Chapitre 21

Merde, merde, merde Madison.

La panique m'envahit lorsque je remarque que le bus a déjà quitté l'arrêt du supermarché et qu'il m'est donc impossible de faire marche arrière. Je respire lentement pour regagner mon calme et me tourne nerveusement vers le chauffeur de manière à tourner le dos à Jayden tout en priant pour qu'il ne m'ait pas déjà aperçue.

Voilà, ça c'est le genre de situations désagréables et totalement improbables qui d'habitude arrivent une fois par an aux gens normaux, mais auxquelles moi, je suis abonnée.

Qu'est-ce que je suis censée faire maintenant ? Pourquoi il fallait que je le croise lui et pas n'importe qui d'autre susceptible de prendre précisément ce foutu bus ?

Ce serait tellement bizarre si j'allais m'asseoir à côté de lui comme si de rien n'était que je préfère définitivement jouer la carte de la lâcheté. Ce serait même plutôt irrespectueux d'oser entamer une conversation normalement après l'épisode du Starbucks qui s'est très mal terminé à cause d'Harry.

Qu'est-ce que je pourrais bien lui dire de toute façon ? « Hey Jay', comment ça va après que tu te sois fait agresser l'autre jour par l'homme qui a détruit mon cœur à de multiples reprises et pour lequel je t'ai laissé tomber injustement ? »

Non, non, hors de question. Même le chauffeur de bus serait capable de se marrer.

Je suis pratiquement certaine que Jayden ferait semblant de ne pas me voir si j'essayais de m'approcher de lui de toute façon, donc à quoi bon tenter quoi que ce soit ? Il doit être tellement déçu et énervé à l'heure qu'il est que je ne préfère même pas y penser.

J'ignore pourquoi, mais mon cœur se tord à ce moment-là et une petite partie de moi essaie de me contredire, de me persuader que nous pourrions toujours être amis malgré des débuts quelque peu tumultueux – entièrement par ma faute évidemment. Sûrement parce que je réalise une fois de plus que j'ai perdu quelqu'un, quelqu'un qui aurait peut-être mérité que je le traite autrement, quelqu'un qui aurait pu compter réellement pour moi si je n'avais pas fait n'importe quoi comme j'en suis l'experte en la matière.

J'essaie de me détendre tant bien que mal après ces quelques pensées noires et garde les yeux rivés sur la route en comptant régulièrement le nombre d'arrêts qu'il me reste avant d'arriver à la maison. Le temps passe à une lenteur déconcertante. 7, 6, 5... Je ne peux pas m'empêcher de jeter quelques petits coups d'œils à Jayden à chaque fois pour savoir si il va descendre ou pas. Mais il ne descend jamais, à croire qu'il va au même endroit que moi. Si c'est ça, je...

Heureusement, mon portable qui vibre dans ma poche me stoppe avant que j'ai eu le temps d'imaginer le pire. Malheureusement, l'angoisse resurgit subitement lorsque j'aperçois la notification sur l'écran quelques secondes plus tard : « Message : Inconnu ». Je clique dessus aussitôt sans me poser aucune question et me fige instantanément en comprenant tout à coup ce qui est entrain de se produire.

« C'est pas très sympa de m'éviter, Madison. Tu aurais au moins pu venir me dire bonjour. :) »

Je m'apprête à me retourner pour vérifier que c'est bien ce que je crois mais je sens un regard insistant posé sur moi qui me déstabilise et me certifie par la même occasion que je ne me trompe pas.

Alors ça veut dire qu'il ne m'en veut pas ? Que j'angoisse comme une malade pour rien depuis tout à l'heure ? Madison Parks, tu l'as toujours en plein dans le mille.

Au moins maintenant l'abcès est crevé et je suis tout à coup énormément soulagée qu'il ait pris l'initiative de faire le premier pas. Si il comptait sur moi pour le faire, c'était franchement très mal parti.

Bon, on prend son courage à deux mains et on se lance.

Qu'est-ce que je risque de toute façon ?

J'ai beau me sentir nettement moins stressée, ça n'empêche pas mes mains de trembler légèrement quand je rédige une brève réponse à Jayden : « Totalement désolée, j'arrive. :) »

Je me retourne enfin et mon regard croise presque immédiatement celui de mon ami. Une sourire se dessine peu à peu sur son visage, sourire que je lui rend, et le reste d'inquiétude qui s'agrippait à moi telle une sangsue s'envole à ce moment-là.

Je ne l'avais pas constaté dans mon moment de panique mais le bus s'est vidé à une vitesse phénoménale depuis que j'y suis entrée et je parviens à rejoindre la place à côté de Jayden sans avoir besoin de bousculer personne malgré mes gros sacs de course.

