Chapitre 9

Son regard se pose difficilement sur un point fixe. 

Passant de son côté de la vitre, happé par les rues qui défilent ainsi qu'un peu de végétation. Ou alors n'importe où dans le véhicule. Il se prend subitement d'admiration pour des détails futiles, tels que la boîte à gant, la couture du tissus de son siège, ou la courbure du rétroviseur et son orientation. 

En somme, tout ce qui peut lui permettre de ne pas se laisser entraîner dans ce puits d'angoisse extrême, et ce stress légèrement trop ravageur à son goût, qui lui broie l'estomac. 

Soudainement, Eijiro sort de sa torpeur alors qu'un petit contact le fait sursauter. Souriant, à la place conducteur, Izuku lui attrape gentiment la main pour le soulager un peu. Le jeune homme vient la poser sur le dos de la sienne, alors qu'il malmenait le coin de son carnet à croquis, posé à peu près convenablement sur ses cuisses. 

« - Tout va bien se passer, je suis avec toi. »

La voix du musicien raisonne de manière si mélodieuse, que cela pourrait en être presque comique. Pourtant ici, Kirishima apprécie ce soutien sans faille, et cette gentillesse dont il fait preuve à son égard, lui permettant de retrouver un semblant de calme. 

Katsuki n'était pas en mesure de se joindre à eux ce matin, pour cette rencontre assez importante qui se profile à l'horizon. Mais il a couvert son compagnon d'affection autant que nécessaire avant d'être contraint de quitter leur maison, en le confiant à Izuku, lui laissant le soin de veiller sur l'artiste, qui tremblait comme une feuille. 

« - Merci Izu'. C'est grâce à toi tout ça. 

- C'est surtout parce que t'es hyper talentueux. Et puis, t'en fais autant pour moi Eiji. Vous en faîtes tous les deux énormément. »

Le jeune homme a conscience de ce que mentionne cette simple phrase. En plus de parler du fait de lui avoir permit d'emménager chez eux, il y a aussi cette conversation qui s'est déroulée deux semaines plus tôt. 

Et, depuis cette interlude intense et très forte émotionnellement pour le garçon, les choses ont quelque peu évoluées. Déjà pour Izuku, dont les épaules paraissent maintenant plus légère. Il semble soulagé d'une pression constante, comme si le fait de partager ce morceau de son histoire, revenait à confier ce fardeau à deux personnes supplémentaires, afin qu'ils le portent tous les trois. 

Enfin, quatre en comptant Kumo, qui a bien fait comprendre à tout le monde qu'elle aussi souhaitait participer et avoir son lot de moment privilégiés avec le musicien. Il a donc commencé à être inclus dans les tours de promenade du husky, profitant de quelques instants en tête à tête avec le canidé, qui a l'air sincèrement ravi d'être parvenu à ses fins. 

Si jusqu'à présent Izuku appréciait le fait de pouvoir accompagner l'un des garçons durant ces sorties et ces longues balades, il n'y allait pas tout seul, à moins de devoir dépanner le couple qui se trouvait en grand désarroi. Ici, les choses prennent une dimension différente, comme si le quotidien du duo commençait à se dessiner autrement. 

Au-delà des courses, des tâches ménagères et des factures à appréhender. Il y a cette notion bien spécifique qui voit le jour, sans qu'ils n'aient pu le préméditer. 

Izuku est inclut dans toutes leurs décisions, et consulté dès qu'une question peut potentiellement se présenter à eux. Ils vivent maintenant en trio, bien que cela reste réellement platonique. 

« - Et on en fera dix fois plus si nécessaire. Tu sais pas tout ce que je peux faire pour te protéger. »

Eijiro se mord instinctivement la lèvre, après avoir prononcé ces quelques mots. L'appréhension d'avoir été trop loin, ou que son intention puisse porter à confusion, lui traverse furtivement l'esprit. À tel point qu'il en oublie presque pourquoi ils sont sur la route, et ce qu'ils s'apprêtent à faire ensemble. 

Cependant, le petit rire d'Izuku, ainsi que sa poigne qui se referme délicatement sur la sienne, le rassure légèrement. Ses paroles n'ont pas été mal interprétées, et ne risquent pas de jeter un froid entre eux. L'artiste n'est pas certain qu'il supporterait qu'une soudaine distance s'immisce dans leur relation, et est pratiquement sûr que Katsuki froncerait les sourcils en s'en apercevant. 

