Chapitre 33

Point de vue de Alyssa

Lorsque je me réveille en ce mercredi matin, c'est pour constater une fois de plus que l'état d'Harry s'est aggravé. Deux jours se sont maintenant écoulés depuis le désastre de l'hôpital et je ne sais vraiment plus quoi faire pour l'aider. Il semble traverser l'enfer et reste plongé dans une espèce de demi-sommeil comateux tout au long de la journée. Tous les repas que je lui prépare finissent systématiquement à la poubelle et il ne veut rien entendre, refuse de changer de vêtements ou même d'avoir toute forme de discussion.

Cette nuit, j'ai pourtant cru que ça allait mieux et qu'il commençait à reprendre le contrôle en le voyant enfin s'extirper du lit, mais je réalise que je me suis bien plantée en découvrant une bouteille de whisky presque vide qu'il tient encore à la main, affalé sur le matelas.

Je soupire en dégageant la bouteille, et un peu du liquide restant se déverse sur le tapis en un maigre jet. Merde. Harry grogne immédiatement comme un enfant de cinq ans à qui j'aurais arraché son doudou, pour ensuite se retourner sans m'adresser le moindre mot. En contournant le lit, je remarque qu'il bave dans son sommeil, sûrement à cause du trop-plein d'alcool qu'il a dû ingérer pendant les dernières heures.

Ca suffit, il faut que je fasse quelque chose. La situation est de plus en plus difficile à gérer et j'essaie encore de déterminer le plus horrible dans toute cette histoire : devoir regarder mon meilleur ami dépérir pour quelque chose dont il n'est pas responsable, savoir pertinemment que c'est de ma faute ou bien être consciente de ne pas avoir assez de courage pour lui avouer toute la vérité.

Je ne peux même pas imaginer ce qu'il doit ressentir depuis l'autre jour. Voir les éléments se déchaîner comme ça contre lui est vraiment injuste et le connaissant, je suppose qu'il se maudit intérieurement dans ses rêves ou qu'il se souvient d'un énième moment passé avec Madison qu'il croit avoir perdue à tout jamais.

En le voyant coincé dans cette spirale infernale, je sais que je ne pourrais pas tenir bien longtemps avant de tout lui dire à propos des réelles motivations de cet accident. Harry et moi n'avons jamais eu de secret l'un pour l'autre, jamais, c'est un des fondements de notre amitié. J'ai pensé que je pouvais faire un écart pour les bonnes raisons, et voilà qu'au lieu de l'effet attendu, j'ai tout gâché.

J'ai réussi à faire reculer le moment fatidique pendant deux jours, mais je ne peux plus me permettre d'être égoïste avec lui. Il faut que ça sorte.

Si sa relation avec Madison était perdue à cause de moi, je pense que je ne me le pardonnerai jamais, et lui non plus, ce qui est encore plus grave. Je ne pourrais plus me regarder dans le miroir, pas après tout ce que ces deux-là ont traversé alors qu'ils veulent simplement être ensemble.

Il est tant d'agir Alyssa, et vite.

Après avoir couru dans la cuisine pour préparer à Harry un smoothie "spécial gueule de bois" à base de concombre et de chou, je prends mon courage à deux mains et ouvre la petite fenêtre en grand avant de tirer les draps dans lesquels il se blottissait confortablement.

Ses mains tâtonnent pendant quelques instants à la recherche des restes de son cocon douillet puis il ouvre enfin un œil pour la première fois depuis que nous sommes rentrés.

Une étape de franchie.

- Qu'est-ce que tu fous, Alyssa ? Rends moi ce truc, marmonne t-il d'une voix pâteuse.

Je peux littéralement sentir son haleine alcoolisée à l'autre bout de la pièce. Pas question de lui accorder du terrain maintenant que j'ai enfin son attention. Je le tirerais par les pieds pour le sortir de ce lit si il le faut, mais je jure qu'il ne restera pas là une minute de plus.

- Harry, lève toi. Je t'ai préparé un jus, annoncé-je en lui tendant la potion verte pas très appétissante.

Il se met en position assise, et alors que je pense avoir gagné, il tente de m'attraper le drap des mains. Je lutte en m'écartant avant de revenir plusieurs fois à la charge pour le smoothie. Qu'il me teste. Je serais capable de jeter le drap par la fenêtre juste pour l'obliger à sortir de cette foutue chambre.

- Je veux pas de ton truc ! finit-il par lâcher avec haine en reprenant place sur l'oreiller tout en se frottant les yeux.

