Chapitre 11

« - Tu rayonnes depuis que tu es là. »

Izuku se retourne péniblement entre ses draps, pas totalement réveillé. Du moins, il préfère nier la réalité, et rester encore quelques instants dans les limbes du sommeil. 

Là-bas au moins, il a juste à se laisser porter par le courant. Son esprit décide à sa place, et il n'est pas tiraillé entre des dizaines de questions qui se bousculent dans sa tête, allant jusqu'à lui faire profondément mal au cœur. 

Mais voilà, le temps du repos est achevé pour cette nuit, et il doit se contenter d'attendre son prochain cycle qui n'arrivera pas avant le soir. Lui qui avait pour une fois un jour de repos en pleine semaine, se retrouve bien frustré de ne pas parvenir à en profiter davantage. 

Il sent d'ailleurs les ressentis pénibles arriver à vitesse grand V, pendant que ses yeux papillonnent dans l'espace, et se posent aléatoirement sur les éléments de sa chambre. 

Sa chambre...

Tout ici lui appartient finalement. Cette bibliothèque avec des bandes-dessinées, ainsi que les figurines All Might, qu'ils ont longuement pris le temps d'observer avec Katsuki. Sa guitare, posée au pied du meuble, qu'Eijiro aime tant écouter. 

Et puis il y a ses affaires, dans la petite armoire aussi, qui est pleine à craquer. Vêtements qui auraient terminé il ne sait où, si le couple ne l'avait pas accueilli ici. 

L'entièreté de cette pièce le ramène à eux, encore et toujours. Et ça n'aurait peut-être pas été un problème, si la phrase prononcée par Shoto ne tournait pas en boucle dans son esprit, depuis ce fichu barbecue cinq jours plus tôt. 

Il a conscience que les paroles de son meilleur ami, n'ont jamais eu pour but de le déstabiliser ou de lui faire du mal. Au contraire même. Izuku sait qu'il ne s'agissait là que d'une démarche bienveillante de sa part, visant à lui montrer que contrairement à ce qu'il a cru après sa séparation avec Kai, du mieux était finalement possible. 

Et Todoroki a raison quelque part. Après tout, le musicien s'est longuement muré dans sa tristesse, quand il s'est retrouvé seul, allant certains soirs jusqu'à se demander s'il avait prit la bonne décision, en partant comme un voleur.

Bien sûr, après une conversation ou deux, et un peu de recul sur ses sentiments, la vérité revenait l'illuminer. Chassant à grand coup de pompes l'angoisse et la tristesse, du moins tant qu'elle le pouvait, afin de continuellement mettre en lumière qu'il s'agissait sans nul doute du meilleur choix possible. 

Durant cette période, Izuku avait énormément de difficultés à voir le positif dans une quelconque situation. Il se rappelle encore, lorsque Denki est venu à sa rencontre comme une furie, en lui annonçant avoir un « bête de plan » pouvant lui permettre d'arrêter de bouger ses affaires d'un appart à un autre, et se poser le temps de trouver un chez-lui. Il a dû se faire violence pour y croire, et se donner dix fois plus de courage pour faire bonne impression, quand il s'est présenté devant le couple la première fois. 

Parce que son palpitant battait de travers, que ses nuits étaient peuplées de cauchemars, et que le désespoir le menait par le bout du nez comme si de rien n'était. Comme ça, juste un fil invisible mais surtout indestructible, l'empêchant de choisir la direction qui pouvait potentiellement lui plaire. 

Avant d'arriver dans cet endroit, le musicien n'était qu'un ectoplasme. Vidé de toute énergie, toute volonté et détermination d'arriver à reprendre les droits sur sa vie. Après tout, pendant presque dix ans il a été dénué de ceci. De cette chance de décider entièrement pour lui. Certes, il a été en mesure de prendre quelques décisions, et son mordant lui a permis de s'accrocher tant bien que mal. Mais sans tout le soutien autour de lui, le jeune sait pertinemment qu'il y serait encore, et s'en serait tiré en bien plus piteux état que ça n'a été le cas. 