Il est vrai que cela serait très surprenant, surtout lorsque l'on constate la proximité physique qui s'est instaurée parmi eux. Même si cela a débuté un peu avant, c'est devenu de plus en plus récurent depuis l'autre soirée, quand Izuku a trouvé refuge au creux de leur étreinte. 

Il a fini par s'y endormir, épuisé d'avoir tant pleuré et de s'être épanché sur ses maux à ce point. N'ayant pas le cœur à le laisser ainsi, Eijiro l'a gardé tout contre lui en le berçant un peu, le temps que Katsuki se hâte de déplier le canapé, ainsi qu'aller chercher de quoi rendre leur nuit la plus confortable possible. 

Sans se consulter, ni même chercher à savoir ce qui était le mieux, le libraire s'est replacé de manière à ce que Deku soit au centre. Celui-ci a fini par se retourner dans son sommeil, plaçant sa tête dans son cou, tandis que Kirishima se lovait tout contre son dos. 

Et c'est sans doute l'une des meilleures nuits qu'ils ont pu passer, bien qu'aucun d'entre eux ne l'ai clairement avoué, ni même clamé à voix haute. Au petit matin, ils se sont tous les trois réveillés dans la même position, juste un peu plus serrés les uns contre les autres, tandis que Kumo veillait fièrement sur son trio favori, d'un œil vif. 

Leurs jambes étaient entremêlées, et le blond les serraient tout deux fortement, comme s'il craignait d'en voir un s'envoler de ce moment imprévu. Izuku a eu quelques difficultés à s'extirper de là, et n'en avait réellement pas envie pour couronner le tout.

Mais ses élèves l'attendaient, et il se savait déjà suffisamment en retard. Il s'est contenté d'avaler un café à la va-vite, et de s'habiller tout aussi rapidement après avoir prit sa douche en cinq minute chrono, avant de se tourner vers la porte. Cependant, il devait bien avouer que voir les deux autres toujours aussi paisible sur le sofa, lui a arraché un sourire fort et immense tandis que sa poitrine le chauffait dangereusement. Sans pouvoir s'en empêcher, ni même l'anticiper d'ailleurs, il s'est rapproché des deux loustics qui commençaient à peine à émerger, et leur a collé un baiser sur la joue en les remerciant chaleureusement, tout en fondant devant leurs bouilles endormies. 

Depuis, il semblerait que les limites de leur contact soit sincèrement flou, et qu'ils ne sachent pas réellement comment gérer le sujet. C'est devenu juste anodin maintenant, d'être les uns avec les autres. Voir même de réitérer l'expérience de dormir tous les trois, à deux ou trois reprises en l'espace de quinze jours, le tout dissimulé sous le prétexte de s'être endormis devant la télé. 

Katsuki ne compte plus non plus, le nombre de fois où il a retrouvé Izuku affalé devant une série, la tête posée sur les cuisses d'Eijiro, qui lui semblait trouver un certain réconfort à passer sa main dans cette chevelure douce et bouclée. 

Eijiro aussi a assisté a plusieurs scène qui lui ont données envie de pouffer un peu, tout en s'extasiant devant tant de mignonnerie. Les voir tous les deux si proches, avec l'écrivain qui partage avec tant d'entrain ses écrits. Ou juste un Bakugo qui s'est fait happer par le sommeil, se servant allègrement de Deku comme d'un coussin. 

Comme cette fois, où il se reposait allongé sur lui, pendant que le musicien lisait le manuscrit de l'un de ses romans. 

Il y a quelque chose de naturel et de beau, qui se dégage de ces petits instants sincèrement imprévus. Qui s'amènent à eux sans qu'ils ne le cherchent, ni même sans connaître les raisons de ce besoin absolu d'être ensemble à tout moment. 

Enfin... Eijiro commence tout de même à se heurter à une montagne de questions. À mesure que les jours défilent, que le temps fait sa petite vie sans même se soucier du reste, lui se retrouve en proie à de multiples réflexions. 

Pas de quoi impacter ses nuits de sommeil, ou lui coller une folle boule au ventre. Mais juste assez pour que cela le perturbe de plus en plus, et l'oblige à prendre parfois un peu de recul sur tout ceci. 

