Chapitre 14
« - Salut. »
La voix de Katsuki résonne dans la petite entrée, tandis qu'il enlève ses chaussures. Kumo s'empresse d'aller le voir, tout en s'abstenant d'emmener sa laisse, et attend gentiment que le jeune homme soit en mesure de lui accorder un peu d'attention.
« - Salut Kat's. T'as passé une bonne journée ? Ça va ? »
Le blond passe une main dans ses cheveux, et se frotte nerveusement le visage, avant de se baisser à hauteur du husky. Celle-ci fait preuve d'une patience infinie, comprenant que l'humeur de son maître n'est pas des meilleures ces derniers temps.
À genoux, il tapote légèrement ses cuisses pour l'inviter à se rapprocher, et commence à lui gratter la tête ainsi que les oreilles. Le canidé savoure son moment, et se laisse même aller à une petite roulade sur le dos. Le libraire ricane doucement devant son comportement, qui reste une bouffée d'air frais malgré tout, et joue quelques instants en lui frottant vigoureusement l'abdomen.
Puis, après lui avoir fait un dernier bisou, il lui somme de filer plus loin afin qu'il salue un peu mieux son compagnon. Katsuki se rapproche d'Eijiro, qui regarde la scène depuis l'îlot central de leur cuisine, un petit sourire en coin dissimulé sur les lèvres.
Bakugo passe une main dans son dos, et l'attire à lui pour l'embrasser rapidement, avant de lui appliquer un baiser sur la tempe. Il vient ensuite chercher à boire dans le frigo, tout en faisant craquer ses cervicales douloureuses.
« - Journée un peu merdique, et toi ?
- C'est un peu crevant, mais j'suis content d'avoir repris un rythme.
- Tant mieux Eiji. Tu bosses dur j'suis fier de toi.
- Merci. »
Ils se font face, entretenant une conversation à peu près cordiale. Malgré tout, l'ambiance est loin d'être aussi radieuse qu'il n'y paraît. D'ailleurs, Katsuki ne tarde pas à fuir, prétextant d'aller se changer rapidement, pour emmener Kumo en balade.
Eijiro soupire devant cette constatation, un peu inquiet de la tournure des évènements. Bien que le blond ne soit pas un grand bavard, et préfère mille fois sa tranquillité à trop de conversations superflues, il y a tout de même quelque chose qui cloche.
Son comportement n'a rien de normal, et son compagnon y décèle énormément de ressentis qu'il s'applique à taire éperdument.
Toute la situation n'est qu'un vulgaire tas de pourriture immense, qui n'en finit plus de moisir à mesure que les jours passent. Ce bourbier, ce tas de fumier ne cesse de progresser, et ils s'enlisent à l'intérieur sans même parvenir à le contourner.
Kirishima a conscience qu'ignorer les événements n'est pas ce qu'il y a de plus judicieux. Mais il ne sait pas comment amorcer le dialogue, ni comment faire avancer un tant soit peu tout ceci. Les moments d'accalmie sont rares et précieux, entre deux disputes ou étincelles qui planent dans la maison. D'ailleurs, ils ne s'engueulent pas pour une raison spécifique.
Bien au contraire même. N'importe quel sujet, est devenu matière à créer un conflit. Si bien que l'artiste n'ose pas parler des choses qui fâchent, afin de ne pas ruiner les quelques pauvres instants qui survivent tant bien que mal
« - Tu pars déjà ?
- J'vais promener un coup Kumo. Pas longtemps, juste qu'elle se dégourdisse les pattes. Denki passe dans un quart d'heure de ce qu'il m'a dit, j'essayerais d'être là à temps.
- Ok, à tout à l'heure. »
La porte se referme sur le duo sans plus de cérémonies. Katsuki ne l'a pas embrassé avant de partir, ni même taquiné comme il l'aurait fait autrefois. Il s'est contenté d'un petit signe de la main, et d'embarquer le husky, qui est elle aussi moins démonstrative que d'ordinaire.
Leur quotidien ne fonctionne plus du tout comme avant, et leur ligne conductrice semble rencontrer quelques difficultés notables. Depuis trois semaines, soit le moment qui a signé le départ d'Izuku, qu'ils n'ont pas encore eu l'occasion de revoir, les choses ont commencées à sérieusement déraper.
