Chapitre 29

Je reste longtemps dans une position fœtus, pétrifiée dans le canapé de ma tante, incapable de parler, incapable de regarder quoi que ce soit, incapable de respirer assez fort pour alimenter mon cerveau et retrouver la raison, incapable enfin de penser à rien d'autre qu'à la terrible vérité qui vient de m'éclater en pleine figure, en l'espace de quelques secondes.

J'ai envie d'arracher mon cœur de ma poitrine, de me débarrasser enfin de cette boule qui ne m'apporte que des ennuis et m'inflige les pires souffrances à répétition. J'ai envie de renoncer à ma mémoire aussi, celle qui me rappelle à cet instant précis le ton exact de la voix d'Harry quand il prononce le mot "bébé", le goût de ses lèvres quand nous nous sommes endormis dans sa chambre ce soir-là ou encore l'odeur de talc de ses cheveux en bataille. Je voudrais juste mourir en fait, me déconnecter de la réalité pour toujours, rester ici et me décomposer lentement, très lentement, muscle après muscle, tissu après tissu, pour oublier enfin tout ce qui ne tourne pas rond chez moi et tout ce qui ne tourne pas rond chez lui.

Je sens à peine une main hésitante se poser sur mon dos.

- Madison, je suis désolée si j'ai été trop directe, murmure calmement Alyssa. Je comprends que ça puisse être dur, moi aussi je détesterais Harry à ta place, mais je ne t'ai pas tout dit et j'aimerais que tu te laisses une chance de connaître la suite. Tu veux bien m'écouter ?

Je serre fort un des coussins en velours contre moi comme si il pouvait servir de protection face à tous les sentiments qui me tiraillent et hoche la tête sans ouvrir les yeux ni prononcer un seul mot.

- Il m'a tout avoué ce jour-là mais ça va plus loin, reprend-elle. Il s'en voulait beaucoup, il était inconsolable, t'aurais dû le voir, il a failli revenir en arrière et t'appeler pour tout te raconter, mais il s'est finalement dit que c'était trop tard et que le mal était déjà fait. J'ai essayé de le faire changer d'avis mais il ne voulait rien entendre. Il ne voulait pas faire redoubler ta souffrance par rapport à celle qui était déjà décrite dans cette lettre, et crois moi, lire ces quelques phrases en boucle, ça l'a rendu malade. Alors il a voulu écrire une réponse à ton frère, un truc vraiment clair et définitif qui écarterait toute perspective d'explication avec toi. Seulement il était incapable de faire quoi que soit, il réalisait à peine ce qu'il était entrain de te faire vivre, alors il m'a demandé de l'écrire à sa place.

J'ouvre les yeux instantanément sans réfléchir et me tourne dans sa direction.

Il lui a demandé quoi  ?

- Pardon ? prononcé-je à mi-voix.

- Oui, c'est moi l'auteure de cette lettre sordide que tu as lue. Il n'a fait que recopier, tous ses mots étaient en fait les miens. Je ne savais rien de toi mais je me suis dit qu'en invitant une histoire d'amour stupide et un minimum crédible, ton frère t'en parlerait probablement et que tu n'aurais plus jamais envie de reparler à Harry.

- Comment t'as pu accepter de faire une chose pareille ? soufflé-je immédiatement d'une voix cassée en lui jetant un regard noir.

- Je pensais que c'était mon ami Madison, le seul que j'avais presque jamais eu, alors je crois bien que ce jour-là j'aurais fait n'importe quoi pour l'aider. Je n'aurais peut-être pas dû, mais c'est ce qu'il voulait, espérer que tu allais passer à autre chose et l'oublier, trouver un moyen d'être heureuse sans lui...

- Est-ce que j'ai l'air de l'avoir oublié ? demandé-je ironiquement en serrant les dents.

- Non, admet-elle en détournant les yeux. Non, t'as juste l'air pitoyable et il doit sûrement être dans un état équivalent au moment-même où on a cette discussion.

Une larme passive coule le long de ma joue quand j'imagine Harry plus bas que terre, ses yeux verts embués de larmes. Puis en me rappelant subitement que j'ai toutes les raisons du monde de le détester, j'essuie la fugitive d'un revers de manche.

- Comment tu peux le défendre alors que tu sais ce qu'il a fait ? Comment tu peux t'apitoyer sur son sort alors qu'il m'a fait subir ces deux ans simplement pour se préserver ? Quand je repense à cette phrase qu'il répétait sans cesse, "je fais ça pour te protéger", ça me dégoûte...

Elle prend mes mains dans les siennes et plonge ses yeux marron dans les miens pour être sûre que je l'écoute attentivement.

