29-2. Désolé

En média "Puisque tu pars" de JJ Goldman

Manoé

Je me réveille avec l’impression que ma tête est en travaux. Ma propre respiration est un bruit assourdissant qui me pousse à porter mes mains à ma tête sur le point d’exploser. Je remarque que je suis dans ma chambre sans avoir la moindre idée de comment j’y ai attéri. Vu la cuite que je me suis prise hier soir, j’espère que je n’ai pas eu la folie de prendre la moto pour rentrer. Je n’ose imaginer ce que je vais me prendre de la part de ma mère et de mes grands-parents si c’est le cas. 

Après m’être passé un peu d’eau sur le visage et avoir avalé un comprimé de paracétamol, je descends à la cuisine où je retrouve Mamie et Papi attablés autour de grilles de mots croisés. Je suis surpris qu’ils s’adonnent de si bon matin à leur activité préférée d’après sieste, quand je lève mes yeux et vois que l’horloge indique déjà 16 heures. J’ai dormi toute la journée !

_ Ah tiens, l’ivrogne au bois dormant vient enfin de sortir de son coma ! marmonne Papi, les yeux fixés sur sa grille.

_ Michel ! Laisse le un peu tranquille, veux-tu ? Nous aussi nous avons été jeunes et nous savons ce que sont les lendemains de soirée bien arrosée. Tu veux manger quelque chose mon grand ?

_ Oui, merci Mamie, lui réponds-je au même moment qu’un grognement retentit depuis mon estomac. 

Elle rigole puis s’affaire à me réchauffer un plat. Papi en profite pour repousser ses mots croisés et me fixe un long moment avant de prendre la parole :

_ Quand vas-tu te décider à nous dire ce qui te tracasse, gamin ? Ça fait quelques jours que ta grand-mère et moi voyons que tu n’es pas dans ton assiette. Y’a une fille la-dessous, j’en suis sûr.

_ Qu’est ce qui te fait dire ça, le questionné-je surpris de sa perspicacité, lui qui en dehors de sa passion est un homme assez taiseux.

_ Il n’y a qu’une bonne femme pour pousser un homme à boire comme un trou , au point où ce sont tes copains qui te ramènent tout comateux à la maison, dit-il d’un ton réprobateur tandis que Mamie lui octroie une légère tape sur la bras avant de me tendre une assiette. Alors ? C’est cette petite, celle qui te rendait déjà fou quand tu es venu me voir à l’hôpital ?

_ Oui, soufflé-je vaincu. Ça ne s’est pas bien terminé entre nous mais je…

_ Mais tu l’aimes toujours, me coupe Mamie qui s’installe près de nous. Elle, elle ne t’aime pas ?

_ Si, enfin je crois, mais c’est plus compliqué que ça, tenté-je d’expliquer.

_ Comment ça compliqué ? Si tu l’aimes et que la p’tite t’aime en retour, y’a rien de compliqué. Ah vous les jeunes, toujours à pinailler, intervient Papi. 

_ Elle m’a… elle m’a dit qu’elle était enceinte.

Cette annonce a le don de soutirer un cri de surprise à Mamie avant que celle-ci ne se mette une main sur la bouche. Papi, lui, prend son air grave et sérieux, m’invitant silencieusement à poursuivre.

_ Je ne l’ai pas cru, enfin, je n’ai pas cru à sa grossesse et je lui ai balancé qu’il n’était surement pas de moi.

_ Pourquoi ? Qu’est-ce qui te fait croire qu’elle t’aurait menti ? m’interroge Mamie encore sous le choc.

_ Il y a un autre gars, plus âgé, donc, j’ai cru que…, je m’interromps quand je prends conscience d’à quel point cette situation est hallucinante.

_ Elle t’a trompé ? me demande encore Mamie tandis que Papi reste silencieux à ses côtés.

_ Oui, enfin non ! Elle m’a toujours dit qu’il ne s’agissait que d’un ami mais je n’ai pas voulu la croire. Donc j’ai imaginé qu’ils étaient ensemble dans mon dos. Je n’ai pas supporté de la voir proche de lui et je l’ai rejetée.

