Chapitre 13
La maison est étrangement calme.
Malgré l'agitation qui y règne, un silence assez dérangeant plane sur les lieux. Personne ne parle réellement, ni même n'ose amorcer un semblant de conversation. Même Kumo a fini par abdiquer, sentant que l'atmosphère est bien différente de celle qu'elle a pu connaître jusqu'à maintenant.
Une certaine froideur s'amuse à circuler entre les murs, alors que l'été a déjà pris ses droits au-dehors. Un paradoxe assez infernal, qui glace l'esprit de tous ceux qui évoluent dans la bâtisse. Juste quelques phrases de courtoisie se font entendre ici et là, au détour d'une question vitale pour la suite des évènements.
Izuku ne sait pas quoi faire de plus, ni comment appréhender les choses autrement. Il ploie lui-même déjà suffisamment sous la force de ses propres ressentis, qui le torturent amplement. Dans son crâne, tourne encore en boucle ce moment décisif. Lorsqu'il a exprimé son intention de déménager d'ici, et comment cette nouvelle a été accueillie.
Bien que cela s'avère beaucoup plus précipité que prévu, le musicien reste pragmatique : il fallait bien que cela arrive à un moment ou un autre. Cette étape, ce n'est que la suite logique de ce qui a toujours été mis en place entre eux. Ce qui résidait dans cet accord régissant leur colocation particulière.
Cependant, les garçons ont quelque peu sourcillé en entendant son désir de faire ses cartons et partir. Ils ont tenté de discuter avec lui, et de lui expliquer que rien ne pressait, qu'il pouvait encore rester plusieurs mois si nécessaire. Mais le jeune homme ne leur a pas laissé terminer, leur expliquant qu'il revenait tout juste d'un rendez-vous, où il avait signé pour le bail d'un appartement.
C'est à l'autre bout de la ville, bien loin de son lieu de travail, et dans un quartier peu sympathique. Loin du cadre idyllique dans lequel il vivait jusqu'à présent, dans ce lotissement plaisant et verdoyant. Mais surtout, c'est un endroit dans lequel il va devoir habiter seul.
Malgré les conditions assez peu plaisantes réunies dans ce logement, Izuku n'a pas réfléchi très longtemps avant de signer. Dans sa tête, sa décision était déjà actée et il ne pouvait plus revenir en arrière. Rien ne saurait le détourner de ce qu'il a décidé ce jour-là, celui-là même où il a appelé Shoto en pleurs, pour finalement lui expliquer tout ce qui se produisait dans son quotidien.
Son meilleur ami a bien évidemment tenté de le dissuader, lui expliquant patiemment de ne pas agir sur un coup de tête, et de bien réfléchir à ce qu'il était sur le point de faire. Todoroki connaît assez son camarade, pour savoir ce qui peut bien se produire entre ses neurones, dans son cheminement de réflexion. Et ça ne l'a tristement pas plus surpris que ça, de le voir s'éloigner avec l'intention de prendre le large.
Il ne peut décemment pas affirmer que cela ne l'inquiète pas pour autant, de le voir mettre tant de distance entre lui et le couple, qui semblait pourtant être devenu un point d'ancrage non-négligeable de sa vie. Mais rien à faire, peu importe les mots ou les phrases dites. Izuku l'a embarqué avec lui, pour visiter de multiples habitations véritablement peu affriolantes, afin qu'ils choisissent la moins catastrophique de toutes.
« - Tiens Deku.
- Mais c'est ton album collector d'All Might ? L'édition des 10 ans ?
- Prend le. Cadeau. »
Izuku se mord légèrement la lèvre, réprimant difficilement ce sanglot qui l'assaille un peu trop fort. Il ne doit pas craquer, pas maintenant. Ses cartons sont pratiquement terminés, et ses amis débarquent dans une petite heure maintenant, afin de l'aider à acheminer ses affaires jusqu'à son nouveau lieu de vie.
La manœuvre est malgré tout plus difficile que tout ce qu'il a pu imaginer. Il tient cependant bon, s'accrochant fermement à la conviction qu'il vient de faire le bon choix. Et certainement sauver cette amitié précieuse qui lui tient tant à cœur. Il préserve également ce couple, qui n'a pas besoin d'un poids dans leur vie. Eijiro et Katsuki ont suffisamment à faire, avec la construction de leur avenir, et les projets qui régissent leur existence.
