Chapitre 1
Je regarde par la fenêtre. C'est une belle journée d'automne, le 28 novembre. Les feuilles rougissent à vue d'œil et quand ma main effleure la vitre, une étincelle de froideur m'envahit. Je me serre un peu plus sous la couverture qui recouvre mes jambes. Je me sens tellement en sécurité à ce moment précis, les journées comme celles-ci sont mes préférées. Me sentir bien au chaud dans mon nid alors qu'il commence à faire froid dehors, y a-t-il au monde une sensation plus apaisante et agréable ? Je ne pense pas, mais si elle existe, c'est la première chose que je voudrais découvrir. J'ai hâte de bientôt voir la neige recouvrir la pelouse et la balançoire dans le jardin. J'ai peut-être l'air d'une gamine de cinq ans en disant ça mais la neige est tellement magique. Si froide et si douce à la fois, si rappeuse et si brillante. C'est comme si je la sentais dans ma main.
Une voix me tire brusquement de ma rêverie.
- Madison, tu joues ?
Harry, mon meilleur ami, fronce légèrement les sourcils, apparemment surpris que je ne me concentre pas un peu plus sur la partie, moi qui adore gagner au Monopoly.
En fait, tout réfléchit, si. Je connais une meilleure sensation que celle que je viens d'énoncer. Rester une après-midi entière à faire des trucs inutiles avec la personne qui me connaît le mieux sur Terre, mon meilleur ami. Ça c'est parfait. Il doit penser en me voyant distraite que je n'en ai rien à faire. Je ne peux pas le laisser penser ça. J'essaie de me focaliser sur le jeu.
- Oui, pardon, qu'est-ce que tu as joué?
- Rien. Laisse tomber. Je ne veux plus jouer de toute façon.
Je ne sais pas si il parle du Monopoly ou d'autre chose.
- Quoi ?
Son visage s'assombrit d'un coup. Qu'est-ce que j'ai fait ?
Il renverse son pion et on reste là quelques secondes, j'essaie d'analyser son expression. Son regard est fuyant. De la colère ? Du chagrin ? J'ai manqué un truc important ?
Je tente de lui prendre la main mais il ne m'en laisse pas l'occasion, il se lève sans un mot et rabat sa moitié de couverture sur moi.
Je dois probablement paraître ridicule, assise là sur mon lit, incapable de refermer la bouche, mais je n'ai jamais été autant déroutée par le comportement de quelqu'un. On était bien là, qu'est-ce qui lui prend ?
Il part s'asseoir sur la chaise près de mon bureau sans un mot et je me lève à mon tour pour le rejoindre. Je m'accroupis à côté de lui, son expression se durcit.
- Harry, qu'est-ce qui ne va pas ?
Sa mâchoire se contracte. Je prends sa main dans la mienne. C'est peut-être plus grave que ce que j'imaginais.
- Il faut qu'on parle.
Sa voix est froide mais posée, comme si il essayait de ne laisser transparaître aucune émotion. Pourquoi aurait-il peur de me montrer ce qu'il ressent ? Je suis sa meilleure amie. Il peut tout me dire et je peux tout entendre, il le sait ça. Non ? Il ne me fait pas confiance après tout ce temps ?
Je déglutis péniblement.
- Oh.
Ses yeux verts sont plongés dans les miens. J'ai envie de rester dans cette position à le regarder pour toujours. J'ai l'impression de nager dans ses iris émeraudes et que je vais m'y noyer si l'un de nous n'arrête pas ce contact visuel. Je ne sais pas pourquoi j'ai soudain l'impression que ce qui est entrain de se passer n'est pas réel, comme si on était dans une bulle, très loin de la réalité.
J'ai l'impression qu'il va se dégager, mais il me fixe toujours et une larme dévale sa joue droite. Il étouffe un petit rire et essuie rapidement la fugitive avec sa manche. Son prétendu sourire fait ressortir les fossettes au coin de ses joues. C'est fou ce qu'il est beau, même quand il pleure.
Mon cœur bat un peu plus vite quand ses yeux se reposent sur moi. Son sourire s'estompe mais il s'insinue lentement dans mon cœur pour s'y graver à jamais.
- C'est un peu bête je sais, mais... j'ai, j'ai fait un rêve, Madi.
Un rêve ? Tout ça pour un rêve ? Même ses larmes, qui sont d'habitude si difficiles à céder à la tristesse ?
Un instant je doute de ses paroles, je me dis qu'il y a autre chose, puis je me rappelle que je n'ai aucune raison de douter, c'est mon meilleur ami et on se dit tout. Non ?
- Quel genre de rêve ?
