Chapitre 1


- Là, Isaac, là... Ne t'inquiète pas, je suis là. Tout va bien, d'accord ?

La voix de Stiles était étrangement douce, apaisante. A force, il savait y faire. Après tout, il avait eu le temps de s'entraîner. Avec une délicatesse étonnante pour un hyperactif maladroit de son genre, le fils du shérif caressa la tignasse bouclée du loup qui se serrait contre lui, complètement angoissé. Tremblant de peur, les joues inondées de larmes, Isaac peinait à se calmer, mais il se raccrochait autant que possible à la voix douce de Stiles, son phare dans l'obscurité de sa psyché torturée.

La première fois qu'Isaac était venu lui demander de l'aide, Stiles avait été particulièrement maladroit. Et nul. Et déconcerté, aussi. Quoi de plus normal, il ne s'y attendait pas ! Et Isaac non plus. A vrai dire, le louveteau s'en était allé retrouver l'hyperactif... Sur un coup de tête. Parce que Scott était absent, sans doute fourré avec Kira. Parce qu'il était près de chez lui et que le loft de Derek était trop loin. Parce que Stiles était un des membres de la meute en qui il avait le plus confiance et il le lui avait dit.

Si seulement il savait.

- J-je... J'essaie de... D'être calme mais... J'y... J'y arrive pas.

Cette nuit-là, son sommeil avait été ponctué de cauchemars tous plus angoissants les uns que les autres. Le dernier, horriblement réaliste, l'avait réveillé. Heureusement qu'il dormait dans la chambre d'ami de Stiles, qui l'avait invité la veille pour un devoir. Bien sûr, Stiles ne s'attendait pas à se faire réveiller par un cri aux alentours de quatre heures du matin. Par chance, son père était au poste et n'avait, par conséquent, aucune connaissance de ce qui était en train de se passer. Isaac était tellement mal que l'hyperactif avait dû se lever et le rejoindre dans cette chambre qu'il évitait comme la peste. Pas parce qu'Isaac y dormait, non, simplement parce qu'elle lui rappelait trop de choses. Stiles se gifla intérieurement : ce n'était pas le moment de se laisser aller. Isaac avait besoin de lui, de cette aide qu'il pouvait lui fournir.

- Concentre-toi sur ma voix, Isaac, fit Stiles avec douceur.

Ses doigts fins se mirent à grattouiller le crâne de son ami dont les doigts restaient cramponnés sur le t-shirt qu'il commençait sérieusement à mouiller. Ses larmes étaient si nombreuses que le haut de Stiles servait surtout à les essuyer.

- Je suis là et je ne te laisse pas mon louveteau. Prends le temps dont tu as besoin, je ne bouge pas.

En disant cela, Stiles continua de lui gratouiller le crâne, ayant découvert une semaine plus tôt que cette technique avait des effets bénéfiques sur le plus jeune : en effet, les gratouilles le détendaient vite. Continuer un moment ne le dérangeait pas, bien au contraire. Il avait à cœur le bien-être de ses proches et Isaac en faisait partie. Non, ce qui l'embêtait, c'était sa manche. Elle descendait, glissait un peu. Lorsqu'il avait entendu le cri de son ami, Stiles s'était levé rapidement et avait enfilé un gilet à la hâte. Malheureusement, il en avait pris un à manches un peu larges et il se fustigea intérieurement pour ne pas avoir fait attention plus tôt. Les yeux rivés sur son bout de vêtement qui descendait graduellement, l'hyperactif se rasséréna. Isaac avait son visage défait contre son torse, il ne pouvait, par conséquent, pas voir ce détail que Stiles devait s'empresser de régler au plus vite. Cependant, il devait continuer de détendre le louveteau et sa technique commençait à porter ses fruits.

