Chapitre 12

Un léger vent s'engouffre par la fenêtre ouverte, tandis que quelques gazouillis d'oiseaux accompagnent le tout. Un simple petit bruit, pas de quoi le réveiller, mais juste accompagner la continuité de son sommeil.

Et pourtant, Eijiro tourne en rond dans le lit depuis déjà une bonne heure. Couvert de son drap, qui remonte jusqu'à son bas ventre, dans lequel il s'emmêle à moitié à force de bouger. Il essaye tout de même de ne pas faire trop de mouvements brusques, afin de préserver le repos de Katsuki, qui n'a pas encore l'air décidé à quitter les bras de Morphée.

L'artiste peut le comprendre. Ils ont veillé jusqu'à pas d'heure cette nuit, discutant de choses et d'autres, et leurs yeux ont fini par se fermer tout seuls aux premières heures du matin.

Le libraire n'en avait que faire, après tout, il s'agit aujourd'hui de son jour de repos. Kirishima quant à lui, vient de terminer sa formation d'hygiène en vue de son apprentissage, et profite d'encore une petite période avant que Keigo soit en mesure de l'accueillir au shop. Le tatoueur est d'ailleurs absolument ravi de son apprentis, dont il vante déjà les talents autour de lui, et clame à qui veut l'entendre qu'il va faire entrer un petit prodige dans son équipe.

Le jeune homme est certes très touché de tant de confiance à son égard, et de reconnaissance devant son travail. Mais il ne peut s'empêcher de stresser encore et toujours, percevant tout ceci comme une pression supplémentaire. Il ne veut décevoir personne dans son nouveau cheminement professionnel.

Que ce soit Takami, ou encore Izuku et Katsuki, qui ont tant cru en lui et l'ont poussé dans cette direction.

Comme toujours, le duo lui a expliqué patiemment qu'il n'était pas nécessaire d'angoisser, et qu'il n'y avait pas de raison de rater ce cheminement. Et son cœur a fini par s'apaiser, à mesure que les mots étaient prononcés de la part de ces deux garçons.

Tout en s'étirant, Eijiro jette un petit coup d'œil au réveil qui est posé sur sa table de chevet, et s'aperçoit qu'il est seulement sept heures quarante-sept. Malgré l'heure matinale, il est pratiquement sûr d'avoir déjà entendu leur colocataire partir de la maison il y a un bon quart d'heure déjà. Cette constatation l'interpelle assez, tant il trouve ce comportement assez inhabituel.

Mais il n'a pas réellement le temps de se pencher sur le sujet, parce que son attention est retenue par une présence soudaine dans son dos. Un torse bouillant qui se love tout contre lui, tandis qu'une main vient attraper la sienne, afin qu'ils entrelacent leurs doigts. Le jeune homme en soupirerait presque de bien-être, tant cette proximité l'apaise réellement, et abaisse son anxiété de quelques crans.

Aucun d'eux n'a encore prononcé un mot d'ailleurs, et Eijiro se contente d'apprécier la gestuelle de Katsuki, qui tente de le rapprocher encore plus de lui.

Après cela, il entreprend de laisser quelques baisers humides, en partant du milieu de sa colonne vertébrale, et remonte jusqu'à son omoplate. Sa route se termine au creux du cou de l'artiste, dans lequel il laisse une trace ou deux de son passage, en mordillant cette peau magnifique et sucrée qui lui plaît tant.

Kirishima se laisse faire, se mettant presque à ronronner devant un tel traitement, qui le fait soupirer un peu trop fort à plusieurs reprises. Le libraire sait pertinemment qu'il est en train de gagner à son petit manège et que les mimiques de son compagnon vont le pousser à coincer sa lèvre inférieure entre ses dents, en fermant les yeux, pendant qu'il viendra passer une main dans sa crinière blonde.

Et le futur lui donne raison, puisque quelques instants plus tard ses prédictions se réalisent. Juste après cela, Eijiro se retourne et pousse légèrement Katsuki, qui se retrouve sur le dos. Dans le mouvement, le jeune homme se retrouve sur lui, et n'attend pas plus pour poser ses lèvres sur les siennes. S'en suit un baiser passionné, fort, qui les chamboulent à l'unisson, et accélèrent leur battement cardiaque. Ils sourient à travers cet échange, tandis que Bakugo passe ses grandes mains rugueuses le long de ses reins, jusqu'à arriver à ses fesses, qu'il empoigne dans un geste ferme causant un léger cri de surprise à leur propriétaire.