- Madison, Harry t'as toujours aimé comme un fou. Certes, ce qu'il a fait était dégueulasse, j'ai été la première à le constater, mais tu ne sais pas ce qu'il a enduré pendant ces deux ans, ça aussi c'est quelque chose que j'ai pu évaluer. Il a tellement regretté sa décision. Il n'avait jamais le moral, il parlait sans cesse de toi, de ton sourire, de tes yeux bleus, si bien que j'avais l'impression de déjà te connaître sans jamais t'avoir rencontrée. Ça devenait usant... Il trouvait toujours le moyen de tout ramener à toi, même dans les situations les plus improbables. Il passait tout son temps libre à imaginer ta petite vie tranquille, sans lui, entourée d'autres garçons qui ne t'auraient jamais fait souffrir, et ça le tuait à petit feu.

- Alors pourquoi être parti comme un voleur ? Et surtout pourquoi être revenu, après tout ce temps ?

- Parce que le jour où il a craqué a fini par arriver. Il n'en pouvait plus d'être loin de toi, alors il a décidé qu'il allait revenir sur ses pas. Pourtant il était déterminé à ne rien te dire. C'était il y a quelques mois. J'ai essayé de lui faire comprendre qu'il te ferait plus de mal qu'autre chose en te cachant la vérité, que par son retour il détruirait sûrement tout ce que tu avais essayé de construire entre-temps, mais il s'en foutait. Il voulait juste savoir que t'étais auprès de lui, que c'était dans ses bras qu'il pouvait t'imaginer à présent. On s'est disputés à propos de ce choix terriblement égoïste, beaucoup, et on a coupé les ponts, définitivement je suppose.

Je vois dans son regard brun que cette situation la touche énormément et je me dis que nous sommes finalement un peu pareilles toutes les deux, seules et abandonnées par le même homme qu'on croyait meilleur.

- J'ignore ce qui s'est passé entre toi et lui ensuite et même si parfois je n'arrive vraiment pas à le suivre, j'ai compris avec le temps que ce qu'il a fait n'est pas si impardonnable que ça, ajoute t-elle d'une voix qui se veut assurée. Vous semblez avoir tous les deux le même problème - majeur finalement -, un goût prononcé pour les non-dits. Vous vous aimez d'une manière assez unique mais vous ne voulez pas prendre tous les risques pour être vraiment heureux, surtout en ce qui le concerne. Pour l'instant c'est comme si vous aviez jeté l'éponge, mais je suis sûre qu'un jour ou l'autre vous trouverez un moyen d'arranger ça ensemble.

Je cale le coussin contre ma tête lourde, essayant de peser le sens exact de chacune de ses paroles. Et je ne vois toujours pas en quoi tout ce qu'elle me dit arrange la situation. Plus les événements me tombent dessus et plus j'ai de mal à imaginer un futur - que ce soit proche ou lointain - avec Harry. Pourtant je sais qu'en dépit de tout ce qu'il a fait, je l'aime, mais les épreuves que m'a imposée la vie ont terni mes rêves et je ne crois plus aux contes de fées. Mes évidences s'évincent peu à peu et emportent avec elles toute perspective de bonheur avec lui. J'essaie de les retenir de toutes mes forces, mais je m'affaiblis de plus en plus, mensonge après mensonge, et bientôt je ne pourrais plus rien faire pour arrêter ce massacre.

Est-ce qu'Alyssa a raison ? Est-ce que j'ai vraiment jeté l'éponge ?

- Je ne sais pas si je serais prête à lui pardonner un jour, j'ai trop pris sur moi pendant deux ans, alors savoir qu'il a souffert, ça me paraît juste équitable, avoué-je en m'étonnant moi-même. Pourquoi ne pas avoir réussi à me dire tout ça si ce n'est pas si grave ? Pourquoi les mots ne sont jamais sortis de sa bouche ? Je ne demandais pas grand-chose, juste la vérité. Il a tout gâché. Il m'a abandonnée comme un lâche puis il a tout gâché, conclus-je d'une voix neutre.

*

Point de vue de Harry

Je viens juste de finir de me garer lorsque l'écran de mon téléphone s'allume sur le siège passager. Je lâche tout en découvrant le nom de la personne qui cherche à me joindre, aussi bien les clés serrées dans ma main que les lunettes de soleil que je m'apprêtais à poser sur mon nez.

Ça y est. Enfin, elle me rappelle. Après quelques jours d'attente insupportables depuis notre dernière conversation, je vais enfin avoir les réponses que j'attends. Une boule désagréable se forme dans mon estomac quand j'imagine que les nouvelles pourraient être mauvaises mais je sais que je ne peux pas me défiler, pas maintenant, pas après tout ce qu'elle a accepté de faire pour moi. Je relis son prénom sur l'écran une dernière fois pour m'assurer que je ne rêve pas avant de me décider à décrocher.

- Allô ? entonné-je sur un ton un peu trop paniqué à mon goût.

- C'est moi, répond la voix suave que je connais par cœur.

- Alors ? demandé-je immédiatement, incapable de me contrôler.

- J'ai fait comme on avait dit. Elle m'a crue sans se poser la moindre question, c'est passé comme une lettre à la poste. Franchement, je pensais que ce serait plus dur que ça. Par contre, j'ai été obligée de lui parler de l'histoire de la lettre.

