Chapitre 16
J'ai beau tortiller inlassablement mes nouilles dans tous les sens au bout de mes baguettes chinoises, rien n'y fait, je n'ai vraiment pas faim du tout. Ce petit passage express d'Evelyn m'a coupé absolument tout appétit et je n'ai pas arrêté de penser à cette foutue enveloppe qu'elle m'a apportée depuis.
Le pire c'est que je suis certaine qu'elle jubile à l'heure actuelle, plus fière que jamais d'avoir réussi à semer le doute dans mon esprit en larguant sa bombe alors que tout prenait enfin un sens.
Et je vais être franche, je n'arrive pas à me convaincre que cette enveloppe ne signifie rien. J'ai beau me répéter encore et encore que ma sœur a sûrement dû accentuer le mal juste pour m'obliger à l'ouvrir et se rendre intéressante, je n'arrive pas à imaginer une alternative plausible dans laquelle son contenu apporte une bonne nouvelle. C'est forcément quelque chose de grave et de destructeur, un truc capable de tout remettre en question. Rien que le fait que Caspar l'ai cachée dans sa chambre pour ne pas que je la trouve, c'est mauvais signe.
D'ailleurs, je me demande bien comment Evelyn est au courant de tout ça sans que je le sois.
Je frissonne en imaginant tout à coup que cette enveloppe contient quelque chose de vraiment affreux, une terrible révélation au-delà de tout ce que je peux envisager dans la mesure du possible.
Qu'est-ce qu'Harry aurait pu me cacher de si grave ? Est-ce que c'est un criminel ? Un dealer ?
J'ai plus ou moins dit que je pourrais tout accepter venant de lui, mais est-ce que je serais capable de le regarder de la même façon si je venais à apprendre qu'il est...un meurtrier ?
Prononcer ce mot dans mon esprit me fait physiquement mal tellement je n'ai pas envie que ce soit ça, cette fameuse information que contient l'enveloppe. Je ne le supporterais pas, c'est sûr, j'encaisse beaucoup généralement mais là impossible.
- Madi, qu'est-ce qui se passe ?
Je suis tellement perdue dans mes angoisses que je n'ai même pas remarqué qu'Harry me fixe avec des yeux ronds à l'autre bout de la table, visiblement inquiet de mon désintéressement total pour tout ce qui m'environne.
- Rien du tout, je... Tu disais ?
Je m'en veux terriblement mais je n'ai pas été capable de suivre ne serait-ce qu'une phrase de la conversation qu'il me tient depuis que nous avons commencé à manger.
- Laisse, soupire t-il d'un air découragé qui me fissure le cœur. Qu'est-ce qui ne va pas bébé ? Tu es vraiment bizarre depuis que je suis rentré. Tu n'as presque pas touché à tes nouilles au poulet et ce sont tes préférées depuis que tu as douze ans. Tu as l'air tellement distante que je ne suis même pas sûr que tu m'écoutes. Qu'est-ce que tu as ? J'ai fait quelque chose de mal ?
Harry ne peut pas être un meurtrier. Un meurtrier n'aurait définitivement pas parcouru des kilomètres en voiture simplement pour me ramener mon petit plat préféré et je me sens tout à coup terriblement honteuse d'avoir pensé une chose pareille de lui.
Foutue Evelyn.
- C'est vraiment délicieux Harry, vraiment. Je ne sais pas ce que j'ai, je me sens crevée... Désolée de paraître si désintéressée, je sais que tu as fais tout ça juste pour me faire plaisir et c'est parfait, mais je n'ai pas le cœur à ça ce soir. Je suppose que ça ira mieux demain...
Je sais qu'Harry me connaît trop bien pour avaler un truc pareil en temps normal. Je n'ai jamais réussi à faire semblant avec lui, je ne sais pas comment il fait mais il parvient toujours à détecter les situations dans lesquelles je mens, toujours. J'espère juste qu'il se dise que le temps m'a changée et que dorénavant, je suis capable de me sentir mal parce que je suis fatiguée. Il le faut. Je n'ai pas l'intention de lui parler de l'intervention d'Evelyn avant d'avoir pris ma décision, et je suis loin d'y être parvenue jusqu'à présent.
