29-1. Désolé
En média "Sorry" de Halsey (version masculine)
Manoé
Fais chier !
Cramponné à ma moto, je mets les gaz, avalant les kilomètres au fur et à mesure que mes roues glissent sur le bitume. Je me laisse griser par la vitesse, tentant d’étouffer le martèlement de mon crâne, où des images ne cessent de défiler à toutes vitesse. Je sais que je dois lever le pied car je viens tout juste d’obtenir mon permis. Mais rien n’y fait, je roule pour oublier, pour l’oublier.
“Je suis enceinte”
Ces mots me martèlent tels les pics d’un marteau piqueur. Je prie pour que ce soit une mauvaise blague tout en imaginant son ventre s’arrondir. Je ne peux pas croire qu’elle m’ait fait ça. La Mélissa que je connais et que j’aime ne se servirait pas d’un tel mensonge pour ramener quelqu’un à elle, ni pour attirer l’attention. Mais d’un autre côté, comment se pourrait-il qu’elle soit enceinte de moi alors que ça fait des lustres que nous n’avons pas été intimes ? Surtout qu’à chaque fois, on a bien pris garde de nous protéger alors même qu’elle prenait la pilule. Se pourrait-il qu’il soit d’un autre ? De Sarault ? Non, pas mon abeille !
Sans que je n’arrive à les endiguer, les images d’elle enveloppée dans les bras de notre prof, dans sa rue, s’impriment dans ma tête faisant écho à celles où je les ai surpris tendrement enlacés dans son lit. Elle m’a dit qu’il était son ami et le frère de sa meilleure amie. Ils se connaissent depuis longtemps. Il rentre et sort de chez elle comme dans un moulin. Ils ont un passé douloureux en commun. Il…
Sentant que je pars en vrille et que je risque de perdre le contrôle de ma bécane récemment acquise, je m’arrête sur une aire d’autoroute pour calmer le tremblement de mes membres, qui sous la tension accumulée dans mon corps, échappent eux-aussi à mon contrôle. Je détache le casque sous lequel je suffoque et l’enlève rageusement. Je me penche un instant, prenant appui sur mes cuisses afin de retrouver mon souffle. Des gouttes percutent le bout de mes chaussures. Je relève ma tête vers le ciel, m’apprêtant à recevoir les prémices de la pluie, mais à la place, c’est un soleil brillant qui me nargue. Je me rends alors compte que ce sont mes larmes qui dévalent mes joues sans que je ne m’en aperçoive.
Je m’assieds un instant à même le sol, sur le côté de ma moto, afin de faire le point. Je n’ai jamais voulu ouvrir mon coeur à aucune fille car j’ai vu les ravages que pouvait causer un coeur brisé. Ma mère en a été un excellent exemple. Elle ne s’est jamais vraiment remise de sa relation avec mon géniteur. Elle n’a plus voulu laisser entrer personne dans sa vie amoureuse, préférant se consacrer à moi. Je m’étais promis de ne pas m'infliger cette même peine. Pourtant, il a fallu d’une fille aux yeux envoûtants et à la personnalité intrigante pour me faire renoncer à ma promesse. Et tout ça pour quoi ?
Je sais que je suis impulsif, que j’aurai dû prendre le temps de m’expliquer avec elle après ce fameux soir où Sarault et elle ont tout gâché ; mais je lui en voulais tellement. Je voulais lui faire aussi mal que ce que moi j’avais ressenti après avoir été trahi. J’ai donc mis de la distance, je l’ai repoussée, ignorée. J’ai même utilisé mon amie pour l’atteindre davantage car je savais que l’une ne portait pas l’autre dans son coeur. Pourtant rien de tout ça ne m’a apaisé. Au contraire, ça n’a fait que nous précipiter au bord du gouffre. Alors j’ai commencé à la surveiller de loin. Une part de moi s'accrochait à l'idée que Mélissa m’apporterait la preuve que tout ceci n’était qu’un affreux cauchemar duquel je peinais à me réveiller, qu’elle viendrait me sortir de mes limbes infernales ; qu'elle me montrerait son amour envers et contre tout, même contre moi ! Mais c’est tout le contraire qui s’est passé. Elle s’est mise à flirter encore et toujours plus, ranimant ma rage et ma soif de lui faire mal.