_ Mais pourquoi ne pas l’avoir cru ? intervient subitement Papi.

_ Parce que je me suis accroché à elle comme je ne l’avais jamais fait auparavant. Je lui ai tout donner de moi, mon assurance et mes failles. Alors quand je l’ai vu avec lui, je me suis senti trahi. J’ai eu l’impression que l’histoire se répétait. Mais cette fois-ci, c’est moi qui endossais le rôle de Maman et Mélissa celui de l’autre déserteur, mon géniteur de père !

_ Manoé, ce n’est pas à moi de te raconter dans le détail ce qu’il s’est réellement passé entre tes parents, mais sache que ta vie n’a rien à voir avec la leur. Tu ne peux pas te refermer à chaque fois que tu crois qu’on va te blesser. Tu es en phase de devenir un adulte. Tu dois vivre ta propre vie sans chercher constamment à faire un parallèle avec l’histoire de ta mère. Tu me dis que cet homme, l'ami de ta copine, est plus âgé. A-t-il une situation financière ? Alors pourquoi serait-elle venue vers toi pour t’annoncer cette grossesse si l’enfant était de lui ? Elle rechercherait une personne qui pourrait subvenir à leurs besoins à tous les deux et non un jeune qui a tout à construire comme elle. As-tu réfléchis à cette éventualité ? m’assomme Mamie avec le poids d’une vérité à laquelle je n’avais pas pensé.

_ Tu dis craindre que le passé ne se répète, pourtant, ta réaction montre que c’est toi seul qui peut décider d’en prendre le chemin, ou pas. Ne laisse pas cette gamine croire que tu fuis tes responsabilités. Prends le temps de discuter et de régler vos problèmes. Nous savons dans quel état était ta mère après le rejet de ton père. Ne fais pas subir la même chose à cette jeune fille, m’encourage Papi, au bord des larmes alors que celles de sa femme coulent abondamment sur ses joues. 

_ Tu devrais en parler avec ta mère, renifle cette dernière. Et rattraper le coup avec Mélissa. 

_ Quand bien même, il y a tellement d’obstacles maintenant entre nous que je ne sais pas par quoi commencer, lui avoué-je désespéré.

_ Un pas après l’autre, mon grand ! me rassure-t-elle. Tout s’arrangera si tu en prends l’initiative, j'en suis sûre.

Après une longue et interminable discussion avec Maman, qui n'a pas bien pris la nouvelle concernant l'éventuelle grossesse de Mélissa, je réalise à quel point j'ai merdé. Même si Papi et Mamie ont préféré ne pas s'imposer dans notre échange mère-fils, ils l'ont beaucoup tempérée, lui rappelant son propre passé et l'obligeant à se remettre dans le contexte quand elle se trouvait à la place de Mélissa. Maman n'a admis, qu'entre ses dents serrées, que je devais tout faire pour renouer le dialogue avec l'abeille, ne serait-ce que pour savoir réellement ce qu'il en est. Elle ne démord cependant pas sur le fait que je ne dois pas laisser cette histoire briser mon avenir en insistant lourdement sur la réalisation d'un test de paternité si ma grossesse devait se poursuivre. L'éventualité d'un cursus à Marseille pour moi et au Canada pour Mélissa est remis en cause. Ce bébé change définitivement la donne.

Je passe ma soirée dans ma chambre à tenter de joindre mon abeille mais indubitablement, je tombe sur sa messagerie. Ma conscience me dit que c’est un juste retour des choses si elle m’a bloqué à son tour. Et elle aurait raison vu les atrocités que je lui ai sorti ces derniers temps. Je l'imagine avec son ventre rond, portant le fruit de notre amour. Cela paraît certes prématuré au vu des misères que je lui ai faites dernièrement, mais je ne conçois pas que ce mélange de nous deux soit effacé de nos vies. Il me tarde de le lui dire ainsi que les nombreuses excuses que je devrai lui faire, à genoux s'il le faut, quitte à me briser les rotules. Je me fiche de ce que pense ma mère. En dépit des mensonges dont je me suis nourri ces derniers temps, j'ai confiance en Mélissa. Mamie a raison sur un point, si ce bébé n'était pas de moi, l'abeille ne se serait pas rabaissée à venir m'en parler. J'ai été stupidement aveugle et injuste vis à vis d'elle et je veux réparer au plus vite mon erreur, mais encore faudrait-il que je parvienne à la joindre ! Je ne veux pas contacter ses amis. Je veux pouvoir lui exprimer directement tout ce que je pense. 

