Chapitre Dix-Neuf

Point de vue Mia

Saleté de coq ! Je vais le tuer !

J'ouvre brusquement mes yeux et grogne avant de remettre ma tête sur mon oreiller. À côté de moi, un rire rocailleux se fait entendre et je relève la tête. Ryan est allongé sur le dos à côté de moi, dans son plus simple appareil et me fixe avec un sourire.

- Arrête de te foutre de moi, je râle et remonte la couverture sur nos deux corps nus.

Le drap vient se poser délicatement sur mon dos et ma peau réagit automatiquement. L'air frais est passé par la fenêtre que j'avais ouverte hier soir et maintenant j'ai la tremblote. Je suis presque sûre d'avoir attrapé froid.

- Tu regrettes ce qu'on a fait ?

Mes yeux s'ouvrent en grand et je le regarde étonnée. Ryan détourne le regard et fixe le plafond, les mains derrière la tête.

- Non, je secoue la tête et me redresse en tenant la couverture pour couvrir ma poitrine.

Un faible sourire s'inscrit sur son visage mais disparaît bien vite. Je suis revenue, on peut essayer quelque chose, rien ne nous en empêche.

Et c'est à ce moment que je me souviens que Ryan doit partir à des kilomètres d'ici.

- Mais la question ne se pose plus vraiment, hein ? Je chuchote et me relève du lit, tirant la couverture.

Celle-ci s'enroule autour de moi et Ryan se retrouve nu sur le lit. Pourtant je ne le regarde pas et avance jusqu'à la salle de bain. Le drap crème tombe sur le sol et j'ouvre le robinet de la douche. J'attrape ma boîte de pilules sur le côté du lavabo et en ingurgite une. Je n'ai pas forcément envie d'être maman tout de suite.

L'eau chaude coule sur ma peau, j'en oublie le maquillage qui doit certainement partir avec. Je tente d'oublier la nuit la plus magique de ma vie, les mots doux, les caresses de Ryan et ses baisers sur mon corps chaud sous son toucher.

La porte vitrée grince et bien vite un corps se glisse près de moi. Inutile d'ouvrir les yeux, je connais son propriétaire et si j'ai le malheur de le regarder, je ne pourrais plus le laisser partir.

Les mains de Ryan passent sur mes hanches et remontent jusqu'à ma poitrine, en passant par mes côtes. Tous mes sens sont en éveil, le moindre mouvement est analysé. Je déglutis.

Sa bouche se pose sur mon épaule et y laisse des baisers mouillés par l'eau qui coule toujours. Il monte le long de mon cou et mordille sauvagement ma peau. Je gémis et passe mes mains dans ses cheveux trempés pour le rapprocher au plus près de moi.

Il se décolle de mon cou et vient poser son front au mien. Nos souffles se mélangent, mes yeux s'ouvrent, je me mords la lèvre et le vois m'observer en silence.

- J'ai rêvé de ça tellement de fois depuis ce bal, il m'apprend d'un murmure. J'aurais dû venir te chercher à New-York. Mais je ne pouvais pas laisser ma mère seule.

« Quand on aime une personne, on est prêt à tout pour elle. »

Il a voulu me rejoindre. Ryan voulait venir me chercher, il voulait venir à New-York, pour moi.

- Tu serais venu, je commence, si Belle était toujours là ?

Il respire fortement et décolle son front du mien sans me lâcher du regard.

- J'aurais pas hésité.

Ses lèvres se rapprochent des miennes et ils les scellent sensuellement. J'oublie tout. Son futur départ, notre nudité et toutes les années que j'ai gâché à New-York.

Ryan plaque mon dos à la paroi de la douche et continue d'embrasser le haut de ma poitrine pendant que mes jambes viennent entourer sa taille, en prenant soin de ne pas tomber. Mes gémissements remplissent la pièce et le désir nous emporte, à nouveau.

*

Devant le miroir et serviette de bain entourant mon corps, je tente d'enlever toutes traces de mon maquillage qui a pu couler sous l'eau. Je ressemble à un panda et j'ai horreur de ça. Non pas qu'un panda ne soit pas mignon, mais disons que l'idée d'avoir deux tâches noires autour des yeux ne m'enchantent pas plus que ça.

- Pourquoi tu te maquilles ? Me demande Ryan dans l'encadrement de la porte.

Il s'est rhabillé de ses vêtements d'hier et dire que je n'ai pas envie de le revoir sans serait mentir.