Mon élan confiant est néanmoins brusquement coupé lorsque j'aperçois des marques violettes tout autour du cou du garçon brun aux yeux pétillants qui se tient devant moi et l'épisode du Starbucks me revient à l'esprit en une grosse claque de culpabilité.

- Oh mon Dieu, Jayden est-ce que...

- Ça va, ne t'inquiète pas, me coupe t-il en comprenant que je parle de ses blessures. C'est rien de bien méchant, un peu de crème, une distance minimum entre Harry et moi et ça disparaîtra sans problème.

Je dois avoir un regard drôlement inquiet et choqué en m'asseyant à côté de lui parce que je l'entends insister presque immédiatement après la fin de sa phrase.

- Je t'assure que ça va Madison.

- Quand même, je suis vraiment désolée. C'est en grande partie de ma faute tout ça, je ne voulais pas que tu sois blessé, ni te laisser tout seul dans ces circonstances, je ne sais vraiment pas ce qui m'est passé par la tête, bégayé-je, totalement incertaine de la manière dont je dois m'exprimer pour qu'il comprenne que je m'en veux vraiment.

Il secoue la tête en me souriant de plus belle et ça me syncope de voir qu'il n'a même pas l'air d'avoir une once de rancune envers moi. Si j'avais été à sa place, je l'aurais sûrement traité des pires noms qui soient. Mais non il est là, acceptant que je m'asseille à côté de lui, en me disant presque que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, et j'admire cette force de gentillesse et de pardon que je ne posséderai sûrement jamais.

- Harry est souvent incontrôlable quand il veut, déplore t-il. Je l'ai connu pire que ça.

Cette remarque me glace le sang et je déglutis péniblement. Comment ça ''pire que ça'' ?

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

- Rien, laisse tomber, ça ne vaut vraiment pas la peine que je t'en parle.

Je n'insiste pas, m'estimant déjà assez heureuse qu'il soit passé si facilement au-dessus de ma mini trahison, mais au fond de moi je sais que cette phrase restera toujours gravée dans un coin de ma petite tête et que je ne pourrais pas l'effacer. Mais j'espère vraiment qu'elle ne restera là que pour décorer et que jamais je ne repenserai à ce moment passé avec Jayden en ayant l'horreur de constater ce ''pire'' chez Harry par moi-même.

- Qu'est-ce qui s'est passé après que vous ayez quitté le Starbucks ensemble au fait ? Vous vous êtes disputés, ou vous vous êtes expliqués finalement ? Il ne t'a pas encore fait du mal j'espère ?

Je me prends une autre claque en me souvenant tout à coup que selon notre théorie à Harry et à moi, c'était Jayden qui nous avait espionné durant toute cette après-midi là avant d'aller faire un rapport bien fourni à mon frère qui quelques heures plus tard m'a viré de la maison familiale.

Mais en étant là, face à ce garçon aux cheveux ébouriffés qui me regarde avec toute la bienveillance du monde, j'ai un doute, un énorme doute même. Alors oui, il semblait être le coupable idéal sur l'instant, mais quelle preuve concrète avons-nous que c'est lui ? Et puis si il nous avait vraiment balancés, je ne pense pas qu'il soit assez sournois pour ensuite me poser des questions sur cette fameuse après-midi.

J'ai besoin d'en savoir plus pour être totalement sûre que mon intuition ne me déçoit pas comme elle sait si bien le faire. Je feins alors de m'intéresser davantage à lui avant de répondre à cette question. Si il est déstabilisé, c'est qu'il ment.

- Non, non, parlons plutôt de toi d'abord. Comment ça s'est passé après notre rendez-vous foireux pour toi ? Tu es parti à l'hôpital ?

- C'est ce que le personnel du café m'a longuement conseillé de faire, mais je n'en avais pas l'énergie et puis l'hosto et moi, ça fait 18. Je suis donc repassé chez Harry prendre toutes mes affaires parce qu'il m'hébergeait depuis plusieurs jours et qu'évidemment, je n'avais plus du tout envie de me retrouver sur son chemin après ce qui venait de se produire, ni même de savoir qu'il respirait le même air que moi.

- Harry t'hébergeait ? Pourquoi ? le coupé-je soudainement dans son récit sans pouvoir m'en empêcher.

- Mon père est parti en voyage d'affaires pour plusieurs semaines et rester tout seul chez moi, c'était vraiment pas la joie, répond-il avec aisance. Harry m'a téléphoné en début de semaine à l'improviste pour me prévenir qu'il revenait, et quand il m'a proposé de passer du temps chez lui pendant les vacances au lieu de me morfondre seul dans ma grande maison, j'ai tout de suite accepté.