Il n'est pas complètement idiot, du moins pas au point d'ignorer l'origine de ce foutu crépitement qui l'assaille régulièrement. Il y a également d'autres signes qui ne trompent pas, tels que ses joues qui chauffent, allant jusqu'à s'enflammer lorsqu'il trouve à Izuku cet air particulièrement adorable. Son estomac qui se tord devant son sourire. Ses yeux qui s'ouvrent en s'écarquillant face à ses bêtises. Et cette chaire de poule qui traverse tout son épiderme, quand cette voix magnifique et rauque parvient jusqu'à son tympan. 

À tout ceci, liste déjà un peu trop longue à son goût, se rajoute cette attraction physique ingérable lorsque le jeune homme dévoile sa musculature. Avec la saison plus chaude qui s'annonce, ils se laissent parfois tout trois aller à la tentation de ne pas s'encombrer avec un t-shirt. 

Eijiro en est pratiquement certain, sa mâchoire a du s'écrouler la première fois que son regard s'est posé sur ce mec tout en muscle et tatoué. Il savait déjà le trouver sincèrement à son goût, tout comme il l'est à celui de Katsuki d'ailleurs. Mais l'artiste s'est rendu compte de la portée de cette attirance, qui semblait avoir franchit un cap invisible, ou juste avoir prit une tournure inattendue. 

Est-ce possible d'être charmé à ce point par deux personnes ?

La réponse paraît visiblement évidente, voir même carrément indéniable, du moins de son point de vue. Il ignore tout de même comment gérer ce flux d'information que tente de lui renvoyer son corps et son esprit, lui indiquant que quelque chose est en train de se dérouler, juste sous ses yeux. Parce qu'Eijiro n'a strictement aucune idée de la manière dont se dépêtrer de tout ceci, et n'est pourvu d'aucune certitude. À part peut-être que cet Apollon ne le laisse absolument pas indifférent, et qu'il ne perçoit aucune once de jalousie lorsqu'il le voit dans les bras de son compagnon. 

Au contraire même, il y trouve une certaine forme de normalité, qui pourrait presque le dérouter tant cela lui paraît saugrenue.  

« - Eiji ? Tu m'écoute ? »

Revenant soudainement à la réalité, le jeune homme se rend compte qu'il s'est totalement enfermé dans son mutisme, n'offrant plus aucune réponse à Izuku. Celui-ci l'observe par instant, l'œil emplit d'une dose non négligeable d'inquiétude, en essayant de rester tant bien que mal concentré sur la route. 

« - Oui oui, pardon Izu', j'étais paumé dans mes pensées.

- T'es sûr que tout va bien ? »

Pour lui-même, Kirishima ne peut s'empêcher de clamer dans son esprit un petit « non pas sûr, je voudrais comprendre comment tu parviens à me mettre la tête à l'envers, alors que j'suis fou amoureux de mon mec ». Mais il n'est pas sûr que cela réglerait la question, ou apporterait une quelconque solution à ce méli-mélo aussi usant à démêler qu'un sac de nœuds. 

Et puis, qui sait si ce ne sont pas juste quelques petites idées en vrac, qui finiront pas s'envoler avec le temps de toute manière. 

« - Oui ça va. J'ai pas beaucoup dormi cette nuit, j'imagine que c'est l'angoisse d'aujourd'hui. »

Ce n'est pas tout à fait un mensonge, puisqu'il n'a effectivement pratiquement pas fermé l'œil, un peu anxieux d'avoir un avis par un professionnel sur son travail. C'est une grande étape qui se dessine pour lui, et ceci ajouté au reste lui laisse vaguement penser que son pauvre cœur ne tiendra pas bien longtemps la route. 

« - Mais c'est pas grave Izu', tu commence à me connaître à force. J'ai tendance à me laisser porter par le stresse un peu trop facilement, ajoute-t-il en riant. Tu me disais quoi ? 

- T'as pas de soucis à te faire. Je sais que ça va bien se passer. T'es ultra talentueux et t'as largement prouvé ta valeur. Je suis certain que ce n'est qu'une formalité, et qu'ils seraient ravi de te prendre au shop pour te former. Comme ça mon prochain tatouage, c'est toi qui me le fera.

