Chapitre 26

La voix suave et proche d'Harry résonne de nouveau dans mon oreille.

- Bonne nuit bébé.

La couverture me tient bien chaud et nos deux corps sont enlacés depuis un moment dans ce si petit lit. Ses boucles brunes caressent doucement mon cou tandis que ses paroles remuent délicieusement mon cœur et il m'entoure de ses bras pour me plaquer au plus près de lui, contre son torse nu dans lequel palpite l'organe qui lui confère la vie.

Je pousse un petit soupir de contentement pour la énième fois de la journée et il me vole un baiser léger comme une plume.

- Je t'aime, reprend-il. Je t'aime comme un fou Madison.

Je me retourne de son côté et un rayon de lune me permet d'entrevoir son œil émeraude dans l'obscurité de la nuit.

Il est beau, il est magnifique, et il est à moi. Totalement à moi. Et cette idée que ce sera pareil dans vingt ans effleure délicatement mon âme et me donne l'impression de voler vers le paradis.

Je n'hésite pas à plonger ma main dans sa chevelure dense et la délicatesse du baiser qu'il dépose au creux de mon cou en guise de réponse me fait frémir.

Mon cœur bondit hors de ma poitrine et je plaque mes lèvres contre les siennes.

Le bonheur coule à flot dans mes veines.

- Madison ! Tu es réveillée chérie ? crie la voix maudite qui me ramène trop brusquement en enfer.

Je sursaute dans mon lit, le vrai cette fois-ci, et il me faut un instant pour constater que ce que je viens de vivre n'était en fait qu'un produit minable de mon imagination. Et une honte destructrice m'envahit quand je réalise que j'ai laissé ces vieux démons ressurgir alors que mon séjour à Cape Cod semblait pourtant si bénéfique.

- Madison ? s'impatiente ma tante depuis le rez-de-chaussée.

- Oui, deux secondes, j'arrive, grogné-je en enfilant un pull confortable pour atténuer le froid glacial qui s'empare de mon être tout entier alors que s'évanouit mon rêve.

J'entends des murmures provenant du salon à la seconde même où je franchis la porte de ma chambre et imagine déjà que Caspar et Tina veulent jouer aux psychologues avec moi parce que j'ai refusé catégoriquement de sortir hier.

Si seulement ils se doutaient une seule seconde de ma sombre découverte, la situation serait beaucoup plus simple. Je pourrais me permettre de crâcher librement sur Caspar et le problème serait vite réglé, je n'aurais même pas à m'imposer ça, ce procès que les gens me tiennent constamment sans s'en rendre compte.

Pourtant cette petite voix dans ma tête me chuchote de creuser plus profond en ce qui concerne cette histoire avant de dire quoi que ce soit. Et vu la proportion qu'ont pris les choses lors de la lecture de la lettre d'Evelyn - lettre que cette même voix m'avait hurlée de ne pas ouvrir - je lui attache aujourd'hui une importance toute particulière et descends donc en me préparant mentalement à rester muette comme une tombe face à toutes les éventualités.

Ma tante entre dans mon champ de vision dès que j'atteins la dernière marche de l'escalier en bois et, à mon plus grand désarroi, ce n'est pas Caspar qui se tient à côté d'elle, près à déverser ses leçons de morale sur moi, mais une grande blonde dont je reconnais instantanément la silhouette gracieuse et féminine.

Pas ça. Pas de bon matin, pas après un cauchemar pareil, pas comme ça. Pas elle. Seigneur, c'est le moment où vous me réveillez, mais pour de bon cette fois-ci. Allez, j'attends que ça.

- Bonjour Madison, souffle Hanna en esquissant un sourire timide.

Je sens ma mâchoire se crisper devant tant d'hypocrisie et préfère ne rien répondre de peur de dévoiler à ma tante un des pires aspects de moi-même au réveil.

- Ton amie est arrivée ce matin de Charleston pour te faire une surprise, ma belle. Tu en as de la chance, pas vrai ? gazouille naïvement cette dernière, toute contente de constater quelles adorables personnes je possède dans mon cercle restreint.

