Chapitre 18
Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours eu des convictions. La conviction que toutes les filles cherchent désespérément à ressembler à Barbie et perdent leur temps, que deux plus deux font quatre, que le chocolat est une des plus belles découvertes sur cette Terre ou encore que le jaune canari n'est pas à la mode.
Oui, j'ai toujours été très sûre de moi sur ces points bien précis et jamais quelque chose ni quelqu'un n'a pu les remettre en question dans mon esprit.
Et bien Harry et moi, ça avait été exactement pareil, une évidence. Quelque chose aussi clair que de l'eau de rose et aussi discernable que le nez au milieu de la figure, une vérité générale aussi indiscutable que la température de fusion de l'eau. Et je l'aimais, cette évidence, elle me faisait rêver. Bien sûr, je l'aimais lui aussi, mais cette idée d'avoir enfin trouvé la personne qui me correspondait était un sentiment ridiculement inexplicable au-delà de tout ce que l'on puisse ressentir. Je pense que c'est en partie pour cette belle illusion-là que son départ a été pour moi aussi dévastateur qu'un ouragan et aussi douloureux qu'une balle dans la tête. Peut-être que si elle n'avait pas été là pour m'aveugler, que si j'avais su dès le premier jour que cette relation était vouée à l'échec, ça aurait été beaucoup plus facile d'oublier ce feu inextinguible qui brûle en moi dès que mon regard croise le sien ou qu'il prononce un mot.
Alors quand je reprends difficilement ma respiration après mon accès de colère, je me dis que j'aurais juste préféré que la vie se déclare plus tôt pour m'alarmer de l'absurdité de cette évidence-là. J'aurais fait n'importe quoi pour trouver cette lettre véridique avant de prendre toutes ces décisions irresponsables simplement pour suivre un idéal qui n'a jamais appartenu qu'à mes rêves de gamine.
Mais c'est beaucoup trop tard et je dois payer le prix de mon amour irréfléchi pour Harry.
Mes pensées noires sont brusquement interrompues quand j'entends un bruit de pas retentir dans le couloir et je voudrais subitement pouvoir me dissoudre entièrement sur le sol de la salle de bain.
Je prie pour que mon petit cerveau à bout de nerfs ait eu une hallucination, mais évidemment ce n'est jamais le cas lorsque je le souhaite vraiment car j'entends bientôt Harry frapper timidement à la porte contre laquelle je suis toujours recroquevillée.
- Madi, tout va bien ? T'es là ?
Sa voix encore endormie et rocailleuse devrait m'attendrir mais pourtant elle me dégoûte et avant de me décider à me taire pour qu'il s'en aille et que je puisse avoir la paix, je me ravise juste à temps pour charger les canons de guerre et déverser ma rage sur lui.
Après tout, plus rien n'a d'importance si je n'en ai jamais eu.
Une force nouvelle m'envahit et je m'empare rapidement de la lettre d'Harry posée sur mes genoux.
- « On aura beau me décrire en long et en large la douleur que ressent Madison parce qu'elle n'est pas capable d'être forte et de faire face à la dure réalité de la vie, je ne réagirai pas. Je me fous de tout ce qu'elle peut traverser, aujourd'hui comme demain et jamais je ne m'en tiendrais pour responsable », commencé-je d'une voix tremblante.
Une mince réponse provenant de l'autre côté du bois blanc se fait attendre quelques secondes.
- Madi, qu'est-ce que tu dis ? Pourquoi t'es enfermée ici à cette heure-là ? Sors s'il te plaît.
Je bous littéralement en constatant qu'il essaie encore de masquer des évidences et cela ne fait que renforcer ma détermination à briser les masques.
- « Caspar, je joins à cette lettre celle que tu m'as envoyée il y a quelques jours car je ne sais pas ce que je suis censé en faire et je n'ai vraiment nulle envie de la garder », continué-je d'une voix éclaircie par la colère. Ça ne te dit vraiment rien ?
Pas de réponse.
Il a compris.
Mes yeux cherchent rapidement une phrase perdue au beau milieu de cette belle déclaration d'indifférence que je tiens entre mes mains et une boule se forme dans ma gorge lorsque je la retrouve enfin.
- « Sache que si j'ai quitté ce trou à rats, c'est en partie pour une fille, une merveilleuse fille dont je suis follement amoureux depuis quelques mois, Alyssa ».
Je ne peux pas empêcher ma voix de vaciller à la prononciation de ce dernier mot mais je parviens malgré tout à repousser les sanglots qui commencent à s'emparer de la faible personne qu'il reste de moi derrière cette muraille de haine. Je ne veux pas flancher, pas après avoir essuyé beaucoup trop de défaites inutiles contre lui.
J'attends patiemment une réponse, un mot de sa bouche, n'importe quoi. Quand elle arrive enfin, j'éprouve une étrange satisfaction à entendre la voix du meilleur des meilleurs amis se briser au fil de ses paroles.
