Chapitre 11
Stiles n'avait pas prononcé un mot de la matinée et Isaac était mort d'inquiétude. Lydia était elle aussi prise d'une angoisse folle, mais Isaac... C'était carrément autre chose. Ce stress qui l'étreignait était fort, viscéral, comme si l'état de Stiles le touchait plus qu'il ne l'aurait dû.
Ce fut seulement lors du repas du midi – où Lydia et Isaac avaient dû le traîner au self – que Stiles sembla reprendre doucement vie... Après avoir passé des heures apathiques, à ne rien dire, rien montrer, à simplement hocher la tête de temps en temps lorsqu'on lui posait une question, à noter mollement ses cours, à se faire plus discret que jamais dans cette salle de classe où Scott n'avait, étonnamment, pas mis les pieds. Là, alors qu'il se tenait depuis quelques minutes devant son plateau un peu trop rempli – Lydia croyait-elle vraiment qu'il allait manger tout ça ? –, il reprit des couleurs, une âme, sembla s'animer, un peu. Il esquissa un vague sourire en direction de ses amis, histoire de les rassurer un peu. Il entama même une discussion avec Lydia, choisissant délibérément un sujet qui n'avait aucun rapport avec l'épisode de la matinée. Il fit également attention à ne pas parler de l'autre jour, ce jour où il s'était fait agresser, où il avait secouru Isaac, où Scott l'avait violemment alpagué. Encore. Mais Stiles se força à ne pas y penser. Il avait provisoirement éloigné ses troubles réflexions et ce n'était pas rien. Il avait failli déraper, encore.
Et ça le terrifiait.
Ça le terrifiait parce que ce n'était pas dans ses habitudes de... De vouloir. Autant. D'avoir des flashes, de se voir en train de se charcuter juste... Juste pour quoi ? Pour apaiser des pulsions difficilement contrôlables. Autrefois – avant ce samedi funeste –, il avait un complet contrôle sur cette partie de lui, celle qui s'était effondrée depuis un moment. Il avait besoin, il faisait. Il était seul et allait mal, il faisait. Lorsque ça allait, il ne faisait pas. C'était aussi simple que ça. Mais là... Sa tête s'emplissait d'images qu'il voulait fuir, des images toutes plus gores les unes que les autres, si bien que Stiles prit réellement peur. Il se faisait peur. Mais il fit tout pour la combattre, tout comme il fit en sorte de ne rien montrer. Il se débrouillait pour penser à autre chose, pour écouter les bavardages d'Isaac et Lydia, qui ne l'avaient pas lâché d'une semelle depuis l'altercation avec Scott.
Scott.
Jamais il ne l'avait entendu dire des horreurs pareilles, mais il sentait qu'elles nourrissaient cette part sombre en lui, qu'elles alimentaient ces pulsions étranges. Il savait qu'il devait ne prendre aucun de ses mots en compte, mais c'était plus fort que lui : ils l'avaient pénétré avec violence et certains tournaient en boucle dans son esprit. S'il avait, pour l'instant, à ne pas les laisser le submerger, il savait que ce n'était que temporaire. Pour le moment, la présence d'Isaac et Lydia l'aidait. Pas parce qu'ils le canalisaient, simplement parce qu'il se forçait à ne pas attirer plus que ça leur attention. Et pour cela, il fallait pour lui se museler, réprimer ses émotions, ne pas penser outre mesure aux propos haineux de Scott. Son meilleur ami. Meilleur ami. Quel meilleur ami. La déception en Stiles était grande mais comme le reste, il essayait de retarder le moment où elle irait lui taillader le moral en morceaux. C'était déjà un peu – grandement – le cas, mais on en revenait à ce qui l'aidait à ne pas réellement céder : la présence de ses deux amis. C'était encore plus délicat avec Isaac. De nature lupine, il sentait les émotions dans son odeur alors forcément, il fallait faire encore plus attention. C'était un réel travail sur lui que Stiles faisait, et autant dire que ce n'était pas simple. Il avait l'habitude de balader et camoufler son mal-être au point que celui-ci ne se sente pas le moins du monde dans son odeur. Là, depuis ce sombre samedi, trop de choses s'étaient rajoutées, si bien que c'était difficile. Mais il y arrivait, pour l'instant.