L'un des deux se voit offrir une promotion intéressante dans sa boutique, lui permettant de gérer tout le secteur auquel il avait déjà été attribué auparavant. Tandis que le second change de branche, pour s'ouvrir à un tout nouveau champ, professionnellement parlant. Ils avancent, se poussant mutuellement, et cette progression leur appartient, à eux et eux seuls.
Il n'a pas à s'interposer, et aurait même dû s'activer bien avant, pour leur redonner ce qu'il a pu leur retirer, en s'immisçant à ce point dans leur intimité.
Alors, tant bien que mal, il réprime sa peine en attrapant le livre que lui tend Katsuki. Celui-ci sourit faiblement en guise de réponse, et n'attend pas plus pour détourner le regard afin de retourner à son propre colis qu'il referme sans douceur.
Le blond a beau y réfléchir continuellement, il ne parvient pas sincèrement à déterminer d'où vient cette montagne de ressentis, qu'il n'arrive absolument pas à démêler, et ce malgré ses efforts acharnés. Il a pourtant essayé, durant de très longues heures, pendant les quatre jours qui viennent de s'écouler. Il ignore si Deku a fait exprès de les prévenir à la dernière minute de son départ, mais cette constatation l'a profondément blessé, s'il est complètement honnête avec sa propre personne.
Sans doute parce qu'il n'a pas eu le temps de se préparer mentalement à l'idée de ne plus le voir entre leurs murs, et que cette chambre va désormais être vide. Le couple se retrouve devant le fait accompli, tout bonnement obligé d'accepter que ce brin de vie et de folie qu'Izuku apportait avec sa présence, va s'envoler soudainement.
Est-ce qu'ils se souviennent seulement d'à quoi ressemblait leur quotidien avant son arrivée ici ?
Pourtant, accompagnant ce petit morceau de rage, le libraire ne peut réprimer ce soupçon de soulagement qui pointe le bout de son nez. Le timing de cette décision, coïncide parfaitement avec la discussion qu'ils ont partagé avec Eijiro, apaisant ainsi leurs angoisses, et les confortant dans l'idée que rien ne doit changer.
Même s'il culpabilise de ressentir ceci, et que tout un tas d'autres sentiments contradictoires s'amusent à s'ajouter à cette liste, qui était pourtant déjà bien longue.
Malgré tout, savoir qu'Izuku part, est peut-être d'un côté la solution ? Le fait de se rendre compte de son attirance envers lui, était déjà un pas énorme, qui lui a coûté beaucoup. Il ne peut pas nier ce besoin d'être proche de lui, qui résonne entre ses côtes de manière prononcée, et cette irrésistible envie de l'embrasser, qui s'est fait omniprésente à de nombreux moments.
Parce que c'est incontestable. Katsuki a eu de nombreuses fois envie de connaître le goût de ses lèvres, et de le garder définitivement auprès d'eux deux, comme ça pouvait être le cas jusqu'à maintenant. Et si reconnaître son écart était déjà une chose, l'admettre auprès d'Eijiro était une toute autre histoire.
Son apaisement a été si fort, quand son conjoint lui a exprimé son propre béguin à l'égard d'Izuku, qui semblait aller de paire avec sa propre flamme. Même s'ils ignoraient quoi faire tous les deux avec cette information commune. Celle que quelqu'un d'autre leur plaît, et tout ceci de manière si inéluctable et déraisonnée.
Ils n'ont pas eu beaucoup de temps pour y réfléchir cela dit, puisque la confession de leur colocataire est tombée au même instant, telle une sentence inévitable. Un coup de massue assez violent, dont ils ne soupçonnaient pas la venue, et contre lequel ils ne peuvent s'opposer.
Et, bien qu'ils aient tenté de l'en dissuader, le blond n'a pu s'empêcher de percevoir ceci comme un signe. Les choses doivent peut-être simplement tourner ainsi. Cela ne sonne pas pour autant la fin de leur amitié, qu'il espère continuer à voir proliférer à travers le temps. Comme celle qu'il peut partager avec cette troupe, qui s'incruste chez eux de temps à autre, où qu'ils retrouvent pour boire un verre de temps en temps.