- Pour me laisser une chance de te tatouer faudrait que tu me laisse une petite place quelque part. T'as l'air bien décidé à squatter le moindre centimètre de peau qui reste. »

L'affirmation d'Eijiro lui arrache un petit rire, tandis que ses orbes de couleur émeraude se pose sur lui. Il peut difficilement contester, alors que ses deux bras, son dos et une partie de sa jambe gauche sont déjà bien remplit par divers gros motifs. Le dernier en date étant cette magnifique fleur dans son cou, qu'il semble affectionner tout particulièrement. 

« - J'peux te poser une question ? 

- Mmh ?

- C'est important pour toi la signification des tatouages ? »

Izuku fronce légèrement les sourcils, et reporte son attention sur la route. Il se mord la lèvre, dans un geste à peine perceptible avant de répondre à la question. 

« - J'pense que chacun fait comme il veut. On dispose de nos corps tels qu'on l'entend. Si on a envie de se faire tatouer une connerie, ou juste un motif parce qu'on le trouve beau, c'est tout aussi important et légitime que de faire quelque chose qui soit représentatif pour nous. 

- C'est vrai.

- Les tatouages ont longtemps été mon propre exutoire. Un des rares aspect que Kai ne contrôlait pas d'ailleurs. J'aimais tout ce que je faisais, j'aimais le fait de pouvoir assumer ma personnalité dans cet aspect-ci. Pouvoir faire ressortir tout ce qui comptait pour moi à travers cet art-ci. J'imagine que ça m'a aidé à me retrouver.

- Comme une thérapie ? »

Le jeune homme pouffe un peu, tout en hochant la tête positivement. Ses mains sont fermement accrochées au volant de cette voiture, qu'il prend tout de même soin de ne pas abîmer, étant donné que ce n'est pas la sienne. Katsuki a beau être doux comme un agneau en sa présence, il ne serait sans doute pas ravi si quelque chose arrivait au véhicule. Et puis, Izuku n'est pas certain de vouloir un jour observer la colère de ce dernier... Un peu trop de risques à son goût. 

« - C'est un peu ça oui. Le tatouage dans mon dos n'a pas spécialement de sens caché. Par contre celui dans mon cou, j'ai demandé cette fleur là en particulier. 

- Des fleurs de chrysanthèmes.

- Je vois que tu t'es renseigné sur le sujet.

- Je me demandais ce que c'était. Et, quand j'ai vu ce que ça représentait, j'ai un peu fais le lien avec ton histoire. Enfin je me trompe peut-être, mais j'ai fait quelques suppositions. J'espère que tu ne m'en veux pas. »

Arrivés à destination, le jeune homme se gare sur un petit parking à l'ombre, et serre le frein à main. Il coupe le contact et respire profondément, tout en se retournant face à Eijiro. Il commence à croire que cette voiture aussi présente une aptitude étrange, puisqu'elle semble être un lieu propice à quelques conversations d'ordre plus personnelles. 

« - Comment je pourrais t'en vouloir Eiji ? 

- Je sais pas, tu pourrais le vivre comme une intrusion dans ta vie, dans ton passé. Ça a déjà été tellement compliqué pour toi d'accepter de nous en parler, j'aimerais pas te braquer en disant une bêtise. »

Kirishima semble confus, et passe une main nerveuse dans sa chevelure, tachant dans le même temps de remettre en arrière les quelques mèches qui lui bloquent la vue. Son expression trahit son angoisse de dire ou faire quelque chose qui n'est réellement pas le bienvenu, et Izuku ne peut faire autrement que se sentir touché par tant de délicatesse et de sollicitude. 

« - Je vais pas me braquer. Si ça va trop loin je te le dirais. Mais pour être honnête...je suis content que toi et Katchan vous m'ayez poussé à parler. C'était vraiment très lourd à supporter pour moi, vraiment quelque chose de très intense. Et je suis pas sûr que ma vie aurait prit le même tournant aujourd'hui, sans votre intervention. 

- Dis pas ça, tu t'en serais sortit. T'es quelqu'un d'incroyable.

- Je ne saurais pas dire. On sait pas de quoi la vie est faite finalement ? Peut-être que j'aurais prit un tout autre tournant. Ça se trouve j'aurais rencontré un millionnaire qui m'aurait épousé, et j'serais en train de me dorer la pilule sur un yacht !