Je hausse les épaules et le regarde se positionner derrière moi dans le miroir.

- Tu es tellement jolie au naturel, il embrasse ma clavicule.

Je penche la tête en arrière et le laisse déposer de nombreux baisers dans mon cou où un suçon a déjà pris place.

- Mmh...

Ryan laissé échapper un râle quand nous entendons quelqu'un toquer à la porte de ma chambre. Je m'excuse auprès de Ryan et sors de la salle de bain, toujours en serviette.

- Prends ça, me souffle t-il en me tendant un peignoir blanc.

Je souris devant son air protecteur et défais ma serviette qui atterrit au sol lentement. Ryan déglutit et j'enfile le peignoir avant d'atteindre la porte pour l'ouvrir.

- Hey sœurette, s'exclame mon frère quand il me voit.

Il laisse un simple baiser sur ma joue et dépose des croissants sur la commode près de la porte.

- Hey, un problème ? Je le questionne et vérifie que Ryan reste bien dans la salle de bain.

Non pas que j'ai honte mais je ne connais pas vraiment la nature de notre relation alors si je ne peux pas moi-même mettre un mot dessus, comment je pourrais le dire à mon frère.

- Aucun, il secoue la tête et s'avance légèrement pour se placer devant moi, mais je venais juste chercher Ryan pour le boulot.

J'arrête soudainement de respirer et contracte le peu de muscles de mon corps.

- Quoi ?

- Tu peux sortir Ryan, crie légèrement Andrew.

Ryan passe la tête puis le corps hors de la salle de bain et vient se poster près de moi. Embarrassée, je tripote la ceinture de mon peignoir et me balance sur mes jambes.

- Comment t'as su que j'étais là ? L'interroge son meilleur ami.

- Je suis passé chez toi mais ta mère m'a dit que tu étais pas rentré donc j'ai fait le rapprochement, il hausse les épaules comme si la réponse était évidente.

Je regarde Ryan qui passe nerveusement sa main dans ses cheveux encore mouillés. Il est carrément sexy, il ne s'en rend même pas compte.

- Écoutez, mon frère me sort de mes pensées, je sais pas ce que vous êtes exactement mais juste évitez de vous faire souffrir.

- Je ne sais pas non plus ce que nous sommes, pensais-je.

Je hoche la tête, regarde mon frère me saluer et ordonner à son ami de le rejoindre rapidement dans sa voiture. Ryan ramasse lentement ses chaussures et les enfile.

- On est quoi Ryan ? Je chuchote comme si je me posais la question à moi-même.

Il se relève du lit, s'approche de moi et vient déposer un chaste baiser sur mes lèvres.

- On se voit plus tard.

*

- Donc il t'a lâché un 'on se voit plus tard' alors qu'il part ce soir ? Me demande Kaitlyn comme pour confirmer ce que je viens de lui expliquer.

Rattraper le temps perdu à propos des mecs, c'est fait. J'ai raconté à ma meilleure amie ce qu'il s'est passé ce matin et hier soir, sans tous les détails et lui ai expliqué que je suis complètement perdue.

Elle prend une gorgée de son sirop à la fraise et écoute la suite.

- Ouais, je lui confirme, et je ne sais pas ce que je dois faire là. Juste quand je reviens, lui part.

Kaitlyn attrape son téléphone et le regarde rapidement.

- Il est midi passé, tu pourrais aller le voir pour parler. Il doit être en pause.

Ensemble, nous nous levons de la table de la terrasse du petit café et partons en direction de mon véhicule.

*

Sortant de la voiture, je remets ma petite robe simple en place et la lisse légèrement. Je dois avouer que j'ai un peu peur d'aller parler à Ryan mais je ne peux pas rester indéfiniment dans cette situation. Je sais qu'il va partir mais j'ai besoin de savoir si quelque chose est possible malgré la distance. Je n'ai jamais eu de relation longue distance et même si ça me fait peur, je veux essayer. Parce que Ryan en vaut le coup et je ne peux pas le laisser partir comme ça. C'est peut-être tôt pour dire ça alors que Mike et moi avons 'rompu' il y a quelques jours mais j'ai ce besoin inexplicable qui grandit en moi.

Kaitlyn pousse la porte de la boutique et la clochette retentit. Mon frère au comptoir relève la tête de son livre et nous sourit. Quelques secondes plus tard, il est déjà en train de serrer sa future femme dans ses bras et l'embrasse tendrement.

- Qu'est-ce que vous faites là ? Andrew nous demande et pose son front contre celui de Kait.