Pourtant, le couple a eu une discussion à ce sujet. Ils sont à peu près tombés d'accord sur le fait que le timing était très bon, et qu'ils pourraient de nouveau se concentrer sur eux-même. Retrouver leur rythme d'avant, leur fonctionnement à deux et cette forme d'intimité qu'ils ont cédés, pour faire une place à Deku dans leur organisation.
Après tout, les choses évoluent pour chacun. Katsuki vient d'avoir une promotion, Eijiro est officiellement apprenti dans le shop de Toya et Takami. La fin de cette colocation coïncide avec l'avancée de leurs carrières respectives et de leur situation.
Suite à un léger temps d'adaptation, les choses auraient dû fonctionner à merveille. Ou du moins, retrouver un mouvement fluide qui leur est propre. Même Kirishima, qui était tout de même le plus réticent et réfractaire à voir partir Izuku, a fini par se ranger du côté de son conjoint. Peut-être que tout est mieux ainsi, et qu'il doit uniquement se concentrer sur la préservation de son couple, plutôt que de courir après des chimères.
Malgré tout, les premiers matins furent tout de même complexes à appréhender, parce qu'ils savaient que dans ce silence qui régnait, il n'y avait pas un départ qui allait être comblé avec un retour le soir. La chambre était, et restera définitivement vide.
À tout ceci, il a fallu ajouter les réactions de husky, qui a été inconsolable les premières nuits. Kumo grattait à la porte du musicien continuellement, et aucun de ses maîtres n'a été en mesure de savoir quoi faire pour la calmer. Ils ont fini par laisser la pièce ouverte constamment, et le canidé à fait du lit son tout nouveau panier, refusant d'en partir sauf pour se nourrir et se balader.
Cela n'aurait pourtant dû être qu'une courte étape de transition. Une simple période, nécessaire pour revenir à leur fonctionnement à deux. Juste le temps de quelques jours, de façon à ce que le manque s'efface, et que la nostalgie soit moins rude à supporter.
Suite à cela, tout aurait définitivement laissé place à de nouveaux projets. Une reprise en main du contrôle de leur vie, avec la volonté de décider à ce qu'ils vont faire après. Parce qu'ils ont encore toute une vie à construire, tout un monde qui leur appartient à explorer, pour en connaître les moindres recoins.
Eijiro aurait réellement souhaité que les choses se déroulent de cette manière. Il semblerait pourtant qu'ils n'ont pas la main mise sur leurs ressentis, et que tout soit plus compliqué que ce qu'ils imaginaient.
Parce que l'amertume et la morosité n'ont jamais vraiment quitté les lieux, et se sont contentées de s'installer à la place d'Izuku. Et si le musicien apportait joie, bonheur et légèreté entre ces murs, ça n'a pas été le cas de ces invitées imprévues, qui ont rendu le tout carrément invivable.
Ils évoluent sur un champ épineux. N'importe quelle broutilles s'interposant, peut causer un moment assez infernal à supporter. Si bien que les instants de proximité entre eux commencent à être moindre, si ce n'est pratiquement inexistant.
Eijiro peut compter sur les doigts d'une main leur interactions dans une seule journée, et ne sait plus comment gérer la situation. Katsuki est renfermé sur lui-même, bougon et râle bien plus que d'ordinaire. Des aspects qui ne devraient pas l'inquiéter en temps normal, mais qui semblent porteuse de tant de choses qu'il tait, les laissant cloîtrées dans une pièce au plus profond de son cœur.
Combien de temps vont-ils encore tenir, avant que tout ne leur explose violemment dessus, et que plus rien ne soit rattrapable ? Et par où commencer pour gérer ceci ? Mais surtout...savent-ils encore exister, sans la présence d'Izuku, qui leur paraît presque comme indispensable désormais ?
Eijiro soupire, le regard encore porté sur cette fichue porte d'entrée, qu'il n'a pas cessé de fixer. Toujours accoudé à ce plan de travail, avec sa tasse devant lui, dont le contenu est désormais plus que froid.
Tout le plonge dans un état léthargique profond et sincèrement désagréable. Il n'arrive pas à s'en délester, ni même à trouver un moment de répit, pour reprendre un peu d'énergie. Rien ne le sort de ses pensées acerbes et noircies.
Katsuki lui manque, tout comme Izuku. Il a la sensation d'avoir tout perdu, juste en regardant l'un d'eux s'éloigner de cette routine plaisante et réconfortante, qu'ils ont mise en place durant les quelques mois qui ont constitués leur colocation.