Celui-ci rompt le contact, et se met à rire légèrement, tout en passant un doigt taquin sur le nez de son amant, qui sourit de toutes ses dent, visiblement fier de ses actes.

« - Bonjour mon cœur.

- Bonjour chéri. »

Katsuki répond avec une voix légèrement enrouée, encore plus grave que d'ordinaire. Ce son résonne comme une musique aux oreilles de son conjoint, qui en oublie le temps de quelques secondes ses tracas, savourant cette étreinte matinale.

Eijiro reste là, avachi sur lui, tout en posant sa tête en creux de son cou. Le blond, quant à lui, s'amuse à déposer quelques baisers sur sa joue et sa tempe, en laissant ses mains divaguer le long de son dos, pour une séance câlin qui est tout à fait la bienvenue.

« - Est-ce que ça va ? »

Eijiro soupire discrètement, pas vraiment sûr de comment répondre à la question. Dans l'idée, oui les choses vont plutôt bien. Cependant, quelques petites bribes résident ici et là, s'appliquant à tâcher le quotidien, et lui causant quelques égratignures à l'âme.

Son cerveau est continuellement en roue libre, s'assurant de ne lui laisser presque aucun répit. Depuis leur petite virée au salon de tatouage, qui remonte à un petit moment déjà dans son esprit, il n'a pas cessé de réfléchir à ces idées qui le perturbent totalement. Parce que cette attirance qu'il ressent pour Izuku est tout ce qu'il y a de plus réelle, et qu'il ne sait sincèrement pas quoi faire de cette information.

D'autant plus quand il constate ce qu'est devenu leur quotidien.

Depuis quinze jours déjà, le musicien a complètement cassé leur petite routine, s'instaurant dans une autre, davantage solitaire. Il rentre tard, bien plus que d'ordinaire, et part aux aurores de la maison. Quand le couple lui a posé la question de ses absences incessantes, Izuku est resté plutôt flou, ne s'étendant pas sur le sujet. Il a simplement mentionné une période intense au travail, et des élèves qui avaient besoin de cours particuliers, débordant sérieusement sur son temps libre.

Même Kumo a fini par commencer à tourner en rond au bout de cinq jours, se demandant si son troisième maître l'avait finalement complètement abandonné.

Il s'est excusé à plusieurs reprises à son égard, lui promettant d'immenses balades en tête à tête quand il aurait plus de flexibilité sur son emploi du temps. Et les garçons ne peuvent lui reprocher de ne pas avoir tenu parole, puisque lorsque cela a été possible, Midoriya l'a emmené avec lui, afin d'explorer un autre morceau de forêt qu'ils n'avait pas visité avant.

En dehors de ça, il agit pratiquement comme un fantôme, s'enfermant parfois juste dans sa chambre sans exprimer le désir d'en sortir.

Eijiro s'est longuement posé des questions sur sa démarche, et la raison pour laquelle tout basculait soudainement. Izuku semble avoir mit entre eux une distance surprenante, mais surtout, qui le touche un peu trop.

Ils s'étaient tous les trois habitués à ce fonctionnement qui leur était propre. Ça n'avait peut-être rien de normal vu de l'extérieur, mais Kirishima appréciait sérieusement cette proximité qui a vu le jour sans préméditation. Ces petites gestuelles, les étreintes partagées devant la télé, ainsi que ces quelques nuits de sommeil, à s'entasser sur le même matelas et tout ça dans les bras les uns des autres. C'était bizarrement normal en fin de compte.

Alors, quand cet éloignement soudain a commencé à se faire sentir, le jeune homme n'a pas vraiment su comment appréhender les évènements. Parce qu'en plus de très mal le vivre, et d'être submergé par une sensation de manque absolument atroce, il s'est rendu compte de la puissance de cette attirance, qui le transcende sûrement plus qu'il ne voulait se l'admettre.

Forcément, en faisant le bilan de tout ceci, l'humeur a parfois du mal à suivre le mouvement, le plongeant dans une mélancolie étrange, qui lui colle trop à la peau.

« - Mmh...ça va pas trop mal oui, et toi ?

