Chapitre 28

J'hésite furieusement à me donner une claque histoire d'être sûre que ce que je viens d'entendre n'est pas un énième cauchemar, mais mon mal de crâne toujours plus vigoureux est là pour me rattacher à la réalité.

Est-ce que c'est vraiment entrain de se passer de cette manière ? Est-ce que cette frêle personne qui se tient devant moi pourrait bien être celle que je crois ? Est-ce que ça pourrait être possible sans signifier l'arrivée imminente d'une catastrophe ?

- Alyssa, c'est.... C'est toi ? soufflé-je à peine audiblement.

Pour une raison invraisemblable, j'ai encore l'espoir que tout ça ne soit qu'une fâcheuse coïncidence, une blague du destin pour me narguer - ce ne serait pas la première. Et cette flamme de détresse hurle en moi pour qu'elle arque un sourcil en se demandant quelle sorte de folle je peux bien être. Mais quand je la vois me sourire timidement en guise de réponse, je sens soudain tout le poids du monde s'écrouler sur mes épaules.

Je fais un brusque pas en arrière et m'appuie sur la poignée de la porte comme si je pouvais flancher à tout moment.

Alors voilà, c'est arrivé.

C'est elle, la fameuse Alyssa. Celle qu'Harry a fait passer pour le grand amour de sa vie dans sa lettre à Caspar, celle qui fait partie de l'histoire pour je ne sais quelle raison, celle qui connaît sûrement tout ce que l'homme que j'aime ne voudra jamais me dire, la réponse exacte à chacune de mes innombrables questions et plus encore.

Elle existe. Elle respire, elle est jolie, ses yeux bruns pétillent et illuminent son visage aux traits fins. Elle est là, c'est réel, et j'ai une envie irrésistible de fuir à toutes jambes.

- Qu'est-ce que tu fais là ? est la première chose qui me vient à l'esprit sous le coup de l'émotion.

Elle hausse les épaules et commence à se balancer nerveusement sur ses pieds. Mon coeur saigne à flot quand je me souviens subitement que c'est un geste qu'Harry avait l'habitude de faire pour cacher son malaise.

-Je voulais juste te parler... Même si on ne se connaît pas, je pense qu'on a beaucoup de choses à se dire, pas vrai ?

Je croise les bras sur ma poitrine pour montrer que je reste de marbre malgré la multitude d'émotions contraires qui assiègent mon être tout entier. La plus puissante d'entre-elles ? La méfiance.

- Désolée mais je pense pas que ce soit une très bonne idée. Et puis, comment t'as su que j'étais ici ? Comment t'as deviné que ma tante habitait à cette adresse, précisément ?

- Je travaille au club, et ta copine, la blonde, a réservé votre table à ton nom. Elle a donné une adresse, et me voilà. Je suis venue vérifier que c'était bien toi, et apparemment, je ne me suis pas trompée. Aussi simple que ça.

Je reste muette comme une tombe en réalisant qu'elle en sait sûrement plus sur moi que moi sur elle et une fois encore, l'injustice de ma situation me fait bouillir. Elle s'en rend sûrement compte parce qu'elle adopte un ton particulièrement mielleux et mesuré quelques secondes plus tard.

- Écoute, je sais que tu as lu cette lettre, et tu comprends très bien ce que je veux dire par là, mais je t'assure que ce n'est pas ce que tu crois. Je ne suis pas la méchante de l'histoire et il ne s'est rien passé entre lui et moi. Si je suis là, c'est parce que quand j'ai appris que t'étais ici, je me suis dit que c'était enfin une occasion de clarifier les choses après tout ce temps. D'abord parce que tu le mérites, et ensuite parce que je sais qu'Harry n'aura jamais le courage de le faire lui-même, alors il faut bien que quelqu'un se décide. Je suis là pour te dire la vérité Madison, toute la vérité, pas pour te faire du mal.

