21-1. Au Conditionnel
En média "could I have this kiss forever" de Withney Houston et Enrique Iglesias
Manoé
Je raccroche après avoir mis fin à la conversation houleuse avec ma mère. Mais quel emmerdeur ce Thibault ! Notre voisin lui a téléphoné pour se plaindre du bruit provenant de notre villa. La musique n’est même pas balancée à fond ! Voilà ce qu'il se passe quand on se fait chier un samedi soir chez soi : on fout la merde chez les autres !
Je me suis pris un soufflet via combinés interposés et je sais que je suis bon pour une bonne leçon de morale quand elle reviendra. Non pas que ma mère m'interdit d’organiser des petites fêtes en son absence, mais elle refuse que ça parte en vrille, que l’alcool coule à flots alors que des mineurs déambulent chez elle ou que cela indispose nos très chers voisins.
Ces derniers temps, elle fait souvent la navette vers Nice. Je sais que c’est pour seconder Mamie depuis que Papi a fait son AVC. Mais je la soupçonne aussi d’y avoir un tout autre intérêt. Je ne l’en blâmerais pas si elle me l’avouait. Elle a suffisamment souffert et mis sa vie sentimentale entre parenthèses pour m'élever et maintenant que je goûte au bonheur aux côtés de Mon Abeille, je lui souhaite de trouver une personne qui la rende aussi heureuse que je le suis.
Je n’aurais jamais imaginé à quel point on se sent plus léger quand on ne bride plus son coeur et qu’on le laisse enfin exprimer ce qu’il ressent depuis longtemps.
Seule Anne-So sait ce que je ressens réellement pour Mélissa, depuis la fin de notre année de seconde. Quentin a eu quelques doutes mais l’a plus mis sur le compte d’un crush dû à l’attrait de l’impossible.
Pourtant, la première fois que j’ai croisé Mélissa Dicken dans les couloirs du lycée, on faisait les zouaves avec mes amis comme d’hab et on se rendait au réfectoire. Malgré le raffut que l’on faisait, elle est restée imperturbable et n’a pas détourné son regard du portable qu’elle tenait et sur lequel sûrement elle textotait. Son visage était encadrée par de très longues boucles noires qui lui tombaient dans le dos. La teinte appétissante de sa peau m’a interpellée, tous mes sens, mis en éveil. J’étais tellement habitué à attirer le regard des filles depuis le collège, que ça m’a fait tout drôle qu’elle ne m'en jette aucun.
Les jours qui ont suivi j’ai cherché à en apprendre davantage sur elle mais mis à part sa même bande de potes, peu la côtoyait. Elle semblait dans un monde à part, à mille lieues de nous. Pourtant, il y avait une certaine aura qui flottait autour d’elle et m’attirait comme un aimant. C’était une fille bosseuse et très intelligente. Elle semblait sincère et vraie, à l’opposé de la plupart des gens qui venaient spontanément vers Anne-So, Quentin et Moi.
Puis un jour, je ne sais plus qui nous a lancé un pari et j’ai eu la stupide arrogance de le relever, comme toujours. Il fallait juste embrasser un maximum de filles sur la semaine. J’ai du coup brisé le coeur de pas mal d’entre elles qui y ont vu davantage qu’un simple jeu. J’embrassais je ne sais plus laquelle quand mes yeux sont tombés dans le miel de ceux de Mélissa. Et je m’y suis retrouvé englué sans possibilité d’y enlever mes pattes. Mais ce que j’y ai lu m’a foutu comme une gifle en pleine face ; elle me regardait avec un profond mépris. Elle avait raison, elle était trop bien pour moi de toutes façons. Et puis, j’étais persuadé que ne la voyant jamais aller vers les mecs et toujours à échanger sur son portable, qu’elle avait déjà un petit copain. Enfin, c'est ce dont je m'étais convaincu pour m'obliger à garder mes distances vis-à-vis d'elle. J’ai donc continué à l’observer de très loin tout en poursuivant les paris que nombreux attendaient de me voir relever et enchaînant les filles anonymes pour oublier que la seule qui m’interessait un minimum ne me voyait pas. Je n’étais qu’un connard parmi tant d’autres.
En même temps, je ne peux pas le lui reprocher. Je n'ai jamais cru en ces conneries sur l'amour, jusqu'à elle. Lors de mon dernier séjour à Nice, j'ai grave merdé. En plus de ne plus avoir son numéro, j'avoue que je ne me suis pas trop foulé pour la contacter. Après le moment qu'on a passé à mon anniversaire, j'ai commencé à ressentir puissamment les choses au point que ça m'a effrayé. J'avais peur de me laisser vraiment aller et finir par souffrir. J'obtenais enfin ce rapprochement que j'avais tant de fois fantasmé et ça m'a foutu la trouille. Tout s'enchainait trop vite, trop bien, trop beau pour être vrai : ses sourires, mille fois plus beaux quand on est celui qui les provoque ; notre complicité naturelle, sa bonté d'âme, nos taquineries, sa bouche parfaitement délicieuse, nos nombreux points communs, ...
