Chapitre 14
Liam tremblait. Toujours à moitié nu, il avait froid, mais n'avait pas trouvé la force de se lever. Il avait simplement réussi à se replier sur lui-même. Dans son salon. Devant le canapé. Les jambes ramenées vers lui, il les entourait de ses bras. Les frissons qui le traversaient érigeaient ses poils en une chair de poule visible. Il n'avait aucune envie, aucune motivation, aucun but. Il pensait beaucoup, par contre. Il songeait aux mains de Scott, à leur rudesse. A sa bouche s'aventurant sans vergogne dans des endroits indécents. A son pantalon baissé. A ce qui l'avait déchiré de l'intérieur. En fait, il n'arrivait pas à s'enlever ces images de la tête. Ni à effacer cette brûlure s'étalant dans le bas de son corps, ce feu qui le consumait de l'intérieur.
Il avait besoin d'aide.
Oui, mais il était rongé par la culpabilité. Couplée à sa honte incommensurable, elle l'empêchait de faire quoi que ce soit, y compris de chercher à obtenir de l'aide. Le pire, c'est qu'il aurait appelé Stiles. C'était lui qu'il aurait contacté en premier, parce qu'il avait une entière confiance en lui. Parce que l'hyperactif avait toujours été là pour lui, de sa transformation à... Son agression. Alors forcément, Liam avait étouffé dans l'œuf cette idée. La dernière fois qu'il lui avait demandé de l'aide, l'on se souvenait comment cela s'était terminé. Il avait fait du mal à l'hyperactif qui, face à un loup, était incapable d'avoir le dessus.
« Tu voulais le sauter, hein ? T'as faim, Liam. T'as faim et tu mérites bien mieux que de baiser un pauvre humain. Tu as fait un mauvais choix, tu sais ? Mais je suis là, maintenant et je vais te montrer ce que je fais aux allumeuses dans ton genre. »
Et il lui avait montré, employant à nouveau ce mot qu'il avait déjà utilisé pour désigner Stiles. Ainsi, il rangeait le louveteau et l'hyperactif dans la même catégorie : les allumeuses, faites pour le recevoir. Lui, Scott McCall. Un alpha qui n'avait plus de vrai que le titre. Liam sentit sa gorge se serrer à nouveau.
« En principe, je ne suis pas censé laisser passer ce que tu as fait, même si je suis d'avis que Stiles n'a pas eu ce qu'il méritait. Mais je dois agir, c'est ce qu'on attend de moi. Alors je vais te punir, à ma façon, joli cœur. »
Il étouffa de sa main un hoquet silencieux. Il s'interdisait de faire du bruit, comme il s'interdisait de se plaindre.
« Oh allez, laisse-toi faire. Tu voulais le baiser, non ? T'as envie de cul, Liam, tu peux pas nier. Arrête de te débattre. »
Ses yeux s'embuèrent. Finalement, il avait encore des larmes pour pleurer. Scott l'avait terrifié. A ce moment-là, ses yeux avaient pris leur teinte lupine d'alpha. Il l'avait plaqué contre le mur et de ses griffes, avait effleuré son cou. Il avait ce regard fou, ce genre de regard qui obligeait à obéir. Alors, il ne s'était pas débattu longtemps. Puis... L'alpha avait su trouver les mots pour le convaincre définitivement.
« Si tu ne te laisses pas faire, je connais un joli petit minois qui va saigner. Enfin, je ne sais pas ce que tu lui trouves, mais si tu continues, je m'occupe de lui. Et crois-moi, tu n'as pas envie que je le fasse. »
Effectivement, Liam ne voulait pas que Scott fasse du mal à Stiles. Lui-même lui en avait déjà trop fait. Et puis l'alpha avait du pouvoir. Sur lui. Sur Stiles. Sur eux tous. Et s'il était monstrueux, Liam ne pouvait pas le dire, tout bonnement parce qu'il était certain qu'on ne le croirait pas. D'un autre côté, sa culpabilité l'enchaînait dans un silence qu'il serait difficile de tenir. Il ne retenait que son agression envers Stiles. Pour lui, il ne valait pas mieux que Scott. Stiles avait juste réussi à l'arrêter. Liam savait qu'il n'aurait pas la même force. De toute manière, il avait déjà cédé bien avant que Scott ne lui impose cet ultimatum.
Parce que l'alpha avait bien choisi son heure.
Il avait attaqué au moment où Liam était le plus affaibli mentalement.
Et il l'avait eu.
