Chapitre 19
Je parviens enfin à avoir ma mère au téléphone vers quatre heures du matin, après de nombreux essais infructueux, et c'est un énorme soulagement de l'entendre même si je m'en veux terriblement de toujours impliquer ma famille dans mes décisions merdiques. Elle était vraiment très inquiète et énervée en décrochant parce que je n'avais répondu à aucun de ses messages de la veille mais il ne lui a pas fallu trois secondes pour accepter de venir me chercher immédiatement, au beau milieu de la nuit, dès que je lui ai demandé.
Je ne la mérite vraiment pas.
Elle devrait bientôt arriver à présent et je compte les minutes avant de pouvoir enfin quitter cette maison et m'asseoir à côté d'elle dans le monospace familial.
L'atmosphère entre Harry et moi devient officiellement insupportable lorsqu'il descend mes affaires dans l'entrée et que je vais l'y rejoindre. Il s'assied sur le fauteuil près de la porte tout en gardant mon sac serré fort contre lui, comme si il était sur le point de s'envoler. J'ai du mal à tourner la tête en sa direction tant il a l'air dévasté et abattu par notre nuit agitée. Ça me déchire de le voir comme ça à un point qu'il n'imagine même pas et que je ne veux surtout pas qu'il imagine.
En temps normal, je me serais immédiatement jetée sur lui pour le réconforter, mais là c'est différent. Cette fois-ci, rien ne me fera revenir sur ma décision, je ne peux pas m'engager avec quelqu'un en qui je n'ai pas confiance et qui n'est pas capable de me faire confiance en retour.
Il pose mon sac par terre tout en poussant un long soupir après quelques minutes de silence et je sens qu'il s'apprête à parler. Je me prépare mentalement à ne pas flancher.
- Madison, qu'est-ce qu'on fait là ? Je ne veux pas que tu t'en ailles et je sais que tu fais ça parce que tu penses ne pas avoir le choix. Pourquoi on continue de se faire souffrir de cette façon ? Est-ce qu'on ne peut pas juste être ensemble ? Tu t'obliges volontairement à ne pas poser les yeux sur moi parce que tu as peur de comprendre que tu n'as pas envie d'être loin de moi l'espace d'une seule seconde. Alors sois honnête avec toi-même. Reste.
Je déglutis péniblement avant de répondre.
- Harry... Ne rend pas les choses plus difficiles qu'elles ne le sont déjà. Tu pourrais tout me dire et me choisir plutôt que ton secret mais tu as pris une décision plus forte que tout, et je la respecte pleinement. Je te demande en retour de respecter la mienne qui est de partir.
Mon cœur se comprime quand il prend sa tête entre ses mains sans qu'un seul mot ne sorte de sa bouche. Je me laisse glisser le long du mur de l'entrée pour m'asseoir sur le marbre, face à lui, à la hauteur de notre amour à cet instant, c'est-à-dire au plus bas.
Seigneur, ça fait mal, terriblement mal de nous voir terrassés par un simple petit secret.
Un bruit de klaxon retentit soudain et mon sang se glace dans mes veines. Le moment fatidique est arrivé.
Harry relève brusquement la tête à l'appel de ce bruit et je vois dans ses yeux qu'il a de plus en plus de mal à contenir sa douleur.
Je peux entendre mon cœur se fissurer pour la énième fois de la soirée et réussir à me remettre sur mes deux pieds sans tomber me semble tout à coup être une des choses les plus difficiles au monde.
Ce qu'il reste du petit garçon innocent que j'ai rencontré quand j'avais huit ans est au plus mal juste en face de moi, et je suis obligée de partir sinon je vais nous briser pour de bon.
- Je dois y aller Harry, soufflé-je timidement pour camoufler la détresse dans ma voix avant d'attraper la poignée de la porte d'entrée.
Pas de réponse.
Une idée germe subitement dans ma tête et avant même d'avoir eu le temps de considérer les conséquences qu'elle pourrait avoir, je l'applique.
Je passe les mains derrière ma nuque et ouvre délicatement le fermoir de la chaîne d'Harry avant de lui tendre tout en évitant au mieux de le regarder.
- Non Madison, non, affirme t-il avec détermination. Je te l'ai donnée, et...
Je ne lui laisse pas l'occasion de finir sa phrase.
- Et j'en ai pris soin pour toi mais aujourd'hui c'est devenu trop difficile, rétorqué-je en refermant sa main sur le bijou.
Il hoche la tête d'un air d'approbation mais son menton commence à trembler frénétiquement.
J'essaie de ne pas craquer en me souvenant que c'est le dernier objet qu'il me restait de lui, étant donné que je lui ai déjà restitué son pull imprégné de son odeur un peu plus tôt dans la soirée.
Un deuxième klaxon se fait entendre, nous signalant que ma mère s'impatiente.
Je m'empare de mon sac et ouvre la porte, laissant entrer dans la maison l'air frais qui nous manquait depuis de longues minutes.
Je fais un pas pour sortir mais Harry me retient, une fois de plus, et je n'en attendais pas moins.
