Chapitre 13


Liam resta au sol de longues minutes, incapable de bouger, à moitié nu. Scott était parti depuis trois quarts d'heure et il était là, dans la position dans laquelle l'alpha l'avait laissé. Ses yeux entrouverts étaient vides et secs. Il aurait pu pleurer, s'il lui restait des larmes, mais il n'en fit rien. Parce qu'il avait tout lâché. Parce qu'il se sentait profondément coupable. Parce qu'il pensait le mériter. Parce qu'il l'avait mérité. Parce qu'il était un monstre et que tout ça n'était que justice.

Il avait fait du mal à Stiles, il s'était pris le retour de bâton en pleine face et ce n'était pas près de se terminer.

Parce que Scott avait dit que ce serait leur petit secret. Qui était-il pour contester son alpha, d'autant plus si celui-ci arrivait à l'immobiliser avec une grande aisance ? Qui était-il pour dire non ? Qui était-il ? Le néant. Il n'était plus rien, ni personne.

xxx

Isaac se mit à haleter bruyamment et serra sa main sur son haut, au niveau de son cœur. Sa vue se fit floue, il perdit l'équilibre et sentit deux bras fins le retenir pourtant fermement.

- Isaac, qu'est-ce qui t'arrive ? Isaac ? L'appela Lydia, inquiète.

Elle l'accompagnait au loft et ils venaient d'arriver devant l'ascenseur. Le bouclé, depuis sa crise du fameux samedi, recommençait à dormir chez Derek de temps à autres. Le samedi soir, il avait occupé la chambre d'ami, se sentant trop fragile pour rentrer chez lui. Le dimanche, il avait pu retourner à son appartement. Mais cet après-midi, lorsque son aîné l'avait appelé, il avait ressenti l'étrange besoin de ne pas rester seul et d'aller se terrer dans la chambre d'ami. La solitude lui faisait peur. Refaire une crise et faire une connerie que personne ne pourrait arrêter. Alerter ses voisins, risquer que l'on découvre sa nature lupine. Le loft de Derek, outre la maison de Stiles, était son refuge depuis longtemps. Il avait carrément un double des clés. Et puis, l'ancien alpha agissait avec lui comme un aîné avec son cadet. Même si au départ, c'était un peu difficile entre eux, le Hale s'était très vite retrouvé à prendre soin de lui, comme un membre de sa famille. Isaac n'oublierait jamais que c'était lui qui l'avait sauvé lorsque son père était encore en vie et qu'il le maltraitait jour et nuit. Stiles était également précieux pour lui, c'était la deuxième personne à qui il pourrait confier sa vie. N'était-ce pas lui qu'il allait voir lorsqu'il faisait des cauchemars.

Stiles.

- Je... Je sais pas...

Son souffle était court.

Stiles.

Il se sentit mal, nauséeux, ressentit un mal-être profond qui le fit vaciller. De sa force toute relative, Lydia l'aida à s'assoir – c'était nettement plus simple pour elle – et se mit devant lui. Isaac était pâle comme un linge et les yeux observateurs de la banshee notifièrent les quelques gouttes de sueur perlant sur ses tempes et son front. Elle prit son visage en coupe dans ses mains et essaya de capter son attention.

- Isaac ! Isaac, s'il te plaît, regarde-moi ! L'implora-t-elle alors que le stress l'envahissait.

Mais il avait bien du mal. Son angoisse à lui montait en flèche. Il pensait à Stiles. Il ne pensait qu'à Stiles. Quelque chose n'allait pas. Il le sentait. Il devait le dire à Lydia, oui, le lui dire ! Tant pis pour la tranquillité et la vie privée de Stiles, il fallait qu'ils aillent le voir.

Dans l'idée, oui.

Mais il peinait à respirer, son cœur battait beaucoup trop vite et un froid désagréable l'envahissait. C'était comme s'il était malade.

- S-Stiles, articula-t-il péniblement.

- Quoi, Stiles ? Demanda la banshee, qui ne savait pas trop comment réagir.

Elle était partagée entre le soulagement quant au fait qu'Isaac était encore là, avec elle et entre le désespoir de voir qu'il ne pensait qu'à Stiles. Elle ne comprenait pas. Elle aussi était inquiète pour l'hyperactif, très inquiète même, mais pas au point de trembler, d'avoir du mal à respirer, pas au point de perdre le contrôle d'elle-même.