« Ce sera notre petit secret. »
Liam se replia complètement sur lui-même, éclatant en sanglots silencieux.
xxx
Derek redescendit et se laissa tomber à côté de Lydia, sur le grand canapé du salon. Il était exténué. S'occuper de Stiles avait été mentalement éprouvant. En ce qui concernait Isaac, son épuisement était plus physique qu'autre chose. L'enfermer dans sa première chambre d'amis n'avait pas été simple : le bouclé s'était débattu, il l'avait même griffé, tout en hurlant à la mort qu'il voulait Stiles, qu'il était en danger, qu'il se passait quelque chose. Alors, Derek avait tenté un truc. Il lui avait dit que Stiles était au loft et qu'il allait bien. Il pourrait le voir plus tard, lorsqu'il serait calmé. Ça avait marché. Puis, il s'était endormi.
Stiles, de son côté, occupait la chambre de Derek qui avait bien pris garde à vérifier que le jeune homme n'aurait rien de tranchant qui lui tomberait sous la main. De toute manière, il s'était endormi, épuisé par sa bêtise et le loup surveillait ses battements de cœur, guettant son réveil. Avec ce qu'il avait vu, ce qu'il avait découvert... Il ne pouvait pas se permettre de le négliger. Le sang tapissait les murs de son esprit et il lui semblait que l'odeur restait ancrée dans ses narines, lui donnant l'impression qu'il se trouvait encore dans cette salle de bain transformée en décor de film d'horreur.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Entendit-il.
Le loup tourna doucement la tête vers Lydia dont le visage était ravagé par un mélange de sidération et de fatigue. Avant qu'il arrive, c'était elle qui avait lutté contre la crise d'Isaac, elle qui l'avait appelé des tonnes de fois pour qu'il vienne l'aider. Sous sa frêle humanité, la banshee cachait une force d'esprit impressionnante. Mais serait-elle prête à entendre ce qu'il avait vu ? Non. Parce que Derek lui-même était hanté par ces images d'horreur, ces images qui lui remuaient le ventre sans arrêt. C'était trop. Même pour lui, c'était trop.
- Pourquoi tu l'as amené ici ? Tu sais qu'Isaac a déjà fait une crise et l'a demandé, tu sais qu'un loup face à un humain, ça peut être dangereux. Et puis pourquoi il avait l'air si...
- Il s'est mutilé, la coupa brutalement Derek d'une voix blanche.
Parce que le mot était difficile à prononcer. Il lui rappelait la lame fermement serrée entre ses doigts ensanglantés, cette lueur sombre peuplant le regard de Stiles lorsque celui-ci avait tenté de se soustraire de ses bras pour la récupérer... Et en même temps, ce simple mot ne couvrait même pas la moitié du côté horrible de la chose.
Derek entendit un hoquet d'horreur et il sut que Lydia n'arrivait pas à y croire. Elle allait avoir besoin d'en entendre plus. Mais le loup ne comptait pas parler plus que nécessaire : lui aussi avait besoin d'un petit temps de repos mental, un peu de répit.
- Je suis allé le voir et je l'ai trouvé en sang. Pour éviter qu'il ne recommence, j'ai préféré l'amener ici, lâcha-t-il d'un ton monocorde.
Le récit, largement édulcoré, était d'autant plus horrible du fait que Derek semblait réellement dépassé. Lui qui était d'habitude si droit, impassible, une sorte de forteresse inébranlable se retrouvait complètement désemparé, presque désorienté. Les yeux vert sapin de Lydia étaient écarquillés à un point inimaginable et ses doigts graciles avaient commencé à trembler sur ses genoux. Mais ce n'était pas seulement cette révélation qui la perturbait. Certaines paroles d'Isaac lui revenaient doucement en mémoire, lui faisant prendre conscience qu'elle aurait dû y faire attention plus tôt.
- Isaac... Souffla-t-elle.
- Il est en haut, lâcha Derek d'un air absent.
Il surveillait également les battements de cœur de son presque frère de temps à autres. S'il ne dormait pas, il paraissait toutefois plus ou moins apaisé. Il dégageait moins d'angoisse, en tout cas. Un bon début...
Lydia secoua la tête.
- Non, je sais, c'est pas ça, je... Il a dit quelque chose. Il... Il savait. Je suis sûre qu'il savait que Stiles... Qu'il... Tu sais.
Derek releva les yeux vers elle, des yeux fatigués, des yeux qui en avaient trop vu. Néanmoins, les propos décousus de la banshee l'intéressaient. Elle n'était pas du genre à parler pour rien, à dire les choses à la légère. Et si son cerveau voyait un lien dans ces faits, il devait y en avoir. Et Derek devait l'écouter.
- Quand on est arrivés au loft, Isaac a commencé à paniquer, dit-elle en essayant de faire le vide dans son esprit pour mieux réfléchir. Il a paniqué... Comme l'autre jour. Il a réclamé Stiles.