La proposition me semble directement trop alléchante pour ne pas cacher quelque chose. Après avoir tant pataugé dans la semoule pour obtenir des informations sur tout ce mystère qui entoure l'absence d'Harry, cette fille qui tombe du ciel comme par miracle pour tout avouer sans condition ? Non, c'est louche. C'est beaucoup trop simple. J'ai bien envie d'y croire mais ça semble surréaliste par rapport à tout ce que j'ai traversé pour en arriver à un si maigre résultat. Et là, en pensant surréaliste, je me dis qu'il n'y a qu'une seule personne sur cette Terre assez tordue pour prévoir un coup pareil.

- Et pourquoi je t'écouterais ? Qu'est-ce qui me dit que ce que ce n'est pas Harry qui t'envoie ? Parce que si t'es venue de ton plein gré, qu'est-ce qui te fait penser qu'il ne m'a pas déjà tout avoué ?

Elle regarde ses pieds avec malaise. Pas de chance, contrairement à ce qu'a dû lui raconter Harry, j'ai appris à devenir beaucoup moins malléable qu'avant, et notamment grâce à lui.

- Je peux te jurer que c'est mon initiative parce que lui et moi on ne se parle plus depuis un bon bout de temps déjà. Ça fait partie des choses que j'ai besoin de t'expliquer, d'ailleurs. Et puis je le connais, après ces deux ans je sais très bien qu'il n'aurait pas pu lâcher le morceau aussi facilement. Mais tu sais quoi ? Tu peux très bien me dire de partir, aucun souci, après tout je ne suis pas ton amie, tu as toutes les raisons de me voir comme une mauvaise personne et je ne te connais pas. Ça ne me ferait rien, je reprendrais ma petite vie tranquille sans aucun regret, mais je sais que tu vas accepter ce que j'ai à te proposer. Parce que si tu refusais, toi t'aurais l'impression de passer à côté de quelque chose d'énorme et ça, tu pourrais pas le supporter. Rien que le fait que tu sois sur la défensive prouve que tu donnerais n'importe quoi pour savoir ce qui s'est passé réellement cette année-là, même si ça veut dire accorder ta confiance à n'importe qui. Et t'aurais raison parce que moi aussi, je connais le mensonge. Je sais ce que c'est que de vivre dans une incertitude permanente, et c'est quelque chose que je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi.

Je me déteste à ce moment-là mais je sais au plus profond de moi qu'elle dit juste. J'ai tout sacrifié pour ce secret, absolument tout, j'ai dépassé les bornes, et aujourd'hui encore il me ronge comme de l'acide qu'on verserait sur ma peau nue et il m'inflige toutes sortes de supplices à longueur de temps. Même la nuit, je demeure sans repos, et j'ai la conviction que toute forme de répit me sera interdite tant que je ne connaîtrais pas toute la vérité, absolument tout ce qui s'est réellement passé.

Mes vacances étaient sensées m'éloigner de tous mes problèmes, je devais profiter à fond, ne plus penser à Harry et l'arrivée d'Hanna ne devait que m'aider à me détendre encore plus. Mais pourtant qu'est-ce que j'ai fait ? En l'espace d'une soirée, j'ai bu une bouteille entière de vodka, j'ai dansé et embrassé un inconnu dans un bar dont je me souviens à peine et ça aurait pu aller tellement plus loin si cette fille, celle qui dit vouloir tout m'avouer, ne m'avait pas sortie de ce sinistre club.

Je suis devenue incontrôlable et je n'arrive plus à distinguer le bien du mal, le vrai du faux. Je sais juste qu'Hanna n'était pas là pour m'aider hier soir, ni Caspar, ni mes parents, ni Evelyn, ni même Harry, mais elle, oui.

Est-ce que j'ai envie de connaître la vérité ? Rien n'est plus sûr. Est-ce que je peux faire confiance à cette fille ? Rien n'est moins sûr. Mais ce doute en moi me crie de sauter sur l'occasion et rien que pour ce qu'elle a déjà fait pour moi, j'ai envie d'y croire.