- Il... Il va... Pas bien...

Parler était une horreur en termes de difficulté. Isaac avait réellement du mal. Sa tête semblait comme dans un étau, réfléchir était un peu complexe. La seule pensée cohérente était celle-ci : il avait besoin de voir Stiles. Des larmes se mirent à couler sur ses joues de façon complètement incompréhensible, sous les yeux impuissants de Lydia alors qu'elle le voyait se perdre rapidement.

Il refaisait une crise.

xxx

Une boucherie. Voilà ce qu'était la salle de bain. Derek avait la nausée. Il comprenait mieux d'où venait tout ce sang. Des jambes de Stiles. Derek ne savait pas sur quoi concentrer son attention tant il avait d'informations à assimiler. Mais il décida de laisser son instinct le guider. En premier lieu, il devait récupérer cette lame que Stiles serrait fort dans sa main. Ensanglantée également. Son visage ruisselant de larmes et complètement défait brisa instantanément le cœur de Derek. Tentant de contrôler les battements de son cœur, le loup fit de son mieux pour mettre ses nausées et haut-le-cœur de côté. Il fallait qu'il soit fort et efficace. Mais Stiles tremblait, pleurait, peinait à fixer son regard quelque part et c'était profondément déstabilisant. L'envie de le prendre dans ses bras le prit. L'éclat de la lame attira son regard. Pour éviter de le blesser plus, il fallait qu'il y aille en douceur. Même si le sang coulant de sa main le rendait malade. Mais ce n'était rien par rapport à ses cuisses et ses bras, à nouveau charcutés malgré tout.

- Donne-moi ça, Stiles, fit-il de sa voix la plus douce.

Il posa lentement sa main sur celle de l'hyperactif. Au fond de lui, Derek avait envie de tout envoyer valser et en même temps, de vomir. L'effluve du sang était trop fort, trop présent. Les tremblements de Stiles et ces blessures, qu'il semblait s'être lui-même infligées... Il n'était même pas en colère, bordel. Sans doute était-ce à cause du choc, mais il n'arrivait pas à lui en vouloir de s'être mis dans un état pareil. Ou peut-être était-ce simplement parce qu'il ne l'avait pas encore mis hors de danger, parce qu'il gardait toujours cette lame serrée dans sa paume.

- J'peux... J'p-peux pas... Souffla Stiles sans relever la tête vers lui.

Derek vit alors ses doigts se resserrer sur l'argent.

- Allez, Stiles, l'implora-t-il en se rapprochant.

Parce qu'à cet instant, il avait atrocement mal de le voir ainsi, le visage ruisselant de larmes, comme si... Comme s'il ne désirait pas vraiment ce qu'il se passait. Mais Derek gardait tout de même une ligne directrice et était affreusement conscient du fait qu'il fallait rapidement le soigner. Du sang, il en avait perdu. Pas assez pour avoir besoin d'une transfusion, mais assez pour faiblir. Et c'était tout à son avantage.

- J'veux la lâcher mais... J'peux pas... C'est p-pas moi tout ça, je... J'me contrôle pas Derek !

La voix de Stiles était brisée. Sa main trembla, comme s'il la retenait. Et Derek comprit. Son regard se voila.

- Pardonne-moi, souffla-t-il.

Sans plus attendre, il s'empara de son poignet et le serra fort, très fort, si bien que Stiles gémit de douleur. Mais sa technique marcha et la main de l'hyperactif s'ouvrit sans plus de résistance. Les yeux bleu-vert de Derek suivirent le chemin de la lame argentée aux éclats pourpres tombant comme au ralentit. Elle tinta sur le sol puis s'immobilisa complètement, inerte telle l'objet qu'elle était. D'un coup de pied rapide, il l'envoya valser au fond de la pièce et l'odeur du sang revint hanter ses narines. Ignorant sciemment les couinements de Stiles qui massait son poignet endolori, il se leva et fouilla dans son armoire à pharmacie. Il devait le soigner et vite. Tant pis si ce n'était pas parfait, il fallait simplement que ça tienne. Une fois qu'il eut trouvé ce qu'il voulait, il revint s'accroupir près de l'hyperactif et s'obligea à poser les yeux sur ces blessures qui lui donnaient la nausée. Son cœur en rata, des battements.