Après plusieurs minutes, gratouilles et paroles rassurantes, Isaac se calma un peu. Ses tremblements étaient désormais superficiels et ses larmes s'étaient taries. Ainsi, Stiles put aisément remonter sa manche et avoir la conscience tranquille avant que le louveteau tourne la tête et puisse se douter de quoi que ce soit. Il avait désormais ses bras autour du corps musclé d'Isaac, qui était à moitié allongé sur lui. Si leur proximité pouvait paraître ambiguë, elle ne l'était en réalité pas du tout. Stiles savait qu'Isaac avait besoin de contact, c'était très important de lui en fournir après une crise. Après tout, il ne s'agissait de rien d'autre qu'un louveteau qui manquait d'amour. Quand l'hyperactif repensait à son passé, il avait mal au cœur. Une fois, Isaac lui avait raconté ce jour où son père l'avait enfermé dans le congélateur cassé et l'y avait laissé pourrir un jour et une nuit. Le bouclé se souvenait de son air dédaigneux lorsqu'il lui avait sorti : « Oh, je me disais bien que j'avais oublié quelque chose. » Son ton et son air méprisants étaient tels qu'Isaac avait peiné à lui en retranscrire l'intensité. Mais Stiles n'en avait pas besoin, il avait compris.

- Désolé de... Tu sais.

La voix d'Isaac était peu assurée et pourtant, il allait mieux. Savoir qu'il avait, une fois de plus, réveillé Stiles en pleine nuit, qu'il l'empêchait de dormir... Dieu qu'il avait honte. En caressant tranquillement ses cheveux bouclés, Stiles lui répondit que tout allait bien, il n'avait pas à s'en vouloir.

- On est amis, tu sais, lui rappela-t-il sans cesser son mouvement. Les amis, ça prend soin les uns des autres.

Isaac ne répondit pas, mais hocha la tête contre le torse de Stiles. Des amis, il n'avait pas l'habitude d'en avoir. A vrai dire, les membres de la meute étaient les premiers qu'il se faisait. Son père l'avait toujours empêché d'avoir une vie sociale, détruisant la moindre amitié qu'il essayait de construire. S'il ne s'était pas encore entièrement habitué à son absence, il était conscient de la chance qu'il avait d'avoir des amis comme Stiles et les autres membres de la meute. Parfois, il peinait à réaliser qu'il n'était plus seul, comme ce soir-là. Par chance, l'hyperactif était là pour le lui rappeler à chaque fois qu'il doutait. C'était comme s'il lisait dans ses pensées.

Ou comme s'il en avait des semblables.

- Et si t'as besoin de moi, je suis là. Tu peux venir me voir le jour, la nuit, me réveiller si t'en ressens le besoin, je t'aiderai sans problème. Juste... Ne me retire pas ma couette, c'est tout ce que je te demande. Je peux passer en mode grognon si on me l'arrache.

Et Stiles rit doucement, sans lâcher le bouclé qui esquissa son premier sourire de la soirée. Enfin, se dit l'hyperactif. Il pensait chaque mot qu'il avait dit, peut-être plus qu'Isaac pourrait l'imaginer. Stiles aimait voir son visage se détendre et retrouver un semblant de bonne humeur, cela lui mettait du baume au cœur et lui faisait oublier, l'espace d'un instant, ses propres malheurs qu'il cachait au plus grand nombre. Mais lui, ce n'était pas grave. Il n'était pas important.

- Je te laisserai ta couette, promis, fit la voix un peu plus assurée du bêta, un tantinet amusé.

- T'as intérêt, sinon je te tape avant de te consoler, le prévint Stiles en riant doucement.

Les deux jeunes hommes discutèrent un peu puis Stiles informa le plus jeune qu'il était temps pour eux de retourner dormir. Autrement, affronter la journée de cours qui n'attendait que quelques heures pour les arracher de leur lit s'avèrerait être une épreuve. Ainsi, il se séparèrent et Isaac râla à moitié pour la forme : les bras de l'hyperactif étaient à la fois rassurants et confortables mais il savait qu'il devait le laisser retourner se coucher et hors de question de dormir avec lui. Stiles avait tendance à avoir la bougeotte lorsqu'il dormait. A vrai dire, il bougeait autant qu'il parlait lorsqu'il était réveillé, ce qui rendait le sommeil de la personne qui était avec lui dans le lit assez... Entrecoupé. Même Scott évitait de partager la couchette de son meilleur ami, préférant dormir sur un fauteuil qu'à ses côtés, c'était dire.