J'ai profité de la fatalité de notre éloignement forcé, pour faire le point, voir si c'était notre constante proximité qui amplifiait les choses. Je me suis dit que c'était peut-être un signe du destin, mon départ en urgence pour Nice et la perte de mes contacts téléphoniques. J'ai donc calmé le jeu, en prenant un peu de distance, me consacrant à mon grand-père et passant mon temps les mains dans les plantations qu'il avait commencé et dont il ne pouvait plus s'occuper. J'ai joué au connard en ne poussant pas plus loin mes tentatives pour la contacter. Mes stupides mécanismes de défense m'ont poussé à la blesser, sans vraiment le réaliser, tant j'étais persuadé que c'était moi qui maîtrisais mon palpitant et que je pouvais lui ordonner de ralentir sa cadence, de ne pas succomber au doux venin de l'amour qui tentait de s'infiltrer dans ses tissus.
Vaine tentative, car, plus les jours passaient et plus le manque d'elle se faisait ressentir au point où un jour, j'ai vrillé complètement en repensant au collier que je n'avais pas pu m'empêcher d'acheter pour elle le soir même de mon anniversaire, après l'avoir raccompagnée chez elle. Ce jour-là, en passant près d'une bijouterie, le pendentif en forme d'abeille m'avait fait de l'œil dans la vitrine, me rappelant celle que je venais de quitter. Son anniversaire, le week-end suivant, tombait à point nommé, mais même sans ça, je voulais lui offrir quelque chose qui nous ressemblait.
En repensant à tout ça, j'ai réalisé la connerie monumentale que j'avais faite en nous imposant cette distance et après une longue discussion avec les grands parents et ma mère, j'ai sauté dans le premier train, malgré les réticences de cette dernière, et j'ai enfin pu retrouver cette part de moi qui me manquait et qui ne pouvait être complète qu'auprès de Mélissa. Je n'arrive toujours pas à croire qu'elle m'ait pardonné. Elle est parfaite, trop bien pour l'abruti que je suis mais égoïstement, je prends tout ce qu'elle me donne car avec elle, j'apprends que l'amour ne fait pas indéniablement souffrir.
Je n'ai pas menti, je ne sais vraiment pas comment faire pour l'aimer sans merder, mais avec elle tout semble plus simple et l'apprentissage est des plus jouissifs.
Je reviens dans l’instant présent en remerciant mentalement ma meilleure amie pour le coup de pied au cul qu’elle m’a mis en utilisant la seule façon dont je semblais fonctionner pour m’enlever les doigts du cul et approcher enfin mon abeille.
Un pari ! Me challenger pour que je franchisse enfin le pas vers Mélissa ! Atteindre mon rêve sans égratigner la fausse image de mec inaccessible et insensible que je cultive face aux autres. Selon Anne-So, il était plus que temps que je sorte de mon alexithymie* latente. Elle a fait des recherches sur mon incapacité à identifier et exprimer clairement mes sentiments et ma fâcheuse tendance à relever des défis à outrance comme subterfuges à mes émotions refoulées. Apparemment, mon histoire familiale a laissé des traces handicapantes dans mes relations aux autres.
Ce soir, je compte bien en parler à Mon abeille, lui expliquer mes réelles motivations, mes craintes, mes appréhensions. Je lui ai soufflé mes sentiments lorsqu'elle s'est donnée à moi, m'offrant sa première fois. Je vais lui déclarer mon amour. J'ai même décidé de ne pas me rendre à Nice pour ces vacances et lui faire la surprise d'être là à son retour de rando.
Avec elle, je me découvre jaloux et possessif. J'ai peur qu'on m'enlève ce bonheur auquel je ne croyais pas et qu'elle me fait goûter chaque jour davantage. Je veux que notre dernière soirée avant notre séparation physique d'une semaine soit magique pour nous. Je lui avouerai l'ampleur de mon amour puis je m'enfoncerai au plus profond d'elle, là où est mon vrai "chez moi".
*Alexithymie : trouble d'ordre psychosomatique qui se manifeste par une incapacité à exprimer ses sentiments de façon verbale.
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Coucou mes BeeLoved !
On se retrouve après cette (longue) ^^ attente, et...
SURPRISE !!!!!!
Petit voyage dans la tête de Manoé pour découvrir "ses secrets".
Alors, heureux(ses) ?!
Personnellement, moi il me touche pour le coup. Il est fou d'amour pour son abeille.
Mais, parce qu'il y a toujours un mais, l'alexithymie, cette vacherie relationnellement handicapante, fait passer certains de ses agissements pour de l'indifférence aux yeux des autres, les rendant incompréhensibles quelquefois.
Malgré tout, je trouve qu'il s'en sort pas trop mal pour montrer à Mélissa qu'il tient à elle.
On comprend mieux cette histoire de pari. Son cupidon de meilleure amie a juste voulu l'inciter à se dévoiler en utilisant son mécanisme de protection : les défis !
Carla Carla Carla ! Mais, qu'est ce que t'as foutu ?
Et cette mise empochée ?
Et cette fin de soirée prometteuse qui tombe à l'eau ?
Et le départ précipité de Mélissa qui finit dans les bras de son ami le prof ?
Et, et et ?
À samedi pour la suite de la version de la soirée vécue par Manoé !
Il me tarde !
Bisous impatients
Namsra
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