Chapitre 20

Point de vue de Harry

Il fait vraiment beau aujourd'hui, nous avons de la chance. Jamais un 15 novembre à Charleston n'a été aussi clément, et ça fait du bien de ne pas encore avoir de grisaille. Le soleil brille si fort et le ciel est d'un bleu si pur qu'on se croirait presque encore en été, cette saison à laquelle tout est beau quoi qu'il arrive et où les problèmes de la vie, peu importe la menace qu'ils exercent sur nous, n'ont pas leur place.

La chaleur sur ma peau est tellement douce qu'un instant j'arrive presque à en oublier tout ce qui m'obsède et me détruit depuis quelques jours.

Madi a l'air heureuse et insouciante elle aussi.

Elle alterne entre fermer les yeux en s'abandonnant à la lumière pour bronzer et dévorer son sandwich avec appétit.

Je ne peux pas m'empêcher de garder les yeux rivés sur son visage aux traits fins et réguliers. Ça devrait être interdit d'être aussi parfaite sans même s'en rendre compte, sans rien faire pour essayer de l'être l'espace d'une seconde.

J'avais vraiment peur que ce pique-nique ne soit pas exactement comme je le voulais en me levant ce matin, mais finalement tout va pour le mieux. Une boule au ventre m'a torturée toute la matinée parce que Madi ne le sait pas mais aujourd'hui est un jour particulièrement important, pour elle comme pour moi.

Aujourd'hui, je vais enfin tout lui avouer.

Je vais tout lui dire, absolument tout, jusqu'au dernier mot. Je ne laisserai passer aucun détail. Ça fait deux semaines que j'attends un moyen de lui annoncer ça correctement et je ne peux plus le garder pour moi, c'est trop dur. J'ai déjà fait assez de conneries et elle m'en voudra sûrement si elle venait à l'apprendre par quelqu'un d'autre que moi.

Elle a besoin de savoir et je ne peux pas attendre une seule seconde de plus pour me confier à elle.

- Madi, je peux te poser une question ?

- J't'écoute, soupire t-elle immédiatement dans l'air léger, le visage toujours tourné vers les rayons du soleil de midi.

Et là, en la regardant bien pendant une seconde, en imaginant soudain toutes les merveilleuses choses auxquelles elle doit penser à cet instant précis, je comprends que je ne peux pas lui faire ça. Je ne peux pas la priver de ça, de cette innocence dans laquelle elle baigne aujourd'hui et tous les jours de sa petite vie. Je ne peux pas couper court à son sourire juste pour me satisfaire, ni maintenant, ni jamais. Peu importe le jour, le moment de la journée ni le temps qu'il fait, je ne peux pas la briser. Je ne peux pas lâcher ma bombe et prendre le risque de ne plus jamais l'entendre rire. Je ne pourrais pas supporter de la voir pleurer parce que je l'aime.

Oui, je l'aime. Je l'aime comme il n'a jamais été possible d'aimer quelqu'un et c'est pour ça que je ne peux pas me permettre d'être égoïste avec elle. Je supporterais tout, sauf de la savoir malheureuse par ma faute.

Qu'est-ce que j'ai imaginé en prenant cette décision stupide de lui révéler mon secret ?

Je dois pouvoir trouver un moyen de gérer ma merde seul, elle n'en saura rien.

Il m'aura fallu seulement quelques mots pour comprendre que la meilleure chose à faire pour elle est de me taire. Et je ferais toujours, toujours le meilleur pour elle.

- Ton sandwich est bon ?

Son rire cristallin qui suit ma question me conforte définitivement dans ma résolution de silence. Ce son restera toujours la chose la plus précieuse à mes yeux et je ne pourrais jamais m'en passer.

Mais un vrombissement vient subitement faire de l'ombre à cette douce mélodie que je pourrais écouter tous les jours de ma vie. Il s'intensifie jusqu'à me vriller la tête et je comprends rapidement qu'il s'agit d'une sonnerie de téléphone portable.

Je cherche désespérément autour de moi pour trouver la provenance de ce bruit désagréable.

Au bout de quelques instants, Madi et son sourire s'effacent et le bruit se fait omniprésent.

Je fais un bond dans mon lit et le contact direct avec mes draps trempés de sueur me ramène brusquement à la réalité.

Tout va bien Harry, respire.