Je n'avais pas percuté que Jayden et Harry étaient amis à ce point-là jusqu'à maintenant et ma culpabilité redouble quand je réalise qu'à moi seule j'ai réussi à mettre une sacrée pagaille dans leur relation, pour une raison que je n'arrive toujours pas à comprendre.

- Donc tu es rentré chez toi finalement ? le questionné-je.

- Ouais, et je me suis écroulé comme une masse. Je n'ai pas tant dormi que ça, mais en me réveillant j'avais l'impression d'avoir manqué des journées entières. La sensation de lourdeur et de fatigue était horrible, et c'est seulement aujourd'hui que j'ai eu le courage de mettre le nez dehors pour me changer les idées.

Clairement, c'est sûr que Jayden ne ment pas. Il ne transpire pas, son regard n'a pas fui le mien une seule fois durant ses paroles et il faudrait vraiment être tordu pour réussir à se maîtriser en déblatérant des histoires fausses aussi crédibles que celle-ci.

Du coup, ça veut dire qu'on ne sait toujours pas qui nous a suivis et j'avoue que ça m'inquiète. Celui qui a fait ça est une marionnette de mon frère, et si on ne sait pas de qui il s'agit, il peut nous espionner n'importe quand sous nos yeux sans même qu'on s'en aperçoive.

Ça m'étonne quand même qu'Harry ait accusé Jayden sur ce coup après avoir constaté que ses affaires n'étaient plus chez lui, parce qu'il a certainement dû s'en apercevoir en rentrant. Et ça me dévaste d'imaginer qu'il le déteste à tel point à cause de moi qu'il le pense assez démoniaque et rapide malgré ses blessures pour nous suivre au parc, aller tout raconter à Caspar ni vu ni connu puis passer récupérer ses affaires sans qu'on ne remarque rien de tout ça.

Qu'est-ce que j'ai fait depuis quelques jours ? À part briser une amitié qui devait sûrement être solide depuis longtemps, me disputer gravement avec ma meilleure amie et me replonger la tête la première dans un amour dangereux qui me détruit à petit feu, rien de spécial. La routine.

- Madison ?

Perdue dans mes réflexions à dix mille kilomètres de la réalité, j'en avais presque oublié Jayden qui me regarde fixement, impatient de connaître la suite de mon après-midi avec Harry.

- Ah oui, pardon. Oh merde ! m'exclamé-je un peu trop fort en apercevant par la fenêtre le centre commercial de Chay Street. On a loupé mon arrêt depuis un bail déjà ! Comment je vais faire, je dois préparer ce gâteau pour Caspar avant qu'il rentre, et oh non il est déjà presque midi ! Paniqué-je en jetant un coup d'œil à mon portail.

J'essaie de me lever de ma place mais Jayden pose sa main sur mon bras en me gratifiant d'un regard rassurant.

- T'inquiète, on est presque arrivés chez moi. Je peux te ramener en voiture sans problème et je te promets que tu seras à temps chez toi pour faire tout ce que tu as besoin de faire. Calme toi, s'il-te-plaît.

J'accepte de me rasseoir mais le stress qui me crispe sur mon siège m'empêche de continuer à parler plus longtemps et je ne m'autorise pas à quitter des yeux la ville dans laquelle nous défilons. Jayden, toujours égal à lui-même, constate bien que ce n'est pas le moment de me distraire et ne cherche pas à reprendre la conversation.

Nous descendons enfin du bus une dizaine de minutes plus tard, dans un charmant petit quartier résidentiel assez loin du centre qui m'était totalement inconnu auparavant. Les maisons ressemblent un peu à la mienne avec leur couleur douce et leur petit jardin bien taillé, comme si la vie était parfaite et que rien ne pouvait altérer la beauté, mais je note la présence agréable de plus de végétation lorsque nous descendons la rue ensemble, toujours dans le silence.

Nous arrivons devant un grillage assez impressionnant qui porte l'inscription « Katherina »un peu à l'écart des autres propriétés et Jayden sort une petite télécommande qu'il actionne pour permettre notre passage.

- Katherina, joli nom pour une maison, remarqué-je en retrouvant enfin l'usage de la parole.

- C'est le nom de ma mère en fait, m'informe Jayden. Mon père a insisté pour appeler la maison comme ça quand on a emménagé ici, en sa mémoire.

Je me rappelle subitement que la mère de Jayden est morte quand il avait cinq ans, chose que j'ai apprise au bal de promo, et je me sens tout à coup monstrueuse d'avoir ravivé inconsciemment un souvenir qui doit être extrêmement douloureux pour mon ami. J'aurais vraiment mieux fait de me taire.

- C'est très beau, trouvé-je la force d'ajouter pour faire comme si de rien n'était.