Pour une raison qui m'échappe, j'ai un peu peur d'entendre sa réponse.
- C'était horrible. On était séparés pour toujours et on ne se revoyait plus, plus jamais de la vie. C'était fini et on ne pouvait rien y faire. Tu imagines, notre pacte brisé ?
Le pacte que nous avions fait le jour de son anniversaire quand on avait dix ans, le pacte qui dit qu'on ne doit pas laisser tomber l'autre, sinon on meurt. Une sorte de Pinkie Promise améliorée, si on veut.
C'est vrai, ce serait horrible. À qui raconterais-je mes plus grands secrets, qui tiendrait ma main les jours où la vie n'est pas clémente, qui transformerait une session cuisine en bataille d'œufs volants ? Avec qui ferais-je toutes ces choses géniales que je ne fais qu'avec lui ? Les films d'horreur toute la nuit avec des tonnes de sucreries, les journées à parler de tout et de rien, au bord de la plage chez ma grand-mère, et tout le reste...
Mais ça n'arrivera pas, on sera ensemble pour toujours, je le sais. Au plus profond de moi, je le sais. Rien ne nous séparera jamais. Hein ?
- Ce n'était rien qu'un rêve, Harry. Je serais toujours là, on se l'est promis. Le «nous» vivra toujours. Tout ira bien, tu verras.
Je ne sais pas qui j'essaie de rassurer, lui ou moi. Une seconde, pourquoi aurais-je besoin de me rassurer ?
Il m'attire sur ses genoux et toutes ces interrogations quittent mon esprit aussi vite qu'elles y sont arrivées. Une vague de chaleur m'envahit quand il commence à tortiller mes cheveux bruns autour de ses doigts. Il relève mon menton avec son pouce pour m'obliger à le regarder.
- La vérité c'est que j'ai tellement peur de te perdre, Madi.
Je ne sais pas pourquoi, mais il a prononcé cette phrase sur un ton qui ne semble pas amical. Et puis il l'a dit comme si s'en était douloureux. Je n'ai pas de raison de m'inquiéter, si ? Pourquoi me perdre lui semble si réel ? Ce n'était qu'un rêve après tout, un mauvais rêve.
Ses mains effleurent mes lèvres et quelque chose se déclenche en moi. Je sens des papillons dans mon ventre. Tout mon corps est en alerte et je ne peux pas détacher ses prunelles des miennes. Qu'est-ce qui m'arrive ?
Avant de pouvoir comprendre quoi que ce soit, ses lèvres sont posées sur les miennes et mes mains se baladent dans ses boucles brunes. Ses lèvres sont douces et semblent se confondre avec les miennes, comme si nous ne faisions qu'un. Il resserre son étreinte et j'ai l'impression que je vais m'enflammer, lui aussi, la chaise, ma chambre et toute la maison avec.
Les yeux d'Harry croisent les miens, et je ne sais pas pourquoi mais j'ai l'impression que c'est la dernière fois qu'il me regarde comme ça. Pourquoi ?
La chaleur devient insupportable d'un seul coup. Je ferme les yeux. J'essaie de m'accrocher à Harry, mais je n'y arrive pas. Je ne sens plus rien.
Quand je rouvre les yeux, tout a disparu. Je ne suis plus dans ma chambre, mais au milieu de la rue, assise sur le bord du trottoir. La neige tombe et je sens de gros flocons mourir sur ma joue. Je comprends quel jour on est quand je me retourne et que j'aperçois la maison d'Harry. On est le 29 novembre. Comment je sais ça ? Un frisson me traverse et je ne sais pas pourquoi mais j'ai mal au cœur.
Je décide de rentrer chez Harry pour me mettre au chaud. En plus, je dois lui demander une explication pour le baiser hier. Je ne sais pas exactement ce que je vais lui dire. Est-ce que je dois lui avouer que c'était le plus beau moment de ma vie et que je n'arrive pas à penser à autre chose que ça ? J'ai si peur d'entendre que ça n'avait pas la même valeur pour lui. Une petite voix dans ma tête me dit que je vais le regretter. Pourquoi ?
Le vent fouette mes cheveux quand je sonne à la porte. Vivement que je sois dedans, près du feu. Je sonne plusieurs fois mais personne ne répond. Qui aurait idée de sortir par un temps pareil ? Et moi, pourquoi je suis dehors au fait ?
Je m'assieds sur le perron pour attendre leur retour. Au bout de quelques minutes, je suis gelée et je me dis que ce n'est pas grave, je peux attendre leur retour à l'intérieur.
