Chapitre 25
Point de vue de Harry
J'ai l'impression d'être assis sur mon canapé depuis des mois, appliqué à fixer mon téléphone inactif sur la table basse avec la même concentration excessive. On pourrait presque dire que mon quotidien se résume à ça en ce moment. Attendre et attendre encore.
Attendre un message de Madison qui n'arrivera sûrement jamais, attendre un appel important qui ne devrait plus tarder, attendre que mon cœur oublie son souffle dans mon cou et ses yeux aussi purs que le ciel, attendre que quelqu'un me sorte enfin de toute la merde que j'ai créée.
Attendre patiemment comme si j'avais appuyé sur le bouton "pause" de ma vie.
J'aimerais tellement l'échanger contre l'option rembobinage ce bouton, histoire d'effacer toutes mes conneries d'hier et d'aujourd'hui. Mais c'est impossible.
L'écran de mon téléphone s'allume enfin et avant même que la sonnerie ait le temps de troubler le silence morne de la pièce, je décroche.
- Pourquoi t'as mis autant de temps à appeler ? On avait dit jeudi, grogné-je. T'aurais pu faire un effort, putain, vu l'état dans lequel je suis.
- Harry calme toi ou je raccroche, ok ? Je sais bien que ça va pas mais pas la peine de m'agresser comme ça. J'ai eu beaucoup de choses à gérer cette semaine de mon côté et puis je te rappelle que j'ai accepté de t'aider sans discuter. Qu'est-ce qui se passe exactement ? Elle t'a rappelé ?
- Non toujours pas, et son portable est directement sur messagerie. Je sais pas ce qui se passe.
- Si je peux pas l'appeler non plus, comme veux-tu que je te sois utile en quoi que ce soit ?
- Écoute, j'ai appris hier qu'elle était partie loin de Charleston. Elle doit sûrement être en vacances chez sa tante Tina à Plymouth. J'ai l'adresse sur moi, tu pourrais y passer ce weekend ?
- Harry, je rêve ou tu me demandes de faire une heure de route pour débarquer chez quelqu'un de sa famille à l'improviste tout en étant pas sûr à cent pour cent qu'elle y soit ? Hors de question. En plus, j'ai déjà des plans ce weekend.
- Je suis certain qu'elle y est, je t'en supplie, vas au moins jeter un coup d'œil quand tu auras le temps.
- Comment tu peux en être convaincu ? Si elle cherche tant que ça à te fuir, elle pourrait aussi bien se cacher à l'autre bout du monde. C'est ce que je ferais à sa place.
- Bon écoute, je suis entré par sa fenêtre hier et j'ai entendu sa mère au téléphone avec Tina, avoué-je. Donc oui, je suis convaincu.
- Minute. T'es entré par effraction chez cette fille ? T'es pas croyable.
- Si t'appelles pour me juger, tu peux bien aller te faire foutre.
- Je te juge pas, c'est juste que l'étendue de l'amour que tu lui portes me surprend à chaque fois. T'es revenu et elle n'a rien fait pour essayer d'accepter un minimum la situation, alors pourquoi tu t'acharnes ? Quand est-ce que tu vas ouvrir les yeux ? Selon moi, elle ne te mérite pas.
- Tu dis ça parce que toi, tu connais la vérité. C'est elle, je le sais et je l'ai toujours su. C'est la seule que je vois dans ce monde de vendus et c'est moi qui ne la mérite pas. Je lui ai menti tout ce temps et je l'ai regardé droit dans les yeux en lui assurant que je préférais garder mon secret plutôt que de l'avoir à mes côtés. Rien que le fait qu'elle ait accepté de me parler à mon retour me surprend encore et je n'aurais pas été capable de faire un dixième de ce qu'elle a fait pour moi.
- Qu'est-ce que tu veux que je fasse alors ? Que je lui dise toute la vérité de A à Z ou que je m'en tienne au plan dont on a parlé l'autre jour ?
- On met en place le plan. Oublie tout ce que tu sais sur mon départ. Elle ne doit pas apprendre ce qui s'est passé à Boston. Sous aucun prétexte. Même si elle te supplie à genoux, même si elle se met à pleurer toutes les larmes de son corps, même si elle m'insulte de tous les noms.
- Je pourrais y passer en début de semaine prochaine, pas avant.
- Parfait, conclus-je.
- T'es conscient qu'un jour ou l'autre, elle découvrira ce que tu lui caches Harry ? Et ce jour-là, tu seras impardonnable.
- Tu te trompes, elle trouvera la force de me pardonner, je le sais. Aujourd'hui elle n'est pas prête à affronter ça, et moi non plus. Suis le plan sans discuter.
- T'es bien sûr de ton choix ? Après ça, elle ne te verra peut-être plus jamais de la même façon.