- T'as pas l'air sûr de toi Eiji. »

Soulagé de savoir Katsuki auprès de lui, il se redresse légèrement, de manière à pouvoir l'observer allègrement. Son regard vermillon s'ancre dans le sien, avant que ses yeux ne se mettent à le parcourir délicatement. Il s'octroie l'autorisation de passer une main le long de sa mâchoire, et de redécouvrir la douceur de sa peau, et la présence de ces quelques irrégularités ici et là. Puis, il se penche de manière à effleurer ses lèvres avec les siennes, dans un simple baiser semblable à une caresse. Presque encore plus époustouflant que celui qu'ils ont échangé quelques minutes plus tôt et qui lui provoque une envolée de papillons dans le sternum, comme au premier jour.

Eijiro ne peut le nier. Il est complètement fou amoureux de Katsuki et ne peut concevoir de continuer dans cette vie sans lui. Il a besoin de sa présence, et de ses humeurs massacrantes tout comme de ses pulsions de romantique, pour exister encore.

Mais sous couvert de cet amour justement, il ne peut pas se permettre de lui mentir davantage. Il se doit d'être honnête et transparent quant à ce qu'il ressent pour Izuku, pour ne pas prendre le risque de le perdre si cette histoire venait à prendre une autre tournure un jour ou l'autre.

Alors, malgré la peur qui raisonne dans son thorax et qui l'anime profondément, Eijiro réprime son angoisse dans sa trachée, et cherche la pulsion de courage nécessaire pour aborder une telle conversation.

« - J'aimerais bien qu'on discute d'une petite chose, si tu le veux bien.

- Bien sûr, je t'écoute ?

- Non pas là, viens on va se lever. »

Le regard de Katsuki se pare d'une expression de perplexité, ne l'empêchant pas pour autant de hocher la tête et suivre son compagnon. Le libraire le connaît bien assez désormais, et a conscience que Kirishima ne serait pas du genre à tirer la sirène d'alarme s'il n'y avait pas de raison valable.

Bakugo a beau ne pas toujours être très doué en ce qui concerne les interactions sociales et ce qui entoure ce registre, il reste tout de même sensible à la détresse de son amant, entraînant une détermination de le délester de ses craintes.

C'est ainsi qu'ils se retrouvent tous les deux assis à leur table de salle à manger, un café juste devant eux, pour affronter la discussion à venir. Eijiro est en bout de table, à la droite de son conjoint, et triture nerveusement son index gauche en fuyant Katsuki du regard.

Celui-ci commence sérieusement à se demander ce qui se passe sous son toit. Entre ce comportement étrange, et la fuite évidente de Deku, qui réagit comme un adolescent qui savoure sa liberté... Il se questionne quant à un potentiel univers alternatif dans lequel il serait tombé par inadvertance.

« - Bon ? Qu'est-ce qui t'arrives Eiji ?

- Je sais pas trop par quoi commencer en fait.

- Par le début, ça me paraît être une bonne idée. »

Cette affirmation cause un petit sourire chez l'artiste, qui ne sait rester de marbre devant les phrases bateaux qu'aime prononcer le blond. Cela lui permet de relâcher un peu de pression, et surtout de reprendre les commandes de son esprit, qui commençait à divaguer à tout va.

Laborieusement, Eijiro attrape la main de Katsuki, et la serre autant que possible. Il appréhende tellement de s'attirer ses foudres en abordant un sujet aussi délicat, qu'il ignore de quelle manière procéder. Pourtant, après un soupir bruyant et une détermination nouvelle qui se dessine dans ses prunelles, il relève le regard en direction de son compagnon, et se lance enfin.

« - Je voudrais qu'on discute d'Izuku.

- Oh...toi aussi t'es inquiet pour lui ? J'comprends pas ce qu'il a en ce moment. Jusqu'à y a pas longtemps tout allait bien, on s'entendait tous les trois très bien. Là j'ai l'impression qu'il fuit totalement. On a fait une connerie tu crois ? »

Katsuki paraît terriblement soucieux devant son comportement, et tout aussi en proie à de nombreuses interrogations que lui. Cette constatation le soulage un peu d'un côté, même si ça ne lui assure pas que le reste passera comme une lettre à la poste.

« - Oui j'ai remarqué, mais c'est pas tout à fait ça dont je voulais parler. Enfin, si mais pas directement.

- Qu'est-ce qui t'arrives alors ?

- J'ai peur de ta réaction Kat's...

- Hey, je t'aime à la folie Eiji. Qu'est-ce qui pourrait arriver franchement ? »

Dans l'esprit d'Eijiro apparaissent tout un tas de possibilités, qui se bousculent toutes dans tous les sens, se tassant en gros attroupements entre deux neurones. La perspective d'éventuellement briser son couple entre autres. De casser la confiance que lui porte Katsuki. De renoncer à tout ce qu'ils ont pu construire jusqu'à maintenant.