Aurait-il seulement pu remonter la pente, dans cette perspective ? Izuku en doute sérieusement. Ce qui a fait le succès de son parcours, ce sont ces deux garçons qui l'ont accueilli à bras ouverts, alors qu'ils n'étaient pas certains de vouloir accepter quelqu'un parmi eux. 

Leur volonté de l'aider a constamment été inébranlable, tout comme leur patience à son égard. Ils n'ont jamais forcé quoi que ce soit, ne l'ont pas obligé à ouvrir la porte de son passé, ni même d'accepter de se confier quand à ses troubles. 

Ils lui ont simplement soufflé que c'était une possibilité, et qu'il se trouvait en sécurité dans ce lieu. 

Et c'est ainsi qu'il a consenti à le faire. Ce n'était pas la démarche la plus simple qu'il ai pu connaître, et il n'est pas sûr de pouvoir s'y soumettre une nouvelle fois, tant cela fut éprouvant à traverser. Cependant, il ne peut nier la force de cette conversation qu'ils ont partagé, et de l'instant qui en a découlé après cela. Lorsqu'il s'est retrouvé dans leurs bras, au chaud et entouré dans ces étreintes, qui se sont étendues durant l'entièreté de la nuit... 

Est-ce à cet instant que les choses ont basculées ? 

Soucieux, Izuku vient se frotter le visage à deux mains, totalement perdu. Comme l'autre jour, il se sent submergé par une impression étrange, qui ne lui donne rien d'autre qu'une foutue envie de pleurer. 

Comme si elle avait sentie sa souffrance, Kumo commence à gratter à la porte de sa chambre, apparemment bien décidée à venir le consoler autant qu'elle peut. Le jeune homme sourit faiblement, et actionne la poignée de porte depuis son lit, permettant ainsi au canidé de se joindre à lui. Celle-ci attend sagement l'autorisation pour grimper sur le matelas, s'asseyant gentiment à ses côtés. Le musicien hoche la tête, et tapote la couette doucement. 

Il n'en faut pas plus à l'animal pour monter et s'installer tout contre lui, après lui avoir donné un petit coup de museau sur sa joue, en espérant sans doute y dégoter un de ses magnifiques sourires, qu'il a pourtant l'habitude de montrer d'ordinaire. 

Izuku se raccroche à cette présence, aussi simple soit-elle, et se réinstalle de manière à profiter de ce câlin imprévu. Il sait qu'il va bientôt devoir se lever pour emmener cette boule de poil en balade, mais il doit bien avouer que l'énergie n'est pas tout à fait là, et qu'il lui faut encore quelques minutes pour sortir de son cocon. 

Il a la désagréable sensation d'arriver à une intersection sortie de nulle part, se retrouvant face à une porte totalement inattendue, qui s'est construite à mesure qu'il s'installait ici. 

À force de rire, de sourire, et de contacts qui n'ont jamais vraiment été prémédités. Oui, devant lui apparaît désormais un nouveau chemin, qui n'est absolument pas éclairé, et sur lequel il risque réellement de se faire du mal. De trébucher violemment, de se prendre quelques ronces au passage, voire même de tomber sur un point d'eau qu'il n'aurait pas aperçu dans les pénombres. 

Pourtant, quelque part, une petite voix lui hurle de ne pas céder à la panique. Et Izuku aimerait bien l'écouter. Seulement les choses ne semblent pas aussi simples. 

À côté de ces cris, viennent se mêler quelques chuchotements. Qui lui disent qu'il devrait sans doute se sentir rassuré et même heureux. Heureux que son cœur soit encore en état de fonctionner, et capable de s'éprendre de quelqu'un. 

C'est vrai finalement, après cette passade complexe, ce garçon imaginait sans trop de peine finir sa vie seul, ou du moins que personne ne traverserait les remparts de son palpitant. Son thorax entièrement barricadé, avec un droit de visite absolument défendu. Quiconque oserait s'aventurer sur ces terres arides, ne se heurterait qu'à une barrière épaisse et indestructible, que même le propriétaire ne saurait érafler. 

Cependant, ils y sont parvenus, et tout ça juste sous son regard ébahi. Katsuki et Eijiro ont trouvé la méthode, ils ont compris la démarche. Ou alors peut-être n'ont-ils absolument rien cherché non plus, et ont pris une voie quelconque, sans chercher à se pencher sur le sujet. 