Mais c'est sûrement plus sain pour eux, que cela s'acte de la sorte. Izuku va avoir son propre espace, et son couple va retrouver son intimité, chose dont ils doivent cruellement manquer, pour s'être éparpillés ainsi.
« - Doucement Kumo, lâche Katsuki d'une voix curieusement calme. Je t'emmène en balade dès que j'ai fini ça. »
Le canidé continue cependant de pleurer, certainement pas insensible à ce qui est en train de se produire. Elle aussi s'est profondément attachée à ce jeune homme, qui est sur le point de passer les portes, pour ne plus revenir.
Du moins, pas de la même manière que jusqu'à maintenant. Il n'aura plus les clés, ne la nourrira plus, ne la baladera plus qu'à d'éventuelles occasions. Elle ne pourra plus aller se blottir contre lui les soirs d'orage, ou juste veiller sur ce trio qu'elle affectionne plus que tout, quand ils s'endorment devant un film.
Et le husky ne s'est pas gêné pour leur faire comprendre que cette perspective lui déplaît totalement, et qu'elle n'est pas du tout en accord avec ce qu'ils ont décidé, sans la consulter. Alors la voilà, qui parade entre eux trois, à grogner sur chaque carton qui se met en travers de son chemin, et qui fait son petit regard larmoyant envers Izuku, comme si cela pouvait s'avérer être suffisant pour le faire changer d'avis.
Le garçon la fixe gentiment, réellement soucieux de la manière dont elle peut percevoir les choses. Ce n'est pas un abandon, en aucun cas. Il a d'ailleurs d'ores et déjà demandé la permission aux garçons, pour venir de temps en temps la promener, et jouer avec sa partenaire de bêtises, qui lui manque déjà trop.
« - Boude pas Kumo. Je pars pas pour toujours.
- Tu lui manques déjà, murmure Eijiro. Va lui falloir un p'tit temps d'adaptation.
- Je me doute...Je suis désolé.
- T'excuse pas Izu. C'est normal que la séparation soit compliquée. On a beaucoup partagé tous ensemble. »
Izuku hoche la tête, soulagé du ton compatissant d'Eijiro, qui semble décidé à briser l'ambiance glaciale qui règne encore dans la maison.
Pourtant, l'artiste n'en mène pas large, et retient bien des choses pour lui derrière son sourire angélique. Lui aussi aurait aimé que les choses perdurent encore quelque temps. Il n'appréciait déjà pas grandement les changements d'habitudes qu'ils ont rencontrés en l'espace de quinze jours, avec cette distance soudaine. Alors l'idée d'un départ sonne comme une répercussion un peu trop forte et violente.
Une fausse note sur cette partition, celle relatant la mélodie de leur histoire. Malheureusement, Eijiro n'a pas vraiment de quoi s'imposer, pour inciter Izuku à rester. Déjà parce qu'il est totalement légitime de la part de leur colocataire de vouloir autre chose, et que son besoin de le voir résider ici ne relève que d'une pulsion égoïste. Une envie purement faussée par ces relents d'affection, qui s'accrochent désespérément à son âme, déformant sa vision des choses et cette réalité dans laquelle ils évoluent.
De plus, Katsuki s'est rapidement résigné lors de l'annonce. S'il a réagit au premier abord, en grognant et fronçant les sourcils, comme quand quelque chose le contrarie, son attitude s'est rapidement tassée. Comme s'il renonçait dès ce moment-là, à cette présence.
Au vu de la confession qui venait d'avoir lieu, et des arguments bancals qu'il détenait pour le pousser à rester auprès d'eux, Kirishima a fait le choix de se taire et de contenir sa déception grandissante.
Depuis, il essaye tant bien que mal de faire la conversation entre eux tous, à travers ce silence inhabituel qui a décidé d'emplir la bâtisse. Les quatre jours précédents ont paru en durer au moins douze, tant tout ceci fut éprouvant au possible.
« - Eh...ça va le faire pour ce soir Izu ? T'as besoin qu'on t'aide pour le reste ?
- Shoto et Denki m'ont pas mal aidé ces trois derniers jours déjà. J'ai le plus gros en termes de meuble qui est déjà installé. Et il me reste plus qu'à emmener les cartons là.
- T'oublieras pas de faire une pendaison de crémaillère, histoire qu'on fête ton emménagement hein. Ça nous donnera une excuse pour venir squatter chez toi.