Derek se redressa, intéressé. Oui, il s'en souvenait. Lydia se mit à parler à toute vitesse, comme si elle avait peur que ses idées s'envolent aussi vite qu'elles étaient apparues :
- L'autre jour, il est venu juste après que Liam l'ait agressé. Au même moment, Isaac a eu une crise, que Stiles a calmée. Et là... Là, tu me dis qu'il s'est fait du mal. Et Isaac m'a sorti qu'il... Qu'il n'allait pas bien. Oui, il m'a dit que Stiles allait mal ! Et au lycée... Quand Scott est allé parler à Stiles, Isaac m'a dit qu'on devait vite le trouver. Quand on est arrivés, Scott était en train de le rabaisser... C'est pas un hasard, Derek, rien de tout ça n'est un hasard !
Le loup haussa un sourcil en se rendant effectivement compte que les choses coïncidaient étrangement bien... Il était fatigué, ne voulait pas se torturer la tête avec cette histoire et pourtant, tout s'imbriquait bien trop pour qu'il laisse cela passer. Pourtant, dieu sait à quel point il aimerait se coucher et juste... Dormir. Oublier tout ça, sortir de cet enfer, ne plus voir de sang, être dans un monde où... Tout le monde allait bien. Derek avait vécu des tas de choses et si la perte de sa famille l'avait bien endurci, ce qui lui tombait dessus actuellement s'avérait un peu plus difficile à gérer que prévu. Il n'arrêtait pas de se demander pourquoi diable Stiles s'était-il charcuté de la sorte et il avait beau y réfléchir, rien ne lui venait à l'esprit, pas même l'ombre d'une hypothèse. Il voulait bien croire que son agression l'avait choqué, l'apostrophe de Scott également, mais quand même... Il savait que ce n'était pas tout. Oui, mais quoi ? Et puis, il commença à voir les choses sous un autre angle. S'il y avait effectivement un lien entre les crises d'Isaac et le mal-être de Stiles, quel était-il ? Et puis, si la souffrance de Stiles provoquait potentiellement cette angoisse incommensurable chez le bouclé, quelque chose était forcément à l'origine de ladite souffrance. Techniquement, une troisième partie existait.
Il était bien loin du compte, mais comment pourrait-il le savoir ?
- Quelque chose est en train de se passer... Quelque chose qui nous dépasse, déplora Lydia, dont le visage trahissait une lassitude folle.
C'était comme si tout cela commençait à faire trop pour elle, comme si elle n'avait pas les épaules pour le porter toute seule. Derek posa une main sur son épaule. Lui aussi était éreinté, c'était à peine s'il arrivait à ne pas penser à ces images qui continuaient de le hanter. Le seul soulagement qu'il ressentait à l'heure actuelle, c'était d'entendre un rythme cardiaque parfaitement lent et régulier provenir de sa chambre. Stiles dormait toujours. Et malheureusement, Derek avait l'impression qu'il s'agissait du seul moment où ils pouvaient souffler, l'un comme l'autre.
- On va contacter Deaton, finit-il par dire pour la rassurer. S'ils partagent un lien, quel qu'il soit, il est surnaturel.
Et il n'y avait pas meilleur que le vétérinaire dans ce domaine. Derek connaissait beaucoup de choses, oui, mais bien moins qu'Alan, en qui il avait parfaitement confiance. Lydia le regarda, pleine d'espoir. Elle était bien plus empathique qu'elle ne voulait bien le montrer et il était clair que cette situation la minait. Dans quel état serait-elle si c'était elle qui avait découvert Stiles dans cette salle de bain ? Derek soupira. Il y avait des choses qui restaient, d'autres qui s'en allaient. Et cette vision d'horreur faisait partie des souvenirs qui resteraient sans doute éternellement ancrés dans sa mémoire.
Lydia hocha fébrilement la tête. C'était une jeune femme forte, mais elle avait ses limites et... Tout cela faisait beaucoup. Si l'on prenait en compte le fait qu'elle était encore au lycée et avait ses propres problèmes à gérer... Oui, elle avait besoin d'un petit break. Derek aussi. Toutefois, il pouvait encore encaisser avant d'exploser. Disons qu'il avait une certaine expérience dans le domaine...
- Tu peux rentrer chez toi, Lydia, lâcha-t-il après avoir passé une main lasse dans ses cheveux courts.
Elle parut surprise et balbutia que ce n'était pas la peine, mais Derek insista, en lui assurant qu'il pourrait aisément gérer les deux adolescents à l'étage. En soi, il ne mentait pas, mais il ne disait pas non plus toute la vérité. Il avait besoin de se retrouver un peu seul pour réfléchir, se poser et peut-être essayer de se changer les idées. La banshee avait un esprit éclairé et vif, certes, mais Derek n'avait pas besoin d'en entendre plus pour le moment. Ce qu'il avait, c'était déjà beaucoup.
Et il avait vraiment, mais alors vraiment besoin d'une pause.
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