- Va dire ça à Kumo. Elle va être ravie d'apprendre que tu aurais préféré la compagnie d'un mec plein aux as, plutôt que ses douces étreintes devant la télé le soir. »

Ils se mettent à rire ensemble, appréciant l'atmosphère plus douce qui se dégage de cet échange. Eijiro se concentre sur leur réalité, sur ce qu'ils vivent, pour laisser poindre bien loin de lui ce léger pic de jalousie qui pointe le bout de son museau. Il se sent un tantinet contrarié par l'optique de le savoir dans les bras de ce foutu mec riche, qui n'existe pas de toute manière, avant de juste reprendre ses esprits, un peu perplexe devant ses pensées dénuées de sens. 

« - De toute manière, je préfère ce que j'ai ici. Je suis bien avec vous trois, et j'ai la sensation d'être à ma place. Je dis pas que je vais m'incruster à vie, je me doute que toi et Katchan vous avez envie de retrouver votre intimité. Mais en tout cas, pour l'instant je me sens réellement bien. 

- Tu t'incruste pas. T'es à ta place parmi nous. On est devenu une famille finalement, tu crois pas ? »

Le jeune homme à la chevelure ondulante hoche la tête, approuvant ses dires, tout en le gratifiant d'un immense sourire. 

« - Au fait Eiji.

- Mmh ?

- Les chrysanthèmes... C'est bien par rapport à mon histoire oui. On y va ? T'es prêt ? »

Sans trop comprendre ni même réaliser la phrase tout juste prononcée, Eijiro voit seulement Izuku disparaître de la voiture. Il a tout juste le temps de suivre le mouvement, que le musicien est déjà à l'attendre de pied ferme de son côté de la portière, déterminé à la pousser autant que nécessaire. 

« - T'as si peu confiance en moi, que t'es prêt à me pousser au cul comme ça ? 

- T'as supplié Katchan de t'emmener avec lui au travail ce matin pour pas y aller.

- C'est pas un argument.

- Oh que si, et plus que valide. »

Sans attendre, Izuku l'attrape par la main et l'incite à le suivre à travers la rue, après avoir verrouillé le véhicule. Ils traversent ensemble le passage piéton, avant de prendre la direction d'une simple petite ruelle, bordée de quelques boutiques et d'une laverie à la devanture un tantinet vieillotte. Sans doute le genre d'endroit qui est surtout utile pour les étudiants, ou quelques habitués. 

Quelques bâtiments plus loin, ils arrivent enfin à l'enseigne recherchée par Izuku, et quelque peu redouté par Eijiro. Sur la façade totalement peinte en noir, se détachent quelques lettres dans une calligraphie curieusement lyrique qui reste lisible, formant le mot « Genesis ».

Dans la vitrine, une ambiance plutôt fantastique règne, grâce à la présence de quelques statuettes et figurines, le tout dans une décoration vraiment magnifique. Quelques LED passent à travers tout ce fourbi, illuminant certaines zones, et permettant aux passants de s'immerger dans l'univers des deux personnes qui travaillent ici. Une véritable scène de film, ou une maquette gigantesque, happant indubitablement l'attention de quiconque pose son regard ici. 

« - C'est incroyable hein ? Ils ont fait un taf de folie !

- Tu les connais depuis longtemps ?

- Keigo me tatouait déjà avant d'ouvrir son propre shop. Je dirais environ six ans ? »

Sa phrase à peine terminée, il ouvre la porte de la boutique et s'invite à l'intérieur comme s'il était chez lui. C'est peut-être un peu le cas d'ailleurs, parce qu'à peine a-t-il prononcé un mot, qu'un grand gaillard blond sort de derrière un rideau. 

« - Ahhhhh ça fait longtemps sale gosse ! 

- Salut Keigo, comment tu vas ?

- Beh nickel et toi ?? J'attendais de tes nouvelles. Paraît que t'as posé bagage chez quelqu'un !

- J'te présente le quelqu'un en question. »

Izuku s'efface légèrement, de manière à laisser la place à Eijiro qui n'a pas encore eu le temps d'en placer une. Le dénommé Keigo, affublé d'une paire de lunette très rétro aux carreaux jaunies, vient lui serrer la main en souriant.

« - Alors c'est toi le p'tit prodige qu'à recueillit le gamin. Moi c'est Keigo Takami, enchanté !

- Eijiro Kirishima, enchanté aussi. Ouais, il habite avec moi et mon compagnon.