- Pas besoin d'excuse, vous êtes toujours les bienvenus dans tous les cas. »
L'expression d'Izuku se veut rassurante et joyeuse, bien qu'elle soit fort éloignée de son rayonnement habituel. Et cela ne passe pas inaperçu aux yeux du couple, qui a appris à décoder la moindre de ses mimiques, durant ces quelques mois qu'ils ont vécu ensemble.
Ainsi, ils devinent aisément qu'il ploie sous une montagne d'inquiétude et d'angoisse, semblable à ce qu'il vivait autrefois, lors de son arrivée ici.
Katsuki s'approche de lui, après avoir posé un carton sur une pile d'autres, et pose sa main sur une de ses épaules dans un geste d'une bienveillance extrême. Eijiro observe la scène, en se retenant de dire quoi que ce soit. Il voit, dans le regard de son compagnon, ce désir de délester le musicien de cette horde de négativité qui l'assaille.
« - Le nerd ?
- Mmh ?
- Est-ce que ça va aller ?
- Ouais c'est juste... J'ai pas vécu tout seul depuis...
- Ton ex ? »
Le garçon hoche la tête positivement, tout en avisant ses affaires qui s'empilent dans un coin de l'entrée, à attendre d'être transporté dans son nouveau domicile. C'est un changement énorme qui s'opère pour lui, porteur d'une nouveauté effrayante bien évidemment.
« - Y a pas de raison que ça n'aille pas. Deku t'es quelqu'un de vraiment fort et courageux. T'as déjà affronté le pire là, tu t'en rends compte ? T'es libre, totalement libre de ce mec, et libre de faire ce que tu veux de ton existence.
- Tu crois Katchan ?
- Ouais bien sûr ! Et si ça pose un problème à quelqu'un, nous on est là. Que ce soit moi et Eiji, ou même encore tes potes. Todoroki et l'autre pile électrique sont présents eux aussi. T'as une horde de monde prêt à partir en guerre pour toi. Tu seras jamais seul en fait. T'as pas à t'en inquiéter. »
Le regard d'Izuku se borde de quelques larmes devant un tel discours. Les mots qui sont prononcés à son égard le touchent sincèrement. Il n'imaginait pas que des gens puissent faire preuve d'autant de bienveillance auprès de sa personne, après le calvaire qu'il a enduré pendant des années.
Malgré la présence de Shoto vers lui, et de Sero son compagnon, ainsi que de Denki. Il a continué de douter d'absolument tout. Alors qu'il n'y avait pas matière à le faire, et que les choses sont réelles, fortes et incroyables.
Personne ne lui a lâché la main, à aucun moment.
Cependant, quelques mots tournent en boucle dans son esprit, s'imprimant durement dans sa mémoire et heurtant profondément son cœur.
« T'es totalement libre de faire ce que tu veux de ton existence. »
Rien n'est plus faux que cette affirmation. Parce que s'il était réellement libre, Izuku choisirait d'aimer ces deux garçons. Sans aucune hésitation même.
Son attirance pour eux continue de pulser dans son crâne, et de résonner dans sa cage thoracique. Tout son être vibre d'amour pour eux, qui lui ont tant offert en lui ouvrant leur porte, ainsi que leurs bras parfois, lorsque cela s'avérait nécessaire. Oui, s'il avait le choix, il préférerait passer l'éternité au creux de leur étreinte, à découvrir tout ce qui lui est interdit de savoir les concernant, juste parce qu'ils ne sont pas tous les trois ensemble.
Izuku donnerait tout ce qu'il possède, tous ses biens les plus précieux, afin d'avoir le droit d'être amoureux comme n'importe qui d'autre. Que la chance lui sourie enfin, ou au moins sa bonne étoile.
Seulement, il n'est pas dans un conte de fée. Ici, ne réside que sa déception et son immense amertume. Il ne reste que son palpitant en miette, qui s'est pris un nouveau coup de poignard, abîmant une fois de plus la chair si usée. Son muscle cardiaque ne bat qu'à la force d'un miracle, dont le musicien ne comprend même pas l'origine.
Il a beau avoir conscience qu'il fait le meilleur des choix, ou du moins celui qui lui paraît le plus censé, le garçon a beaucoup de mal à en tirer du positif. Son malheur lui éclate en plein visage, se laissant facilement voir dans ses expressions, qu'il essaye pourtant ardemment de dissimuler.
