25. Silences hurlants

En média "Say something" de A Great Big World (performed by Pentatonix)

 Depuis quelques jours, je ne me sens pas bien. En plus de couver certainement quelque chose, toute la tension accumulée dans cette guerre froide que Manoé et moi nous nous livrons, a raison de mes réserves d’énergie.

Malgré tout, et même si je sais que l’on se fait du mal, je n’arrive pas à ravaler suffisamment ma fierté pour faire le premier pas vers une potentielle réconciliation. Les paroles d’Anne-Sophie tournent en boucle dans ma tête. Je m’y accroche fermement.

En me montrant le peu de considération qu’il avait à mon égard, il m’a profondément blessée. Je n'attends qu'un signe, un geste de sa part, quelque chose qui me prouverait que je lui manque autant qu'il me manque. 

Je sais que remettre coups pour coups n’est pas une preuve de maturité ni d’intelligence, mais je n’ai jamais prétendue l’être. Quand je me sens agressée, j’ai pour coutume d’attaquer la première. Mais depuis sa fête, il m’ignore de nouveau. Et même s’il n’a plus une Carla scotchée à ses basques, il n’essaie pas de me tendre un drapeau blanc pour mettre fin à cette souffrance mutuelle que nous nous infligeons. Je sais que Manoé est une personne fière. Sa fierté est à la hauteur de l’amour qu’il porte à ceux qu’il aime. Me voir avec Paul, savoir que je lui ai caché des choses l’a profondément meurtri. Malgré tout, Je sens que nous pouvons nous relever, encore plus forts. Mais encore faut il que nous calmions le jeu. 

Manoé est un adversaire redoutable. Je ne m'attendais pas0 à ce qu’il se montre aussi cruel : il encaisse puis rend les coups au centuple. Et punaise ! ça fait un mal de chien. Mais je ne céderai que quand il m’aura mise à terre ; en espérant que ce soit lui qui abdique le premier.

Je continue donc toujours ma petite routine : j’évite le réfectoire le midi et prends plus de temps pour discuter avec mes autres camarades. Ce sont majoritairement des garçons. Mais qu’est-ce que j’y peux si avec eux la discussion se fait plus naturelle qu’avec les filles ?

Si j’ai eu peur après la fête qu’il s’en prenne à Moussa, il n’en a rien été. Je crois qu’il a juste été vexé que je m’amuse avec un autre chez lui. Mais après, il a certainement décidé que je ne valais pas la peine de se faire exclure du bahut à quelques semaines des examens.

Rhhhaaaa ! Je vais devenir folle à essayer de comprendre son entêtement ! Je le provoque pour qu'il réagisse et qu'enfin nous puissions de nouveau nous expliquer. Peut être qu'à ce moment, je pourrai apercevoir la faille qui me permettra de retourner me réfugier dans son cœur. 

C’est ainsi qu’au détour d’un couloir, tandis que je parle avec Jonathan, un camarade de classe avec qui je dois rendre le dernier devoir de sciences de notre année de terminale, je remarque Manoé qui nous observe au loin.

Et c’est plus fort que moi, j’entre dans mon rôle de substitution et deviens de plus en plus tactile avec ce pauvre garçon qui n’y comprend plus rien et en perd presque son latin.

Heureusement qu’il est de dos et que c’est moi qui fais face à celui pour qui mon cœur tambourine furieusement dans ma poitrine. Mes yeux voguant dans la tempête de son regard, je savoure ma provocation à l’arrière-goût amer car je sais que sa réplique sera semblable à un tsunami.

Pourtant, je ne relâche rien. Même pas quand il amorce ses premiers pas dans notre direction. Non plus, quand je l’observe bousculer tous ceux qui n’ont pas eu le temps de se décaler sur son passage.

Au moment où il passe tout près de nous, je m’attends à ce qu’il fonce dans le dos du pauvre Jonathan. Mais à ma grande surprise, il nous dépasse, non sans nous jeter toute sa colère silencieuse au visage. Je m’apprête à relâcher le souffle que je ne me souvenais pas avoir retenu quand, brusquement, je suis tirée en arrière par la poigne vigoureuse du châtain voleur de cœur qui me traîne derrière lui comme un vulgaire bagage.