- 15 Russell St. Rappelle-moi quand c'est fait.
Point de vue de Madison
C'est par la douce lumière des rayons du soleil qui traversent les fentes des volets que je me réveille ce matin, une habitude vraiment apaisante que je commence à prendre depuis mon arrivée à Cape Cod.
Cela fait maintenant un peu plus de deux jours que nous sommes chez Tina, et j'ai enfin réussi à attribuer au souvenir d'Harry une importance secondaire, surtout grâce à Caspar qui prévoit pour moi des journées bien chargées, ce qui fait que je n'ai le temps de penser à rien de nuisible avant d'être totalement crevée.
Depuis la désintégration de mon téléphone, tout s'est largement amélioré. Hier il m'a même fait une surprise avec des pancakes, comme si rien n'avait changé et que je n'avais jamais pris aucune décision terriblement égoïste à son sujet. Peut-être parce qu'il me croit capable de retrouver cette force qui m'a permis de tenir en l'absence d'Harry pendant deux ans, cette énergie plus forte que ma peine qui me laissait un maigre espoir de passer à autre chose. Même si ça me semble être bien loin d'une idée envisageable pour le moment, je l'apprécie si elle constitue une chance de retrouver enfin la confiance que m'accordait mon frère.
Après m'être tournée et retournée dans mon lit douillet, je décide enfin de me lever et je m'habille en me demandant bien ce que cette nouvelle journée ensoleillée me réserve.
Étant de bonne humeur, je marche sur la pointe des pieds pour ne pas réveiller Evelyn qui dort sûrement encore dans la chambre d'à côté, même si elle ne mérite certainement pas que je fasse cet effort pour elle.
Arrivée en bas des escaliers, je perçois des murmures dans la cuisine et comprend vite en me rapprochant qu'il s'agit d'une discussion discrète entre Caspar et ma tante. Je me cache derrière le mur pour écouter ce qu'ils racontent, histoire de vérifier que ça ne me concerne pas.
- Je vais être franc, je n'ai aucune idée de comment m'y prendre avec elle, avoue Caspar. Et la distance n'arrange rien en ce moment, j'ai l'impression qu'on est plus vulnérables que jamais.
Quelle distance ? Est-ce que je me trompais en imaginant que les choses étaient sur le point de se régler entre nous ?
- Je ne sais pas trop quoi te dire mon grand, je ne connais pas cette fille, répond ma tante d'un ton attentif. Tu en as parlé à Madison ?
Quelle fille ?
- Non, je ne pense pas que ce soit le bon moment et je n'ai pas envie de lui imposer ça. Elle est encore très fragile à cause de l'autre enfoiré, ce serait la pire chose à lui annoncer.
M'imposer quoi ? Au moins, inutile de me poser des questions sur l'identité de "l'autre enfoiré". Enfin un aspect que je saisis dans cette conversation suspecte.
- La vraie question c'est : est-ce que tu aimes cette fille ? demande Tina après un court silence. Est-ce que tu donnerais n'importe quoi pour être avec elle en ce moment ?
- Oui, répond mon frère directement. Peut-être, j'en sais trop rien, se reprend-il quelques secondes plus tard.
Alors c'est donc ça, Caspar est en couple, mais je ne saisis pas pourquoi il refuse de m'en parler. Malgré les circonstances, je sais que je réussirais à être contente pour lui si il venait à me l'annoncer. C'est encore mon frère et après tous les échecs qu'il a essuyés dans le passé, je ne pourrais que m'en réjouir. Je ne veux pas être ce genre de personne qui désire le malheur des autres simplement pour supporter le sien et le fait qu'il puisse l'imaginer remet tout à coup en question tous mes espoirs à notre sujet.
- C'est différent de tout ce que j'ai jamais vécu, ajoute t-il. Quand je la vois, c'est bizarre je sais, mais le reste m'est totalement égal. J'ai merdé. Comment je peux arranger les choses ? soupire t-il.
- J'ai une idée, déclare ma tante, mais on en parlera plus tard, ta sœur ne devrait pas tarder à se lever et tu ne voudrais pas qu'elle nous surprenne en train de parler de tes amours, n'est-ce pas ?
Oh non, tu n'aimerais pas Caspar. Si tu savais, rigolé-je en silence dans ma cachette.
Je fais quelques pas en arrière pour descendre une seconde fois les escaliers, mais cette fois-ci, de manière à ce qu'ils se rendent compte de ma présence.
Comme prévu, la discussion a pris fin lorsque je pénètre dans la cuisine et chacun fait mine de vaquer à ses occupations, ma tante devant son journal et mon frère sa tasse fumante de café à la main.
Quels bons acteurs. J'aurais presque pu y croire.