Je suis dans mon lit et...

Quelque chose se brise en moi quand je constate que Madi n'est plus là. Je tâte son oreiller de multiples fois, en vain, et il est glacé.

Impossible, elle était là.

Je me suis endormi avec l'odeur vanillée de ses cheveux, sa main accrochée dans la mienne. Je n'ai pas rêvé. C'est souvent arrivé mais pas ce soir, putain. Cette fois c'était bien réel, j'en suis sûr. Elle était blottie tout contre moi.

La mélodie de mon téléphone qui n'a pas cessé m'aide à reprendre mes esprits et en discernant le nom affiché sur l'écran, je me souviens enfin que Madi n'est plus là à cause de mes multiples mensonges et qu'une fois de plus, j'ai tout perdu.

Paniqué, je me dépêche de décrocher mon portable, la seule chance potentielle que j'ai de la récupérer est détenue par la personne au bout du fil.

Oui, j'ai menti à Madison ce jour-là juste pour préserver son magnifique rire, et le seul moyen de le sauver aujourd'hui est de lui dévoiler une part de vérité.

*

Point de vue de Madison

J'ai toujours cette même boule au ventre en me réveillant ce matin. Intrépide et féroce, elle ne cesse de me torturer depuis trois jours, précisément depuis le moment où j'ai passé la porte de la maison de Harry. J'ai essayé tous les médicaments que Maman m'a conseillé, aucun ne fonctionne plus de quelques heures, la tristesse revient toujours au galop aussitôt que j'ai le dos tourné.

Pourtant, ça va un peu mieux.

Enfin, quand j'entends un peu mieux, c'est dans la mesure du possible bien évidemment. Disons que ça va un peu mieux en ayant le cœur brisé, c'est-à-dire que je réussis à survivre – sans bien sûr empêcher Harry d'être omniprésent dans mon esprit.

Heureusement, mon retour à la maison n'a pas été aussi terrible que ce à quoi je m'attendais en fin de compte. Mes parents se sont montrés compréhensifs et attentifs sans poser aucune question sur mon court séjour chez Harry et Dieu merci, je n'ai pas encore eu la chance de croiser Evelyn. Admettre que j'ai finalement perdu face à son désir de toujours tout foutre en l'air serait vraiment la cerise sur le gâteau, alors je fais tout pour l'éviter. Elle me facilite bien les choses en ne rentrant toujours qu'après deux heures du matin, égale à son caractère de fêtarde dévergondée que je ne peux pas supporter.

En ce qui concerne Caspar, j'ai été vraiment surprise d'apprendre qu'il avait quitté la maison quelques heures après m'avoir virée et s'être longuement fait sermonné par les parents à leur retour. Il a décidé de partir pour « récupérer des affaires à la maison étudiante » selon ma mère, mais je n'en crois pas un seul mot, et à en juger par son expression quand elle me l'a annoncé, elle non plus. C'était sûrement parce qu'il sentait que j'allais regretter mon choix plus vite que prévu et me pointer à la maison dans les heures suivantes.

Combien de fois encore est-ce que je vais réaliser brutalement que mes choix sont totalement insensés et que je suis la seule à ne pas en être au courant ?

Mais bon, je ne vais pas me plaindre, ces trois journées se sont donc déroulées sans accroc, et elles ont été d'une banalité telle qu'on pourrait presque croire qu'Harry n'est jamais revenu.

C'est justement ce que cette charmante boule au ventre est là pour me rappeler à peu près toutes les cinq secondes. Qu'il est bel et bien revenu, que ma vie n'est qu'un ramassis de déroute et de folie que je n'arrive plus à démêler, que bientôt, la tempête reviendra, et que je ferais mieux d'y être totalement préparée.

Je constate par un rapide coup d'œil à travers les volets qu'il ne fait pas beau dehors et traîne les pieds pour aller prendre mon petit déjeuner. Un silence de plomb règne déjà dans la maison et je trouve un post-it dans l'entrée lors de mon escapade jusqu'à la cuisine.

« Sommes partis au travail. Caspar nous a appelés et devrait être là vers 17 heures si tout va bien. Tâchez de faire en sorte que ça se passe au mieux, nous rentrerons le plus tôt possible. Bonne journée les filles, signé Papa et Maman. PS : Madison n'oublie pas d'écrire ton discours pour demain, c'est très important. »

Et voilà l'orage qui se pointe. Génial.