Mais toute tentative est vaine. C'est peine perdu, comme tout ce qu'il a pu entreprendre jusqu'à maintenant.
« - T'as tout Izu ?
- Mmh ? Quoi ? Ah...ouais ouais j'ai tout. J'ai vidé l'armoire. Récupéré mes instruments et toutes mes BD aussi. Les figurines sont emballées. Kumo a essayé de se mettre dans la valise, puis dans un carton. J'crois qu'on est pas mal là. »
Le husky se met à japper à l'entente de son nom. Elle aussi, tente par tous les moyens de retarder l'inévitable, et de détourner leur attention de ce qui est sur le point de se produire.
Et toutes les tactiques y passent. Grogner, empêcher l'accès aux affaires, ou leur ramener à chacun une pile de jouets indénombrable. Malheureusement, rien ne semble suffire, et désormais elle se contente de bouder ouvertement.
Izuku sourit un peu tout en se rapprochant d'elle et s'assied juste devant pour attirer son attention. Il ne veut pas se faire une ennemie en partant d'ici, et n'a pas besoin d'une culpabilité supplémentaire.
« - Alors ? Tu veux vraiment pas me dire au revoir ? »
Le canidé détourne la tête, tout en restant assis entre ses jambes, lui faisant ainsi comprendre qu'elle n'approuve définitivement pas sa démarche. Le musicien se mord nerveusement l'intérieur des joues, et se sent peu à peu plonger vers la tristesse. Les larmes ne sont pas loin, et menacent de couler à chaque instant. Il le sait.
« - Allez Kumo. Tu peux pas me bouder. On est copains toi et moi hein ? Tu te rappelles ? »
Sincèrement éprouvée, Kumo l'avise de son regard vairon, qui est réellement moins pétillant que d'ordinaire. Elle lui donne quelques coups de museau, en couinant légèrement, tout en donnant sa patte à Izuku, qui succombe devant son état.
Cette attitude fait céder les digues, et détruit les dernières barrières qui restaient jusque-là, le maintenant à peu près à l'écart de son chagrin.
« - Je sais, répond-il difficilement. J'sais que c'est carrément nul, mais je reviens te voir vite. J'reviens vous voir tous vite. »
Il la serre tout contre lui, à peine conscient qu'il noie son pelage avec l'eau s'écoulant le long de ses joues. Il savait que ce moment serait délicat à appréhender, mais il n'avait pas imaginé que ce serait à ce point.
Izuku aurait presque envie de reculer, et d'annuler tout ça. De juste camper au milieu du salon avec ses affaires, et ne plus entendre parler de déménagement, de boulot ou d'émotions. Il est tellement fatigué, tellement usé par ce que son esprit lui répète continuellement. Tout est trop prenant, trop crevant, trop destructeur. Le musicien ne rêve plus que de se rouler en boule dans un coin, et d'y dormir très longtemps. Comme le fait Kumo après une balade trop longue, et qu'elle a besoin de récupérer pendant des heures.
Même s'il a surtout besoin de semaines entières, dans son cas...
« - Izu ? Les garçons sont dehors. »
Interpellé par une poigne douce sur son bras gauche, Izuku s'écarte doucement, en s'excusant auprès du chien pour l'averse gratuite. Celle-ci ne semble pas lui en tenir rigueur, et se contente d'un petit coup de truffe, histoire de lui arracher un dernier petit rire.
Après s'être redressé, il prend avec reconnaissance le mouchoir que lui tend Eijiro. Celui-ci ne semble pas dans un meilleur état, même s'il le cache laborieusement, derrière un sourire crispé.
Katsuki, quant à lui, est adossé à l'un des murs, guettant la scène d'un œil, les bras croisés sur la poitrine. Il s'abstient de tout commentaire, et Deku se demande réellement ce qu'il pense à ce moment précis. Ce qui peut bien passer par son esprit, pour l'entraîner si loin d'eux.
Mais qu'importe, le temps n'est plus aux réflexions. Devant la porte d'entrée, avec chacun leur voiture respective, Shoto et Denki attendent le feu vert pour charger les affaires du jeune homme. Alors ils s'affairent tous, après un bonjour des plus cordial, dans l'optique de boucler ce moment rapidement.