Il ne peut plus dénombrer le nombre de fois où il s'est réveillé au beau milieu de la nuit, à chercher la chaleur du musicien, et ces étreintes qu'ils partageaient tous les trois, alors qu'il ne s'agissait que de quelques rêves venant le narguer.
Et il commence à se dire qu'ils ont peut-être simplement fait une erreur, en laissant Izuku partir d'ici. Même si rien ne lui assure que cette attirance était réciproque entre eux trois, il se donne vaguement la sensation de ne pas s'être assez battu pour quelque chose qui a une réelle valeur, et une certaine importance.
Kirishima connaît assez son compagnon, pour savoir que cet aspect le pèse bien plus qu'il ne veut bien l'admettre, et que l'absence de Deku lui a laissé un vide monumental au creux de la poitrine. D'ailleurs, il n'en veut aucunement à Katsuki d'être traversé par ce genre de sentiment. Après tout, il les comprend mieux que personne, puisqu'il se sent lui aussi partiellement abandonné.
Soudainement ramené à la réalité, Eijiro se rend compte que quelqu'un tambourine activement à la porte. Certainement Denki, puisque Bakugo a pris ses clés en partant.
Il s'avance jusqu'à elle, sérieusement agacé par son comportement, et se rend compte qu'il a une furieuse envie de lui râler dessus alors qu'il n'est pas encore dans la même pièce que lui.
C'est peut-être même encore pire, lorsque le blond le salue et s'avance dans l'entrée, en lui faisant remarquer sa mine de déterré.
« - T'as une sale gueule Eijiro.
- Ouais salut à toi aussi crétin.
- Ok, t'es définitivement pas bien toi. »
Il est vrai que cela ne lui ressemble pas de l'envoyer sur les roses ainsi. Mais il ne peut pas vraiment se retenir, déjà bien trop éprouvé par son manque de sommeil et l'ambiance morne qui règne en maître dans son domicile. Alors des blagues de mauvais goûts, et dénuées de tout humour, il n'a pas la force de les accueillir pour le moment.
« - Il est pas là Katsuki ?
- L'est dehors avec Kumo. Ils vont pas tarder à rentrer. »
Tout de même surpris, Eijiro relève le regard vers la pendule et constate l'heure avec effarement. Il vient de passer une bonne demi-heure à regarder le vide, en réfléchissant infructueusement à son quotidien, et la tournure que va prendre sa vie, qui commence légèrement à lui échapper.
Vraiment, rien ne va plus.
« - T'es sûr que ça va ?
- Ouais ouais... Et toi ? Tu veux boire un truc ?
- Oui tranquille. Un café j'veux bien. »
Kaminari lui emboîte le pas, le suivant gentiment jusqu'à la grande cuisine ouverte. Eijiro s'excuse en bougonnant des quelques affaires qui traînent, râlant de ne pas avoir pu ranger et faire le ménage comme il le voulait.
Eux qui sont pourtant toujours très soucieux de ça, et qui avaient une organisation au carré autrefois. Même cet aspect semble leur échapper de manière sournoise. Il lui fait rapidement sa boisson, la postant juste devant le jeune homme, qui vient de prendre place sur l'un des tabourets qui bordent l'îlot central.
« - Kat's m'a pas dit pourquoi tu voulais passer ?
- J'ai pas le droit de demander à venir voir mes potes ?
- Mais si couillon. Je pensais juste qui avait une raison particulière. »
Denki prend une gorgée de café, et repose son mug presque aussitôt. Son visage se couvre d'une expression soucieuse qui soulève quelques questions chez Kirishima. Il le connaît depuis suffisamment longtemps maintenant, pour savoir que quelque chose traverse son esprit, et que sa visite n'a rien d'une banale coïncidence, ou une envie subite de prendre un verre chez un copain.
Le blond est venu avec une idée bien précise en tête, ou du moins une information à communiquer.
« - Ben...
- Qu'est-ce qui se passe ?
- J'voudrais bien vous parler d'un truc effectivement, mais pour ça je- »
Leur échange est rapidement coupé, avant que la partie principale ne soit abordée. En effet, Katsuki vient tout juste de passer la porte, avec un husky visiblement surexcité, qui est ravi d'avoir pu faire un petit tour. Le libraire lui sourit gentiment, tout en lui retirant son attirail utile à la promenade, et la laisse partir dire bonjour à leur invité surprise.