Peu importe ce qui a été fait ou décidé. Ce qui compte à présent ce sont les faits, notamment un qui effraie Izuku plus que tout. 

Il est éperdument amoureux de ces deux hommes. 

Ce qu'il a pris au départ pour une banale petite attirance, quelque chose de totalement mineur qui ne retourne pas tout une existence, s'avère finalement être tout autre. Il s'en veut d'ailleurs, d'avoir laissé les choses s'installer ainsi, sans même se poser une question ou deux. 

À son sens, son esprit demeurait hermétique à toute possibilité de ce registre, c'était réellement impossible et improbable qu'une telle chose se produise. Alors il a profité, il s'est laissé entraîné par la perspective d'un peu plus de proximité avec eux, sans même se demander s'il en paierait les conséquences un jour ou l'autre.

Seulement, le temps de ces « conséquences » est arrivé, et il doit maintenant commencer à réfléchir sur ce qu'il doit faire. Ce n'est pas une chose simple de rester de marbre devant eux. Surtout quand ses rêves commencent à se joindre au cortège en lui glissant quelques images en tête, qu'il n'est plus en mesure d'oublier. 

Comment pourrait-il faire abstraction de ces souvenirs, qui n'existent pas réellement d'ailleurs, alors que tout le ramène à ceci ? À ces deux voix rauques, qui murmurent leur amour et leur passion, lui retournant la totalité de l'esprit. À ces mains qui viennent le toucher, le caresser, et causer quelques palpitations dans son sternum. À cette sensation d'une paire de lèvres qui s'empare des siennes, juste avant de mordre délicatement sa peau, et d'une seconde juste au creux de son cou, lui faisant perdre tous ces moyens. 

Il n'y a pas que les actes, qui lui causent quelques émois. Il y a aussi tous ces mots, toutes ces paroles dont il se rappelle le sens, les intonations, la prononciation. 

Mais ce qui le heurte le plus, c'est sans nul doute cette phrase qu'ils ont chuchoté à l'unisson et chacun leur tour. Sur son ton des plus sensuels, en le regardant droit dans les yeux. Ce simple petit « je t'aime », qui lui cause des larmes dès qu'il y repense. 

« - Et merde ! Bordel c'est pas possible ! »

Son éclat de voix soudain fait sursauter Kumo, qui se redresse d'un seul coup. Elle l'observe avec ses grands yeux vairons, et semble réellement compatissante devant sa détresse. 

Izuku, quant à lui, se mord l'intérieur de la joue en réfléchissant, tandis qu'il lui adresse un regard franchement désolé. 

« - Excuse-moi Kumo, je voulais pas te faire peur... »

Celle-ci se rapproche, et lui donne encore quelques petits coups de museau sur la joue, avant de finalement poser sa tête sur son épaule. Un peu comme si elle lui offrait une étreinte, à sa hauteur, et se chargeait d'effacer ses craintes. Peut-être qu'elle ne saisit pas tout ce qui se passe autour d'elle, mais la désolation de ses maîtres l'atteint grandement, et elle fait toujours de son mieux pour les apaiser. 

Izuku accueille ce câlin sans rechigner, bien content de percevoir un peu d'affection de la part de quelqu'un. Il avait besoin de ce petit geste, pour ne pas complètement céder à la panique, et prendre une décision qui soit réfléchie. 

« - T'es la meilleure, tu le sais ça ? Je pouvais pas rêver meilleure rencontre dans ma vie. Tu es un amour. »

La chienne se redresse, et se met à japper de manière adorable, tout en posant la patte sur lui. Le garçon l'attrape en riant un peu, soulagé de voir qu'elle est présente pour tenter à sa façon de dédramatiser les choses. 

Ce n'est bien sûr qu'une solution temporaire, histoire de calmer ses nerfs et lui permettre de ne pas totalement s'effondrer. Mais il devra bien se confronter à ses ressentis tôt ou tard. 

« - T'es partante pour la balade ? Tu veux ? »

Raisonnant comme un mot magique, le husky redresse les oreilles à l'entente du mot « balade » et commence à sautiller partout sur le lit. Elle finit sa course sur l'abdomen du jeune homme, qui étouffe à moitié sous le poids de la boule de poils.