Pas que qui que ce soit se sente réellement pressé de ce départ, mais juste par souci de ne pas trop laisser traîner les choses. Izuku se sent déjà reconnaissant que ses camarades viennent lui donner un coup de pouce, il ne tient pas à les retenir plus que nécessaire.
Eux aussi ont leur propre vie et quotidien respectifs. Shoto doit retrouver Hanta, qui l'attend à leur appartement, avec leur chat angora. Et Denki a vaguement mentionné un potentiel rencard, qui, Deku l'espère, ne tournera pas au vinaigre cette fois-ci. Il faut dire que Kaminari a cette fâcheuse tendance à s'attirer des ennuis, comme s'ils lui collaient à la peau.
« - C'est bon vous avez tout ? Demande Katsuki.
- J'ai bien l'impression, répond Shoto. De toute manière c'est pas perdu, c'est pas comme si Izuku partait à l'autre bout du pays.
- Ouais, c'est sûr. »
Le blond grogne, arrivant sans doute à son quota de patience. C'était une journée trop longue et intense pour eux trois, et il n'en peut vraiment plus.
Alors Todoroki ne tique pas plus que ça à l'entente de sa réponse, dénuée d'une quelconque forme de sympathie. Il a, de toute manière, déjà connu bien pire venant de lui.
« - Bon nickel alors. On part avec Denki. On se retrouve à l'appart Izuku ?
- Oui oui, t'as les clés ? »
Son meilleur ami hoche la tête, et empoigne son comparse, afin de leur laisser de l'espace pour les au revoir. Certes, ce ne sont pas des adieux, et ils seront amenés à se revoir. Mais Shoto a conscience de ce que cela représente pour son camarade de toujours. Il connaît le poids de cette situation, et même s'il le soutient dans sa démarche, qu'il estime ne pas être une réelle solution, il lui offre ce dont il a besoin dans l'immédiat.
Et là, Izuku a besoin de leur dire au revoir, en tête à tête. Sans aucun spectateur autour d'eux.
Ainsi, ils démarrent tous deux, et partent en avance vers la nouvelle habitation du jeune homme, qui les rejoindra d'ici peu avec sa moto.
« - Alors ça y est, tu t'en vas ?
- Ouais Eiji... C'est le moment.
- J'ai du mal à imaginer qu'on va habiter ici sans toi maintenant. C'est vraiment trop bizarre. J'ai trop prit l'habitude de te retrouver tous les soirs ici.
- J'comprends. Ça va être étrange pour moi aussi, d'être tout seul. De plus voir Kumo, et d'être...sans vous.
- T'y habitue pas trop le nerd. On va débarquer rapidement, tu peux en être certain. »
Sa remarque lui provoque un petit gloussement, sincèrement le bienvenu au beau milieu de cette montagne de morosité. Ils ont connu de meilleurs jours entre eux, et de plus belles ambiances dans leur trio infernal.
« - J'ai déjà hâte de vous revoir, alors.
- Compte sur nous Deku. »
Le jeune homme mordille doucement sa lèvre, dans un geste à peine perceptible. Puis, n'y tenant plus, il se jette à leur cou. Lui qui a tant essayé de laisser de la distance entre eux. Il a juste besoin de cette bribe. Ce petit morceau avant de tourner le dos.
Alors Izuku emmagasine tout, sentant une onde de soulagement brève mais tout de même bien présente, lorsque les deux garçons l'enlacent à leur tour.
« - Merci pour tout, leur chuchote-t-il, entre deux sanglots. Merci d'avoir été des colocs incroyables et de m'avoir ouvert votre porte. Merci de m'avoir supporté, et aussi d'avoir rendu ma vie meilleure pendant quelque temps.
- Nous remercie pas fichu nerd.
- Toi aussi tu nous a apporté beaucoup... »
Les garçons lui répondent quelque peu laborieusement, avant que le garçon ne finisse par rompre cette étreinte. Il se dirige vers sa moto, leur adressant un dernier signe de la main, et un petit salut spécialement pour le husky qui rumine vers ses maîtres.
Puis, Izuku démarre son véhicule, et prend la direction de son tout nouveau domicile, faisant difficilement abstraction de son cœur qui se disloque dans sa poitrine. Il lutte de toutes ses forces, et ne regarde pas en arrière. Les choses ont changées.
Cet instant marque la fin d'une époque...
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