C'est vrai, quelle chance, ricané-je en esprit en repensant aux paroles brutales qui ont franchi les lèvres de ma pseudo meilleure amie lors de notre récente dispute.

- Génial, lancé-je enfin en me traînant vers la cuisine, lassée de devoir tout le temps feindre l'intérêt.

J'ai un seuil de tolérance élevé mais là, c'est trop, et je n'ai jamais rien demandé de tel. Une petite réunion de crise familiale me semblerait tout à coup si agréable comparée à cette surprise empoisonnée.

Tina s'excuse auprès de notre "invitée" avant de me suivre comme mon ombre jusqu'au frigidaire qu'elle referme brusquement alors que je cherche la bouteille de lait. Elle baisse anormalement la voix, comme si Hanna ne pouvait pas entendre les reproches qu'elle antonne avec conviction.

- Tu n'es pas contente de la voir ? Tu pourrais au moins aller lui dire bonjour correctement Madison.

Je passe mes mains sur mon visage pour me raisonner et parvenir à trouver un moyen de lui annoncer la situation sans qu'elle me juge.

Par contre si elle pense que je vais avoir assez de tact pour être discrète comme elle, elle se fourre le doigt dans l'œil bien profond. Tant mieux si Hanna entend mes protestations, j'espère que ça la fera repartir aussi rapidement qu'elle est venue.

Qui lui a donné le droit de s'immiscer dans mes vacances réparatrices, d'abord ?

- C'est compliqué, tata. Ça ne va pas fort en ce moment elle et moi et c'est la dernière personne que j'aurais crue voir ici. Sérieusement, qu'est-ce qu'elle fout là ? insisté-je.

- Chuuuuut, peste-t-elle. Peu importe ce qui s'est passé entre elle et toi, cette fille dans la pièce à côté vient de parcourir plus de mille kilomètres juste pour te voir, alors il est hors de question qu'on la mette à la porte, tu m'entends ? Tu vas au moins essayer d'être gentille avec elle, et inutile de lui reprocher de débouler ici, son arrivée était une idée de ta mère pour te remonter le moral.

- Quoi ? déploré-je en apercevant le piège se refermer lentement sur moi. Tata, je suis très bien ici sans elle, je n'ai besoin de personne, je t'assure. Je n'ai pas envie de m'intéresser à elle et si tu connaissais toute l'histoire, crois-moi tu serais largement de mon côté, ajouté-je en adoptant son ton étouffé.

- C'est justement ça le problème, je suis en terrain neutre, et cette fille a l'air très gentille, alors tu devrais lui laisser une seconde chance, insiste-t-elle. Aussi graves que soient vos relations, tu ne peux pas juste ignorer qu'elle est bien là.

Je pousse un long soupir sans retenue en réalisant peu à peu que ma tante a la tête dure comme de la pierre.

Elle attrape fermement mes deux épaules et son regard grave me fait comprendre une bonne fois pour toutes que la partie est finie, et que c'est loin d'être une nouvelle dont je puisse me réjouir.

- Madison, tu as besoin de te faire aider, d'accord ? Je vois que tu es bien ici, mais avoir une amie ce serait top, peut-être que ça te permettrait de t'éloigner encore plus de chez toi, je ne sais pas... La famille c'est bien, mais les amis sont mieux encore pour s'amuser, alors laisse-lui une chance, tu veux ?

Je me force à hocher la tête pour qu'elle me laisse tranquille et elle retourne dans le salon avec un sourire de satisfaction excessif plaqué sur le visage.

- Suis moi, je vais te montrer ta chambre, Hanna. Ça laissera le temps à Madison de s'habiller avant que vous partiez découvrir le monde toutes les deux, ajoute t-elle plus fort à mon intention, ce qui a le don de m'agacer prodigieusement.

Ça fait toujours plaisir de savoir que son opinion compte au sein d'une famille.