Il stoppe sa traversée dans un coin désert et me plaque brutalement contre le mur derrière moi. Sans crier gare, sa bouche rentre en collision avec mes lèvres. S’en suit une bataille de dents s’entrechoquant et de langues s’enroulant.

Il me donne, il prend, il m’aspire dans ce baiser aussi ravageur que punitif. Je ne suis pas en reste. Comme toujours je lui rends tout ce que je reçois, prends autant qu’il m’est possible et savoure cette étreinte que je sais éphémère.

Nous avons des choses à régler, des mots à échanger plus que nos salives. Mais son corps m’a tellement manqué et mon cœur qui tanguait au-dessus d’une cascade semble un court instant, retrouver son équilibre.

Un vide intense se crée en moi quand il détache ses lèvres des miennes. Je lève mes yeux vers les siens et ce que j’y lis m’achève presque : une colère vive qui me brûle littéralement l’épiderme. En quelques mots, il finit par me mettre K.O :

_  Alors c’est bon ? Maintenant que tu as eu ta dose tu vas arrêter de jouer à la chienne en chaleur qui se frotte à tous les mâles qu’elle croise ? Parce que si ça te démange toujours autant, tu n’as qu’à  demander et je consentirai peut être à t’accorder ce que tu cherches tant. Faut croire que maintenant que tu y as goûté tu ne peux plus t’en passer, grince-t-il en empoignant son entrejambe. 

Je chute dans un puits sans fond. Comment peut-il penser ça de moi ? Comment peut-il me parler aussi froidement comme si ce que nous étions il y a peu n'avait jamais existé ? La chute est longue et douloureuse et malgré mes vaines tentatives de m'accrocher à nos souvenirs heureux, je sais que le crash fatal ne va pas tarder. Puis, dans un sursaut de survie, rassemblant colère, rage, tristesse et amertume, je lui balance ma main au visage avec une force que je ne soupçonnais même pas posséder.

_ Ne pose plus jamais tes sales pattes sur moi ! Je regrette de t’en avoir donné l’occasion un jour, lui craché-je véhémente au visage, même si une petite voix au fond de moi me pousse à regretter mes paroles. Si je le pouvais, je t’effacerais de ma vie !

Redressant mon sac sur l’épaule, je lui jette un dernier coup d’œil avant de tourner les talons. L’empreinte écarlate de ma main est gravée sur sa joue. Mon cœur se serre quand, là où je m’attends à le voir me fusiller du regard, le sien est simplement empli d’une souffrance indicible. Il ne bouge pas, ne bronche pas. C’en est trop pour moi ! Je suis à la fois sa victime et son bourreau et ce constat me tue. Je décide de fuir, de le fuir, le plus vite possible.

J’ai à peine le temps de faire deux pas qu’une voix redoutée, retentit derrière nous.

_  Manoé, Mélissa ! Tous les deux, dans mon bureau, immédiatement, nous apostrophe Mme Beauchamp, la CPE.

Nous la suivons sans mot dire. Lui, les mains bien enfoncées dans son jean, le regard perdu vers le lointain. Moi, jouant avec mes doigts, les yeux fixés sur mes chaussures, subitement attractives.

Elle nous fait pénétrer dans son bureau puis referme derrière nous. Aussitôt nous invite-t-elle à prendre place sur les sièges qui lui font face, qu’elle débute son interrogatoire.

_ J’attends que vous me disiez ce qu’il vous prend ?

Devant notre silence persistant, elle poursuit :

_ J’ai bien compris que votre petite amourette ne s'est pas terminée en de bons termes. Et c'est un euphémisme vu ce à quoi j’ai pu assister dans le couloir. Quel est le problème au juste ?