Je prends la clé de secours dans le pot de fleurs à droite du paillasson, mais quand je la mets dans la serrure, elle tourne dans le vide. La porte est déjà ouverte. Quelqu'un est entré en leur absence ? Mon cœur se serre très fort pendant une seconde quand j'imagine qu'ils se sont peut-être fait cambrioler mais en jetant un coup d'œil timide dans le salon, je me rends à l'évidence. Personne n'est venu ici. En fait, c'est comme si personne n'avait jamais mis les pieds ici. Même pas eux.
Je pousse un petit cri plein de surprise. Pas un meuble. Pas une photo accrochée au mur. Plus de bois dans la cheminée. Seulement une étendue de blanc sans fin. Je suis dans la bonne maison ?
Je me précipite dans toutes les pièces. Du blanc, du blanc, du blanc. Ma tête tourne.
Impossible, je me suis forcément trompée d'endroit.
Je crie son nom et il résonne si fort dans la maison vide qu'il finit par s'insinuer dans ma tête et me torturer. Il ne veut pas s'arrêter. Comment je fais pour l'arrêter ?
Je monte les escaliers et je prends une grande inspiration avant d'ouvrir sa chambre. Je m'effondre dans l'embrasure de la porte en gémissant quand je ne distingue pas tout le bazar qui est propre à Harry sur le sol. Qu'est-ce qui est entrain de se passer ? Je deviens folle ou quoi ?
Son odeur n'est plus là. J'essaie de me rappeler quelle odeur il a, je me concentre de toutes mes forces pour l'obliger à m'irradier l'esprit mais ma voix est toujours coincée dans ma tête et l'odeur ne veut pas venir. Mes yeux se brouillent de larmes. Je ne comprends plus rien.
J'aperçois soudain un sac de sport posé par terre. Je me jette littéralement dessus. Mes larmes viennent tâcher le tissu quand j'ouvre la fermeture Éclair. Je vois une enveloppe et quelques habits. Mon nom est marqué au dos de l'enveloppe. Mon cœur manque un battement.
Je sanglote de plus en plus fort. Est-ce que je dois l'ouvrir ? Je n'ai jamais eu autant peur de ma vie.
Mes mains tremblent quand elles frôlent le papier. Je commence à lire.
«Madi, voici les quelques vêtements que tu avais laissé ici, ainsi que ma chaîne, garde là et prends en soin, s'il te plaît. Ne m'en veux pas, mais tout est fini. Adieu, Harry.»
Une vague de froid glacial me submerge. Je me sens vide, complètement morte. Un instant, je me demande si je ne suis pas en train de mourir, si mon cœur ne s'est pas arrêté. J'ai envie de hurler mais je suis incapable de faire quoi que ce soit. Je ne ressens rien. Je deviens fantôme. Je me sens nue sur le marbre froid. Je suis presque sûre d'être à la même température. Chaque atome de mon corps est endolori. La voix dans ma tête s'amplifie de plus en plus.
Je relis son mot encore et encore. Je reste ce qui semble un temps infini dans cette position, jusqu'à ce que ma tête se glace et que je ferme les yeux.
Je suis de nouveau dans ma chambre. Je suis de nouveau sur ses genoux. Pendant une seconde, je me dis que j'ai tout imaginé, que je ne suis jamais allée chez lui et qu'on est toujours le 28 novembre, mais j'ai toujours aussi froid.
Harry regarde dans le vide.
-J'ai peur de te perdre. Je vais te perdre, Madi. C'est fini.
Je répète que non, ce n'est pas fini, qu'il dit n'importe quoi, mais il ne semble pas m'entendre et continue de répéter cette phrase sans cesse. Mon Dieu, je deviens folle.
Je lui hurle d'arrêter mais il hurle lui aussi. J'essaie de le toucher mais il se transforme en statue de neige à mon contact et commence à fondre dans mes doigts.
Mon être tout entier est en détresse.
-HARRY ! STOP ! IL FAUT QUE CE CAUCHEMAR S'ARRÊTE ! ARRÊTEZ ! ARRÊTEZ ! ARRÊTEZ ÇA ! JE NE VEUX PAS LE PERDRE !
Je bondis dans mon lit, haletante, baignant dans mes larmes. J'avale l'air à pleins poumons pour respirer à nouveau et je me rends compte soudain que ce n'est pas un cauchemar, c'est ma réalité.
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Bonjour tout le monde !
Voilà pour ce premier chapitre, j'espère que vous avez aimé le lire autant que j'ai aimé l'écrire.
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La suite arrivera vite, ne vous inquiétez pas. :)
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Merci infiniment d'avoir lu, je vous aime fort et à bientôt pour la suite, Anne. ♡
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