24-2. La loi du Talion
En média "Like a boy" de Ciara
En ce lundi matin de reprise de cours, je suis boostée à bloc. J’ai fait part de mes intentions aux filles. Une fois n’est pas coutume, elles s’entendent pour me dire que j’emprunte un chemin risqué. Mais que nenni ! Je vais prouver à Manoé que je peux être une adversaire de taille. Je peux jouer à son jeu et même le remporter.
Pour commencer, j’embrasse un style plus girly avec un maquillage des yeux prononcé. Ce qui m’attire les oeillades, admiratives des garçons et méprisantes de certaines filles. Même Paul que je croise au détour d’un couloir n’en revient pas. Mon ami me gratifie de son regard désapprobateur. Nos échanges me manquent mais je dois pouvoir mettre un peu de distance entre nous pour nous permettre d’avancer sans être la béquille de l’autre.
Si nos chers camarades n’étaient pas encore informés de ma rupture avec Manoé, le voir se déplacer avec une Carla à son bras doit leur révéler la grande nouvelle. Beaucoup cherchent sur mon visage le signe d’un désespoir manifeste, mais je tiens bon. Je ne laisserai pas Cerbère me pourrir mes derniers mois dans cet établissement. Je laisse juste à Manoé le temps de comprendre qu’il ne peut être bien, être lui, qu’avec moi. Je doute qu’il ait laissé ce charognard blond entrevoir sa réelle personnalité.
Le midi au self, je m’arrange pour arriver parmi les premiers et m’installe à la nouvelle table habituelle de notre groupe élargi. Fanny et Stan me talonnent. Puis Suzelle nous rejoint avec Anne-Sophie et les deux garçons de leur groupe. Par contre, aucune trace de Manoé et de la sangsue qui ne le quitte plus. Quand finalement, ils arrivent dans le réfectoire, je retiens discrètement mon souffle car même si je joue à la dure à cuire, mon petit coeur s’émiette chaque fois davantage.
Manoé passe près de notre table salue mes camarades en m’ignorant totalement, embrasse la tête d’Anne-Sophie, puis va s’installer à une table plus éloignée. Je suis profondément blessée, d’autant plus quand je lis de la tristesse sur le visage de la punkette. Elle ne dit rien mais cette distance que son meilleur ami met entre eux à cause de moi doit certainement la peiner. Les autres ne disent rien non plus mais je sais qu’ils n’en pensent pas moins. Ma présence et celle de mes amis créent une scission au sein de leur groupe.
Je finis rapidement mon repas, prenant à peine part aux discussions de la tablée. Je me fais violence pour ne pas jeter de regard au coin où Manoé s’est réfugié avec Carla.
En me rendant au CDI, je croise Thibault. C’est le capitaine de notre équipe de volley-ball mais aussi mon tout premier flirt de 4ème. Nous ne sommes pas allés au-delà du chaste bisou car à l’époque il portait encore son appareil dentaire et ça ne me tentait pas trop d’y perdre ma langue. Depuis, c’est devenu un très beau sportif, fin mais musclé. Nous nous étions séparés en bons termes, si on peut appeler ça une rupture pour un flirt de quelques semaines à peine. Après cette amourette, chacun avait évolué de son côté, lui avec le sport, moi avec Loly.
Je me rappelle qu’il était présent lors de son enterrement. Il m’avait adressé un petit sourire contrit. Nous ne nous étions jamais vraiment parlé depuis puisque nous ne poursuivions pas le même cursus et n’avions du coup pas de raison de nous croiser, lui déjeunant avec sa mère, gérante d’une épicerie proche du lycée.
Pourtant, ce midi, je ne sais pas pourquoi, mais il a décidé de m’aborder pour me demander de mes nouvelles. Il est de conversation agréable et je prends vraiment plaisir à échanger avec lui. Du coin de l’oeil, je remarque Manoé au loin, seul, qui nous observe. Je décide de surjouer un peu ma discussion avec Thibault et me montre plus expressive dans ma façon d’être et mes gestes. Je sais que le châtain de mon coeur ne peut pas entendre qu’on se remémore nos profs un peu “space” du collège. De là où il se trouve, il ne peut que remarquer une certaine affinité entre le volleyeur et moi. Quand il est l’heure de retourner en cours, je quitte Thibault en lui collant une bise sur la joue. Je constate que Manoé n’a pas quitté son poste d'observation et qu’il est resté tout ce temps à me surveiller. Cela me gonfle d’une joie malsaine mais je suis prête à prendre le peu de miettes qu’il m’accorde. C’est toujours ce que l’autre peste n’aura pas.
