Chapitre 12
Isaac raccrocha et retourna avec Lydia et Stiles, qu'il avait abandonnés le temps de son appel, qui n'avait pas duré plus de dix minutes. Il se réinstalla sur la table qu'ils occupaient tous les trois à la bibliothèque. Un de leurs professeurs ayant été déclaré absent au dernier moment, les jeunes gens s'étaient dit que, tant qu'à faire, autant faire leurs devoirs et réviser ensemble. Enfin, c'était une excuse. Isaac et Lydia avaient peur de laisser Stiles seul et en même temps, ils savaient qu'ils ne pouvaient l'obliger à rien. Alors, ils restaient avec lui tant que possible. Ensuite, quand il rentrerait chez lui, ils seraient obligés de repartir de leur côté.
Isaac se mordit la lèvre inférieure. C'était Derek, qu'il avait eu au téléphone. A l'heure actuelle, le loup était furieux parce que, bien sûr, le bouclé lui avait tout de suite expliqué les évènements de la matinée. S'il avait simplement appelé pour savoir si Isaac dormait chez lui ce soir ou non, il repartait avec une haine folle. Derek était quelqu'un de très protecteur malgré les apparences et le comportement qu'avait eu Scott envers Stiles le mettait forcément hors de lui. L'hyperactif n'avait-il pas déjà assez subi ? Il n'était toujours pas remis des révélations de Liam, à qui il n'avait pas reparlé pour l'instant. Quant à Isaac, il ne l'avait pas vu au lycée aujourd'hui.
Isaac tenta de se remettre comme il le put dans les devoirs mais son attention retournait sans arrêt se focus sur Stiles. Lui et Lydia le couvaient, parce que leur inquiétude avait du mal à s'amenuiser, en particulier concernant le bouclé. Il avait un mauvais pressentiment qui refusait de le quitter.
xxx
Un tintement métallique se fit entendre. Puis, un bruit de braguette. Des mains monstrueuses par les actes qu'elles avaient perpétré refermèrent la boucle de la ceinture argentée. L'air inexpressif, Scott sortit de la maison Dunbar sans un regard derrière lui, mais fort d'une certitude nouvelle, aussi horrible que malsaine.
Liam était à lui.
Oui, il était sien.
Sien.
xxx
Stiles ferma la porte de chez lui à clé et souffla en se laissant glisser contre elle. Son sac était déjà au sol. Rouler dans son état avait été une torture. A peine était-il sorti du lycée que ses pulsions étaient revenues en force et des images de sang, son sang, l'avaient déconcentré sur la route, au point qu'il avait manqué d'avoir un ou deux accidents. Alors voilà qu'il respirait lentement et profondément, pour essayer de se calmer, de penser à autre chose. C'était étrange. Au fond, il ne pensait pas réellement à se faire mal, c'était comme si on l'obligeait à s'imaginer en train de le faire, comme si on le poussait à vouloir le faire. Sauf que depuis ce soir-là où il s'était charcuté les bras, il avait peur. De lui. Parce qu'en soi, c'était ses mains qui avaient tenu la lame, ses mains qui l'avaient appuyée sur sa peau, sa main qui avait fait couler son propre sang avec une sauvagerie inédite. D'ordinaire, pas que c'était bien, mais c'était, disons... Limité et mesuré. Mais là... Sans pouvoir rien faire, il perdit les pédales, à nouveau. Sa résistance était bien faible, surtout si l'on considérait qu'il n'arrêtait pas de penser à Scott et à ses paroles meurtrières. Dommage que Lydia et Isaac ne soient pas là, près de lui. Leur présence le canalisait, au lycée. Ici, seul chez lui, il n'avait rien à cacher à personne. Seul avec lui-même, il était à sa propre merci.
Les escaliers grincèrent sous ses pas rapides mais pesants. Son regard s'était empli d'ombres et c'est comme une furie qu'il déboula dans la salle de bain. Ses mains tremblantes ouvrirent les placards, cherchèrent les lames. Il choisit la meilleure, la mieux taillée, la plus propre. Retroussa ses manches. Oublia cette idée : les bandages étaient récents, il n'aurait pas l'énergie de les changer après. De plus, ses bras étaient mutilés de partout et rouvrir ses plaies tout de suite lui créerait des ennuis. Il baissa les yeux. Il y avait bien un endroit auquel il n'avait jamais touché et qui guérirait, par conséquent, plus rapidement.
Un endroit facile à cacher, car toujours sous des vêtements.
Sans être lui-même mais pourtant submergé par ses émotions, Stiles laissa courir sa lame. Scott le haïssait. Liam l'avait agressé. Scott aurait voulu qu'il se fasse tuer en mission. Scott le trouvait laid. Scott aurait souhaité que Liam ne s'arrête pas en si bon chemin. Scott voulait le voir mort.
Une nouvelle fois, les larmes se mêlèrent au sang.
xxx
Derek n'était pas du genre à aller vers les autres. Il était toujours celui chez qui on allait et il se retrouvait à aider les gens à régler leurs soucis sur place. Il était donc davantage l'habitude de recevoir les adolescents au compte-goutte plutôt que d'aller chez l'un d'eux. Oui mais là, c'était différent. Il avait envoyé un message à Stiles, pour prendre de ses nouvelles. En tout bien tout honneur. Gentiment. Parce qu'il l'avait vu démuni l'autre jour et... Oui, il s'inquiétait. L'appel qu'il avait eu avec Isaac ne l'avait pas rassuré le moins du monde. C'était comme si le sort s'acharnait sur Stiles.