- Madi, sors de là s'il te plaît, qu'on puisse en parler ensemble. Je t'assure que ce n'est pas ce que tu crois.
Je pousse un immense ricanement en tapant du pied avant de sombrer à nouveau dans cette discussion qui me met tout simplement hors de moi.
- Ce n'est pas ce que je crois ? répété-je après lui. Tu vas me dire quoi pour rattraper ça, hein Harry ! hurlé-je. Que je ne sais pas lire, que tu n'as pas écrit cette lettre à mon frère ce jour-là après être parti comme un lâche, que tu ne t'en foutais pas de moi malgré les quelques phrases qui le prouvent, gravées à jamais sur ce putain de bout de papier ! Tiens, relis-le si tu veux te rafraîchir la mémoire, lui lancé-je en passant la lettre sous la porte.
J'entends le papier froissé crisser entre ses mains mais il reste muet.
- Alors qu'est-ce que tu vas inventer cette fois-ci comme mensonge abject pour t'en sortir, pour continuer à me traîner derrière toi comme une vulgaire poupée de chiffon comme tu l'as fait ces dernières années, Styles ?! J'ai tellement hâte de connaître la prochaine étape de ton petit jeu dégueulasse, alors vas-y, parle !
Harry entame une syllabe mais je fais un bond sur mes deux pieds avant de donner un violent coup de poing dans la porte qui nous sépare pour ne pas lui laisser l'occasion de répondre.
- Pourquoi t'es revenu bousiller ma vie hein, pourquoi ?! Ta bimbo ne te suffisait plus c'est ça, ta très chère Alyssa a fait un truc qui t'as déplu du jour au lendemain donc tu t'es dit « tiens allons jouer avec la fille qui m'a toujours aimé sans que je lui rende » c'est ça ?! C'est vrai que c'est tellement drôle et facile de briser Madison Parks et de lui faire croire n'importe quoi !
Je pousse un hurlement de rage et me rassois brutalement sur le carrelage froid de ma cachette, préférant largement entretenir ma colère que laisser la tristesse prendre le dessus l'espace d'une seule seconde.
Harry s'égosille maintenant que je lui laisse enfin la parole.
- Madison, ouvre cette porte maintenant ou je la défonce ! Je te promets que je n'ai jamais joué avec toi, alors sors c'est ridicule !
- Tu as promis un jour de ne jamais m'abandonner Harry. Et tu te souviens de comment ça c'est fini aussi bien que moi non ? Voilà pourquoi je ne croirais plus jamais un seul mot qui sortira de ta bouche ! Tu peux aller te faire foutre !
Il tambourine violemment contre la porte et je fais un pas en arrière, de peur qu'elle s'écroule sur moi.
- Bébé, laisse moi une chance de m'expliquer, sors, supplie t-il en voyant que ça ne fonctionne pas.
L'évocation de ce petit surnom de deux syllabes brise quelque chose en moi.
- Je ne serai jamais ton bébé, Harry et je t'interdis de m'appeler comme ça, ni de m'appeler tout court d'ailleurs ! J'aurais préféré ne jamais te rencontrer ! Tu me dégoûtes tellement que je ne suis même pas sûre de pouvoir te regarder en face donc il vaut vraiment mieux pour toi que je reste où je suis. Comment tu fais pour continuer à te lever tous les matins ?!
- Ça suffit, je défonce la porte ! hurle t-il.
Je me recule jusqu'au fond de la pièce et quelques secondes plus tard, un bruit sourd retentit et le verrou de la porte lâche, laissant pénétrer dans la pièce une tornade brune encore torse nue qui se jette sur moi après avoir brièvement repris sa stabilité.
Harry attrape rapidement mon épaule pour m'attirer vers lui et je me force à garder les yeux rivés sur mes pieds tout en tentant de me dégager de son contact brûlant.
- Ne me touche pas ! fulminé-je. Ne me touche surtout pas !
Il enlève sa main mais avance brusquement vers moi jusqu'à me plaquer contre le mur arrière de la salle de bain en m'emprisonnant de ses deux mains, placées de part et d'autre de ma tête. L'air de la petite salle de bain se fait tout à coup irrespirable.
- Madison, regarde moi. Regarde moi, répète t-il après plusieurs secondes.
Je n'obéis toujours pas, alors il pose délicatement son pouce sur mon menton pour me forcer à lever le regard en sa direction et je croise rapidement ses yeux verts embués de larmes et ses boucles brunes en bataille.
Après avoir atteint son but, Harry s'éclaircit la gorge pour prendre la parole.