Les jours qui suivent, je constate que Manoé et Carla boudent la table habituelle quitte à se retrouver, un vendredi, attablés avec des élèves de seconde. Ça prouve à quel point il est prêt à tout pour me fuir de près tout en me suivant de loin. Je vois bien que l’humeur n’est plus aussi joyeuse à notre table et prends la décision de ne plus manger au self pour laisser à mes amis la possibilité d’échanger joyeusement entre eux sans que le conflit silencieux qui m’oppose à Manoé ne plombe l’ambiance.
C’est ainsi que les semaines qui suivent, je fuis le réfectoire le midi, préférant flâner ou me rendre au cimetière. Chaque fois que Thibault et moi nous croisons, je le salue chaleureusement. Il me présente à certains de ses camarades et coéquipiers. J'élargis mon cercle de fréquentation. Paul et moi gardons nos distances même si je le sens quelquefois prêt à céder.
J’apprends à ne plus prêter attention à Manoé et Carla, même si je surprends souvent celui-ci à m’observer de loin dans les couloirs du bahut. Je me montre patiente mais je ne comprends plus cette distance qu’il m’impose.
Ce vendredi de mai, Manoé et ses amis organisent une fête chez celui-ci avant d’entamer la semaine de révision précédant les épreuves du bac. Avec mes amis, nous prenons la décision d’y aller. Eux pour s’amuser avant les choses sérieuses et moi pour définitivement mettre un terme à ce jeu du chat et de la souris que ni Manoé ni moi ne semblons gagner. Si il y a un mois j’étais décidée à le mener jusqu'au bout, là je m’essouffle. Je veux retrouver mon Faux bourdon et si ce soir je dois le prendre entre quatre yeux et lui hurler mon amour, alors ainsi soit-il.
Quand nous arrivons, la fête bat son plein. Je surprends beaucoup de têtes qui se retournent sur mon passage. Je suis tentée de demander à Fanny l’éternel petit miroir qui ne la quitte jamais. Puis je comprends que nombreux sont ceux qui s’étonnent de ma présence chez mon ex. Je garde la tête haute et leur adresse même mon sourire faux-cul à 9000 watts pour leur montrer que je suis plus forte qu’ils ne le croient.
Puis, en jetant un regard à la piste de danse improvisée, je comprends la raison de leurs regards curieux. Manoé et Carla sont lancés dans une interprétation très sensuelle de kizomba, cette danse latine qui imite un moment charnel entre les deux danseurs. Mais d’où lui vient ce déhanché, nom de Dieu ?!
Je suis partagée entre arracher les tentacules de cette pieuvre blonde accrochée à mon ex petit ami et m’enfuir à toutes jambes. Suzelle qui perçoit mon désarroi m’insuffle toute sa force en me prenant la main et me chuchote :
_ Ne leur offre pas ta peine, ma belle. Montre que tu es au-dessus de tout ça.
J’acquiesce car les mots comme les larmes sont bloqués. Si les uns sortent, les autres vont suivre et elle a raison, les lycéens ici présents n’attendent que ça ; que je m’effondre ou fasse un scandale pour pimenter leur vie insipide et friande de la douleur des autres.
Je me dirige vers le bar et me sers une bonne louche de cocktail légèrement alcoolisé. J’y croise Moussa, un des coéquipiers de Thibault. Très sympathique, nous avons eu l’occasion de nous parler de choses banales et autres durant le mois écoulé. Il m’a très clairement fait comprendre qu’il n’aimait pas trop le comportement de Manoé et sa bande donc je suis surprise de le retrouver ici. Il se rapproche de moi car la musique ne nous permet pas une discussion à bonne distance. Il m’explique qu’il joue le chauffeur pour deux de ses potes et que du coup, il carbure aux jus de fruits. Puis il me pointe Manoé et me demande comment je prends la chose. Mon regard doit être très expressif car il dépose nos gobelets et m’entraîne à sa suite sur la piste.
Je découvre que Moussa, lui aussi a un déhanché très assuré puisqu’il me guide d’une main de maître et bientôt c’est nous qui devenons l’attraction de la soirée. C’est certainement dû à ses origines africaines, mais il est aussi bon danseur qu’agréable cavalier. Je me laisse faire, un peu désinhibée par le peu d’alcool ingéré sur mon estomac vide ; je n’ai pas eu le temps de déjeuner ce midi. Après quelques tours de pistes, je sens que ma tête tourne et vacille légèrement. Je m’accroche davantage à Moussa qui me demande à l’oreille si tout va bien. Je secoue juste la tête et lui dis qu’il me faut vite trouver des toilettes.