- Qu'est-ce qui m'assure que je vais te revoir un jour dès que tu auras passé cette porte ? parvient-il à articuler.
Je prends une longue inspiration.
- Harry, je... J'en sais rien.
J'ai à peine le temps de finir ma phrase qu'il plaque violemment ses lèvres contre les miennes et malgré ma surprise, je ne fais rien pour l'en empêcher, parce qu'ignorer précisément quand je vais le revoir ni même si je vais le revoir me fout un coup à moi aussi, même si je n'ai aucune envie de me l'avouer ouvertement.
Ma faiblesse me surprendra toujours.
Les lèvres d'Harry bougent délicatement au rythme des miennes, pourtant je n'aurais jamais cru qu'un baiser puisse être aussi douloureux.
Aucune douceur, aucune tendresse dans cet acte, juste deux êtres totalement pommés qui cherchent à partager quelque chose ensemble, peut-être pour la dernière fois.
Je tiens le contact quelques secondes avant de poser ma main sur son buste pour le repousser doucement loin de moi et j'essaie de toutes mes forces de ne pas regarder ses yeux lorsqu'une distance suffisante entre nous pourrait me le permettre.
Je dois partir, tout de suite, sinon je vais perdre la raison.
- Au revoir Harry, soufflé-je en passant enfin le seuil de la porte blanche.
Alors que je m'enfonce dans la nuit en essuyant les dernières larmes qui traversent mon visage, je crois entendre l'appel de mon nom qui sonne comme un cri de désespoir. Mirage ou réalité, je ne me retourne surtout pas pour vérifier et accentue la cadence jusqu'à la voiture bordeaux de ma mère sagement garée au bout de l'allée.
En arrivant à la hauteur du véhicule, je constate avec méfiance que ma mère n'a pas l'air si impatiente que ça de me retrouver finalement. Elle ne jette pas un seul coup d'œil dans ma direction, ni quand j'ouvre la portière, ni quand je m'installe à ses côtés en posant mon sac sur mes genoux.
Elle reste stoïque, concentrée sur le bout de la rue qu'elle aperçoit devant elle à la lumière des réverbères, les deux mains plaquées de chaque côté du volant.
Les secondes passent sans que rien ne change et ce que je prends d'abord pour un demi-sommeil de sa part devient de plus en plus étrange. Rien à voir avec la femme qui m'a emmené faire du shopping pour le bal de promo il y a quelques jours. Je comprends enfin que je suis à côté de la plaque lorsqu'elle pince les lèvres avant de se tourner vers moi.
Merde.
Elle m'observe quelques instants d'un œil inquiet mais n'ouvre toujours pas la bouche. Je décide rapidement de crever l'abcès pour mettre fin au malaise. À une heure pareille, faire des mystères avec elle est vraiment la dernière chose dont je puisse avoir besoin.
- Bon, maman... Je comprends vraiment que tu sois énervée mais là, je veux juste rentrer et dormir. Je n'ai pas la force de me disputer avec toi maintenant, alors s'il-te-plaît juste, démarre.
Elle ne réagit pas à ma demande et reprend sa position de statue de marbre.
Hors de question qu'on reste dans cette allée une seconde de plus.
- Je m'excuse maman, d'accord, recommencé-je en essayant d'adopter un ton sincère. J'aurais dû te donner des nouvelles, répondre à tes messages et peut-être attendre demain matin avant de t'appeler, mais je ne savais pas comment me sortir de là. Tu peux me reprocher ce que tu veux, mais par pitié, roule, qu'on s'en aille d'ici.
Aucun signe qu'elle m'écoute ne me parvient et j'en viens à me demander si on parle la même langue.
- Maman, insisté-je en remuant son bras. On s'en va. S'il-te-plaît.
Elle m'accorde un bref coup d'œil d'un air indéchiffrable mais démarre enfin le contact quelques secondes plus tard et je me retiens de pousser un énorme soupir de soulagement.
Je n'ose plus rien lui demander à partir de là et la majorité du trajet à travers les rues endormies de Charleston se passe dans le silence le plus complet et le plus sinistre, moi dans mon coin appuyée contre la vitre et elle, plongée dans sa conduite lancinante.
Nous nous arrêtons à un feu rouge à l'angle de Meeting Street, à quelques mètres seulement de la maison, et je ne le remarque même pas, mais ma mère pivote dans ma direction.
- Je ne suis pas fâchée Madison.
- Ah bon ? murmuré-je spontanément.
Alors ça va plus loin que ça ?
Elle ne relève pas ma question et se reconcentre sur la route après avoir rapidement passé la main dans ses cheveux blonds attachés en queue de cheval – rien que cette coiffure qu'elle ne fait jamais d'habitude aurait dû m'alerter.
La voiture se gare bientôt devant la maison et j'ai très envie de courir en direction de ma chambre pour retrouver mon lit, mais j'ai comme la nette impression que la discussion entre ma mère et moi n'est pas finie et je sais que, pour ce qu'elle vient de faire pour moi, je ne peux pas sortir de cet espace qui nous réunit avant d'être sûre qu'elle est entièrement d'accord avec ça.