Non seulement Caspar revient mais en plus les parents ne seront pas là pour me servir de bouclier et atténuer les tensions.

Je relis rapidement leur message. 17 heures ça me laisse très peu de temps, il est déjà 10 heures passées. Pourquoi rentre t-il si tôt ? New-York est à une trotte d'ici, il aurait pu prendre son temps.

Minute. Quel discours ?

Mon sang se glace dans mes veines et je me précipite dans le salon pour jeter un coup d'œil au calendrier familial.

Et merde.

J'avais complètement oublié la remise de diplômes, et c'est demain. Officiellement, c'est génial. Je suis major de promo et je n'ai rien écrit pour mon discours devant toute l'école, pas un seul mot. Je vais avoir l'air totalement ridicule.

Je ne peux pas écrire un monologue de qualité qui doit être prononcé devant plusieurs centaines de personnes et gérer le retour imminent de mon frère en même temps, impossible. La journée est fichue avant même d'avoir commencée et je regrette d'avoir fait l'effort d'être seulement sortie de mon lit.

Bon, réfléchissons. Sois je mise tout sur mon image pour demain sans me préoccuper de Caspar, sois je mets tout en œuvre pour entamer une longue procédure de pardon et je mise sur l'improvisation pour mon discours.

Une petite voix dans ma tête me chuchote que je ne connais que trop bien la réponse à cette question. Il est temps de rendre à Caspar tout ce qu'il a fait pour moi, officiellement et officieusement. Tant pis pour la cérémonie, j'ai toujours eu de très bons talents d'oratrice de toute façon et l'opinion que les gens peuvent avoir de moi ne m'intéresse pas.

Alors c'est décidé, il faut que je fasse un gâteau, un énorme gâteau au chocolat, celui que mon frère préfère par dessus tout. Et il faut que je mette le turbo.

Je remonte les escaliers telle une tornade et pars m'habiller. J'enfile rapidement un short rose, un débardeur blanc et une paire de sandales. Pas le temps de me maquiller ni d'avaler quoi que ce soit, je redescends en furie, attrape mon sac en tissu au passage et claque la porte derrière moi.

Je marche d'un pas soutenu jusqu'au supermarché du coin en énumérant dans ma tête toutes les choses que j'ai besoin d'acheter, et une vague de soulagement m'envahit quand j'aperçois enfin la devanture du petit magasin.

Je m'empare d'un caddy et file comme une fusée à travers les rayons en saisissant au vol tous les articles qui m'intéressent. En dix minutes chrono, j'ai tout ce qu'il me faut pour préparer ce fameux gâteaux et je marche fièrement vers la caisse.

Il y a un peu d'attente mais rien de terrible et je prépare mon argent bien avant d'arriver à la hauteur de la caissière, histoire de gagner quelques précieuses secondes.

En sortant de la supérette chargée de mes achats, j'aperçois par miracle un bus arrêté de l'autre côté de la rue et cours sur le passage piéton pour réussir à l'avoir. Je manque plusieurs fois de renverser un de mes sacs mais finalement, je passe la porte coulissante du véhicule sans problème.

Il y a peu de monde à cette heure-ci et mon cœur manque un battement quand je remarque une place assise au fond du bus.

Une place assise à côté d'un garçon brun au regard vif qui porte une veste en cuir.

Une place assise à côté de Jayden.

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HELLO EVERYONE !

Le chapitre 20 arrive tôt par rapport à d'habitude parce que je pars aujourd'hui aux États-Unis et que j'avais peur de ne pas pouvoir le poster pendant mon séjour :/ j'espère que vous avez aimé les deux pdv et que vous avez la réponse à certaines de vos questions :D j'espère aussi que vous vous posez encore plus de questions hehehe, et j'ai hâte de connaître vos attentes.

Qui est la personne qui téléphone à Harry ? Que va t-il se passer pour Madison ? Qu'envisagez-vous pour la remise de diplômes ?

La suite arrivera certainement dans 10 jours minimum puisque je ne pourrai pas écrire pendant mon séjour en Amérique mais ne vous inquiétez pas elle arrivera :(

Merci d'être toujours plus à aimer mon histoire et à me soutenir, vous êtes incroyables. Gros bisous, bonne fin de semaine, à bientôt, Anne xx

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