- Madi, cette lettre n'est qu'un tissu de mensonges. Je l'ai écrite à ton frère sur un coup de tête parce que je ne savais pas quoi dire d'autre pour qu'il me foute la paix, je ne pense pas un seul mot de ce que j'y avance et je ne l'ai jamais pensé, je t'assure. Tout ce que je dis est absolument faux. J'ai bel et bien rencontrée une Alyssa à Boston, mais je ne l'ai jamais aimée et pas une seule seconde je n'ai voulu partir pour elle, tu dois me croire. Si seulement tu m'avais vu le jour où j'ai reçu la lettre de ton frère, j'étais tellement dévasté Madi. Te savoir mal, ça m'a brisé le cœur.
- Oh oui, on sent clairement ton soutien et ta compassion dans ces quelques lignes, remarqué-je d'une voix tranchante.
- Alors tu ne me crois pas, souffle t-il derrière un sanglot.
- Pourquoi je te croirais Harry ? Quel intérêt aurais-tu bien pu avoir à mentir à mon frère à propos de ton départ ?
Il regarde le sol quelques instants avant de concentrer à nouveau son attention sur moi.
- J'ai menti parce que je ne peux pas dire la vérité Madi, à personne. Je suis parti et tu ne sauras jamais pourquoi, personne ne saura jamais pourquoi, c'est une sorte de promesse ultime que je me suis faite à moi même et que rien ne pourra briser, crois moi c'est vraiment pour ton bien. Tout ce que tu as besoin de savoir, c'est que je t'aime comme un fou et que je n'ai jamais cessé de t'aimer Madison. Alyssa est une amie. Je l'appelle maintenant si tu veux et tu lui demandes toi-même.
L'épisode du Starbucks me revient en tête brusquement et j'enchaîne en ignorant totalement sa dernière proposition.
- Jayden le sait, annoncé-je en défiant son regard. Pourquoi le sait-il et pas moi ? Pourquoi lui mérite de savoir la vérité ?
- C'est différent, grommelle t-il immédiatement, je ne peux pas t'expliquer.
- Tu ne peux jamais rien expliquer ! fulminé-je en me dégageant enfin de son emprise étouffante contre le mur. Si au bout de seulement deux jours je commence déjà à recevoir des lettres comme celle-ci, qu'est-ce que ça va être si je reste avec toi ? À quoi va ressembler le quotidien ? Moi qui encaisse peu à peu la vérité accablante qui resurgit pendant que toi tu me répètes sans cesse que tu ne peux pas m'expliquer, encore et toujours ? Je suis désolée, je ne veux pas de ça, déclaré-je en arrivant à la hauteur de la porte.
Harry attrape mon bras à la volée et je me retourne pour lui faire face.
- Madison non, reste, s'il-te-plaît. Essaie de comprendre.
- C'est justement ça le problème Harry, je suis incapable de comprendre parce que chacun a une version différente. J'en ai marre de remettre sans cesse en question ta sincérité depuis quelques heures parce que tu refuses de me raconter toute l'histoire depuis le début. Je ne sais plus quoi penser et j'ai vraiment besoin d'air.
Une larme rebelle dévale ma joue et il l'essuie instantanément de son pouce. Après ça il se rapproche dangereusement de moi sans prévenir et son visage n'est plus qu'à quelques centimètres du mien.
- Madison, je t'aime, murmure t-il. Je t'aime comme un fou, tu doutes de ça ?
Je me fais violence pour m'éloigner rapidement de lui et mijote ma réponse en me remémorant les mots de sa lettre.
- Oui, déclaré-je fermement. Tant que je ne saurais pas toute la vérité Harry, je serais incapable de te faire confiance.
- Comment peux-tu... Après tout ce que j'ai fait pour te récupérer, tu penses que je mens sur ce point-là ?
De grosses larmes dévalent son visage fatigué et je me force à rester de marbre.
- Désolée, je rassemble mes affaires et je m'en vais. Ce n'est pas négociable.
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HEY HEY HEY EVERYBODY ! ♥
Vous avez passé une bonne semaine ?
Le chapitre 18 est enfin là, oui je sais j'ai pris mon temps pour le poster mais pour ceux qui ne sont pas au courant j'ai reçu une correspondante américaine pendant les deux dernières semaines donc il a vraiment été difficile de combiner activités, devoirs, et écriture et j'en suis désolée :(
J'espère que ce chapitre vous a plus même si il n'est pas très joyeux et que vous n'êtes pas trop déçus de la tournure que prennent les choses dans l'histoire en ce moment :/
Comment auriez-vous réagi à la place de Madi ? Harry dit il la vérité selon vous ? Où Madi va t-elle aller dans le prochain chapitre selon vous ? J'attends toutes vos hypothèses avec impatience :D
On se retrouve la semaine prochaine sans faute pour la suite, merci d'être toujours de plus en plus nombreux à voter et à commenter, vous êtes vraiment adorable :D
Passez tous un bon weekend, gros bisous ! ♥
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