Il m’accompagne galamment à celles du bas qui sont occupées. Du coup, sur une impulsion et surtout mue par le besoin de trouver des WC libres, j’emprunte les escaliers et me rends dans la salle de bain de la mère de Manoé. Dans l’urgence, je ne ferme pas la porte et me dirige au-dessus de la cuvette dans laquelle je rends le peu que contient mon estomac.
Alerté par le bruit de mon estomac qui cherche à vider ce qu’il ne contient plus, Moussa pénètre à son tour dans la salle de bain et prends bien soin de refermer derrière lui. Il me relève les cheveux le temps que je finisse et me soutient quand je cherche à me redresser.
Je suis en train de me rafraîchir au lavabo tout en me confondant en excuses auprès de Moussa pour le spectacle déplorable auquel il vient d’assister, quand on tambourine à la porte. N’ayant pas envie qu’on me retrouve dans la salle de bain de Mme Beauchamp, je fais signe à Moussa de garder le silence. mais le tambourinement se renforce.
_ Mèl, sors de là ! Je t’ai vue monter avec un mec ! Ouvre-moi avant de faire une connerie, tonne la voix de Stan.
Toute penaude, j’ouvre la porte sur mon ami rouge de colère qui fonce droit sur Moussa prêt à lui en coller une.
_ Calme-toi mec, j’ai juste voulu aider ta copine qui ne se sentait pas bien, se justifie Moussa.
_ En l’enfermant dans les toilettes ? lui reproche dubitativement mon ami.
_ Je n'étais pas retenue contre mon gré, Stan. Il dit vrai, je me suis sentie mal et comme les toilettes du bas étaient occupées je suis montée ici en urgence. Je vais nettoyer et je vous rejoins, Ok ? lui expliqué-je.
_ Tu te sens toujours mal ? me demande Anne-Sophie que je n’avais pas remarqué jusqu'ici.
_ Non ça va mieux. Allez-y tous, je vous rejoins dans une minute, leur demandé-je.
_ Non je vais te raccompagner, me propose Moussa.
_ Non, toi tu devrais partir et vite ! Manoé vous a vu monter et il est devenu comme fou. Il te cherche Moussa pour te casser la gueule, l’informe Stan, sur les nerfs.
_ Quoi ? Mais non, il m’a juste aidé, plaidé-je en la faveur de mon cavalier. Je vais aller lui expliquer, c’est ridicule.
_ Il ne vaut mieux pas Mélissa. Il est sur les nerfs là, me retient Anne-Sophie. Il a arrêté la fête et il est persuadé que tu te venges avec un autre sous son propre toit. Seb, Quentin et Théo l’ont retenu de justesse avant qu’il ne monte faire un carnage. Là ils le gardent dans le jardin. Tu devrais y aller toi aussi. Je sais que mon meilleur ami peut être une vraie tête de mule mais il t’aime, Mélissa. Laisse lui le temps de se calmer et puis parlez-vous. Vous vous faites du mal pour rien. Lui avec la distance qu’il t’impose, toi en l’acceptant et en creusant davantage le fossé.
Je suis sous le choc quand je rejoins Suzelle et Fanny devant l’entrée qui me répètent ce qu'il s’est passé après que je sois montée avec Moussa. Je jette un rapide coup d’oeil et souffle de soulagement quand je constate que celui-ci a suivi les conseils de Stan et s’en est allé sans demander son reste. Il faut vraiment que je m’excuse pour la soirée que je viens de lui faire vivre. Avec les filles nous nous dirigeons vers l’arrêt de bus et quand elles voient que je redeviens toute pâle, elles choisissent de faire la route avec moi quitte à dormir dans ma chambre. Je promets de ne plus toucher une goutte d'alcool tant je me sens mal. Je passe le reste de la nuit entre mon lit et la cuvette.
Puis je me remémore les mots d’Anne-Sophie :
" Mon meilleur ami est une vraie tête de mule mais il t’aime "
Ces mots m’apaisent et je me rendors en rêvant de lendemains plus doux, moins tumultueux, entre Manoé et moi...
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Coucou mes BeeLoved !
Quoi de bon aujourd'hui ?
Du bleu, du vieux et du neuf ?
On en est très loin avec cette 2ème partie de chapitre.
Le retour de la salle de bain maudite !!!
Il semblerait que la petite goutte de trop ait fait déborder le vase !
Argh ! Gloups !
Je ne sais pas vous mais cette tension électrique dans l'air me fait dresser les poils ! 😖😖😖
Quelques surprises nous attendent dans les prochains chapitres.
Bonnes ou mauvaises ?
À samedi pour le savoir !
Bisous tendus
Namsra
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