« - Trop de trucs...murmure-t-il pour lui, avant de poursuivre d'une voix plus claire et forte. Écoute, je sais pas trop comment formuler ça, et j'veux faire au mieux.

- D'accord, je t'écoute.

- Tu vois...notre quotidien a prit une tournure un peu différente. Depuis qu'Izu est arrivé chez nous, il y a pleins de choses qui sont arrivées. »

Le blond fait un mouvement de la tête, très silencieusement, comprenant que l'instant n'est pas à la plaisanterie. Il prend très au sérieux cette demande de prise de parole, et compte bien laisser à son conjoint tout le temps nécessaire pour qu'il vienne au bout de ce qu'il a à lui dire.

« - Et ça a commencé à impacter plein de choses. Notre proximité entre autres. Le fait qu'on dorme ensemble, et qu'on partage plus de choses. »

D'ailleurs, quand tout à commencé à être plus ambigu dans sa tête, Eijiro s'est étonné de la facilité avec laquelle Katsuki s'est adapté. Lui qui est pourtant du genre assez possessif, et peu tactile avec d'autres personnes que lui. Izuku a finalement rejoint le banc des privilégiés, qui ont le droit de découvrir un Bakugo plus doux, et moins revêche.

« - J'ai commencé à avoir du mal à fixer des limites, et je crois que c'est un peu notre cas à tous en fait. Et après... Hésite-t-il quelques instants.

- Qu'est-ce que t'essaye de me dire au juste Eiji ?

- Ce que j'essaye désespérément de dire, sans vraiment savoir comment, c'est que j'me suis un peu perdu dans tout ça. Et c'est un peu flou maintenant. »

Kirishima sent sa gorge se nouer, et s'assécher dangereusement, tandis que son regard s'humidifie un peu, témoignage de l'émotion qui le prend. Il n'est pourtant pas du genre à se laisser aller à ce point, du moins pas en dehors de ses moments d'anxiété. Mais c'est un tout qui s'avère puissant et trop prenant, qui l'entraîne dans une tempête dont il ignore les potentielles conséquences.

« - Flou ? Tu veux dire que...

- Ne crois pas que je ne t'aime pas Katsuki. T'es l'amour de ma vie, t'es absolument tout pour moi tu sais. Je me vois pas sans toi, c'est carrément inconcevable même. Toi et moi c'est...indissociable dans mon esprit. On a tellement vécu, je pourrais pas imaginer être séparé de toi.

- Mais il te plaît. »

Le jeune homme maltraite furieusement sa lèvre entre ses dents, menaçant presque de saigner à force de mauvais traitements. Après ce qui lui semble être une éternité, il finit par hocher la tête positivement en s'adressant à Katsuki, dont l'expression est étrangement neutre.

Son silence l'inquiète assez, l'incitant à poursuivre un peu, sans savoir s'il va mettre de l'huile sur le feu en continuant de déblatérer ainsi.

« - Je sais qu'on en a pas mal plaisanté à plusieurs reprises tous les deux. Mais oui...Izuku me plaît... Je pouvais pas me résoudre à te cacher une telle chose. Notre relation est trop importante pour être abîmée par des soupçons ou des cachotteries. Je sais pas si j'ai fait le bon choix, mais je voulais être transparent avec toi, et te dire ce qui se passait. »

Le libraire garde le silence, pour le plus grand désespoir d'Eijiro, qui commence à sentir que son palpitant fait des siennes. Il a rarement ressenti un stress aussi intense, et ne sait pas comment gérer la situation. Celle-ci paraissait déjà saugrenue de base, et continue de prendre en intensité, tandis que les minutes s'égrainent dans un calme réellement effrayant.

« - Kat's...steuplais dis-moi quelque chose. Je sais pas quoi faire là.

- C'est juste... J'avais imaginé plein de choses. Mais pas un truc pareil.

- Comment ça ? Imaginé quoi ? »

Katsuki semble rencontrer quelques difficultés à sortir de son état catatonique, alors que ses yeux semblent fixer un point dans le vide pendant qu'il fronce les sourcils. Cependant, il resserre sa poigne sur la main de Kirishima, qu'il tient désormais entre les deux siennes.

« - Je... Arh j'y crois pas c'est totalement barré. C'était quoi la probabilité pour que ça arrive sérieux. J'en reviens vraiment pas...

- Je suis désolé Katsuki, je voulais pas...