Nous empruntons le chemin jusqu'à chez lui et je suis époustouflée en découvrant que Jayden ne vit pas dans une maison comme les autres, mais plutôt dans une espèce de manoir gigantesque qui semble tout droit sorti d'un film irrationnel et démesuré qu'ils passent souvent à la télé.

- Waouh, c'est vraiment magnifique, lancé-je, totalement émerveillée. Alors c'est là que tu vis ?

- Et oui, répond-il fièrement. On a beaucoup de chance, je le sais. Mais je préférerais nettement que mon père travaille moins et qu'on vive dans quelque chose de plus petit. Bref, c'est comme ça. Je te ferais visiter un jour si tu veux, mais là je ne pense pas qu'on ait le temps. Suis moi.

Nous nous dirigeons vers le garage, qu'il ouvre toujours avec la même télécommande, et il part sortir sa voiture pendant que je l'attends un peu plus loin.

Une fois de plus, je suis ébahie par sa voiture flambant neuve, un coupé sport blanc qui s'accorde parfaitement avec la luxure de sa maison. Tel un gentleman, Jayden vient me débarrasser de tous mes sacs encombrants et je m'installe doucement sur le siège passager en prenant bien soin de ne rien abîmer autour de moi. Je rentre mon adresse dans le GPS de Jayden – parce que oui, bien sûr la voiture est équipée d'un GPS, pourquoi s'arrêter en si bon chemin...

- Je n'ai jamais vu de telle voiture sur le parking du lycée, commenté-je alors que nous sortons de sa propriété. Je m'en serais souvenue autrement.

- C'est normal, c'est celle de mon père. D'habitude je n'ai pas le droit de l'utiliser et je roule en vieux pick-up pour passer inaperçu, mais aujourd'hui il n'en saura rien, m'explique Jayden d'un air malicieux. Maintenant qu'on est bien installés, raconte moi tout ce que je ne sais pas des derniers jours, reprend-il quelques secondes plus tard, n'ayant pas perdu son objectif de vue.

Je me gratte la gorge et commence à lui détailler tout ce que j'ai fait depuis que je l'ai abandonné seul au Starbucks. Le parc, la glace, la catastrophe surprise à laquelle j'ai été confrontée en rentrant chez moi, mon séjour chez Harry, tout. J'en viens à la fameuse lettre qui a tout remis en question lorsque Jayden se gare près de ma maison, là où il parvient à trouver une place.

- Et puis, ma sœur m'a apportée une enveloppe chez Harry pendant qu'il n'était pas là. Elle m'a dit qu'elle contenait quelque chose de vraiment très important à son sujet et je ne savais pas quoi faire. L'ouvrir, ne pas l'ouvrir. La croire, ne pas la croire. J'ai finalement craqué, et c'était tellement horrible, si tu savais... J'ai appris qu'il n'en avait rien eu à faire de ma situation pendant qu'il était loin et que je ne comptais même plus pour lui, à croire que je n'avais jamais existée...

Je lutte tant bien que mal contre les larmes qui remontent à l'évocation de cette nuit-là.

- J'ai surtout appris les raisons de son départ, continué-je difficilement. Il m'a certifié ensuite que ce n'était pas vrai mais dans cette lettre, il dit qu'il est parti pour rejoindre une fille. Alyssa, soufflé-je au bord du gouffre.

Jayden prend soudain ma main dans la sienne et je me sens tout a coup terriblement oppressée.

Pourquoi ressent-il le besoin de faire ça ?

- Désolé Madison, j'aurais aimé que tu sois au courant d'une autre manière pour Alyssa.

- Pardon, balbutié-je. Ce... Elle... Quoi ?

- Tu ne méritais vraiment pas d'apprendre la vérité comme ça, ajoute Jayden.

Et là, dans cette belle voiture de luxe digne d'un conte de fées, mon cœur cesse de battre.

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ENFIN JE PEUX POSTER ! APRÈS UNE SEMAINE SANS AUCUN WI-FI JE N'EN POUVAIS PLUS (excusez-moi hahahaha mais ça fait juste tellement longtemps que j'attends ce moment où je vous fait lire ce chapitre que je suis totalement surexcitée)

Comment allez-vous ? Les vacances se passent bien ? (Oui la zone B je pleure avec vous :/ moi aussi je reprends les cours demain malheureusement...)

Comment avez-vous réagi à ce chapitre ? La fin vous convient-elle ? Quelles sont vos impressions ? Je veux tout savoir de vos attentes comme d'habitude, ça m'aide et me motive énormément :D

On se retrouve la semaine prochaine pour la suite, je vous aime fort, merci à tous de suivre mon histoire j'espère qu'un jour vous comprendrez combien tout ça compte pour moi plus que tout :) je vous fais à tous de gros bisous et bonne semaine, Anne xoxo

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