*

Nous roulons depuis une bonne vingtaine de minutes déjà et l'ambiance ne pourrait pas être plus électrique entre la blonde assise à la place du conducteur et moi. Même le ciel affiche un ton gris monotone - comme par hasard dès qu'elle débarque les premiers jours de mauvais temps arrivent - et la petite radio reste éteinte car ni elle ni moi n'osons faire un geste qui empièterait sur l'espace vital de l'autre dans le petit habitacle.

Être assise à côté d'Evelyn me semblerait moins pénible, car même si elle m'énerve à longueur de temps, au moins on ne peut pas lui reprocher d'être totalement muette.

Je jette de temps à autres des regards rapides à cette personne qui respire à côté de moi en me demandant bien pour quelle raison insensée elle aurait accepté de se pointer ici à l'improviste, surtout après notre dernière discussion qui a tourné au drame.

Et c'est seulement en sortant de l'autoroute que Madame daigne enfin m'accorder un mot.

- C'est très joli ici. Tu dois vraiment apprécier tes vacances.

"Du moins, je les appréciais avant aujourd'hui" est la seule réponse honnête qui ressort du nœud dans mon esprit et je choisis délibérément de me taire.

Elle ne se décourage pas pour autant.

- On sera bientôt au centre commercial, il paraît que c'est un des plus grands du pays. Ta tante a mentionné que tu avais très envie d'y aller.

Oh, mais évidemment qu'elle l'a fait. Il ne suffisait pas qu'elle nous prête sa voiture, il fallait en plus qu'elle nous organise un petit truc bien sympathique, histoire d'être sûre que je ne puisse pas fuir le contact !

Je reste de marbre et devant l'absence de toute réaction de ma part, elle arbore un ton soucieux, à la limite de l'inquiétude.

- Ou alors, on pourrait très bien faire autre chose. J'ai pris mon GPS donc on peut aller n'importe où, si tu as une idée précise.

La seule chose que je désire présentement est de sortir de cette voiture le plus rapidement possible, donc hors de question de faire un détour supplémentaire qui ne ferait que retarder ce moment.

- Non, le centre commercial, c'est très bien, déclaré-je fermement en détournant mes yeux de sa direction.

L'atmosphère redevient lugubre jusqu'au moment où Hanna se gare enfin sur une des places devant la pâtisserie du centre commercial. Elle se détache pour se préparer à sortir et je décide finalement que le moment est venu de clarifier les choses pour éviter d'entretenir le malaise flagrant entre nous.

- Bon, Hanna, qu'est-ce que tu fous ici ? demandé-je dans un élan de confiance.

Elle se fige, un pied déjà à l'extérieur de la voiture, et arbore tout à coup un air surpris et gêné.

- Euh...

"Euh" quoi ? Elle a eu assez de courage pour traverser seule tout l'Est du pays mais elle n'est pas capable de m'expliquer la raison de sa venue ? Qu'est-ce que c'est que cette blague ?

- Pourquoi t'es à Cape Cod Hanna ? Pourquoi avoir accepté la proposition de ma mère ? Accouche, m'impatienté-je, on ne va pas rester là toute l'après-midi.

Elle passe rapidement la main dans ses cheveux avant de reposer ses yeux gris sur moi.

- Madison, j'ai merdé, d'accord ? Je me suis vraiment comportée comme la pire des amis au bal et je suis consciente d'avoir ma part de responsabilité dans ce qui t'arrive.

- Quoi ?

- C'est ma faute si tout a recommencé, si je ne t'avais pas forcée à y aller, peut-être que tu l'aurais tout simplement oublié une bonne fois pour toutes et que la vie aurait repris son cours normalement, comme si il n'avait jamais existé. Je suis sûre que tu n'en étais pas loin, mais il a fallu que je foute tout en l'air. Je comprends que tu me détestes, je n'ai vraiment pas assuré...

J'enlève mes lunettes de soleil que je n'ai pas quittées du trajet pour tenter de raccourcir la distance qui nous sépare, ce qui ne signifie certainement pas que tout lui est pardonné.