- Non, non. Vraiment Eiji t'excuse pas c'est pas... T'as absolument pas besoin de t'excuser crois moi. »

À cet instant, Eijiro doit bien avouer qu'il n'est plus certain de suivre la conversation. La réaction de son compagnon lui paraît tout bonnement incompréhensible. Dans son imagination, bien des scénarios ont vu le jour, tels que des cris, des larmes, voire même un claquage de porte monumental. C'est bien pour ces multiples raisons d'ailleurs, que la boule dans son ventre est aussi présente, pesant comme une pierre qu'on aurait placé là.

Il doit cependant admettre qu'il ne s'attendait pas à ceci, et que Katsuki l'encourage à ne pas lui présenter d'excuses. L'artiste se mure quelques secondes dans le silence, avant d'avoir une subite illumination, qui le crispe légèrement.

« - Attends tu...tu me dis ça parce que tu m'as trompé avec Izuku ?

- Quoi ?? Non Eiji ! Jamais. J't'ai absolument pas trompé. Pardon je sais que je suis pas clair, je suis juste un peu...retourné ?

- Alors pourquoi je suis pas censé m'excuser ?

- Parce que moi aussi...je ressens la même chose que toi pour lui. Izuku me plaît, et c'est pas juste une histoire d'attirance physique. Ça fait des jours que je cherche comment t'en parler, ou comment régler les choses. Alors franchement j'imaginais pas une seule seconde que tu prendrais les devants, surtout pour me dire que t'es exactement dans le même cas que moi. »

Dans un univers où le corps humain serait en kit, Eijiro aurait probablement perdu sa mâchoire sur le plateau de la table de salle à manger. Ça ne rentrait définitivement pas dans sa liste d'hypothèses, et il ne sait pas vraiment quoi faire de cette information, qu'on vient de lui refourguer comme une patate chaude qui sort du four.

Il se brûle ardemment les doigts dessus, la faisant passer d'une main à une autre, en essayant tant bien que mal d'en réaliser la présence, sans parvenir à réfléchir sur ce que ça pourrait entraîner.

À ses côtés, Katsuki semble essayer de savoir comment formuler son flot de pensées, sans perdre le fil ou être totalement dénué de cohérence. Il ne peut décemment pas balancer ceci, telle une bombe dangereusement instable, sans donner plus d'explications.

« - Tu ressens la même chose alors ?

- Ouais... Deku est un mec vraiment génial. Et j'ai commencé à me poser plein de questions quand j'ai vu comment on s'accrochait à lui... C'était bizarre et absolument pas normal qu'on en arrive là. Mais j'ai mis ça sous le compte de la situation. Il était pas bien et on a juste essayé de l'aider, et on s'est pris dans un jeu franchement inattendu. Au barbecue je crois que j'ai réalisé. Quand j'me suis retrouvé près de lui... Et après j'étais auprès de toi. J'ai compris que quelque chose tournait pas rond et que ça dépassait ce que j'imaginais. Qu'il y avait un réel truc derrière tout ça, et que je t'aime toi, mais que ce mec me laisse pas indifférent... »

Dans leurs esprits, un méli-mélo d'émotions en tout genre défile à grande vitesse, allant presque jusqu'à les étourdir. Ils discernent du soulagement entre autres, de ne pas voir de conflit résulter de cette conversation, et d'étrangement s'entendre sur ce sentiment vraiment surprenant, qui s'incruste aisément dans leurs existence.

Mais il y a aussi beaucoup de flou qui restent sur l'histoire, et sur la manière dont appréhender les évènements. Parce qu'aujourd'hui, ils se retrouvent là, avec cette histoire d'attirance sur les bras, mais ensuite ?

« - Ok... Donc si je résume. Tous les deux on ressent quelque chose pour Izuku, et on est d'accord là-dessus.

- Ouais.

- D'accord, et maintenant ? On fait quoi au juste ?

- Je t'avoue que je sais pas trop. Tu crois qu'on doit lui en parler ?

- J'en ai aucune idée... »

Puis, comme pris d'un besoin d'être rassuré et de se sentir en quelque sorte protégé, Eijiro rapproche sa chaise de celle de Katsuki. Celui-ci comprend sa demande silencieuse, et passe ses bras autour de ses épaules, avant de juste l'attirer à lui. L'artiste se blottit tout contre lui, appréciant sa chaleur corporelle ainsi que son parfum, qui le calme presque instinctivement.