Je me débarrasse de tout ce que j'ai dans les mains et prend place à côté de lui sur le matelas. On va tenter une approche plus calme.

- Harry, tu ne vas pas rester là indéfiniment, c'est stupide. Viens au moins dans le salon, histoire de bouger un peu d'ici. Tu as besoin de manger, s'il-te-plaît, rien que le smoothie si tu veux, le supplié-je d'une voix rassurante en essayant d'écarter ses mains de son visage.

Un son étrange sort bientôt de sa bouche, une espèce de hoquet étranglé, et lorsqu'il découvre enfin ses deux yeux émeraudes, ils sont baignés de larmes.

- Je ne mérite pas de vivre, lâche t-il soudain dans un soufflement qui me brise toute entière et me décompose.

Son regard vert est vide de toute émotion et je n'y trouve plus le courage de cette personne qui a pourtant surmonté tellement d'épreuves pour en arriver là. Cette rage de vaincre a disparu, cette étincelle de vie qui pétillait même dans les moments les plus difficiles. C'est à cet instant précis que je comprends que je suis entrain de le perdre, à cet instant précis que je réalise que je suis un monstre.

- Alyssa, j'ai rien fait pour mériter cette vie, j'ai rien fait pour mériter de seconde chance. Je ne suis qu'un raté et maintenant, Madison va peut-être mourir à cause de moi... C'est moi qui devrait être dans cette chambre d'hôpital, pas elle ! hurle t-il d'une voix saccadée et tranchante, secoué par quelques convulsions.

- Harry, je...

J'ai envie de me jeter par la fenêtre.

J'éclate en sanglots de manière incontrôlée et totalement imprévue. Ma vue se brouille et je me lève rapidement pour me raisonner. Il faut que je lui dise, tout de suite. Merde, je n'ai pas le droit d'être émotive, pas maintenant.

- Qu'est-ce que t'as ? demande t-il soudain dans mon dos, manifestement surpris.

J'essuie brutalement mes deux yeux d'un revers de manche et reprend place à côté de lui, plus déterminée que jamais à lui révéler à quel point je suis une personne affreuse. Je prends ses mains dans les miennes et constate avec ironie qu'il s'inquiète. J'essaie de ne pas penser au fait que cette inquiétude naïve sera bientôt remplacée par une fureur sans nom, fureur dont je serai l'unique responsable.

- C'est pas à cause de toi que Madison a voulu se suicider, lancé-je d'une traite pour éviter de faire demi-tour.

Il lâche immédiatement mes mains et sur son visage se dessine peu à peu une grimace indescriptible.

- Qu...

Je ne lui laisse pas la possibilité de finir. C'est maintenant ou jamais, j'en suis consciente, et s'il dit un seul mot je n'en serais plus capable, je me connais.

- Juste, écoute moi s'il-te-plaît, l'arrêté-je d'un signe de la main. Est-ce que tu te souviens du jour où tu as rencontré Hanna pour la première fois, juste avant Noël ?

Il hoche la tête, m'invitant à poursuivre.

- Tu as débarqué chez moi à l'improviste dans la soirée ce jour-là. Tu as commencé à me dire que cette fille t'avait sauté dessus dans les rues commerciales de Boston parce qu'elle était amie avec Madison et qu'elle t'avait traité de tous les noms, bref. Elle t'avait manifestement tenu au courant de tout ce qu'endurait Madison en long, en large, et en travers, remettant encore une couche par rapport à la lettre de Caspar. Tu étais vraiment paniqué, ça je m'en souviens. Tu m'as raconté ensuite la manière dont tu t'en étais débarrassé en jouant les connards indifférents, et puis tu m'as tendu un petit papier. Un tout petit papier froissé qui paraissait totalement inutile et auquel tu semblais n'accorder aucune attention à ce moment-là. Sur ce petit papier était gribouillée une adresse mail à laquelle tu pouvais la joindre et tu m'as demandé de m'en débarrasser.

Il reste de marbre devant mon monologue et je me fais violence pour ne pas partir à toutes jambes.

- Ce que je n'ai pas fait, avoué-je. Je l'ai rangé dans un tiroir et dès le moment où tu es parti de chez moi, je l'en ai sorti et j'ai envoyé mon premier mail à Hanna.

Il se lève d'un bond et je sens l'orage arriver. Son regard prend une teinte autoritaire et je me sens tout d'un coup si petite face à lui...