Comme je l'avais prévu, elle ne bouge pas d'un poil sur son siège mais ne se décide toujours pas à entamer la conversation et quand même, je ne veux pas passer le reste de la nuit là.
- Alors, c'est vrai que tu n'es pas en colère ? tenté-je.
- Non, je ne suis pas en colère, répète t-elle après moi sans rien ajouter de plus.
- Mais pourquoi tu ne dis rien alors ? osé-je enfin, blasée par toutes ces pincettes qu'elle prend.
Elle met un temps avant de répondre.
- Madison, je ne sais plus bien comment je suis censée réagir avec toi. Ce n'est pas un reproche quand je dis ça, précise t-elle, mais c'est la vérité. Écoute, je ne t'en veux pas d'être allée chez Harry sur un coup de tête, ni même de l'avoir -peut-être- effectivement pardonné et je suis désolée que ton frère t'ai mise dehors comme ça, c'était vraiment irresponsable de sa part et ton père et moi avons été très inquiets. Vraiment très inquiets, insiste t-elle en détournant le regard. Le rôle d'une mère est de toujours protéger ses enfants et j'avoue qu'à l'heure actuelle, je... Je n'ai aucune idée de ce que je peux faire pour t'aider ma puce.
- Comment ça pour m'aider ?
Elle me jette un coup d'œil et je remarque que ses yeux sont brillants de larmes.
Une boule désagréable se forme instantanément dans ma gorge.
- J'ai toujours su ce qui était bon pour toi, toujours, explique t-elle. J'ai toujours su quelle crème appliquer sur quel bobo, quelle recette faire pour ton anniversaire, quel conseil te donner quand tu te chamaillais avec tes copines dans la cour de récrée mais maintenant, ça devient trop compliqué. Un jour, ma petite fille rigolote et pleine de vie est partie à cause de ce garçon que j'ai parfois considéré comme mon propre fils, elle semblait aller mieux depuis quelques temps et aujourd'hui tout est remis brutalement en question. Si je ne devais écouter que mon instinct maternel, je l'éloignerais le plus loin possible de lui, mais c'est une femme maintenant et je ne peux plus choisir ce qui est bon pour elle.
Elle pose sur moi un regard plein de nostalgie qui accentue mon malaise.
- Tu sembles vraiment l'aimer chérie, peu importe ce qu'il a fait, et il n'y a rien que je puisse faire pour te barrer la route parce que tes décisions ne m'appartiennent plus. C'est moi qui suis désolée en fin de compte. Désolée de ne pas avoir pu te protéger quand j'en avais encore l'occasion.
Parler après son petit monologue me semble être un effort surhumain tellement j'en ai le souffle coupé. Pourtant, je me dois de la rassurer.
Plus jamais je ne veux faire souffrir ma famille avec mes problèmes.
- Maman, ce n'est pas ta faute. La vérité, c'est que...
Je repense à la lettre d'Harry et mes yeux se chargent de larmes prêtes à se déverser à n'importe quel moment.
- Je ne sais même pas quoi faire moi-même, avoué-je d'une voix brisée, presque inaudible. Il chamboule tout dans ma tête, c'est dingue, et j'ai appris quelque chose cette nuit, quelque chose d'impardonnable, si tu savais... Mais je ne suis pas sûre de ce que je dois croire Maman, tout s'embrouille dans ma tête. Ça va tellement vite. Il était parti et il est revenu, mais je suis toujours aussi perdue. C'est trop dur. Maman, j'ai besoin de toi, finis-je en m'écroulant dans ses bras, laissant enfin exploser tout mon chagrin.
L'odeur de son parfum à la cerise m'envahit progressivement et, pendant un court instant, je me sens redevenir une petite fille. Je me revois manger trop de gâteaux et courir dans la boue sans me soucier d'abîmer mes vêtements ou de me blesser, parce que Maman et son parfum préféré pouvaient toujours tout arranger.
- Ça va aller ma puce, on parlera de tout ça demain, me souffle t-elle en caressant mes cheveux du bout des doigts. Ça ira mieux quand tu auras dormi un peu.
Seigneur, j'espère qu'elle a raison.
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HELLO THERE ! ♡
J'espère que vous avez tous passé une bonne semaine et que tout va bien pour vous :D je reviens comme promis pour vous poster le chapitre 19 que vous m'avez tous beaucoup beaucoup beaucoup réclamé ce weekend ♡
J'espère que vous n'êtes pas déçus et j'ai vraiment hâte d'avoir votre retour sur ce passage et vos hypothèses pour la suite, comme d'habitude :D
Merci pour tous vos votes et tous vos commentaires, vous êtes vraiment géniaux et ON A ATTEINT LES 5K RÉCEMMENT JE SUIS TROP HEUREUSE ! ♡
Ne changez pas, gros bisous à tous, je vous aime fort fort fort, Anne ♡
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