C'était une discussion éprouvante, et une situation qui n'est pas anodine. Le blond comprend sans difficulté son besoin d'être entouré et couvert d'affection à cet instant précis, alors il lui donne ceci, sans même rechigner.

Soudainement interrompus, ils redressent tous les deux la tête en direction de la porte d'entrée qui vient tout juste de s'ouvrir. Sur le palier, Izuku jette un petit coup d'œil sur la scène avant de détourner le regard et se contente de retirer ses chaussures, pour ensuite se délester de sa veste.

Kumo sort immédiatement de son panier, bien décidée à lui faire la fête, et sprinte jusqu'à lui.

Celui-ci se pare d'un petit sourire, bien éloigné de ceux qui le caractérisent d'ordinaire.

Malgré tout, il réceptionne tant bien que mal le canidé qui lui saute dessus, et la couvre de câlins pendant une minute ou deux. Juste le temps de faire redescendre son emportement, et qu'elle soit capable de se calmer bien gentiment.

La manœuvre est rapide, bien que le husky fasse tout de même pression sur le garçon pour qu'il la suive. Elle l'emmène fièrement jusqu'à la pièce à vivre, très heureuse de le confier ensuite à ses deux autres maîtres.

Il semblerait qu'elle aussi se soit habituée à ce qu'ils fonctionnent à trois, et son œil brillant le confirme sans aucun doute.

Izuku la suit gentiment, amusé de sa réaction et de ses mimiques qu'il apprécie par-dessus tout. Puis, il salue le couple qui paraît partager un moment plus intime à ses yeux, se sentant mal de l'interrompre.

« - Salut Deku.

- Salut Izu.

- Salut...Désolé si je m'incruste de manière pas trop trop délicate. Mais j'aurais bien aimé vous parler. »

Le duo se redresse, très curieux de cette nouvelle discussion à venir. Eux qui n'ont pas encore totalement digéré ce qui vient de se produire, ils se demandent sérieusement ce qui va se produire cette fois-ci.

Ils hochent la tête à l'unisson, pendant que le musicien s'assied devant eux. Celui-ci commence à triturer ses doigts, comme à son habitude lorsqu'il montre des signes de nervosité. Son regard se baisse légèrement, se focalisant sur les rainures en bois de la table, qui semble lui offrir un point d'ancrage tout à fait convenable.

« - Est-ce que tu vas bien Deku ?

- Je...ouais ouais ça va.

- Tu voulais nous dire quoi ? »

Il soupire lourdement, comme s'il portait le poids du monde sur ses épaules et finit par relever la tête tant bien que mal. Eijiro ne sait pas comment interpréter les signes qui se présentent à eux, ni même cette distance encore présente qui est entre eux.

C'est tellement surprenant et inhabituel, qu'il ne peut s'empêcher de s'inquiéter pour lui. Katsuki, quant à lui, observe silencieusement Izuku sans trop savoir quoi penser. Toute cette matinée paraît étrangement lunaire et peu croyable. Alors il peine à se positionner sur son état, même si dans son esprit réside cette envie irrépressible d'aller consoler le garçon, qui semble en proie à de terribles maux, il s'abstient difficilement.

« - Voilà... Déjà, je m'excuse d'avoir été moins présent. J'ai eu plein de choses à gérer, et si je dois être honnête, j'avais surtout besoin de réfléchir à plein de choses. Le fait de prendre du recul, ça m'a permis de penser à ma vie, et comment je l'envisage. Ça n'a pas été facile ces derniers temps, et vous m'avez tellement aidé. Vous êtes sincèrement les meilleures personnes que je pouvais rencontrer. Sans vous, j'aurais traversé les choses bien différemment, et je vous en serais éternellement reconnaissant.

- T'as pas besoin tu sais Izu'... C'était juste normal. »

Izuku sourit doucement, tandis qu'une larme commence à perler au bord de son œil. Les deux garçons sont vraiment peinés de le voir ainsi, et ignorent comment réagir à la situation.

« - Vous êtes incroyables. Merci Eiji, merci Katchan. Pour tout.

- C'était ça que tu voulais nous dire Deku ?

- J'y viens, j'y viens... »

Soucieux, ils attendent péniblement la sentence. Ils commencent également à se demander s'ils ne l'ont pas mit mal à l'aise avec des possibles allusions, ou quelque chose de ce registre.

Mais l'affirmation, n'est encore une fois pas ce qu'ils avaient imaginé. Et celle-ci leur fait bien plus mal que tout ce qui aurait pu être dit.

« - Je vais déménager. »

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