Ils sont tellement mignons. Les voir aussi heureux me remplit de joie et je baisse la tête. J'aimerais avoir la même chose.

- On voulait passer vous faire un petit coucou, lui répond ma meilleure amie.

Ils se détachent et Andrew retourne derrière son comptoir. Je tripote les clés de voiture dans ma main et me mords la lèvre. C'est fou comme l'idée de voir Ryan me rend aussi impatiente. Je l'ai vu il y a quelques heures et pourtant je n'arrête pas de penser à lui. Est-ce que lui aussi pense à moi ?

- Vous venez de rater Ryan, nous explique mon frère et me jette un coup d'œil, il est rentré chez lui pour finir ses cartons.

Kaitlyn se tourne brusquement dans ma direction et me souffle d'y aller. Je fronce les sourcils et plisse les yeux.

- Vas y Mia, t'as plus rien à perdre.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? Questionne Andrew et son regard passe de Kaitlyn à moi.

- Mia doit voir Ryan, insiste t-elle, maintenant.

- Kait...

- Elle a raison, continue mon frère, vas y.

Les deux m'observent et hausse les sourcils. C'est quoi cette soudaine alliance ?

- D'accord, je souffle et prends le chemin de la sortie.

Je quitte le magasin et entre dans ma voiture. Les mains sur le volant, je réfléchis. C'est peut-être mieux que je laisse Ryan partir. Si je ne vais pas le voir, ça me fera sûrement moins mal quand il sera vraiment parti.

Mon téléphone sonne sur le siège à côté de moi et je décroche sans regarder le numéro.

- Allo ?

- Mia viens à l'hôpital tout de suite ! On me hurle dans les tympans.

- Papa ?

- Vite !

Je jette mon téléphone sur le siège et démarre sans me poser de question, direction l'hôpital.

*

Quand j'arrive enfin, il est quatorze heures vingt. Je n'ai pas mangé, mais vraiment ça m'importe peu.

Je claque la porte de ma voiture sans oublier de prendre mon sac à bandoulière et me rue dans l'entrée de l'hôpital. Je ne prends pas la peine de demander quoi que ce soit à la secrétaire. Je sais pour qui je suis ici, inutile de préciser.

Je grimpe les escaliers deux à deux et pousse bruyamment la porte de l'étage. Tous les regards sont tournés vers moi, on me dévisage mais je n'y fais pas attention. Essoufflée, je cherche le chemin pour aller jusqu'à la chambre.

- Mia ! On crie sur ma gauche.

Mon père marche difficilement jusqu'à moi et je me précipite dans ses bras. Je ne sais pas ce qu'il se passe, mais la seule vue de son regard effrayé me donne des frissons.

- Qu'est-ce qu'il se passe papa ? Je me retire de l'étreinte et tente de déchiffrer l'expression de son visage.

Alors que mon père allait parler, quelqu'un déboule à ma suite et s'approche de nous en courant.

- J'ai eu ton message, nous annonce Andrew. Qu'est-ce qu'il se passe ?

Mon père nous zieute et finit par baisser la tête.

- Votre mère s'est réveillée, un sourire s'inscrit automatiquement sur nos visages, mais elle a été plus touchée par l'opération que prévu...

Je n'en attends pas plus et cours jusqu'à la chambre de ma maternelle, malgré les protestations de mon frère et mon père.

J'entre directement sans prendre la peine de toquer et vois ma mère, allongée sur le lit, un peu surélevée. Elle semble déboussolée et effrayée.

- Maman, je souffle et m'approche d'elle.

Je pose ma main sur le lit près d'elle et remarque un mouvement de recul de sa part. Un main se pose sur mon épaule et je tourne la tête sous la pression. Mon père me regarde désolé et me demande de sortir de la chambre.

Dehors, il referme la porte et pose ses mains sur son visage. Mon frère est assis par terre, les mains sur sa tête et les genoux ramenés contre son torse.

- Est-ce que quelqu'un va m'expliquer ce qu'il se passe ? Je me surprends à hausser la voix. Elle a eu peur de moi, elle était effrayée !

- Elle a perdu une partie de sa mémoire Mia ! Gueule mon frère et c'est à ce moment que je remarque les larmes qui coulent sur son visage.

Ma poitrine se soulève rapidement, mon cœur bat plus fort, j'ai l'impression d'exploser de l'intérieur.

Non.

Non.

Non.

C'est pas possible. Elle ne peut pas nous avoir oublié.