- Ce n'est pas de ta faute si il est revenu dans ma vie. L'expérience m'a appris que c'est le destin qui nous contrôle, alors il serait revenu tôt ou tard, et ce bal n'a fait qu'accélérer le processus. Et puis j'ai réalisé que je ne pourrais jamais l'oublier. Il est marqué en moi au fer rouge, peu importe ce qui se passe, peu importe à quel point il m'est nocif. Ne te blâme pas pour ça. Tu ne savais pas, tu voulais juste qu'on s'amuse, c'était totalement justifié. Par contre, je n'ai toujours pas digéré tes reproches du lendemain. Tu as considéré que tout ce qui me tombait dessus était entièrement de ma faute et te voir me cracher ma faiblesse au visage encore et encore, ça je n'ai pas compris. Et venant de toi, la personne qui m'a toujours soutenue pendant ces deux ans, j'ai pris ça comme une trahison et j'en suis arrivée à me demander si je t'avais un jour jamais connue.

Elle prend son visage entre ses deux mains et s'appuie sur le volant.

- Je sais, j'ai été horrible et je m'en suis voulue au moment-même où j'ai franchi la porte de ta maison. J'ai failli revenir, puis je me suis dit que j'avais causé suffisamment de peine comme ça. Je n'y voyais pas clair à cause de Tucker et même si j'ai du mal à me l'avouer, me dire qu'Harry t'aimait vraiment pendant une seconde m'a rendue dingue, et je pense même que ça m'a rendue un peu jalouse aussi.

Je ne peux pas m'empêcher de ricaner légèrement.

- Toi, jalouse de moi ? Si tu savais tout ce qui s'est passé depuis notre dispute, crois moi tu réfléchirais une seconde fois avant de te prononcer sur la question.

Elle retrousse ses lèvres pour montrer qu'elle compatit et attrape ma main.

- Tu n'as pas à m'en parler, je comprends. Et je sais que je suis impardonnable, mais laisse moi te prouver que je suis toujours la même, cette blonde un peu folle capable de t'écouter et de te faire rire comme avant.

Même si c'est un peu dur de me l'avouer, c'est vrai qu'Hanna m'a beaucoup manquée et si elle peut m'éloigner de tous les secrets qui gravitent sur moi tels des nuages menaçants, alors Tina a raison et elle mérite une seconde chance.

- J'aimerais y croire, soufflé-je en esquissant enfin un sourire. Et j'ai un besoin vital de changer d'air.

- Alors que la fête commence, conclut-elle fièrement en sortant de la voiture.

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HELLO EVERYONE ! xx

Tout d'abord, sachez que je suis vraiment désolée de vous avoir fait attendre aussi longtemps pour ce chapitre, mais à cause des contrôles qui s'enchaînent en ce moment plus que jamais, difficile de trouver du temps à accorder à l'écriture et j'espère que vous ne m'en voulez pas trop.

J'espère aussi que ce chapitre vous convient, que vous avez été un minimum surpris et que vos théories se précisent pour la suite. Faites-vous confiance à Hanna ? Auriez-vous réagi comme Madison ? J'ai hâte d'avoir vos retours, comme d'habitude :D

Préparez-vous, les deux prochains chapitres seront absolument explosifs, plus qu'aucuns auparavant depuis le début de l'histoire. J'essaierai de les poster le plus rapidement possible mais encore une fois, je ne peux pas vous promettre de date précise à cause du bac de français qui arrive bientôt. Si vous voulez plus d'infos sur la publication des chapitres, n'hésitez pas à venir me parler en privé ou à vous abonner à mon compte, je poste souvent de nouvelles annonces à ce sujet dès que j'en sais plus :)

Au fait, Begin Again a enfin une nouvelle couverture ! :) N'hésitez pas à la voir pour me donner votre avis, comme ça si elle ne vous plaît pas je peux en chercher une autre

On se retrouve le plus vite possible, bonne fin de semaine à tous et gros bisous, Anne xx

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