J’arrache une feuille d’un de mes cahiers et commence à écrire. Je lui glisserai ma lettre sous sa porte et j'espère que mes mots me feront obtenir une ultime chance.

“Mon abeille, Mélissa, 

Je t’écris ces quelques mots parce que..”

Je froisse la feuille. Les mots qui défilent dans ma tête, sortant tout droit de mon cœur et que je peine à poser sur le papier, ne me suffisent pas. Je veux pouvoir le lui dire en personne. Je veux la regarder dans les yeux et la laisser voir tous les regrets qui hantent les miens.

Demain, j’irai la retrouver et nous nous expliquerons. J’espère qu’elle m’accordera son pardon quitte à ce que je m'humilie d'amour pour elle.

Ma nuit est agitée de songes aussi doux que douloureux. Mon cerveau me repasse en boucle tous nos moments merveilleux et heureux. Si bien qu'à la première heure du jour, je suis levé et prêt à jouer mon destin au poker de l'amour, sous les regards encourageants de mes grands parents et désapprobateurs de ma mère.

Je sonne, frappe depuis plusieurs minutes à la porte des Legrand-Dicken. Les volets sont fermés mais je me dis que peut être, il y a une infime chance pour que Mélissa se soit recluse à l'intérieur et qu’à force d’insister elle cédera et m’ouvrira. Mais au bout d’un moment, je dois me rendre à l’évidence, il n’y a personne. 

Je pense immédiatement à sa brasserie fétiche en centre ville. Elle doit peut être y être avec sa bande d’amis. Mais quand je m’y rends, il n’y a aucune trace d’elle. Je fais un tour dans les rues de notre ville espérant croiser son regard au détour d’une ruelle quand soudain, je repère la voiture du prof de français sur le stationnement du cimetière. Je me rappelle soudain que nous sommes mercredi et que c’est le jour où elle s’y rend habituellement pour se recueillir sur la tombe de son amie. Je serre les dents à me démonter la mâchoire à l’idée qu’il ait pu l’accompagner. Toujours dans nos pattes celui-là ! Mais cette fois-ci, je ne vais pas lui laisser le champ libre. Mélissa et moi avons des choses à régler, un amour à réparer, une vie à construire.

Je foule le sol enherbé de cet endroit qui m’est si peu familier. Je ne sais pas où me diriger donc je scrute chaque allée en quête de mon abeille. Puis, je le trouve, lui, debout face à une stèle de marbre. Je cherche du regard si Mélissa se trouve dans les parages, mais, il ne semble pas être accompagné. Ses épaules sont voûtées de chagrin. Il devait vraiment être proche de sa soeur pour que sa peine soit aussi perceptible même un an après la disparition de celle-ci.

Je tente de me faire discret mais il se retourne et me fusille du regard. Ses yeux sont deux petites fentes et je peux ressentir les balles imaginaires avec lesquelles, ils transpercent mon corps.

_ Qu'est-ce que tu fous là, Beauchamp ?  grince-t-il entre ses dents.

_ Je suis à la recherche de Mélissa, lui dis-je avec assurance.

Il cille légèrement mais me lance rapidement avec dédain et une rage contenue :

_ Tu devrais être content, ta bande et toi avez obtenu ce que vous vouliez depuis le début : briser un coeur généreux et le réduire en miettes. Dès le début, j’ai su que tu n’étais pas digne de son amour.

_ Pourquoi ? Vous pensez le mériter plus que moi, peut être ? lui rétorqué-je hargneux, blessé qu’il pense que j’ai joué avec mon abeille.

Sans même que je n’ai le temps de l’anticiper, il s’avance vers moi et m’empoigne par le col de mon tee-shirt, nous collant nez à nez, ses narines dilatées expulsant à grand peine sa rage sur mon visage.