« - Salut Denki. Désolé j'reviens plus tard que prévu, elle s'était barrée dans les champs à côté de la forêt. J'crois qu'elle avait besoin d'air.
- T'inquiète Kat's, Denki vient juste d'arriver.
- Salut Katsuki.
- J'reviens. »
Il part dans le couloir, une nouvelle fois, toujours sans leur adresser une parole supplémentaire. Sérieusement piqué et attristé, Eijiro mordille sa lèvre inférieure, en réfrénant un sanglot qui l'assaille et borde sa trachée. Il déteste cette distance, il hait profondément cette ambiance, il abhorre cette souffrance qui s'est immiscée dans son cœur, pour rendre douloureux le moindre de ses battements.
« - Mais ? Ça va pas entre vous ?
- Disons que c'est pas la grande forme, et qu'on a connu des jours meilleurs.
- C'est ce que je constate oui. C'est rare de vous voir si... Ben... Pas vous quoi.
- Merci Denki pour cette remarque pertinente.
- Arh ça va excuse moi. Tu sais que j'suis pas très doué pour ce genre de truc. Mais je le vois que ça a l'air tendu, et ça me fait de la peine pour vous. »
Kirishima sait que ses paroles sont sincères. Leur ami n'est pas du genre à s'encombrer de sentiments superflus, ni même à se prendre la tête sur des choses qui ne lui importent pas. Il n'a pas forcément les mots adéquats, mais reste à l'écoute et sincèrement compatissant lorsque cela s'avère nécessaire et utile.
Et l'artiste doit bien avouer que cette sollicitude le touche et l'aide à respirer un peu. Il a un peu de mal à toucher terre ces derniers jours, et ce soutien est vraiment ce dont il a besoin dans l'urgence, histoire de ne pas se vautrer complètement.
« - Merci Denki. Ça me touche beaucoup.
- Mais de rien.
- Il se passe quoi ? Questionne Katsuki, qui vient tout juste de réapparaître.
- On parle juste de ce qui se passe ces temps-ci. »
Katsuki hoche la tête, sans trouver quoi répondre. Il s'adosse à l'un des meubles, presque contre l'évier, et fixe étrangement ses doigts sans parvenir à s'en détacher.
Son esprit est totalement volatile, dénué de raison ni même d'une quelconque capacité à faire le tri dans tout ce qui se présente à lui. La moindre information est une barrière insurmontable, et parfois il se demande même à quoi cela lui servirait de réfléchir.
Le jeune homme se sent totalement au bout du rouleau, et pris d'une neurasthénie continuelle, qui ne lui fiche jamais la paix. Tout est dénué de sens, de saveur, ou d'intérêt. Il se sent brisé, sans même en comprendre la raison.
Pourtant il essaye, du plus profond de son âme et de toutes ses forces. Parce qu'il voit les effets désastreux de son état de déprime sur son couple, et sur son conjoint, qui essaie laborieusement de garder les choses intactes. Alors, en plus de tout le reste, Katsuki culpabilise sans discontinuer, ne sortant jamais de ce ressenti lourd et pesant, qui est ancré dans son esprit.
Il a plusieurs fois eu presque envie de pleurer, tant cette période s'avère éprouvante au possible. Lorsque son regard se pose sur Eijiro, qui souffre tout autant de ce moment complexe, ses pensées s'emmêlent et tout prend une tournure délicate. Il se sent si coupable de réagir ainsi.
Mais comment pourrait-il consoler Kirishima, alors que son propre palpitant s'est disloqué ? Il a l'épouvantable sensation d'être en deuil d'une relation qui n'a jamais existé, ou du moins, d'une histoire à laquelle ils n'ont pas accordé l'attention qu'elle méritait.
Katsuki le souhaite plus que tout, de pouvoir reprendre le dessus, et venir en aide à son conjoint. Seulement, rien n'y fait, rien ne semble possible dans cette configuration. Il est juste là, tel un être pathétique qui subit le manque, dans la totalité de ses cellules et dans chaque particule constituant sa personne. Et puis, quand le système se réveille soudainement, le contrôle entier de cette machine sophistiquée lui échappe pleinement. Il se retrouve totalement irrité pour le moindre détail, et prêt à exploser au moindre écart. Avec pour seule pénitence sa culpabilité, lorsqu'il sort de ses états de colère, en constatant seulement l'étendue des dégâts.