- Entre, annoncé-je. Attends-moi là. Je dois juste me changer, j'en ai pour cinq minutes, expliqué-je en désignant ma tenue abîmée par les aléas de la soirée.

Elle hoche la tête froidement en s'asseyant sur un des gros fauteuils du salon.

Je dévale les escaliers jusqu'à ma chambre et ouvre la porte en trombe, ce qui fait bondir Hanna hors du lit.

Je dois afficher une expression sacrément paniquée parce qu'elle me fixe avec insistance dès que je referme la porte derrière moi.

- Elle est là, annoncé-je sans lui laisser le temps de poser la moindre question.

- "Elle" ? Comment ça "elle" ?

- Alyssa. Alyssa est en bas dans le salon.

Ses yeux s'écarquillent et un son étouffé s'échappe furtivement de sa bouche quand elle réalise pleinement ce que je suis entrain de lui annoncer.

- Alyssa, tu veux dire, ALYSSA ? Mais qu'est-ce qu'elle fait là ? commence t-elle à s'affoler. Qu'est-ce qu'elle veut ?

- Elle dit qu'elle veut tout me raconter, tout. Elle veut me révéler le secret d'Harry, Hanna.

- Non, non, non, minute. Tu veux dire que cette fois c'est la bonne ? Pour de vrai ?

- Je crois, je ne sais pas pourquoi mais j'ai l'impression qu'elle est sincère, c'est peut-être la fin du cauchemar.

- Et si elle te racontait des conneries ?

- Non, je ne vois pas pourquoi elle mentirait, qu'est-ce qu'elle aurait à y gagner ? C'est ma dernière chance. J'ai besoin de ça, j'ai besoin que ça s'arrête, enfin. J'ai beau essayer de me leurrer, je sais que je ne supporterais pas l'attente bien longtemps. J'ai accepté de lui parler, conclus-je en enfilant quelques vêtements confortables.

- OK, mais je viens avec toi alors, déclare t-elle.

- Non, il faut que tu t'occupes de Caspar et de Tina pendant ce temps, s'il-te-plaît.

- Je te rappelle qu'ils sont partis à une compétition de beach volley tôt ce matin, Caspar l'a mentionné avant qu'on parte à la fête. Heureusement, d'ailleurs. Imagine si quelqu'un d'autre avait ouvert la porte à ta place. Je veux être là pour toi Madi, il est hors de question que tu affrontes ça toute seule. Je suis à tes côtés maintenant.

- D'accord. On y va, annoncé-je en sortant de la petite pièce.

Passée la surprise d'Hanna quand elle comprend qu'Alyssa est la serveuse du club de la veille, nous nous installons enfin dans le canapé face à elle et mon cœur bat la chamade. Ma meilleure amie s'est collée à moi, prête déjà à intervenir en cas de coup dur et même si je ne le montre pas, sa présence me rassure énormément.

Alyssa se gratte légèrement la gorge et je comprends que le moment tant attendu est enfin arrivé.

- Harry et moi, on s'est rencontrés pendant une période de ma vie assez sombre dont je préférerais ne pas parler. Je n'avais presque aucun ami, ma famille s'éloignait de plus en plus de moi et je me sentais totalement seule. Je commençais à avoir la sensation que ça durerait toujours. J'allais souvent à la bibliothèque pour me changer les idées, c'est le seul truc qui me permettait de m'éloigner du reste du monde pendant un instant. C'est là que je lui ai parlé pour la première fois. Il était comme moi, paumé, seul, désespéré. On a tout de suite sympathisé. J'avais l'impression d'avoir trouvé une personne qui me comprenait enfin, c'était un peu un genre de miracle vu ma situation, et depuis ce jour-là, on ne s'est pour ainsi dire plus quittés. Il n'a pas tardé à tout me raconter pour toi. Je me souviens de ce jour comme si c'était hier. On venait tout juste de se rencontrer. Il faisait gris, comme souvent en décembre à Boston, et j'étais chez moi à réviser. Il a débarqué en trombe à mon appartement sans prévenir, il était furieux. J'essayais de le raisonner, de lui dire de se calmer, mais il continuait à crier à moitié des mots que je ne comprenais même pas, c'était flippant. Et puis il m'a montré la lettre que ton frère lui avait envoyé. Son comportement a viré vers une tristesse sans nom et une fois encore, je ne comprenais pas ce qui se passait. Il était totalement dépité. Il s'est mis à pleurer en m'expliquant la situation : les raisons de son départ et la manière lâche dont il t'avait abandonnée.