J’ai atteint mon point de rupture, le soir où après s’être frottée au volleyeur, chez moi, sous mes yeux, elle est partie s'enfermer avec lui dans l’une des pièces de l’étage. Quelque chose s’est brisé en moi et j’ai explosé. Je voulais tout péter. La haine en moi s’est faite plus tangible, me lacérant de l’intérieur et cherchant à exprimer sa fureur. Mes amis avaient dû batailler pour me maîtriser. C’est aussi ce jour-là que j’ai compris que je faisais du mal à Carla. Ce n’était pas bien de ma part de me servir d’elle alors que je savais qu’elle attendait davantage de ma part, quelque chose que je ne pourrais jamais lui accorder.
Comme lors de notre dernière soirée au Diamond, c’est dans l’alcool que j’avais pu trouver une certaine paix. Je m’étais enivré au point de ne plus savoir qui j’étais. C’est aussi dans cet état lamentable que ma mère m’avait retrouvé le dimanche soir à son retour de weekend à Nice. Même si j’étais content qu’elle s’ouvre de nouveau à l’amour, son bonheur me rappelait douloureusement que le mien n’existait plus. Après m’avoir longuement sermonné et fait promettre de ne plus jamais recommencer cette bêtise au risque de ne jamais m’autoriser à acheter une moto, car l’alcool est le pire ennemi de la route, surtout pour les deux roues, elle m’avait achevé avec une information qui devait rester confidentielle : le père de Mélissa avait demandé son dossier scolaire complet car mon abeille ferait son cursus supérieur au Canada.
Ma mère m’avait demandé de me ressaisir, de ne pas laisser un amour de jeunesse passager réduire à néant tous mes efforts. Moi, je ne me répétais en boucle qu’une chose : Mélissa va me quitter, elle va m’abandonner.
Le savait-elle depuis toujours, même quand nous projetions notre futur en région parisienne ? Est-ce pour cela qu’elle a aussi facilement accepté la distance que je lui ai imposé ? Elle savait !
Putain de pari à la con ! Si je n’avais pas flippé comme une mauviette quand elle m’avait demandé ce qu’il en était, le jour où elle m’a offert le meilleur des anniversaires ! J’aurais dû tout lui expliquer, que ce n’était qu’un moyen stupide de l’approcher sans que mes amis ou d’autres mecs du lycée n’y voit un moyen de m’atteindre. J’ai joué au con en voulant sauver les apparences, en restant le mec intouchable, arrogant que personne ne cherchait à emmerder, alors que plus je passais du temps avec mon abeille, plus je brûlais d’amour pour elle. J’aurais dû tout lui dire, elle m’aurait pardonné et même si ça m’aurait valu ses reproches mérités, nous nous serions relevés encore plus forts. Au lieu de ça, j’ai laissé Carla le faire à ma place et la pousser carrément dans les bras de ce connard de Sarault. Mélissa a dû prendre son pied à me rendre la monnaie de ma pièce, à appuyer là où ça faisait le plus mal ! Car malgré toute l’assurance que je montre aux autres, j’ai toujours flippé à mort qu’on se joue de mes sentiments et de n'être qu’un crétin amoureux trop aveugle.
Pourtant, je me souviens tout aussi clairement de l’air dévasté sur son visage quand je lui ai claqué la porte au nez. L’éclat de ses yeux qui se ternissait chaque jour davantage au lycée après les vacances de Pâques. Les sourires forcés qu’elle s’obligeait à offrir à tout le monde. La solitude dans laquelle elle s’est enfermée lors des épreuves de notre examen. Et cet anéantissement que j’ai cru percevoir quand je l’ai abandonnée sur le parking du lycée. Elle n’aurait pas pu jouer toutes ces émotions, si ?
Je la revois tomber dans le couloir froid du lycée alors que l’empreinte de ses lèvres adoucissait encore les miennes malgré le baiser enragé que je lui avais arraché. Je m’apprêtais à aller la secourir quand il était intervenu, lui, ce prof qui s’est interposé dans notre vie. Je le hais. Il m’a pris mon abeille et peut être… peut être qu’il nous a volé ce bonheur qui aurait dû être le nôtre quand, dans le futur elle aurait porté nos enfants. Il m’a tout pris.
Je sanglote, silencieusement, un long moment avant de me ressaisir et de rentrer à la maison où Mamie et Papi m’attendent. Ils sont venus aider pour le déménagement de Maman dans quelques jours puisqu’elle a obtenu sa mutation dans le Var. Papi est encore fragilisé suite à son accident vasculaire de février, mais il a tenu à accompagner sa fille unique dans la clôture de ce chapitre de sa vie.