« - Ouch... Ok c'est bon, on y va, mais libère moi. »

Le chien descend gentiment, permettant à Izuku un passage rapide dans sa salle de bain, et d'enfiler une tenue adéquate pour la promenade à venir. Il se contente d'un simple jogging noir, et d'un haut du même coloris, avant d'attraper un sweat-shirt. 

La pluie se fait présente ces derniers jours, et la température s'est considérablement rafraîchie en conséquence. Il ne tient pas spécialement à tomber malade en plus du reste, il a déjà suffisamment à gérer comme ceci. 

Un rapide passage dans la cuisine pour remplir son thermos de café, afin d'affronter la journée à venir. Les deux propriétaires des lieux sont absents pour la journée, Katsuki étant au travail et Eijiro au shop de Hawks, afin de vérifier les derniers détails en vue de son apprentissage imminent. 

Izuku en est sincèrement soulagé, et ça l'attriste réellement de réagir de cette manière. Leur présence, qui était une bénédiction pour lui jusqu'à maintenant, commence peu à peu à se dévoiler sous un tout autre jour. 

Il se sent ployer sous la force de ses sentiments, sans réussir à en gérer la charge et la puissance. C'est un feu de forêt qui se propage à grande vitesse, et qui menace de cramer bien plus que quelques hectares de verdure. Il risque d'y laisser une bonne partie de son âme dans tout ceci, et a conscience de la difficulté qui se présente à lui. 

« - Allez Kumo, on y va. »

Rapidement, il se hâte de refermer la porte d'entrée derrière eux après avoir équipé le husky, et récupéré sa boisson chaude ainsi que son téléphone. Le garçon est pris d'un léger temps d'arrêt, en traversant cette rue, pour rejoindre le petit sentier de forêt qui borde le quartier, afin de permettre au canidé de se dégourdir les pattes dans la verdure. 

La question semble encore et toujours rester la même : a-t-il sa place ici ? 

Dans cette maison qui leur appartient, qu'ils ont achetée quelques années en arrière. Auprès de leur chien. À évoluer dans ce lotissement qu'ils ont choisi. À côtoyer leur couple et toute cette vie qu'ils ont construite à eux deux... 

Cette existence est celle de Katsuki et Eijiro. Pas la sienne. Il s'y est simplement joint en tant qu'invité temporaire, et a un peu trop pris ses aises dans la situation. 

Les deux garçons ont beau lui répéter tout ce qu'ils veulent, le garçon sait pertinemment que tout ceci n'est que de courte durée, et que ce qui s'est avéré être une solution au premier abord va finalement lui coûter bien plus cher, que ce qu'il avait imaginé.

« - Qu'est-ce que j'peux être pathétique putain... »

C'est comme ça qu'il se sent. Complètement idiot et traversé par des bribes de pensées absurdes. Un abruti qui n'a encore pas réfléchi. Qui est poursuivi jusque dans son imaginaire par des illusions, des chimères qui ne sauront jamais devenir réalité.

À croire qu'il attire la souffrance sur sa misérable petite existence, et que la vie se fait un malin plaisir de l'éprouver. De le tirailler dès que c'est possible. 

Le traîner plus bas que terre, dans une marre de boue insalubre et froide. Bien trop froide pour son palpitant frigorifié et abandonné.

Ses joues sont maintenant couvertes de larmes, totalement imbibées voir même carrément noyées. Sa poitrine se resserre, pendant qu'un sanglot douloureux reste coincé dans sa gorge. Il tente de minimiser le bruit de ses pleurs, afin de rester le plus discret possible, et pouvoir noyer sa tristesse seul. Izuku n'a pas envie de faire acte de gentillesse aujourd'hui, ou d'échanger avec autrui comme il peut le faire en temps normal. 

Non, à ce moment précis il a besoin de rester seul, d'expier sa douleur par tous les moyens. Il préfère avancer en solitaire sur ce chemin de terre, le visage à moitié caché sous la capuche de son pull, en profitant tant bien que mal de cette promenade avec Kumo. 