Il pose ses baguettes et se lève pour venir me rejoindre de l'autre côté de la table. Il s'accroupit près de ma chaise et ses lèvres s'étirent en un sourire qui fait apparaître ses fossettes.
Il est tellement magnifique avec ses belles boucles brunes et ses yeux verts intenses que j'ai encore du mal à réaliser que cet homme est réellement amoureux de moi.
- Ce n'est pas grave si ça ne va pas aujourd'hui ma princesse parce qu'il nous reste encore une foule de journées à passer tous les deux, rien que toi et moi.
Il me fait un de ses fameux sourires en coin dont lui seul a le secret et je fonds littéralement.
Je me lève à mon tour pour l'embrasser et décide par la même occasion que je ne toucherai pas à cette maudite enveloppe. Evelyn peut bien aller se faire foutre. Je sais qui est Harry mieux que quiconque sur cette Terre et je ne peux pas imaginer que quoi que ce soit puisse nous séparer à cet instant précis. Je l'aime éperdument et je lui fais confiance.
Oui il a vraiment foiré pendant ces deux ans, mais qui n'a jamais fait d'erreur ? Personne n'est parfait, même ceux à qui on tient le plus et se persuader du contraire est vraiment ridicule. Le présent doit être la seule chose qui compte et à l'heure actuelle je me sens mieux avec lui qu'avec n'importe qui d'autre.
Je n'ai aucun souci à me faire, aucun.
Je me promets de déchirer cette enveloppe en mille morceaux avant de la jeter dès mon retour dans la chambre d'Harry.
- Qu'est-ce qu'il y a ?
Je n'avais même pas remarqué que je m'étais mise à rire toute seule en repensant à Evelyn qui n'obtiendra pas ce qu'elle veut cette fois-ci. Je n'ai peut-être pas menti tant que ça en affirmant que j'étais fatiguée.
- Rien, juste, je t'aime, gloussé-je en l'embrassant à nouveau.
- Allez viens, on va se coucher. Je nettoierai tout ce bordel demain, annonce t-il en m'entraînant derrière lui.
Nous allons dans sa chambre et j'annonce à Harry que j'ai grand besoin de prendre une douche – en réalité j'ai juste besoin d'un prétexte pour m'isoler et concrétiser ma promesse. Sans même attendre de réponse de sa part, j'attrape rapidement mon sac posé dans un coin de la pièce et l'emmène avec moi jusqu'à la petite salle de bain.
Après avoir précautionneusement verrouillée la porte, je sors l'enveloppe beige de la poche intérieure du sac et la regarde pendant quelques secondes pour débattre du sort que je lui réserve. Si je la jette dans la poubelle, Harry pourrait la trouver, et si je la noie dans les toilettes, il risque d'avoir un problème de tuyauterie. La pièce n'a pas de fenêtre, je ne peux donc pas la déchiqueter avant de la soumettre aux lois de la nature.
Comprenant que je suis coincée ici sans pouvoir rien en faire, je décide finalement de la poser sur le coin du lavabo. Même si ce n'est pas ce que j'avais prévu, une douche ne peut pas me faire de mal et ça paraîtrait suspect de rejoindre Harry maintenant.
J'enlève rapidement mes vêtements avant de changer d'avis et pars me laver.
L'eau chaude qui coule peu à peu sur ma peau me fait un bien fou, détendant tous mes muscles et chassant de mon esprit le visage de mon horrible sœur. Je ferme les yeux à plusieurs reprises pour savourer chaque instant de ce petit intervalle loin de tout, mais ma relaxation est vite interrompue par un flash de mon dernier cauchemar pendant lequel je revois malgré moi le regard dur d'Harry et ses mots affreux, « Je ne suis pas celui que tu crois », résonnent de nouveau dans mes oreilles comme si cet épisode s'était vraiment passé.
J'ai tout à coup très froid sous l'eau bouillante de la douche qui fait rougir ma peau et décide d'accélérer la cadence pour pouvoir retrouver le véritable Harry le plus vite possible.