- Mia...

J'enlève la main de mon père de mon épaule et ramasse mon sac au sol. J'ai besoin de sortir d'ici, de prendre l'air.

*

Je suis sortie de l'hôpital sans un mot. Nous étions tous trop sonnés pour réfléchir correctement et le mieux était que nous prenions tous du recul par rapport à la soudaine perte de mémoire de ma mère.

Elle a perdu la mémoire.

Ces cinq mots résonnent dans ma tête depuis plus de trente minutes. Elle ne se souvient certainement plus de son mariage, de notre naissance ou encore même de son prénom. Elle ne nous reconnaît plus. Et c'est peut-être pire que de l'imaginer partir. Vivre avec quelqu'un que vous connaissez par cœur, avec qui vous avez passé presque toute votre vie.

Je replis mes genoux contre moi et frappe mon dos contre l'arbre derrière moi. Je suis seule dans cet espèce de grand parc. Les enfants sont tous à l'école, il n'y a personne.

Je cogne ma tête contre le bois et me laisse aller à pleurer. C'est trop dur, imaginer que sa mère ne nous reconnaît plus, c'est trop dur pour moi. Les larmes coulent à flot sur mon visage, les gouttes d'eau tombent sur ma poitrine, j'ai mal au cœur.

Un objet en mouvement bouge à côté de moi et je sens une présence à ma gauche. Je n'ouvre pourtant pas les yeux, sauf quand une main se glisse dans la mienne et lie nos doigts.

- Ryan, je murmure quand j'ouvre les yeux.

- Ça va aller, il me regarde tendrement et porte ma main à sa bouche pour l'embrasser, je te le promets.

- Qu'est-ce que tu fais là ?

- Je ne pouvais pas partir maintenant, pas quand tu as besoin d'aide Mia, il me confie et je pose ma tête contre son épaule.

- Tu aurais dû partir comme je l'ai fait dix ans plus tôt, je lui réponds.

- Mais je ne l'ai pas fait.

Je lève la tête et malgré mes yeux embués, j'arrive à distinguer un faible sourire. Je ne réponds pas, ni à sa dernière phrase, ni à son sourire. Je n'en ai pas la force ni l'envie.

- Quand ma mère m'a dit qu'on avait retrouvé le corps de Belle, je n'y croyais pas, il commence après quelques minutes de silence. Je pensais qu'elle n'aurait pas eu le courage de se suicider, qu'elle ne nous aurait pas laissée finalement.

Un rire nerveux sort de sa bouche et il reprend. Je n'ai jamais vu Ryan comme ça, au bord des larmes. Mais je ne veux pas qu'il se force à me raconter ça.

- Ryan...

- On a dû identifier le corps le lendemain de son suicide. Tu peux pas imaginer comment ça a été dur de voir le corps de ma sœur, immobile et meurtri, il laisse tomber sa tête en arrière et elle vient frapper l'arbre derrière nous.

Je serre plus fort sa main dans la mienne pour lui donner le courage nécessaire. Il a peut-être besoin de se vider.

- Dès que j'ai pu, j'ai couru jusqu'à chez toi, les larmes commencent à couler sur son visage, mais tes parents croyaient que tu étais avec moi. Alors je t'ai cherché dans tout le village. Mais ton frère m'a appelé pour me dire que tu avais pris tes affaires et que tu étais partie.

À mon tour, les larmes coulent à nouveau. Je me déteste. Comment j'ai pu partir alors qu'il n'avait jamais eu autant besoin de moi ?

- Je dormais plus, mangeais plus, j'ai séché les cours... J'avais l'impression que toutes les personnes à qui je tenais partaient les unes après les autres. J'avais perdu deux des trois femmes les plus importantes de ma vie.

Son regard vient trouver le mien et je comprends à ce moment là ce qu'il essaie de me dire.

Je l'ai abandonné. Je l'ai laissé alors qu'il avait besoin de moi.

J'ai brisé le cœur de Ryan.

- Je suis tellement désolée Ryan, je pleure à chaudes larmes.

Ryan attrape ma taille et me rapproche de lui jusqu'à ce que ma poitrine touche son torse. Il n'y a plus rien qui nous sépare, si ce n'est nos couches de vêtements. Les mains de Ryan maintiennent ma taille tandis que les miennes passent dans ses cheveux.

Je suis tellement désolée.

____________________

N'hésitez pas à voter, à commenter et à partager.

Merci. Léa <3

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top