Au niveau des bras, l'on pouvait voir des bandages déchiquetés avec des plaies récentes, ouvertes, sanguinolentes, et à certains endroits, d'autres, bien moins profondes, plus anciennes, recouvertes d'une fine croûte ou, pour certaines, complètement cicatrisées. Les jambes... Quelle horreur. Stiles n'avait même pas retiré son pantalon mais l'on voyait déjà le carnage sur ses cuisses. Sans se soucier du sang qui lui tâchait déjà les vêtements, Derek se fit aussi pédagogue et doux qu'il le put. Sur un ton qui sonnait toutefois l'urgence, il lui expliqua ce qu'il allait faire : lui enlever son pantalon, retirer ses bandages, nettoyer ses plaies puis les recouvrir par des pansements ou bien de nouveaux bandages. Il lui enjoignit calmement de ne pas bouger et de le laisser faire. Si de l'extérieur, il semblait calme et savoir ce qu'il faisait, la réalité était toute autre. Il était horrifié et ne devait son attitude trompeuse qu'à son incroyable self-control. Pourtant, son envie de vomir était là. Stiles ne le dégoûtait pas, simplement, l'horreur de ses blessures le laissait sans voix. Il n'arrivait pas à se dire que l'hyperactif s'était lui-même infligé tout ça. Ces coupures étaient barbares et au vu de leurs lignes, elles avaient été faites vite, sans aucune hésitation. C'était ça le pire. Stiles n'avait pas hésité.

La suite se passa dans le silence, parfois entrecoupé par les sanglots de Stiles qui n'osait plus regarder le loup en face. Loup qui sentait parfaitement la honte dans son odeur. Le sang ne l'aidait pas vraiment à se concentrer, mais il faisait tout son possible pour passer outre et faire au mieux. Plus il avancerait, plus vite il pourrait sortir d'ici. Et avec Stiles. Tant pis pour la mauvaise surprise qu'ils laisseraient à Noah, il lui enverrait un message lui expliquant la situation dans les grandes lignes. Derek, de par ses observations, avait des raisons de penser que ce n'était pas la première fois que Stiles se traitait ainsi et il était clair que Noah ne devait pas être au courant. Autrement, au vu de l'amour qu'il portait à son fils, il aurait caché tous les objets tranchants de la maison.

Stiles fut extrêmement docile et silencieux. Ses larmes s'étaient taries et il régnait dans la salle de bain un silence lugubre. Il laissait Derek faire malgré l'immense honte qu'il ressentait. Il avait mal, mais ne disait rien. Le désinfectant le piquait, mais il ne tressaillait pas. Pourquoi se plaindrait-il ? C'était de sa faute s'il en était là. C'était lui qui s'était fait du mal, lui qui en payait les conséquences. Il releva légèrement la tête. Derek en avait fini avec ses jambes et les bandages qu'il lui avait appliqués étaient nickel. C'était propre. Bien plus que ce qu'il avait l'habitude de faire, lui. Disons que se soigner était toujours une corvée. Le loup prenait plus soin de lui que lui-même ne l'avait fait ces dernières semaines. Et il se sentait mal, si mal ! Que Derek voit tout ce sang. Qu'il soit là. Qu'il l'aide. Son téléphone avait sonné en plus. Quatre, cinq ou six fois, il ne savait plus. Ou peut-être était-ce dix ? Stiles n'avait pas vraiment compté.

Ses yeux ambrés rougis accrochèrent un éclat argenté, au fond de la pièce. Son cœur accéléra légèrement la cadence et son esprit changea légèrement d'opinion. Elle était là. Si près, et en même temps si loin. Il pouvait la récupérer, il en était capable. Il n'avait qu'à pousser Derek et à foncer. Mais il tremblait, il était faible. Du sang, il en avait perdu, et pas qu'un peu. Puis à côté de lui, le loup était une armoire à glace. Une armoire à glace qui prenait soin de lui avec une douceur et une patience étonnante. Une armoire à glace qui était en train de bander sa cuisse gauche avec délicatesse. Oui mais une noirceur emplit à nouveau son esprit. Il oublia qu'il était actuellement simplement vêtu de son haut et d'un de ses caleçon Batman. Il oublia que Derek s'occupait de lui alors qu'il s'était charcuté tout seul. Il avait mal et pourtant, ce n'était pas vraiment sa douleur, elle s'ajoutait à la sienne. Loin d'être physique, elle faisait des ravages niveau mental. Elle le tuait à petit feu, le faisait se sentir salle. D'un coup, il sentait le froid sur sa peau, les souillures à l'intérieur de ses cuisses, sur son visage. En lui. Et en même temps, cette souffrance intérieure lui paraissait aussi proche que lointaine. Comme si elle n'était pas la sienne, mais qu'elle le pénétrait pourtant avec aisance.