Moi, je dois intégrer un cabinet d’architecte-paysagiste de Nice, pour un stage de vacances, avant d’intégrer mon école à Marseille. C’est un ami de Papi qui a accepté de me prendre sous son aile. Je commence dans deux semaines. Mais je ne m’attendais pas à l’annonce de Mélissa. Et si elle ne m’avait pas menti ? Que ferais-je ? Qu’en sera-t-il de nous ?
Quand je rentre chez moi, le soleil commence à décliner. Maman est encore au lycée, Papi se repose sur un petit transat dans le jardinet et Mamie regarde une émission à la télé. Elle vient me rejoindre dans la cuisine quand j’ouvre le frigo pour récupérer une bouteille d’eau.
_ Ça n’a pas l’air d’aller mon grand, tu veux en parler ? me demande-t-elle doucement.
_ T’inquiète, Mamie, je gère, lui réponds-je d’un ton qui ne me convainc pas moi-même.
_ Je pensais que la réussite de ton baccalauréat te mettrait plus en joie et au contraire j’ai l’impression d’être en face d’un forçat qu’on conduit au bagne, me relance-t-elle. Tu me le dirais si tu avais un problème, hein ?
_ Oui Mamie, mais pas aujourd'hui, s’il te plait. Je vais juste me reposer un peu avant la fête de Quentin ce soir, me dérobé-je après lui avoir claqué un bisou sur sa joue ridée.
Quelques heures plus tard, je me retrouve à la fête de Quentin qui bat son plein. Beaucoup de nos camarades nouvellement bacheliers sont présents mais aussi des amis étudiants de sa soeur Eva. Quand je surprends l’ami de Mélissa, Stan, parmi les fêtards, mon coeur loupe un battement et je balaie immédiatement la foule du regard à la recherche de mon abeille et du reste de ses amies. Mais je dois vite me rendre à l’évidence : le grand costaud est seul et toute son attention est rivée à Anne-So. Ça fait bizarre de les voir ensemble car ils détonnent un peu : lui, l’armoire à glace à l’éternel sourire et mon amie, petite punk au regard meurtrier.
Je dois les avoir fixé pendant longtemps car elle se retourne, lui chuchote un truc à l’oreille et les deux se dirigent vers moi. Ils m’annoncent qu’ils vont devoir y aller car ils ont une autre fête à laquelle se rendre aussi. Quand je leur demande où, ils se jettent un long regard avant que mon amie m’informe se rendre chez Suzelle. Automatiquement, mon cerveau embrumé jusque là par les quelques bières descendues se remet en marche et je comprends qu’ils vont à la seule fête où doit être Mélissa. Je tente de me remettre maladroitement sur mes pieds quand le baraqué me freine d’une main sur le torse en me prévenant que c’est une très mauvaise idée de m’y rendre. A sa mâchoire serrée, je comprends qu’il tente de se maîtriser. Le regard peu amène qu’il me jette me dissuade d’insister. Dans le brouillard de mes sentiments, je suis quand même content de savoir que Mélissa peut compter sur ses amis fidèles. Malgré tout ce que je lui ai dit, je l’aime toujours comme un fou, et l’alcool ingéré me révèle un peu plus l’ampleur de mon amour. Pourtant, une petite voix pernicieuse me rappelle que j’ai peut être tout gâché. Pour la faire taire, je me rassois et m’abreuve de liquide engourdissant, pour oublier, juste ce soir, qu’elle est encore une fois, loin de mes bras...
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Coucou mes BeeLoved !
Nous revoici pour cet avant dernier chapitre de la 1ère partie.
Surprise #2
Eh oui ! C'est bien une incursion (excursion sonnerait mieux, non ?) dans les pensées malmenées du faux bourdon.
Il est perdu et ne sait plus que penser ni que faire.
Il aime toujours son abeille mais plus il la blesse et plus il se noie dans son amertume sans réussir à faire surface
Je ne sais pas pour vous mais malgré les nombreuses claques que j'ai voulu lui balancer pour le réveiller un peu, il me fait de la peine ! 😢
Et cette chanson d'Halsey... 💔
L'alcool comme échappatoire ?
Tsss tsss tsss
Tu files un mauvais coton Mano !
Au moins, à défaut d'avoir l'alcool joyeux, son état d'ébriété le rend amoureusement lucide !
Mais fera-t-il le bon choix ?
Interviendra-t-il à temps ?
À mercredi pour le savoir !
Bisous désolés
Namsra
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