Stiles salua chaleureusement Isaac et lui déposa un doux baiser sur le front avant de lui laisser une petite veilleuse de sorte à ce qu'il se sente rassuré. Enfin, il ferma la porte et son visage perdit instantanément toute sa gaieté teinté de fatigue. Avec la lumière de son téléphone, l'hyperactif éclaira le couloir qui donnait, s'il avançait de ce côté-là, sur sa chambre ou la salle de bain. De l'autre côté, on pouvait retrouver la chambre – vide – de son père ainsi que l'accès aux escaliers. Stiles se rapprocha de la porte de la salle de bain, hésita, puis se ravisa bien vite. Isaac était encore là, mais pas seulement. Il est presque cinq heures, Stiles. Dors. Tu t'occuperas de ça demain. L'hyperactif serra les poings et retourna dans sa chambre tout en étouffant comme il le pouvait la douleur quasi constante qu'il ressentait. Un peu de patience, juste un peu de patience. D'un geste soutenu, il ferma correctement la porte de sa chambre et lorsqu'il entendit le léger « clic » habituel, il sut qu'elle ne se rouvrirait pas toute seule comme cela arrivait parfois. La dernière fois, il avait eu peur et s'était pris à croire qu'un fantôme avait élu domicile chez lui. Or, il avait simplement mal fermé sa porte, sans attendre de percevoir son petit « clic » caractéristique.

D'un geste las, il laissa tomber sa veste sur le sol, laissant apparaître son vieux t-shirt et des choses dont il préférait être le seul témoin. Stiles se passa une main dans les cheveux et, avant d'aller au lit, fit un peu de rangement dans sa chambre. Très honnêtement, il était fatigué. Dire le contraire ou minimiser son manque de sommeil serait mentir éhontément. Cependant, la crise d'Isaac survenue après son cauchemar avait mis ses nerfs à rude épreuve même s'il n'en avait rien laissé paraître. Stiles était fort, très fort. Peut-être pas en combat, mais en comédie, il atteignait un niveau qui frôlait l'excellence. Pour preuve, Isaac n'avait rien détecté dans son odeur. Dans son état actuel, il en était incapable et c'était tant mieux parce qu'après presque une heure passée dans cette chambre, Stiles avait manqué de déchanter. Cette pièce spacieuse était autrefois le bureau de sa mère et il évitait d'y aller le plus possible. Elle lui rappelait de trop mauvais souvenirs.

Alors, faire un peu de rangement lui aérait un peu l'esprit. Puisqu'il ne pouvait pas aller à la salle de bain sans prendre le risque que son ami se rende compte de ses intentions, autant faire autrement et d'une manière plus... Douce. Celle-ci ne lui ferait pas de mal. Il ramassa alors sa veste et les quelques feuilles qui traînaient par terre. Il rangea ses cours et ses devoirs après les avoir triés et il ne se rapprocha de son lit que lorsqu'il fut satisfait du rangement sommaire de sa chambre. Il continuerait en rentrant des cours le lendemain. Enfin, dans quelques heures. Ainsi, Stiles alla finalement se glisser sous sa couette et éteignit la lumière. Recroquevillé sur lui-même avec seulement sa tête dépassant des draps, il craqua un peu. Seul, il se l'autorisait, tant que son émotion restait un tant soit peu contenue. Depuis sa chambre, Isaac ne sentirait certainement pas l'odeur de sel et de chagrin qui émanait de lui à cet instant. Elle était trop faible, trop ténue et Stiles en était parfaitement conscient.

La lune fut l'unique témoin des quelques larmes qui humidifièrent ses joues pâles.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top