- Mais t'es dingue, on avait dit non ! Bordel, Alyssa ! gueulé-je sans me retenir.

- Du calme Styles, laisse moi t'expliquer. Elle était vraiment sur la défensive quand je suis arrivée, OK ? Sans cette petite part de vérité, je pense qu'elle aurait été fermée à une discussion plus sincère et elle devait avoir pas mal de rancœur vis-à-vis de toi de ce côté-là. Elle ne découvrira rien, je pense qu'elle se contentera juste de ma version.

- T'aurais dû m'en parler avant, grogné-je, toujours persuadé que c'était une des pires choses à faire.

- Et toi, tu n'aurais jamais dû lui mentir, rétorque t-elle instantanément en adoptant son petit ton insupportable de donneuses de leçons. On en serait pas là si t'avais eu le courage de lui avouer toute la vérité dès le début. Tu n'imagines même pas l'état dans lequel elle s'est mise quand je lui ai balancé mon mensonge. Si un jour elle apprend qu'on est de mèche tous les deux, elle ne te le pardonnera jamais Styles. Elle était hyper suspicieuse, il a fallu beaucoup de bobards pour franchir la porte de sa foutue maison.

- Comment tu y es arrivée, d'ailleurs ?

- Oh... murmure t-elle tout à coup dans le combiné sur un ton inquiet. À ce propos, il faut aussi que je t'avoue quelque chose.

- Vas y, accouche, qu'est-ce que t'attends ?

- Sa copine, la blonde, Hanna je crois, l'a amenée au Beach Sand hier soir, alors que j'étais de service.

- Et ? m'impatienté-je en imaginant le pire.

- Je t'assure que je ne savais pas que c'était elle, je te le jure Harry...

- Alyssa, qu'est-ce que t'as fait ? hurlé-je presque dans le petit appareil.

- Elle a beaucoup bu, de la vodka si ma mémoire est bonne, je ne suis plus très sûre. Elle était complétement torchée, au milieu de la soirée je l'ai même vue danser avec un gars, un abonné du-

- TU L'AS VUE FAIRE QUOI ! lâché-je en frappant le volant sans lui laisser l'occasion de finir sa phrase.

Je vois très bien un espèce d'alcoolo frotter ses mains sur ma magnifique Madi, profiter de sa faiblesse pour la tripoter et si ce gars était en face de moi, je jure que je lui arracherais les yeux. Je vois rouge et j'ai envie de tout casser.

Pourquoi faire une chose aussi stupide, putain !

- Je sais Harry, calme toi s'il-te-plaît. Je ne pense pas que ce soit allé plus loin parce qu'après je l'ai raccompagnée dehors.

- Comment ça tu l'as raccompagnée dehors ? Où ça dehors ?

- Elle ne trouvait plus son amie, l'autre était au téléphone. Madison arrivait à peine à tenir debout, je devais l'aider...

- Putain de merde, lâché-je en serrant les mâchoires, putain, comment t'as pu la laisser faire ça ? T'es irresponsable ou quoi ! m'emporté-je en imaginant Madi ivre morte.

- Je ne savais pas à quoi elle ressemblait Harry, merde, t'as jamais voulu me montrer de photo d'elle si tu te souviens bien !

- Alors comment tu peux être sûre que c'était bien elle dans ce foutu bar ? protesté-je en claquant la porte de ma voiture. Si ça se trouve, t'as juste pas bien vu !

- Elle avait la même robe dénudée ce matin quand elle a ouvert la porte Harry, et de toute évidence elle a cru à la manière dont je l'avais retrouvée. C'était elle, c'est sûr.

- Quelle robe dénudée, bordel ! tonné-je en ouvrant la porte de chez moi.

- Harry, je suis sûre qu'il ne s'est rien...

- J'arrive, conclus-je sur un ton glacial en montant les escaliers deux à deux. Je prends le premier avion et j'arrive, putain.

-------------------------------------------------------

HELLOOOOOOOO ! xx

Comment allez-vous ? La semaine débute bien pour vous, tout va comme vous voulez ? Votre weekend s'est bien passé ?

Moi tout va bien et j'ai enfin trouvé un créneau pour m'occuper de ce nouveau chapitre, qui arrive donc en avaaaaaance ! :) J'espère que vous n'êtes pas déçus des quelques découvertes que vous avez pu faire dans cette partie... Eh oui Alyssa est le pion d'Harry, pas Hanna comme ce que certains d'entre vous avaient imaginé ;)

Comment voyez-vous Alyssa désormais ? Que pensez-vous d'Harry ? De Madison ? Qu'imaginez-vous pour le prochain chapitre ?

Je ferai le plus rapidement possible pour la suite, je vous fais à tous de très gros bisous, merci pour tous vos votes et vos commentaires qui accompagnent toujours  mes publications, je vous aime fort, Anne xx

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top