu'il était hors de question pour lui de risquer de les rouvrir. La faiblesse de Stiles était généralisée et avec lui, il devait redoubler de vigilance, d'autant plus que son esprit restait préoccupé.

Parce qu'il avait eu une conversation un tantinet mouvementée avec Noah Stilinski qui était rentré chez lui, et avait découvert sa salle de bain... Dans un état déplorable. Un vrai bain de sang. Naturellement, la veille, il s'était inquiété, avait tenté d'appeler Stiles et Derek s'était dégoté un quart d'heure de libre, en envoyant Lydia rester auprès de Stiles et en missionnant Isaac de bien écouter ce qu'il se passait, sans bouger de la chambre qu'il occupait. Pour l'instant, mieux valait les garder séparés tant que l'on ne savait pas ce qui les reliait.

En ce qui concernait le shérif, il avait réussi à le calmer dans une moindre mesure. Disons qu'il avait dû avancer nombre d'arguments et parfois faire appel à l'intelligence et la douceur de Lydia durant de très courts instants.

Finalement, il avait eu gain de cause. Le shérif acceptait de laisser son fils au loft durant un temps indéterminé, à condition que le loup le tienne très régulièrement au courant de l'avancée de son état. Derek avait été obligé de lui avouer ce que Stiles s'était fait : impossible de mentir à Noah alors que du sang de son fils maculait un peu la salle de bain familiale. Inutile de préciser l'état mental actuel du père qui se retrouvait retranché chez lui, à nettoyer cette pièce maudite tout en essayant de comprendre comment Stiles en était arrivé là. Parce que de son côté, Derek n'en avait aucune idée et l'hyperactif lui-même avait bien du mal à le savoir.

Ainsi, chacun était dans le flou le plus total.

Un nouveau problème fit son apparition ce matin-là : Isaac réclama Stiles. De manière très sérieuse. C'est-à-dire qu'il n'était pas en crise, ne hurlait pas son nom à la mort, mais n'arrêtait pas de quémander à Lydia de transmettre à Derek son besoin de voir l'hyperactif. Il avait beau le savoir dans le même appartement que lui et en sécurité, l'entendre et sentir sa présence... Ce n'était pas suffisant.

- J'ai besoin de le serrer dans mes bras, chouina le bouclé.

Il avait une voix un peu plus aigüe que d'ordinaire, un ton presque enfantin. Lydia le regardait, embêtée. A force, elle ne savait plus quoi lui dire. Techniquement, rien ne l'empêchait de rejoindre Stiles et à vrai dire s'il le voulait, il pourrait écarter la banshee et foncer dans la chambre voisine. Mais il ne le faisait pas, parce qu'il attendait qu'on lui en donne le droit. Il voulait faire les choses bien et en même temps, ne pas causer du tort à l'hyperactif.

- Ce n'est pas le moment, essaya Lydia.

Parce que Derek n'était toujours pas d'accord et veillait sur Stiles comme s'il était le seul à pouvoir le faire.

- Et quand il sera, ce moment ? J'en peux plus, Lyd, se plaignit le blond en serrant les poings sur ses cuisses. J'ai l'impression... D'étouffer.

- Je sais que passer la plupart de ton temps dans cette chambre n'est pas forcément...

- C'est pas ça, la coupa Isaac. C'est pas ça du tout.

Lydia le regarda, un mélange paradoxal de lassitude et de curiosité dans les yeux.

- C'est à l'intérieur, expliqua-t-il en cherchant ses mots. Je me sens... Je crois... J'ai l'impression d'étouffer, seul. Dès que je pense à lui... C'est moins dur. Et puis je sais pas, j'ai l'impression que je... Peux faire quelque chose.

La banshee croisa ses bras sur sa poitrine. Si ça ne tenait qu'à elle, Isaac pourrait déjà aller voir Stiles, mais Derek avait été ferme sur le sujet. Selon lui, l'hyperactif avait déjà beaucoup subi et il ne voulait pas risquer de le crisper d'aucune manière. Lydia n'avait pas vu dans quel état il était, dans cette salle de bain, mais ce que lui avait décrit Derek suffisait pour qu'elle l'écoute. Et en même temps... Peut-être que tenter de laisser Isaac en compagnie de Stiles tout en les surveillant tous les deux pourrait les aider à comprendre ce qui les reliait.

- J'en parlerai à Derek, consentit-elle finalement.

Mais ce pas en avant ne suffisait pas, aux yeux du bouclé. Rien ne lui garantissait que son aîné aurait un avis favorable à ce sujet, et il le fit comprendre à la banshee, qui se retrouva dans une position pire qu'inconfortable. Disons qu'elle avait prévu de s'aligner sur l'avis de Derek parce que c'était plus simple et qu'elle partageait ses inquiétudes. Néanmoins... Il allait bien falloir finir par prendre l'avis d'Isaac en compte. Il n'était pas en crise, sa lucidité et son regard le prouvaient. Peut-être pouvait-on lui faire confiance ? Au fond, ce qui inquiétait le plus Lydia n'était pas le comportement d'Isaac, mais bien la réaction de Stiles.

- Ecoute, je peux arriver à le convaincre, mais je pense qu'on s'y prend à l'envers, lui dit-elle avec douceur.

Isaac lui lança un regard interrogateur, demandant à ce qu'elle explicite, mais la banshee secoua la tête et ajouta simplement qu'elle était obligée d'aller en discuter avec Derek. Quoi de plus normal ? Ils étaient tous deux sous sa responsabilité, chez lui. Et puis il faisait des recherches pour savoir ce qui clochait avec eux mais ça, elle ne le dit pas. Isaac n'avait pas besoin de le savoir, encore moins d'imaginer que son état semblait inextricablement lié à celui de l'hyperactif. Ses impressions semblaient déjà beaucoup le préoccuper, alors pas la peine d'en rajouter. Tant que rien n'était sûr ou explicable, Lydia ne voyait pas pourquoi elle irait l'alourdir avec tout ça. Voyant son air plus que peiné, elle lui fit un câlin. Isaac lui en faisait aussi parfois et même s'il n'osait l'avouer, il les aimait bien. Il avait toujours préféré ceux que Stiles lui accordait, parce qu'ils avaient une saveur un peu spéciale. L'on aurait dit une étreinte maternelle qui comblait un peu le manque d'affection qui l'avait toujours un peu miné. C'était ça de grandir sans sa mère, avec les coups d'un père comme seuls contacts physiques. Alors si les bras autour de lui le crispèrent un peu, il se détendit bien vite. C'était Lydia. Lydia Martin. Elle ne lui ferait jamais de mal.

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