Chapitre 7
Note pour plus tard : s'acheter des lunettes et un vrai cerveau.
Un grand frère ! Tu m'étonnes que je leur ai trouvé une ressemblance. De l'extérieur, la scène doit être délirante : une carpe qui dévisage deux Apollon. Pour l'instant, mon esprit de blonde caché dans un cerveau de brune déduit autre chose : à la manière dont Terry toise son frère d'une façon venimeuse, ça n'a pas l'air d'être le grand amour entre eux.
Leur ressemblance est troublante et, pourtant, ils sont profondément différents : l'un a une arrogance subtile qui lui donne une virilité sensuelle diaboliquement attirante. Tandis que l'autre a une timidité, une fragilité qui ferait fondre n'importe quel cœur.
Et tu es coincée entre les deux.
Cette drôle de pensée me met mal à l'aise. Terry souffle le chaud et le froid sur notre relation ; quant à son frère, eh bien, à voir comment toutes les filles de la salle le matent, il doit les enfiler comme des perles. Il n'a pas besoin de moi à son tableau de chasse.
— Je peux savoir ce que tu fous ici ?
Je sursaute tant le ton de mon beau brun est sec et cassant. Un ton que je ne lui connais pas. Bastian, lui, semble s'amuser comme un gamin de la situation. Il croise les bras avec nonchalance avant de répondre, à la limite de la condescendance :
— Un de mes poulains fait son entrée dans le grand monde ce soir.
Du menton, il désigne un gamin tout juste sorti de l'enfance qui s'installe derrière des platines.
— Je viens m'assurer qu'il mérite son énorme cachet. De base, ce genre de petite sauterie m'emmerde prodigieusement, mais...
Il me reluque avec insistance.
— Il faut parfois savoir se faire violence, ça réserve de belles surprises.
Terry redresse les épaules et s'avance pour passer un bras autour de ma taille. J'ai l'impression d'être dans un documentaire animalier sur le thème des guerres de territoire - ou sur le partage des proies ; oui, c'est plus juste. Toujours aussi narquois, Bastian en rajoute une couche :
— Tu ne m'avais pas dit que tu avais des collègues de travail si séduisantes ; si j'avais su, j'aurais postulé au Boston Tribune.
Il achève sa phrase par un sourire angélique qui fout en rogne son cadet.
— Je ne suis pas certain que tes compétences soient celles que la rédaction recherche, commente Terry.
Perso, je me dis qu'un homme pareil occuperait Tiffany pendant des heures. Rien que pour ça, je prendrais bien son CV.
Soudain, Gollum surgit de nulle part et vient lui chuchoter quelque chose à l'oreille. La mâchoire de mon collègue se crispe.
— Je dois interviewer un artiste qui prend un avion pour Paris ce soir. Je reviens. Maya, ça va aller ?
Il y a une forme de tension dans sa voix, comme s'il n'était pas enthousiaste à l'idée de me laisser avec son magnifique frère. Je vais lui répondre quand Bastian s'approche et entoure mes épaules de son bras :
— Je vais veiller sur elle, ne t'inquiète pas. Prends tout ton temps surtout.
Terry lui jette un regard torve avant de s'éloigner. Me voilà seule avec un mec qui pourrait jouer le rôle de l'archange des ténèbres dans n'importe quelle série télé.
Un silence gêné s'installe. Bastian me fixe avec intensité et le seul sujet de conversation qui me vient est la météo.
— Mon frère est toujours aussi clairement un imbécile.
Je toise Bastian avec méchanceté.
— Il appréciera, commenté-je, laconique.
— Comment fait-il pour ne pas voir que la superbe nana avec laquelle il bosse tous les jours n'attend qu'un claquement de ses doigts pour tomber dans son lit ?
Je sens le rouge me monter aux joues, incapable d'articuler la moindre phrase : nous discutons depuis quoi, dix minutes, et il a touché dans le mile. Respire, Maya, respire.
— Je te remercie, ce que tu me dis là me touche beaucoup.
Note pour plus tard : on évite les phrases merdiques à double sens.
Les yeux de Bastian pétillent de malice, ça le rend encore plus séduisant.
— J'aime toucher les jolies choses.
— On ne touche qu'avec les yeux, c'est notre première soirée, fais un effort pour garder tes mains dans tes poches.
J'essaie tant bien que mal de garder les rênes de la conversation, mais j'ai la sensation d'être mal barrée. Et pour accentuer mon malaise, Bastian rit franchement avant de changer de sujet.
— Ma belle, tu as sans doute des tas de qualités, dont certaines que je rêverais de découvrir, mais crois-en un expert, tu ne sais pas mentir. Tu en pinces pour mon frère, ça se voit comme le nez au milieu de la figure.
Là, maintenant, tout de suite, j'ai deux solutions : soit continuer de mentir sans succès, soit quitter cette soirée qui tourne en eau de boudin.
— Bien, admettons que j'apprécie beaucoup ton frère, il n'a pas l'air de mordre à l'hameçon, si tu vois ce que je veux dire.
Non, mais, Maya, qu'est-ce qui te prend de lui dire ça comme ça, tu le connais à peine !
J'enchaîne, soucieuse de ne pas me noyer encore plus.
— Écoute, je vais te laisser, dis-je à Bastian. Je te demande juste une chose : ne parle pas de notre conversation à Terry. Par avance, je te remercie.
— Ne t'en fais pas. Avec moi, les secrets sont bien gardés.
Pourquoi ai-je l'impression qu'il y a une couche épaisse de deux centimètres de non-dits dans cette simple phrase ?
— Tout va bien, Maya ?
Je sursaute, je n'ai pas entendu Terry arriver.
— Ne t'inquiète pas, elle est encore vierge de ma sombre influence, commente Bastian, fier de lui.