Le moment où il rentrerait chez lui, ce serait autre chose, mais Stiles essaya de relativiser et d'y songer le moins possible. Il réussirait à faire disparaître ces étranges pulsions avant la fin de la journée, c'était certain. Il y arriverait. Elles le tiraillaient, mais il résisterait.
Ou pas.
xxx
Il était quatorze heures lorsque Liam sortit avec mollesse de son lit pour la deuxième fois de la journée, la première ayant été pour se laver les dents à huit heures. Etant un loup et supportant techniquement fort bien le frais, il frissonna tout de même lorsqu'il repoussa sa couette et enfila rapidement une veste. Ce n'était pas dans ses habitudes, mais il avait froid. Et envie de se cacher, même s'il était seul dans cette grande maison. Sa mère était en voyage d'affaire et son père travaillait, il était donc tout à fait normal qu'il ait le champ libre, qu'il sèche les cours du jour et qu'il dorme jusqu'à pas d'heure. Ce n'était pas comme s'il arrivait à fermer les yeux la nuit venue et qu'il ne cédait au sommeil qu'à l'aube, n'est-ce pas ? Enfin, ce n'était pas comme s'il comptait se lever, à la base. Mais on avait sonné à l'entrée, assez longtemps pour le convaincre que de sortir de son lit.
L'agression qu'il avait perpétrée à l'encontre de Stiles le hantait. Théo avait bien essayé de l'aider, de lui faire comprendre que tout n'était peut-être pas de sa faute, il l'avait également informé du fait qu'il avait vu Stiles en cours et que ça avait l'air d'aller. En réalité, le blond avait simplement vu l'hyperactif sourire, au réfectoire, en compagnie de Lydia et Isaac. Le reste du temps, il avait été introuvable, mais il n'avait trouvé que ça pour rassurer Liam. Mais cela ne suffisait pas. Le louveteau se revoyait, impuissant face à ces pulsions qui l'avaient pris d'un coup, ces pulsions qui l'avaient poussé à se jeter sur ce pauvre Stiles qui n'avait rien demandé, à part de l'aider ! Oui c'était bien ça le pire. L'hyperactif était venu le voir, un samedi alors que c'était l'un des seuls jours où il pouvait jouir d'un minimum de tranquillité vis-à-vis de la meute. Liam l'avait contacté parce que cela lui avait été soufflé par son instinct. Et puis, il connaissait bien Stiles et savait que son aide était précieuse. Il ne savait pas ce qui lui arrivait, mais il avait été persuadé que le fils du shérif pourrait l'aider. Il avait toujours réponse à tout. Et puis, cet instinct s'était transformé en quelque chose de plus sombre, plus insidieux, plus pervers. Dès le moment où il avait compris vers où partait ce besoin d'aide, Liam avait essayé de le prévenir, de lutter contre son loup qui labourait les portes de son esprit. Lorsqu'il se rappela de la douleur qu'il avait ressentie à l'intérieur de son crâne, il frissonna et se frotta les avant-bras, comme pour se réchauffer. Il n'arrivait pas à croire que cette souffrance avait disparu au moment où ses lèvres étaient entrées en contact avec la peau de Stiles. Le pire, ç'avait été le plaisir qu'il avait ressenti. Cette libération. C'était comme s'il avait trop longtemps retenu quelque chose, un secret, et qu'il pouvait enfin se lâcher.
Oui parce que, d'accord, Stiles lui plaisait. Physiquement. Oui, peut-être aussi qu'il s'était assez vite attaché à lui et développé un semblant de sentiments. Rien de très fort, heureusement, mais tout de même. Il n'en avait jamais parlé à personne : il n'en avait jamais vu l'intérêt. Aujourd'hui, il savait qu'il ne devait jamais en parler. Parce qu'on interprèterait mal les choses. Parce qu'on irait penser que ce qu'il avait était une obsession et non pas des sentiments. Parce qu'on dirait qu'il avait prémédité son acte. Parce qu'on ne lui laisserait pas la moindre chance de s'expliquer.