Alors forcément, après avoir attendu deux petites heures mais sans voir de réponse à l'horizon, il avait décidé de l'appeler. Puis, d'aller carrément le voir. Qu'on n'aille pas lui raconter des salades : les cours étaient terminés depuis belle lurette. Et Stiles avait toujours son téléphone sur lui. Pour éviter d'inquiéter Isaac et Lydia, ou du moins plus qu'ils ne l'étaient déjà, il ne leur avait rien dit, rien demandé. Si Lydia avait toujours la tête sur les épaules, Isaac était fragile. Depuis ce samedi, il était fragile, oui. Un peu plus instable émotionnellement. Il se montrait fort, mais quelque chose en lui était irrémédiablement cassé. Par conséquent, Derek était heureux qu'Isaac vienne effectivement dormir chez lui ce soir. Ainsi, il pourrait être là pour lui en cas de besoin. La nuit, le bouclé avait tendance à être particulièrement vulnérable.
Derek sonna. N'entendant pas de bruit de pas mais sachant parfaitement que Stiles était rentré – sa Jeep garée juste devant la maison n'était pas très discrète –, il essaya d'ouvrir la porte, en vain. Elle était verrouillée. Sans se soucier plus que cela de ce fait, Derek eut recourt aux bonnes vieilles méthodes qui fonctionnaient toujours.
La fenêtre de Stiles ne lui opposa aucune résistance et pour une fois, il bénit cet idiot d'avoir oublié de la verrouiller, comme toujours.
Ce qui lui plut par contre beaucoup moins, c'est cette odeur métallique qui assaillit ses narines de loup de manière particulièrement subite, comme si la fenêtre empêchait tout bonnement les effluves d'être détectables de l'extérieur. Aussitôt, Derek se tendit. La fragrance ressemblait vachement à celle du sang. Et c'en était. Hale l'avait bien assez connu dans sa vie pour en reconnaître la nature dès la première seconde.
- Stiles ? Appela-t-il.
Seul le silence lui répondit. Il déploya ses sens auditifs à leur maximum.
Ploc...
Légère comme une plume, la goutte tombait, il l'avait entendue. Il percevait également une respiration erratique, mais qui se voulait discrète. Ensuite, il sentit l'odeur de l'adolescent, submergée par ce flot métallique, âcre, du sang. Le sien ne fit qu'un tour et son instinct de loup le dirigea vers la salle de bain.
- Stiles ! Appela-t-il à nouveau, bien plus fort et d'un ton qui montrait clairement son inquiétude.
Un sanglot presque silencieux lui répondit. Presque. Il actionna la poignée dans le brut d'ouvrir la porte mais découvrir avec stupeur et horreur qu'elle était fermée. A clé. De l'intérieur.
- Stiles, c'est moi ! Ouvre-moi, s'il te plaît !
Il ressentait le besoin de le voir, de se dire que ce sang, ce n'était rien, qu'il s'était juste légèrement blessé par accident et qu'il était en train de se soigner. Oui, il avait vraiment besoin que ce soit cela.
Mais son oreille lupine ne lui rapporta aucun mouvement. Dans la salle de bain, Stiles ne bougeait pas, mais il entendit un nouveau sanglot discret. Comme si le jeune homme étouffait ses pleurs, ce qui était très probablement le cas. Et cette odeur, mais cette odeur ! Elle était bien trop chargée d'amertume pour ne contenir qu'un petit effluve de sang.
- Stiles, qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi ça sent le sang ? Ouvre-moi !
Son ton était pressé, partait un peu plus vers les aigus que d'ordinaire. Une réelle inquiétude le traversait, une inquiétude qui le prenait aux tripes. Si Stiles ne lui répondait pas rapidement, il n'attendrait peut-être pas son aval pour ouvrir... Et risquait de défoncer la porte. Il se passait quelque chose, c'était certain et Derek s'en voulut stupidement de ne pas avoir pu passer le voir plus tôt.
La voix de l'hyperactif s'éleva lentement et faiblement, si bien qu'il fut heureux de posséder une ouïe lupine capable d'entendre ce que l'autre disait à travers la porte :
- N-non... N-non, non, non... !
Le sang de Derek se glaça. Il sentait que Stiles était seul et pourtant, c'était comme si ces refus, ces « non » répétés étaient destinés... A quelqu'un d'autre. Pas lui. Pas Derek. Le loup entendit un hoquet de douleur et sentit la souffrance s'insinuer dans l'odeur de l'hyperactif. Il était en danger. Peu importe qu'il soit seul ou que quelqu'un soit avec lui – il ne sentait que la fragrance de Stiles et de son sang, bordel ! –, il allait défoncer la porte.
- J'veux p-pas... Non... Arrête ! Lâ-lâche... D-Derek... Ai-aide-moi... ! J't'en supplie aide-moi !
Sa voix était complètement brisée, il pleurait à chaude larme.
Derek enfonça la porte.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top