- Et ça se passe bien ? J'suis content de savoir que quelqu'un prend soin d'lui, et qu'il est pas tout seul.

- Oh ?! J'suis pas un chaton abandonné qui avait besoin d'une baraque. »

Les deux garçons jettent une œillade commune au musicien, qui interrompt leur petite conversation. 

« - Ben... C'est pas totalement faux en soit gamin.

- En plus j'aime bien l'image du chaton, ça te va très bien Izu'.

- Allez vous faire voir tous les deux. Même pas cinq minutes de conversation, et vous êtes déjà prêt à vous allier contre moi.

- Quelle drama-queen celui-là. »

Le tatoueur répond en riant, tout en s'approchant d'Izuku, apparemment bien décidé à le taquiner davantage. L'artiste souffle discrètement, plutôt soulagé de voir l'ambiance qui règne ici. La discussion fluide et le caractère sympathique de Takami l'aident à se rassurer. 

« - C'est quoi ce bordel ici ? »

Tournant la tête sur la droite, une seconde personne se présente par la même porte que le tatoueur quelques instants plus tôt. C'est un garçon qui semble dans ses âges, à la chevelure d'un blanc sincèrement parfait, et au regard d'un bleu très profond. Bien que quelques tatouages soient visibles, notamment sur ses mains et avant-bras, il porte surtout des piercing au niveau des oreilles et du visage. 

Sur l'une de ses joues, une cicatrice prend place le long de sa mâchoire, semblable à une brûlure assez conséquente, qui l'aurait marqué à vie. 

« - Regarde qui est venu nous voir Toya.

- Ahh salut Izuku. Comment tu vas ? Heureusement que Shoto nous donne de tes nouvelles hein.

- Ouais désolé, j'ai été pas mal occupé avec l'emménagement, les cours... Mais j'vais revenir te voir vite, histoire que tu me fasse un ou deux piercing de plus.

- Toujours tu viens me voir pour le boulot. T'sais que tu peux passer nous voir histoire de partager une bière ou deux des fois hein. Ah la jeunesse. Et toi t'es qui ? Lâche le garçon en se tournant vers Eijiro. T'es son nouveau mec ? »

Le jeune homme manque de s'étouffer face à cette affirmation, et sent ses joues prendre une teinte pivoine. À côté de lui, Izuku commence à pâlir dangereusement, le tout sous la moquerie évidente de Keigo qui en pleurerait presque à force de rire. 

« - Chéri je te présente Eijiro. Izuku a emménagé chez lui et son gars. Et c'est lui qui va peut-être devenir mon apprenti d'ici quelques semaines. 

- Chéri ? Questionne l'artiste curieux.

- Ouais, Keigo et moi on est ensemble depuis 11 ans.

- Et vous avez quel âge ?

- On a tous les deux 29 ans. La trentaine nous guette. » Répond Toya, sous le regard dépité de son compagnon.

Kirishima approuve, tandis que la conversation commence à défiler sur quelques banalités. Hormis cette passade à peine gênante, durant laquelle il a clairement sentit son palpitant défaillir, tout semble se dérouler pour le mieux. 

Il est indéniable que la présence d'Izuku y est pour beaucoup, et qu'il n'aurait sans doute pas gérer les choses de la même manière dans un contexte différent. Il serait sûrement encore en train de se morfondre dans son coin, à juste rêver de tout ceci comme quelque chose d'inatteignable. 

Entre deux phrases, son attention est retenue par son mobile, lui témoignant la réception d'un message. 

« - Tu viens Eiji ? Je t'accompagne jusqu'à l'espace de travail de Keigo.

- Tu vas me montrer tes pépites mon grand. Izuku en a déjà envoyé quelques unes, mais j'ai très envie de découvrir le reste !

- Je vous suis. »

Eijiro s'engage joyeusement à leur suite, totalement déterminé et avec un grand sourire aux lèvre. Peu importe ce qu'il advient ces temps-ci, et son crâne qui balance entre douze milles sensations. Il se sent bien là, à construire son avenir, avec le sourire d'Izuku pour le rassurer, et ce petit SMS de Katsuki lui rappelant que tout ira bien.

« Tu vas tout déchirer, j'suis tellement fier de toi. Passez une bonne journée tous les deux, j'pense à vous. »

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