Alors il oublia un instant qu'il était Stiles Stilinski.

- Non !

Deux bras entourèrent sa taille alors qu'il avait essayé de s'élancer, sans s'en rendre compte, vers cette lame qui n'attendait qu'une chose : trancher plus de chairs. Il allait l'attraper, il n'était pas loin ! Il la voulait, elle était là, si proche... Incontrôlable à cet instant, la pulsion le manipulait à sa guise, le poussant à se faire mal, à faire disparaître cette douleur mentale lancinante au profit d'une, plus concrète, physique. Stiles hoqueta, perdit soudainement cette assurance étrangère et se remit à trembler comme un malade. Il se laissa aller dans les bras de Derek qui l'entourait, l'étreignait et essayait de le rassurer. Il lui disait que tout allait bien, qu'il allait le sortir de là. Rien n'était moins sûr. De son côté, le loup était à deux doigts d'exploser. Il s'éloigna, se débarrassa de la lame restée au sol et s'empressa de s'occuper de la jambe droite de Stiles. Enfin, il le sortit de cette horrible salle de bain et le porta jusqu'à sa chambre. Là, il le fit se changer de haut et l'aida également à enfiler un pantalon de jogging, confortable. Ensuite, il dégota un sac qu'il remplit avec quelques vêtements du plus jeune qui restait apathique sur son lit. Il ne pleurait plus depuis un moment, mais tremblait plus que jamais, pressant inconsciemment Derek de s'activer, ce qu'il faisait déjà. Une fois qu'il lui eut pris de quoi se changer ainsi que son traitement, il prit le sac sur son dos avant de prendre l'hyperactif dans ses bras.

Quelques secondes plus tard, il prenait la route en direction du loft, l'hyperactif avachi sur le siège passager. Il sentait le sang à plein nez, mais ça allait, c'était supportable. Et surtout, il l'éloignait de sa maison, qui contenait à l'heure actuelle une pièce où son sang avait coulé à flot. Derek espérait avoir le temps de prévenir Noah pour éviter qu'il s'inquiète trop... Cela attendrait. S'efforçant de s'empêcher de ressentir trop de choses, Derek concentra ses yeux sur la route. Il sentait Stiles trembler, tout comme il sentait l'odeur de ses sanglots. Il avait recommencé à pleurer. En silence. Les mains cachant son visage. Derek serra ses mains sur le volant à s'en faire blanchir les phalanges. Ça n'allait pas. Vraiment, ça n'allait pas. Il s'autoriserait à plus de sentimentalisme et plus d'empathie lorsqu'il serait au loft, en tête à tête avec l'hyperactif. Là, il l'étreindrait doucement, prendrait le temps de l'écouter. Cette fois, il ne serait pas pressé de le faire sortir d'une pièce tapissée de son sang. En repensant à cette vision qu'il avait eue en entrant dans la salle de bain, Derek faillit avoir un haut-le-cœur, mais réussit à se mentaliser et à passer outre. Pour l'instant. Son pied mit un peu plus de pression sur l'accélérateur. Il risqua un coup d'œil sur son téléphone, qu'il venait de sortir de la poche de sa veste. Il l'alluma de sa main libre et fronça les sourcils. Il avait douze appels manqués de Lydia. Sentant qu'une nouvelle angoisse naissait en lui, il l'éteignit. Pour l'instant, sa priorité, c'était Stiles. Il rappellerait la banshee une fois que l'hyperactif serait en sécurité, sous sa surveillance. Une fois qu'il l'aurait calmé. Une fois qu'il aurait discuté avec lui. Une fois qu'il aurait compris pourquoi il s'était fait tant de mal. Une fois qu'il lui aurait fait promettre de ne plus recommencer. L'idée, plus que concrète, que Stiles se mutile lui faisait mal, très mal, à tel point qu'il se sentait chaque seconde près à défaillir. Seul l'espoir de sortir l'hyperactif de là le faisait tenir.

Et encore, il était incertain.

Dans sa poche, son téléphone se remit à sonner.

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