Tapant sa paume de main sur le bois clair du meuble, Denki ramène ses camarades à la réalité, alors qu'il essaye d'amorcer un semblant de conversation depuis déjà cinq bonnes minutes.
« - BON !
- T'es malade ! Tu m'as fait peur ! Grogne Katsuki sans douceur.
- Faut qu'on parle sérieusement. Et ça fait trois fois que je vous cause et que vous m'ignorez ou que vous m'entendez pas. Donc oui je m'impose. Si ça te pose un problème, j'en ai absolument rien à cirer.
- Mais qu'est-ce qui t'arrive ? Bougonne Eijiro.
- Sérieusement ? C'est à moi que vous posez la question ? »
Le couple fronce les sourcils à l'unisson devant cette attitude tout bonnement surprenante. Ils se jettent une œillade mutuelle, avant de reporter leur attention sur Kaminari, qui semble arriver à bout de patience.
« - Regardez-vous juste deux petites minutes. Vous vous adressez à peine la parole, et on dirait que vous avez pas dormi depuis trois mois tellement vous faites peur à voir. Si je suis venu, c'est parce que j'avais des soupçons sur certaines choses, mais je m'attendais pas à ce que ce soit à ce point-là.
- Des soupçons ?
- Ouais Eiji. Vous avez pas répondu à un seul message ou quoi que ce soit, et depuis le déménagement d'Izuku on est assez inquiets pour vous.
- Je vois pas pourquoi vous êtes inquiets, poursuit Katsuki. Y a strictement rien à en dire. Il est parti, on fait tous notre vie. »
Denki sourit discrètement, avant d'être parcouru d'un léger gloussement qu'il ne parvient pas à réfréner. Cette réaction fait réagir le libraire, qui commence à être sérieusement agacé. Sa mâchoire se crispe grandement, tandis que ses bras se croisent sur son torse, dans un geste qui se veut pourvu d'une certaine forme de contrariété.
« - J'peux savoir ce qui te fait marrer ?
- Le fait que tu essayes lamentablement de te convaincre de ce que tu dis peut-être ? C'est sérieusement risible, et c'est pas de vous que je me moque là. Juste...à quel point vous êtes aveugles au juste là ?
- Merde t'arrête de tourner autour du pot là !? Lâche Eijiro, sérieusement à bout de nerfs.
- Voilà, c'est typiquement de ça que je veux parler. Ça te ressemble carrément pas d'être comme ça. Et ça ressemble pas non plus à Kats de t'ignorer à moitié, ou de laisser votre couple de côté. En fait...Je pense que vous avez même jamais été plus vous-même qu'à l'époque où Izuku vivait ici. »
Il n'y a que le silence pour lui répondre, tandis que Katsuki ronge sincèrement son frein. Kirishima, quant à lui, inspire difficilement, apparemment peu prompt à encaisser ce qui est en train d'être énoncé.
« - On a tous vu ce qui se passait. Et je sais pas dans quelle mesure vous l'avez vécu de votre côté, mais je crois que vous passez vraiment à côté de quelque chose. Vous êtes tous en train de pâtir de la situation.
- Tous ? »
Eijiro est incapable de terminer sa phrase, soudainement inquiet de ce qu'il annonce. L'attention de Katsuki est également piquée, l'incitant à redresser la tête en direction de leur invité.
« - J'arrive de chez Izu. Et Shoto y a passé pas mal de temps ces derniers jours.
- Est-ce qu'il va bien ? »
Denki fait une petite moue, sans réellement apporter de réponse à leur question. Le couple s'accorde un énième regard, et dans leurs prunelles respectives se dessine de nombreuses émotions. Une foule d'angoisse et d'affolement, ainsi qu'un monticule de tristesse, rejoignant ce qu'ils possédaient déjà.
« - Il compte pour vous, n'est-ce pas ?
- C'est pas... Commence Katsuki.
- C'est pas quoi ? Pas ce que je crois ? Vous croyez que j'en ai quelque chose à faire que trois de mes potes soient tombés amoureux les uns des autres ? Que leur colocation se soit transformée en une relation à la fin, tout ça sous leurs yeux ? »
Le duo face à lui reste désespérément silencieux, ignorant sans doute quoi répondre à tout ceci.