Parce que bordel, il ne voulait pas qu'on imagine qu'il voulait, de son propre chef, faire du mal à Stiles.
Stiles, c'était une lumière, celle qui le poussait à vouloir être meilleur, à essayer de combattre ses troubles de colère, celle qui lui donnait toujours envie de se donner à fond, de faire les choses bien. Liam n'était pas amoureux à proprement parler, mais presque. Ou peut-être qu'il l'était, mais qu'il ne voulait pas se l'avouer. C'était un peu flou.
Mais les faits restaient les mêmes : il avait agressé Stiles et son corps avait aimé ça. Il avait aimé. Bordel !
Liam fit son possible pour faire refluer les larmes qui montaient doucement alors qu'il descendait les escaliers. Il ne voulait pas ça. Il n'avait jamais voulu ça. Encore aujourd'hui, il ne comprenait pas ce qu'il s'était passé. Au départ, il résistait tout en sentant cette pulsion sexuelle grandir, croître, à une vitesse stupéfiante. Qu'est-ce qui l'avait fait céder ? Il n'en savait rien. La pulsion s'était avérée trop puissante, sans doute impossible à contrôler. Il lui avait sauté dessus. Il l'avait embrassé, touché, faisant fi de ses protestations. Liam chancela un instant et prit appui sur le mur à sa disposition. Il n'arrêtait pas de penser à ce qu'il s'était passé, si bien qu'il lui arrivait de vomir plusieurs fois par jour, jusqu'à ce qu'il ne recrache rien d'autre qu'un semblant de bile. Son père ne savait rien : il était bien trop absent pour se rendre compte que son fils était lentement en train de sombrer. Lorsqu'il était là, le soir, et qu'ils mangeaient ensemble, Liam se cachait sous un sweat et un épais pantalon de jogging, de quoi cacher son léger amaigrissement. Se nourrir était nécessaire mais la culpabilité et l'horreur qui lui nouaient sans arrêt les entrailles rendaient la chose d'autant plus difficile qu'il finissait immanquablement par rendre ce qu'il avait avalé quelques minutes, voire quelques heures plus tard. Mais il était discret. Et puis, il se disait que ce n'était sans doute rien par rapport à ce que devait ressentir Stiles. Quoi qu'on lui dise, il savait qu'il avait commis quelque chose d'irréparable. Même s'il n'avait pas pu aller bien loin, pour lui, il l'avait violé et rien ne pourrait pardonner cet acte qu'il n'avait jamais désiré perpétrer. Même s'il n'avait pas voulu ça, il était l'unique responsable.
Alors forcément, apprendre de la bouche de Derek, lors de l'appel de l'appel de l'autre jour, que Scott avait remis l'entière faute de la chose sur Stiles l'avait choqué. Profondément. Il avait essayé de parler à son alpha, mais il n'avait pas réussi à s'y résoudre. Raconter cet épisode à Derek avait été dur, très dur, et il avait besoin de temps avant de réitérer la chose. Il parlerait à Scott, oui, mais pas tout de suite. C'était égoïste mais oui, il avait bel et bien besoin de temps. C'était comme ça, il n'y pouvait rien.
Encore aujourd'hui, il s'horripilait. Encore aujourd'hui, il se sentait immensément coupable. Encore aujourd'hui, il ne comprenait pas comment ses pulsions avaient pris le contrôle sur sa volonté.
Liam arriva devant la porte d'entrée et mit un peu de temps à déverrouiller la porte : la faute à ses mains qui tremblaient. Il était faible et manquait d'énergie. C'était ça, de ne quasiment rien garder de ses repas dans le ventre. Il commençait doucement à en pâtir mais il se dit que ce n'était pas grave, ce n'était que justice.
Liam eut un léger recul en voyant Scott fermement campé sur son paillasson. Sa surprise n'était pas due à l'air sombre et fermé de son alpha, mais bel et bien à sa présence. Le louveteau ne sourit pas, ne fit pas semblant d'aller bien. Contrairement à un certain hyperactif, il en était incapable, par manque d'habitude. Sa voix se fit faible lorsqu'il demanda d'une voix un tantinet tremblante :
- Scott, que... Salut, qu'est-ce que tu fais là ?
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