Le silence continue de lui répondre. J’ose un regard vers Manoé qui regarde toujours dans le vague, les mâchoires serrées à s’en péter les molaires. J’imite son mutisme. S’il ne veut rien dire à sa mère, ce n’est pas moi qui le ferai à sa place. Je suis déjà suffisamment honteuse de la position dans laquelle elle m’a retrouvée dans sa salle de bain avec son fils, il y a quelques mois. De plus, comment lui expliquer ce qu'il se passe entre nous sans mentionner Paul et son rôle dans ce quiproquo hallucinant ? La CPE aurait vite fait de tirer les mêmes conclusions que son fils et mon ami risquerait gros. 

Celle-ci justement, souffle d’exaspération face à notre comportement puérile. Puis, décidant de trancher dans le vif, elle assène la sentence.

_  Bon, vous avez décidé de garder vos lèvres scellées, soit. J’aurai donc toute votre attention. Je ne vais pas vous sanctionner des heures de colle que vous auriez méritées pour avoir troublé l’ordre public au sein de l’établissement. Néanmoins, vu que dès la semaine prochaine, nous entrerons dans la période de révisions avant les épreuves de votre examen, je vous ordonne de vous éviter d’ici là. Aucun des deux ne cherchera à prendre contact avec l’autre pendant toute cette période. Ensuite, lors du passage des épreuves, vous ne vous limiterez qu’au strict minimum. C'est-à-dire, aucun échange qui ne soit pas motivé par une obligation d’ordre scolaire. Me suis-je bien fait comprendre ?  Si je prends cette disposition, c’est pour mettre toutes les chances de votre côté de façon à ne pas mettre en péril toute votre année scolaire pour des enfantillages. Si vous contrevenez à cet ordre, vous encourez de lourdes sanctions disciplinaires qui feront un très mauvais effet dans votre dossier scolaire. Manoé, nous en avons déjà parlé et tu sais que tu ne peux pas te permettre de prendre à la légère ta candidature au BTSA. Je t'avais prévenu des risques que causerait votre rapprochement. Tu sais bien que les places sont rudes à l’entrée en ENS de paysage à Marseille. Ton dossier est en délibération, ce n'est pas le moment de l'entacher. Et toi, Mélissa, je ne connais pas ton choix d’orientation définitif mais….. 

Mais, je ne l’écoute déjà plus. Je le regarde, lui, scrutant chacun de ses mouvements, attendant qu’il réagisse, qu’il dise à sa mère que c’est ici en région parisienne qu’il va poursuivre ses études. Ici, avec moi.

Mais il ne dit rien, ne montre rien. Pour la première fois, je prends réellement conscience que tout est fini entre nous. De notre amour, il ne reste plus rien, si ce n’est cette colère et ces coups bas.

J’acquiesce à tout ce que dit la CPE : je me tiendrai éloignée de son fils prodigue dorénavant. Je pose les armes, j’ai perdu la bataille.

Prenant congé, le regard toujours fixé sur le sol pour ne pas montrer les larmes qui abondent sous mes paupières, je sors de la pièce. Puis, comme mus d’une volonté individuelle, mes pieds se mettent à fouler rageusement les dalles carrelées du couloir aussi désert que le vide sidéral qui se forme en moi. De petites foulées je passe rapidement à un sprint déchaîné jusqu’à une zone isolée où je pourrai déverser ma peine. 

Arrivant à destination, je stoppe ma course quand des petits points noirs commencent à m'obscurcir la vue. J’ai juste le temps d’entendre quelqu’un m’appeler quand soudain, l’obscurité m’engloutit…

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Coucou mes BeeLoved !

Gorge serrée, écoulement nasal, yeux irrités,...
Non, je ne souffre pas d'un syndrome grippal mais bien du même mal d'amour qui s'abat sur notre petite abeille !

À force de tirer sur la corde (sensible) de leurs sentiments, elle vient de rompre en leur éclatant en pleine face !

Manoé aurait-il sonné le glas sur leur histoire ?
Reste-t-il un infime espoir ?

Qui accourt au secours de Mélissa ?

À mercredi pour les réponses à ces questions !

Bisous brisés
Namsra

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