« - Ce qui me sidère c'est que vous avez rien vu, alors qu'on a tous remarqué qu'il se passait un truc au barbecue. Absolument tout le monde le sait, et vous...vous vous êtes mis des putains d'œillères. »
Denki a conscience qu'il n'est pas très délicat, et qu'il n'y passe pas par quatre chemins en s'énonçant de la sorte. Mais il ne peut pas laisser les choses en suspend indéfiniment, et laisser ses trois plus proches amis foncer à ce point dans le mur.
La situation prend une tournure qui menace de les rendre profondément malheureux, et il n'a pas peur de devoir secouer un peu l'arbre pour gérer les évènements. Si c'est ce qui est nécessaire, alors il se remonte les manches sans même sourciller.
« - J'aimerais vraiment être désolé de vous parler comme ça. J'vous jure les gars. Et je viens pas foutre en l'air votre relation ou vous dire comment la gérer. Ça vous appartient complètement. Mais vous devez vous rendre compte que certaines choses ont changé et qu'Izuku a pris une place dans votre quotidien. On en a tous été témoins à plusieurs reprises. Vous partagez bien plus qu'une petite amitié banale avec lui. Il a fait des choses avec vous, qu'aucun d'entre nous n'a jamais faites. Il a pris une place dans votre vie, qui sort complètement d'une banale relation amicale.
- Et on est censés faire quoi ?
- Déjà, commencer par vous rendre compte que c'est réciproque ? »
Eijiro sent son souffle se couper, tandis que Katsuki sent vaguement quelques larmes border son regard.
« - Il est fou amoureux de vous deux. Mais pour plein de raisons, il a préféré s'effacer. Réaction que Shoto et moi on a jamais approuvée d'ailleurs.
- Il est...
- Ouais putain Katsuki ! Il vous aime merde ! »
Le jeune homme se lève de son assise en soupirant, tout en avisant l'heure sur sa montre. Il passe ensuite une main dans ses cheveux, secouant cette étrange mèche noire qui s'y est incrustée quelques années en arrière, avant de regarder ses amis une dernière fois.
« - Je sais pas ce à quoi vous avez réfléchi, ni même comment... Mais fallait que vous sachiez ce qui se passe et que quelqu'un vous dise les choses.
- Attends Denki...
- Quoi Eijiro ?
- Comment il va ? »
Denki presse ses lèvres entre elles, tout en réfléchissant à la tournure de sa phrase. Il finit par aviser son camarade, en essayant de ne pas paraître pessimiste.
« - Il va pas bien du tout. Ça fait plusieurs jours qu'il ne va pas au travail, et qu'il a le moral au plus bas. Shoto essaye de lui faire remonter la pente...mais c'est difficile.
- Putain...grogne Katsuki.
- Je sais pas ce que vous avez à l'esprit. Mais vous devriez au moins avoir une conversation tous les trois. Vraiment. »
Il se dirige vers l'entrée, après avoir gratifié Kumo d'une gratouille sur la tête en souriant.
« - J'suis désolé, je peux pas rester, je suis attendu. Mais réfléchissez à tout ça, et... Je sais pas. Rendez vous compte de certaines choses. »
Il part, sans attendre une quelconque réponse. Sans doute sait-il que c'est totalement inutile en cet instant, et qu'ils doivent faire mûrir cet échange dans leurs esprits, afin d'emmagasiner tout ce qui vient d'être dit.
Eijiro, quant à lui, se retourne instinctivement en direction de Katsuki. Celui-ci l'avise de son regard larmoyant, sans parvenir à formuler un seul mot. Il finit par se redresser, et s'avance en direction de Kirishima, qu'il enferme entre ses bras.
Le blond se réfugie dans cette étreinte, et surtout place sa tête au creux de son cou, en laissant pour la première fois évacuer ce trop-plein qui l'étouffe. L'artiste se mord violemment la lèvre, en le gardant tout contre lui, réfrénant tant bien que mal sa propre douleur pour accueillir celle de son compagnon.
Ils sont tous les deux perdus et attaqués par ces nouvelles imprévues. Et, tandis qu'ils restent l'un contre l'autre, sous le regard compatissant de leur husky, Eijiro murmure difficilement quelques mots, témoignage de leurs ressentis.
« - Mais qu'est-ce qu'on a fait bordel... »
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