Une fois sortie de cet enfer, j'ouvre de nouveau mon sac et entreprends d'y chercher un vêtement qui pourrait faire office de pyjama puisque évidemment, je n'ai pas pensé à emporter le mien en quittant la maison. Je parviens avec joie à atteindre le vieux pull d'Harry roulé en boule au fond. Ça conviendra très bien. Je sens son odeur à plein nez avant de le passer par dessus ma tête. Il est tellement grand qu'il recouvre tout le haut de mon corps et le début de mes hanches. C'est parfait. Je mets également une paire de chaussettes hautes et un shorty pour ne pas avoir froid pendant la nuit.
Après quelques secondes de vague réflexion, je fourre de nouveau l'enveloppe à l'intérieur de mon sac. Mon esprit n'est plus très clair et je préfère définitivement m'en occuper demain, désireuse de ne plus penser à rien de dramatique pour aujourd'hui. On peut dire que j'ai largement eu ma dose en la matière.
Je rejoins rapidement Harry dans sa chambre qui est plongée dans l'obscurité. Je m'assure qu'il est bien allongé sur son lit pour éteindre la lumière du couloir et abandonne mon sac près de la porte avant de grimper sur le matelas pour l'y rejoindre.
Je remarque vite par son calme et sa respiration lente qu'il est déjà à moitié endormi et je dégage délicatement sa main engourdie par le sommeil pour me blottir au creux de ses bras. Sa chaleur m'envahit immédiatement et je comprends qu'il est torse nu sous le drap.
Laisser la lumière allumée quelques secondes de plus n'aurait finalement pas été de trop.
Il resserre son étreinte autour de moi puis embrasse mon crâne et blottit sa tête au creux de mon cou.
- Bonne nuit mon bébé, murmure t-il d'une voix rauque qui me fait frissonner.
Je dépose un léger baiser sur sa main rugueuse avant de répondre sans même être sûre qu'il entende.
- Je t'aime.
*
Trois heures vingt-cinq. Trois heures vingt-six. Trois heures vingt-sept. Trois heures vingt-huit.
Ça fait à peu près deux heures que je regarde patiemment les minutes défiler sur l'écran digital du réveil d'Harry posé sur la petite table de nuit face à moi. Je me souviens seulement m'être assoupie quelques instants au début de la nuit, mais je ne suis même pas sûre d'avoir réellement dormi. Depuis je ne fais que bouger et changer de position toutes les secondes sans réussir à trouver Morphée et le temps commence vraiment à se faire long dans tout ce silence.
De l'autre côté du lit, Harry a l'air de dormir profondément vu le bruit léger de respiration qu'il émet et je n'ose vraiment pas le réveiller. Je ne le vois pas à cause de l'obscurité mais dans mon souvenir il est tellement beau quand il dort qu'on dirait un vrai petit ange et je ne veux surtout pas interrompre ça.
Je décide sur un coup de tête de descendre à la cuisine pour me faire chauffer un peu de lait, une vieille astuce de grand-mère que mes parents appliquaient souvent en cas d'insomnie durant mon enfance. Ça marche à tous les coups ces trucs-là et puis si je reste dans ce lit une seconde de plus, je sens que je vais finir par imploser.
Je ferme doucement la porte de la chambre derrière moi avant d'allumer la lumière et m'acharne à faire le moins de bruit possible pendant mon expédition jusqu'au frigo.
En ouvrant enfin la porte de ce que je pensais être une mine d'or, je m'autorise à pousser un petit cri de désespoir : pas de lait, et presque rien à manger. Seulement deux pauvres steaks hachés, du fromage à la couleur et à l'odeur douteuses, le reste de la sauce pour nos nouilles et un fond de jus d'orange.
Les garçons et leur sens de l'organisation m'épateront toujours.
Je remonte les escaliers quelques instants plus tard, totalement déçue par cette mission infructueuse qui ne m'aura fait gagner que deux minutes tout au plus si j'ai de la chance. Même aller aux toilettes m'aurait sûrement pris plus de temps...
Hors de question que je retourne m'enfermer dans cette pièce maintenant, je vais juste y passer pour reprendre mon téléphone et puis je reviens directement au salon pour jouer à un jeu complètement débile pendant des heures jusqu'à ce qu'Harry se réveille. La mémoire de mon portable en est infestée depuis longtemps et je me demande souvent à quoi ils servent, c'est le moment idéal pour les inaugurer.