- Pourquoi t'as fait ça ? demande t-il d'une voix glaciale, les bras croisés sur sa poitrine.

- Je voulais juste m'assurer que Madison allait bien en ton absence et que comme prévu, elle finirait par t'oublier, lâché-je en essayant de me montrer sûre de moi. C'était trop dur pour toi de t'en charger et je ne voulais pas t'en parler exactement pour cette raison. Il fallait pourtant que quelqu'un le fasse et tu étais suffisamment anéanti selon moi...

- Oh, épargne moi le chapitre où tu essaies de te convaincre que me le cacher était la meilleure chose à faire, me lance t-il méchamment en passant une main nerveuse dans ses cheveux. Vas-y, balance la sauce Alyssa.

- OK, euh... Je lui demandais des nouvelles environ une fois par semaine, un peu moins régulièrement ensuite. Hanna et moi avions une sorte d'arrangement : Madison ne devait pas être au courant. Et tout s'est passé comme prévu jusqu'à, eh bien, cette fameuse nuit, finis-je d'une voix brisée en retenant mes larmes.

- Qu... OH MON DIEU ! hurle soudain Harry en posant ses deux mains sur sa tête, réalisant l'ampleur de ma connerie. C'est... C'est ta faute, à toi ? hésite t-il à demander en me pointant du doigt.

Son visage prend petit à petit une teinte rosée par un afflux de sang et il commence à faire les cent pas dans la petite pièce lorsque sa question reste en suspend. De grosses larmes viennent mourir sur mes joues alors que je m'apprête à recevoir un déferlement de rage en pleine figure.

- Tu veux dire que tu es restée là, les bras croisées quand sa mère m'a accusé d'être la pire personne sur cette Terre, alors que tu savais ? OH NON, PIRE ! rugit-il, me faisant sangloter. Tu m'as regardé crever à petit feu pendant deux jours en faisant semblant de prendre soin de moi ? J'ai eu envie de me tuer, putain ! se déchaîne t-il. Et c'est maintenant que tu m'offres ce truc sordide sur un plateau ! J'Y CROIS PAS !

- Harry, je...

- NON, MAINTENANT TU LA FERMES ALYSSA !

Il donne brutalement un coup de pied dans l'unique chaise, renversant ainsi le smoothie qui était soigneusement posé dessus avant de sortir brutalement de la pièce. Je n'hésite pas à le suivre malgré sa colère et le vois bientôt attraper sa valise qui trône dans l'entrée.

- Qu'est-ce...

- Je me casse ! hurle t-il en me fusillant du regard. Tu ne mérites même pas que je reste là, à m'énerver pour toi ! J'arrive pas à croire que je t'ai demandé de m'aider sur ce coup ! Je croyais que t'étais de mon côté ! Merci en tout cas, merci pour tout ! Merci d'avoir donné envie de se suicider à la femme que j'aime ! tonne t-il en ouvrant la porte.

Je suis totalement pétrifiée. Avant de se faufiler hors de mon appartement, il me lance un dernier coup d'œil rempli de haine avant d'ajouter :

- Ne reviens plus jamais me parler, c'est clair ? Oh, et j'oubliais : va crever en enfer.

Lorsque la porte claque, je me retrouve seule, dans tous les sens du terme.

------------------------------------------
HELLO EVERYBODY ! xx

Le chapitre 33 est là (et en avance hehe) !

Même si vous ne savez pas encore tout au sujet de la relation Hanna/Alyssa, j'espère que vous avez aimé ce chapitre qui est vraiment dédié à ce point-là. J'ai aussi le plaisir de vous annoncer que le personnage de Madison sera présent dès le chapitre prochain (peu importe son état), ce que vous attendez depuis longtemps. ;)

Que pensez-vous du comportement d'Alyssa ? De sa confession ? Et comment voyez-vous les réactions de Harry ? Où pensez-vous qu'il va ?

Normalement, je ne pourrais pas poster de chapitre ce week-end parce que je suis à un mariage. Mais on se retrouve dès le début de la semaine prochaine pour la suite, probablement au plus tard mercredi.

En attendant, j'espère que vous allez tous bien, que vous profitez de vos vacances et du soleil. :)

Merci infiniment pour tous vos commentaires et vos votes sur les chapitres au fur et à mesure que vous les lisez, c'est vraiment quelque chose de génial pour moi de constater que l'histoire vous plaît. :*

On se retrouve hyper vite, je vous fais de très gros bisous et à bientôt, Anne xoxo

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top