Je prends le prétexte d'aller me repoudrer le nez aux toilettes pour fuir ce type dont je ne sais vraiment pas quoi penser. Terry semble furieux des blagues vaseuses de son aîné. Le regard noir qu'il lui lance alors que je m'éclipse dit clairement : « Tu es en train de me casser mon coup ».
D'un autre côté, tu avais l'occasion d'avancer ton pion, en venant me chercher par exemple, et tu ne l'as pas fait. Tant pis pour toi...
***
Le vernissage s'est super bien passé, l'ambiance était top - enfin, si l'on excepte Tic et Tac qui se sont fusillés du regard toute la soirée.
Dehors, l'air est doux et, c'est plus fort que moi, je me surprends à rêver que Terry me propose de me raccompagner à moto. Raté ! C'est Bastian qui prend la parole.
— Maya, comment comptes-tu rentrer ?
— Comme je n'ai pas de permis ni de chauffeur, je vais me trouver un taxi. Au pire, je ferai le trajet de retour à pied. Ca va être un moment délicieux avec mes échasses.
Je coule un regard en coin à mon séduisant collègue. Il serre les mâchoires et ne saisit pas ma perche - il commence à me courir sévère !
— N'y pense même pas ! tranche Bastian. Il n'est pas question qu'une jolie poupée comme toi rentre seule à pied dans les rues de Boston. Tu pourrais faire une mauvaise rencontre.
Terry et moi ricanons de concert : pourquoi ai-je le sentiment que je pourrais être tout aussi en danger avec lui ?
— Terry, tu me raccompagnes ?
Deuxième perche. Ça va devenir compliqué d'être plus directe.
— Bah, en fait, c'est que...
Je lève les yeux au ciel tandis que le sourire de Bastian s'étire sur ses lèvres. Mon Dieu, comment un type peut-il être aussi sexy en faisant ça ?
— Si tu veux, je peux m'en charger ?
— C'est à elle de décider, pas à moi, gronde Terry entre ses dents.
Mon cœur flanche : soit je ne l'intéresse pas, soit il le fait exprès. Quoi qu'il en soit, je suis absolument furieuse après lui tout d'un coup. J'ai fait tous ces efforts pour lui, je me montre patiente puis entreprenante, rien n'y fait ! Tant pis.
Je me sens glamour et féminine ce soir, j'ai bien envie de le faire enrager ; Ce n'est pas bien, je sais, mais la vengeance, c'est bon quand même.
Maya, tu vas regretter ça, siffle ma conscience.
— Avec plaisir, merci, Bastian, réponds-je d'une voix douce.
Terry se crispe de plus en plus tandis que son aîné arbore un air de triomphe qui le rend encore plus viril. Je suis tellement fière de mon petit caprice que je résiste à l'envie de lui tirer la langue, comme une gosse.
Alors que nous traversons la rue, Bastian hèle un voiturier à qui il glisse une énorme coupure. Aussitôt, le gars s'éclipse pendant que mon chauffeur et moi patientons. Il est collé à son portable, j'apprécie ce silence qui m'évite de dire des conneries supplémentaires. Un ronronnement puissant me fait lever les yeux.
— Attends, c'est ça, ta voiture ? dis-je à Bastian en désignant l'engin d'un doigt.
— Mon bijou, ma belle.
Je suis soudain mal à l'aise. Cette caisse plus ma tenue, j'ai l'air de l'escort girl qui part avec un client. Ah oui, vous êtes en train de vous demander ce que Bastian a comme véhicule. Une grosse cylindrée, sans doute du calibre de ce que le jeune homme a dans son pantalon - pardon, ça m'est venu tout seul.
— Si madame veut bien me suivre, minaude Bastian en m'accompagnant vers sa superbe Audi RS.
Il m'ouvre la portière et me tend sa main, douce et ferme, pour que je puisse me caler dans le siège baquet. J'ai des papillons dans le ventre.
Comme je me dévisse le cou pour voir ce que fait mon collègue boy-scout, je le surprends à nous observer. À ses traits fermés, je devine qu'il boude - elle va être sympa l'ambiance au boulot lundi.
— Si tu permets.
Je n'ai pas le temps de répondre que le frère grave sexy se penche sur moi pour attraper les sangles de la ceinture de sécurité. Comme il attache celles-ci, son souffle caresse un instant ma poitrine qu'il a l'obligeance d'essayer de ne pas regarder avec trop d'insistance.
J'ai le cœur dans la gorge. Sa présence m'excite comme une folle, sans doute à cause de sa ressemblance avec l'objet de mes fantasmes. Comme il se redresse, nos yeux se croisent, j'ai le sentiment qu'il lit dans mes pensées.
— Mon abruti de frère ne se rend pas compte de la beauté qu'il a devant lui.
Je n'ai pas le temps de lui répondre qu'il referme la portière et c'est sans doute mieux ainsi, Dieu seul sait quelle ânerie j'aurais pu dire. Il passe devant la voiture pour se glisser avec une grâce féline côté conducteur.
L'intérieur sent le cuir et les matières nobles. Je serre mes mains sur mes genoux de peur de salir quoi que ce soit : mon salaire annuel ne doit pas suffire à nettoyer une éventuelle tache sur l'un des sièges.
— Accroche-toi, ma belle, murmure-t-il.
À peine a-t-il appuyé sur l'accélérateur que l'Audi rugit en sortant de son stationnement. Dans un réflexe, je me cramponne à la poignée de la portière sans toutefois parvenir à retenir un petit cri.
Ma réaction purement féminine fait sourire Bastian.
— Profite de la promenade. C'est cadeau et c'est de bon cœur.
***
Personnages de l'univers Disney et qui sont des frères écureuils
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