En ouvrant la porte de la chambre d'Harry, je m'accroupis et caresse la moquette des deux mains pour localiser mon sac mais je fais manifestement un geste trop brusque parce que j'entends bientôt le tissu de mon sac déraper en entraînant toutes mes affaires dans un bruit plus fort qu'il ne l'aurait fallu pour réveiller un dormeur ordinaire.
Merde, merde, merde. C'est vraiment le moment d'être aussi maladroite.
Je jette rapidement le sac dehors en poussant de mon bras toutes les affaires que je peux sentir éparpillées sur le sol. Une fois ma bêtise arrangée, je me relève et remarque avec soulagement qu'Harry n'a pas bougé d'un poil. Ce petit ange a vraiment un sommeil de plomb.
Je referme doucement la porte et pousse un soupir de soulagement en commençant à ranger mes affaires. Plusieurs vêtements sont tombés ainsi que mon porte-monnaie et ma vieille paire de baskets.
Je pensais avoir tout remis en place quand j'aperçois soudain la petite enveloppe beige coincée dans l'angle entre le mur et la moquette du couloir. Je l'avais oubliée celle-là. Après quelques secondes d'hésitation, je prends le papier froid entre mes mains et jette un coup d'œil à mon sac déjà fermé.
Qu'est-ce que je fais de cette chose ?
- Range ça tout de suite Madison, n'y touche pas, me souffle une petite voix dans ma tête. Repose-là immédiatement là où elle était avant que tu ne renverses tes affaires et retourne te coucher. C'est le mieux que tu puisses faire pour l'instant.
- Pas du tout ! Ouvre-là ! Qu'est-ce que tu attends ? Ouvre-là ! me crie une autre voix nettement plus agressive que la précédente.Tu préfères te faire chier comme un rat mort en fixant le plafond pendant des heures peut-être ?! Vas-y, sois faible Madison !
Ce ton m'insupporte mais elle marque un point. J'examine l'enveloppe sous toutes ses coutures, considérant toutes les options qui s'offrent à moi.
- Non, ne fais pas ça ! recommence la première voix. Ne fais pas ça Madi !
- Ah ouais, et pourquoi pas ? l'attaque de suite la seconde. Imaginons un instant que cette enveloppe contienne la vérité au sujet du départ d'Harry, est-ce que tu ne crois pas que Madison voudrait la connaître ? Et puis elle sait qu'elle l'aime de tout son cœur, donc qu'est-ce que ça pourrait changer de toute façon ? Rien. Absolument rien.
Elle a vraiment raison sur ce coup-là et ma curiosité ne cesse d'augmenter. Même si je hais le fait de l'admettre, Evelyn a raison : je ne peux pas me permettre de me débarrasser des cartes que je possède. Déjà qu'il me manque une grande partie de la vérité, je ne peux pas juste gaspiller quelques informations précieuses sans en avoir pris pleinement connaissance.
Je laisse mon sac tel quel et pars m'isoler dans la salle de bain.
-Madi, où est-ce que tu vas comme ça ? reprend la première voix complètement paniquée. Ne me dis pas que...
La porte grince légèrement quand je la referme derrière moi.
- Non, non Madison, non ! Ne fais pas ça ou tu vas le regretter ma belle, retourne près d'Harry maintenant, tant qu'il est encore temps !
Je glisse doucement le long de la porte pour m'asseoir et commence à déchirer le bord du papier lisse.
Je peux entendre la petite voix dans mon esprit s'égosiller à présent.
-NON ! REPOSE ÇA DE SUITE TU M'ENTENDS ! MADISON, NON !
-Oh tais-toi, lâché-je tout haut.
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HELLO ! ♡
Vous allez bien ? Vous passez une bonne semaine (de vacances) ? :D
J'ai conscience que ce chapitre n'est pas très pertinent et que vous vous attendiez à quelque chose de nettement plus mouvementé, mais ne vous inquiétez pas la suite arrive vendredi (samedi au plus tard) ♡
J'espère quand même que cette partie vous a plu :D
Que pensez vous de cette enveloppe ? Selon vous, Madi a raison de l'ouvrir ou pas ? Qu'auriez-vous fait à sa place ?
Merci pour tous vos votes et vos adorablement commentaires qui sont toujours au rendez-vous, c'est un réel bonheur de connaître vos réactions ♡
On se retrouve vite les amours, gros bisous, Anne xx ♡
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