_ Elle méritait quelqu’un qui ne l’aurait pas poussée à fuir son pays pour se réfugier à des milliers de kilomètres sur le continent américain ! assène-t-il comme une sentence.

_ Quoi ? paniqué-je tout d’un coup ne voulant pas croire ce qu’il sous-entend.

_ Tu ne savais pas que l’ai conduite hier à l’aéroport avec sa grand-mère ? Elle est partie vivre au Canada, me hurle-t-il dessus après m’avoir relaché.

_ Elle est partie ? Non ! Ce n’est pas possible ! Elle n’a pas pu faire ça sans me le dire. Et le bébé ? m’arraché-je presque les cheveux tant je ne veux pas le croire.

_ Comment ça ? Quel bébé ? se fige-t-il tout d’un coup.

_ Elle m’a dit l’autre jour qu’elle était enceinte et je ne l’ai pas cru mais…

Je n’ai pas le temps de finir ma phrase qu’une douleur fulgurante dans la mâchoire me projette au sol. Je réalise alors que Sarault m’a foutu son poing à la gueule. Si je croyais qu’il était énervé tout à l’heure, là je constate que sa rage atteint des sommets et il se retient difficilement de ne pas m’achever sur place.

_ Non content d’être un petit merdeux égoïste, Beauchamp, tu es un bel enfoiré ! Tu… Va au diable ! me crache-t-il avant de partir d'un pas lourd mais rageur.

Je reste allongé sur l’herbe fraîche, assommé par ce qu’il vient de m’apprendre : Mélissa m’a définitivement quitté, elle est partie et j’en suis le seul responsable. Ma mâchoire m’élance mais ce n’est rien comparé à la douleur qui se loge dans ma poitrine. Je frotte un moment mon visage avant d’appuyer mes mains sur mes yeux. Et là, je me mets à sangloter bruyamment. 

Elle est partie et je ne sais pas si elle gardera ou non le bébé. Je l’ai rejetée et j’ai rejeté mon enfant.

Je ne vaux pas mieux que mon enfoiré de géniteur…

Fin de la première partie

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Coucou mes Beeloved !

Ça y est ! C'était le final de cette 1ère partie.
Et quel final ! me direz-vous.

La sentence est tombée !
Melissa s'est enfuie pour le grand nord américain et Manoé qui revenait enfin à la raison, se retrouve anéanti de remords et de tristesse.
Il perd sa moitié !

Triste, non ? 😭💔😭💔😭

Mais comme vous le savez bien maintenant, je suis une incorrigible fleur bleue et je ne peux pas laisser nos deux abeilles sur cet amour inachevé (quoique bien consommé 😅). Surtout que de nombreuses questions restent en suspend : va-t-elle garder le bébé ? Reviendra-t-elle en France ? Retrouvera-t-elle l'amour ?

Je vous réserve de nombreuses surprises, bonnes et mauvaises ! 😈
Mais que serait le bon sans le mauvais pour nous faire l'apprécier davantage ?

Ma plume vous dis donc au revoir (juste pour quelque temps) le temps de préparer nos retrouvailles avec notre abeille, et qui sait peut être... Son faux bourdon !

Je promets de ne pas être longue 😉 mais cette petite pause est plus que nécessaire.

En attendant, je vous retrouverai avec  joie sur les histoires que je prends plaisir à commenter (et qui me manquent terriblement ! 😢)

Bisous déchirants
Namsra

P. S: ça me fend le cœur de laisser Paul sur la touche. Certes, sa place n'était pas aux côtés de Mélissa mais il n'a rien fait de mal si ce n'est d'éprouver des sentiments pour la mauvaise personne.
Du coup, les dieux de l'écriture m'ont soufflé son histoire, et peut être qu'un jour, après avoir achevé celle de Bee, trouverai-je les mots à poser pour lui sur une page blanche ! 🤷‍♀️
Qui sait ? Il y a encore peu, je ne me pensais pas capable d'écrire un chapitre, aujourd'hui je canalise mon imagination qui me pousse à partir dans tous les sens.
À très bientôt mes Beeloved ! 💋❤️

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