J'ai bien envie de me tordre de rire mais il y aurait mieux comme forme de discrétion et je dois profiter de la longueur d'avance que j'ai prise.
- Salut, leur lancé-je en bâillant, histoire de jouer mon petit rôle à merveille moi aussi.
Ils me répondent tous les deux d'un sourire et je pars m'asseoir à la table.
- Je suis allé chercher des donuts ce matin, annonce Caspar d'un air triomphant. Ça te dirait de partir les manger sur la plage ? Ce serait dommage de ne pas profiter du paysage tant qu'on est là.
- Ouais, t'as raison, accepté-je.
Cette attention m'aurait vraiment, vraiment fait plaisir si je n'avais pas été témoin de ses révélations il y a quelques secondes, mais cette fois encore je choisis de ne pas l'agresser. Laissons-lui une chance de me dire la vérité par lui-même avant de lancer un débat.
Nous marchons dans le silence en direction de la plage à quelques mètres de la maison et Caspar installe une serviette face à l'océan, toujours très organisé.
Nous nous asseyons côte à côte et il me tend un donut rose suintant de gras, un de mes desserts préférés.
- Qu'est-ce que tu veux faire aujourd'hui ? demande Caspar après avoir englouti une bouchée de son beignet recouvert de sucre. On pourrait aller faire un tour en mer, partir visiter une ville du Cap ou alors faire quelque chose de plus tranquille, comme un tour au centre commercial par exemple.
Sa dernière idée me plaît bien mais je ne suis pas d'humeur à discuter d'activités pour le moment et il faut absolument que je fasse dévier la conversation pour l'obliger à lâcher le morceau. Et pour ça, il faut que je lui montre que plus rien ne m'atteint, que je suis capable de parler de n'importe quoi avec lui.
- On verra bien, rien ne presse, annoncé-je en tournant mon visage vers les rayons du soleil. Tu sais Caspar, j'ai réalisé en me levant qu'on avait jamais réellement crevé l'abcès à propos de... Enfin tu vois ce que je veux dire, hein ?
Il hoche la tête mais reste concentré fermement sur son beignet.
- Je suis désolée, lancé-je tout bêtement. J'ai fait un mauvais choix ce jour-là, je t'ai menti aussi, et je refuse qu'il y ait des non-dits entre nous, parce qu'avant ça n'a jamais été le cas, alors pourquoi on devrait s'imposer ça ? J'ai fait une énorme connerie et je me déteste à l'heure actuelle de t'avoir abandonné de cette manière. Plus jamais je ne ferai passer quelqu'un d'autre avant toi, c'est promis, conclus-je d'un ton sincère.
Il m'accorde un petit sourire et je comprends que la partie est gagnée.
- C'est ma faute aussi, admet-il, je n'aurais jamais dû te demander de choisir, je n'ai même pas cherché à me mettre à ta place ou à comprendre la situation une seule seconde. Moi aussi je suis désolé petite sœur.
Je passe mes bras autour de son cou et la situation est enfin claire, enfin.
- Plus aucun secret entre nous ? proposé-je.
- Ca marche, accepte t-il en relâchant son étreinte.
- J'espère en tout cas que tu seras plus chanceux en amour que je ne l'ai été. J'ai hâte de voir ça, déclaré-je dans ma fausse ignorance.
- Ouais, j'espère au moins avoir la chance de le connaître un jour parce que pour l'instant c'est calme plat, ment-il délibérément en me regardant droit dans les yeux. La fille qui me convient doit encore être bien loin.
Le cadre est parfait, la mer a une couleur intense, une légère brise caresse nos visages et c'est sûrement la plus belle réconciliation que j'aurais pu imaginer, pourtant le goût amer que prend subitement mon donut me donne envie de vomir.
Quand est-ce que tout le monde arrêtera enfin de me mentir ?
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HELLOOOOOO EVERYBODY ! ♥
Comme prévu, je poste aujourd'hui le nouveau chapitre, j'aimerais tellement avoir des jours fériés plus souvent pour ne pas être obligée d'avoir à vous faire attendre longtemps :(
Quoi qu'il en soit, j'espère que vous aussi, vous passez un super weekend et que cet épisode vous plaît, j'ai hâte comme d'habitude d'avoir vos hypothèses ;) vous devez vous poser pas mal de questions à l'heure actuelle, mais ne vous inquiétez pas, les réponses ne vont plus tarder :D
Comment trouver vous Caspar ? A qui téléphone Harry selon vous ? Qu'envisagez-vous pour la suite ?
Je vous aime fort, merci d'être toujours là pour voter ou pour me laisser un petit commentaire, vous êtes vraiment tous adorables et j'ignore ce que je ferais sans chacun de vous ♥
On se retrouve très vite pour la suite, gros bisous, Anne ♥
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