Le jeune homme ne souhaite même pas appeler Shoto, pour s'épancher durant des heures sur cet amour impossible qu'il est en train de vivre. Qui a sérieusement l'idée de tomber amoureux de ses colocataires, qui sont déjà en couple et heureux en ménage depuis des années maintenant ? 

Il est pratiquement certain que son meilleur ami a vu le coup venir de loin, et lui en veut presque de ne pas l'avoir mis en garde. Cependant, son excès de rage disparaît bien vite, laissant soudainement place à de la culpabilité de porter Todoroki responsable, alors qu'il ne lui a toujours souhaité que du bonheur dans sa vie. 

C'est grâce à lui et Denki s'il a pu s'en sortir pratiquement indemne de cet enfer, et avoir un toit juste après sa fuite inopinée. C'est lui qui n'a pas hésité à se dresser devant Kai, qui était complètement ivre et fou de rage, afin de lui cracher ses vérités en pleine face, le tout accompagné d'un coup de poing corsé qui a bien failli lui casser le nez. 

Même Hanta ignorait que son compagnon était pourvu d'une telle violence, et a été impressionné de le voir agir de cette manière. Et bien qu'Izuku le savait plutôt rude, et capable de se défendre, il a rarement vu un tel éclat de colère dans les yeux vairons de son plus vieil ami. 

Alors, il ne peut décemment pas le considérer comme coupable d'une partie de ses maux, ni de sa réaction devant sa conclusion. 

Il est le seul fautif de ce maudit foutoir.

« - Kumo, t'éloigne pas trop s'il te plaît. »

Son regard, toujours humide, se perd au loin. La forêt s'étend à perte de vue, et ils continuent tous les deux de s'enfoncer en suivant le petit chemin de randonnée. 

Le vent passe de temps à autre, se montrant rude et vigoureux. Un peu glacial pour la saison, mais si raccord avec le vide qui règne dans son enveloppe corporel. Tout lui paraît insipide, terne et dénué d'un quelconque intérêt. Il se sent comme autrefois, comme cette période où il se laissait porter par le courant, sans savoir ce qu'il allait advenir de son destin. 

Izuku retrouve des sensations trop familières à son goût, ne datant pas d'il y a si longtemps que ça. Lui qui avait naïvement pensé en être débarrassé, et profiter d'un répit amplement mérité. 

Le musicien finit par s'arrêter au beau milieu du chemin, pas plus avancé qu'au moment de son réveil, l'esprit sincèrement en vrac. Si la source d'eau qui noyait ses joues a fini par se tarir, il semblerait que ce ne soit pas le cas pour sa neurasthénie ainsi que son chagrin, qui continuent de faire vibrer la moindre cellule de son corps.

S'y accrochant un peu trop fortement à son goût, pour y progresser partout, sans aucune délicatesse. Il sent les ongles et les dents de ce petit virus, terriblement fourbe, qui grignote sa chair en passant. Qui se délecte de tout ce qu'il y a de merveilleux en lui, pour s'assurer de ne laisser qu'une coquille vide. Qu'un homme brisé, qui continuera de pleurer sur les amours impossibles qui traversent son petit univers, s'y déposant partiellement, avant de repartir aussitôt en y laissant une nouvelle cargaison d'amertume et de désolation. 

Son souffle est parfaitement normal, et pourtant Izuku a cette impression affreuse de suffoquer. Qu'il va s'effondrer d'ici peu, que sa tête va heurter le sol, et qu'il va s'évanouir. Ou peut-être qu'il est encore dans son sommeil. 

Tout ça n'est qu'un rêve, pas vraiment de bon goût d'ailleurs, et il se réveillera d'ici quelques minutes dans son lit, sans ces ressentis parasites. Parfaitement en accord avec sa personne, totalement serein, comme il l'a toujours été depuis qu'il est arrivé dans cette maison. 

Si seulement cela pouvait être vrai...

Mais non, les gouttes de pluie qui commencent à tomber petit à petit, lui rappellent bien gentiment qu'il ne dort pas. Que sa réalité est bien celle-ci, et qu'il doit s'en accommoder sans vraiment chercher plus loin. 