- Les raisons de son départ ? m'impatienté-je, ne tenant plus en place.

- Il m'a dit que... hésite t-elle. Il m'a dit que ses parents avaient prévu de déménager depuis longtemps et qu'il n'avait pas voulu t'en parler parce qu'il sentait que tu voulais plus que de l'amitié, ce que lui ne voulait pas. Il m'a aussi raconté qu'il avait pris la décision de te le dire la veille, mais que vous vous étiez embrassés et que ça avait tout gâché. Il ne voulait pas te laisser dans l'espérance, il ne voulait rien de plus que ton amitié, et selon lui c'était déjà trop tard pour la sauver à ce moment-là. C'est pour ça qu'il est parti sans rien dire Madison. Je suis désolée.

Ma respiration se saccade alors que les mots d'Alyssa franchissent la barrière de mon cœur qui se brise en mille morceaux.

J'imagine Harry avoir un raisonnement pareil, se dire "Non, je ne veux rien de plus, je ne voudrais jamais rien de plus, ça ne compte pas nous deux" et ça me rend malade.

Elle dit n'importe quoi. N'importe quoi. J'hallucine. Tout ça n'est pas réel. Je ne veux pas, je ne peux pas, je ne peux pas accepter cette version de l'histoire...

- Non, c'est pas possible ! crié-je en me jetant sur elle. C'est pas possible, il aurait jamais fait ça Alyssa, pas à moi, tu te trompes ! Je le connaissais, il y avait un truc entre nous, c'est pas possible, ça ne peut pas être vrai, tu as dû mal comprendre !

Hanna intervient pour nous séparer et je tombe plus bas que terre.

- Dis moi que c'est pas vrai Alyssa, supplié-je en m'effondrant en larmes sur le parquet. Dis moi que c'est pas vrai, couiné-je en prenant ma tête entre mes mains.

Hanna se précipite pour m'aider et la lueur de pitié dans ses yeux me donne envie de m'arracher les cheveux. Elle m'entoure de ses bras et je me sens partir peu à peu. Je pousse un violent cri de douleur qui me brise toute entière.

- NON, Harry ! NON !

Personne pour répondre.

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HELLO EVERYBODY ! xx

Comme promis, je reviens aujourd'hui pour poster le nouveau chapitre en avance, vous avez été nombreux à être impatients de cette publication, donc je ne pouvais pas vous décevoir :) j'espère maintenant que le chapitre en lui-même ne vous a pas déçu.

Il est volontairement extrêmement sombre et j'espère que vous n'êtes pas trop choqués, j'avais envie que l'histoire bouge et là, on a franchi une grande étape. Les réponses se préciseront par la suite mais pour l'instant, j'ai hâte d'avoir vos retours sur ce que vous venez de lire.

Que pensez vous d'Alyssa ? De ses révélations ? De la réaction de Madison ? Pensez-vous connaître la vérité ? Comment voyez-vous la suite ?

Au-delà de l'histoire, j'espère que tout va bien pour vous, que vos révisions se passent bien si comme moi vous avez des examens et que vous êtes heureux en pensant aux vacances qui arrivent bientôt (alléluiaaaaaaa).

Je ferais le plus vite possible pour poster la suite mais je ne peux rien vous promettre, mon weekend est très chargé donc ce ne sera pas avant la semaine prochaine :/

Merci pour tous vos votes et vos commentaires qui me font chaud au cœur à chaque fois, bonne fin de semaine et gros bisous à tous, Anne xx

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