Au lieu de chercher à se mettre à l'abri, bien qu'il ne s'agisse que d'une averse mineure qui va cesser d'ici dix minutes, un quart d'heure tout au plus, Izuku part s'asseoir sur l'un de ces bancs qui bordent le chemin. 

Il s'y installe, péniblement, et soupire fortement en essayant de faire passer la perception de brûlure dans sa trachée. Le garçon attrape son téléphone portable, et compose laborieusement le code pour le déverrouiller. Il ouvre ensuite sa galerie, et commence à faire défiler les clichés qui retracent leur histoire, depuis son emménagement. 

Et tout y passe, tout lui revient en plein fouet, bien qu'il n'ai oublié aucun de ces instants. Ils sont imprimés au fer rouge dans sa mémoire. Ancrés en lui, sans aucune possibilité de s'en défaire, tant ils sont indélébiles voir même indestructible. 

Ainsi, Izuku revoit les premières photographies prises du husky, qui apprenait à le connaître quelques jours après son arrivée. La vitrine de Katsuki, qu'il s'est empressé de partager à Shoto comme un fan-boy, parce qu'il faut bien avouer que la collection du blond est bien plus impressionnante que la sienne. Quelques dessins d'Eijiro, que celui-ci a bien accepté qu'il capture avec son mobile, pour en garder une trace. 

Puis, après tout ceci, commence à se succéder d'autres types de photos. Qui témoignent qu'il s'est rapproché d'eux, et jusqu'à quel point leur présence lui est devenu indispensable.

Pourtant il se l'était juré. Après tout ce qu'il a traversé, Izuku s'était promis de ne jamais plus dépendre à ce point de quelqu'un, et qu'il ne vivrait plus que pour lui-même. La perspective qu'une personne puisse de nouveau avoir le contrôle sur lui, balaye absolument tout le reste.

Très curieusement, un petit bout de truffe se poste juste devant son regard, l'empêchant de continuer à observer les clichés sur le petit écran. Izuku souris partiellement, ravi de constater qu'il peut toujours compter sur son compagnon de choc pour le tirer de ses mauvaises passades, et qu'elle s'applique à le tirer de son mutisme autant que cela se montre nécessaire. 

Presque heureux, il range son téléphone dans sa poche arrière, et se concentre pleinement sur le canidé. Pendant cinq bonnes minutes, rien ne compte plus que de la couvrir d'amour. Lui donner autant de papouilles qu'elle en réclame, et s'assurer que Kumo à toute l'affection dont elle a besoin. Elle qui l'a adopté également, sans rien trouver à en redire. Qui a pris soin de lui, et sur qui elle a veillé durant ses nuits de sommeil agitées. 

Izuku lui offre son plus beau sourire, après avoir laborieusement essuyé les sillons qu'ont laissés ses larmes sur ses joues. Il joue un peu avec elle, s'amusant à lui lancer le bout de bois qu'elle traînait déjà depuis un moment. Et ça lui fait du bien, de juste profiter d'une bribe légère, d'une parenthèse qui sort de son cheminement de pensée, et qui l'occupe un peu. 

Ça lui permet de faire un peu le tri, le vide. De comprendre éventuellement une chose ou deux, et de se dire qu'il ne va pas prendre la mauvaise décision. 

Et puis, quand la chienne finit par se calmer, le jeune homme flatte une dernière fois sa tête d'une gratouille avant de récupérer son mobile. 

Flegmatiquement, il sélectionne le nom du contact qu'il a en tête, et réprime cette boule d'anxiété qui tente de revenir à la charge dans son estomac. Chaque sonnerie qui passe, fait grimper d'un niveau son stress, pendant qu'il se mord frénétiquement la lèvre.

Il va probablement en garder une égratignure, et peut-être même se causer un petit saignement. Mais qu'importe, ça lui est bien égal à cet instant précis. 

Son interlocuteur finit par décrocher, après un temps qui lui a paru interminable, et Izuku se sent presque vaciller quand cette voix délicate s'adresse à lui. Enfin, une fois qu'il a repris le contrôle de sa respiration, s'assurant qu'aucun trémolos ne va le déstabiliser, il répond difficilement. 

« - Sho' ? J'ai besoin de toi s'il te plaît. »

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