16. Nous deux

En média "always remember us this way" de Lady Gaga

Je me réveille quand les premières lueurs du soleil hivernal viennent lécher mes paupières encore closes. 

J’en suis à me rappeler la raison pour laquelle je n’ai pas correctement tiré mes doubles rideaux quand un souffle chaud, régulier, balaie ma nuque en me faisant frissonner. Je me fige une fraction de seconde avant de me laisser envahir par le doux parfum de Manoé et m’abandonne tendrement au souvenir de la veille lorsqu’il a franchi ma fenêtre. Lorsque le sommeil avait fini par m’emporter au plus profond de la nuit, mon subconscient m’avait berné en me faisant croire que tout ceci n’était qu’un doux rêve. 

Me réveiller dans ses bras alors que nous sommes blottis l’un contre l’autre, à la cuillère, a quelque chose d’extatique, et pour rien au monde, je ne bouderais ma place. 

Pourtant, deux choses m’extirpent de ma délicieuse euphorie : premièrement, ma vessie sur le point d’imploser ; et deuxièmement, la sérieuse discussion que Manoé et moi devons avoir au sujet de notre duo. 

Alors oui, c’est vrai qu’hier soir quand il m’a raconté les événements qui ont conduit à son absence soudaine, je n’ai pu que compatir. Moi aussi je vrillerais complètement s’il devait arriver quoique ce soit à Mamie, ou maman ou même encore mon père. Mais mon coeur en manque qui vient de recevoir sa dose ne peut plus empêcher à ma tête de se questionner et de chercher des raisons de l’accabler pour ce silence suppliciant.

Ne pouvant plus me retenir, je m’extrais le plus dignement possible ; enfin si on peut encore paraître digne en arrachant une main-ventouse de la peau de son ventre. 

Manoé resserre sa prise et chatouillant l’abeille de ma nuque de ses lèvres, il me susurre :

— Arrête de gigoter, tu risques de réveiller la bête ! 

Je m’apprête à le taquiner en lui disant qu’effectivement j’ai bien l’impression de m’être endormie dans les bras d’un ours ronchon, quand soudainement, je sens son membre se durcir contre mes fesses, et comprends alors à quoi il faisait référence. Sentant mon embarras à la chaleur soudaine que doit prendre ma peau, il se met à rire doucement contre mon cou et tente de me rassurer :

— C’était pour rire, Mon Abeille ! Ces choses-là sont mécaniques et ni toi ni moi n’y sommes pour rien. Mais entre nous, je n’ai jamais connu meilleur réveil !

— Il y a une autre chose mécanique que tu ne vas pas tarder à subir si tu ne me laisses pas aller aux toilettes immédiatement, lui dis-je en me redressant et m’éloignant prestement du bourdin qui lui sert d’entrejambe.

Je me dirige jusqu’à la porte de la salle de bain attenante à ma chambre, accompagnée par le rire étouffé de mon beau châtain, En refermant la porte, je prends le temps de m’extasier sur notre complicité grandissante qui me paraît naturelle et allant de soi.

Quand je reviens m’asseoir sur les draps, Manoé m’enveloppe de ses bras et m’offre un baiser matinal qui a autant d’effet sur moi que la potion magique en a sur Astérix.

Malgré tout, je n’oublie pas la discussion que nous devons avoir. Mon invité clandestin le sent et se redresse prêt à recevoir sa sentence. 

 — Nous devons parler, lui annoncé-je avant de perdre mes moyens. Hier, tu m’as expliqué ton absence et les raisons de ton silence. Ne crois pas que je minimise l’angoisse terrible que tu as dû ressentir, mais tu ne crois pas que cet éloignement forcé et silencieux que nous avons subi aurait pu être évité ?

— Comment ça ? Je t’ai expliqué que je n’avais plus ton numéro une fois que j'ai dû me prendre un autre téléphone, et crois-moi Mon Abeille, je me suis maudit de ne pas l’avoir mémorisé, se justifie-t-il.

— J’ai bien compris ça, Manoé, mais dix jours ? Tu crois pas qu'il y avait de nombreuses autres façons de me contacter ? 

_ Je sais que ça peut paraître invraisemblable, mais je t'assure que je n'ai pas trouvé d'autre moyen. Je ne sais même pas si la seule adresse mail que j'ai, celle qu'on a été obligé de créer au lycée, est encore valide. C'est pas mon truc ces choses là ! Moi mon kiffe c'est d'être au plus près de la nature, les mains dans la terre. J'ai même pas été foutu de retrouver mes mots de passe pour le paramétrage du nouveau téléphone ! C'est Quentin d'habitude qui gère ces merdes là pour moi. Donc je te le redis encore, je suis vraiment désolé pour mon silence, ce n'était pas mon intention, m'avoue-t-il sincèrement. 

_ Si dès le départ, on avait fait les choses autrement, ça aurait pu être évité, insisté-je.

— Je ne comprends pas où tu veux en venir. 

— Depuis le début, on se cache de tout et tout le monde. T’inquiète, j’ai bien compris la raison pour laquelle, il vaut mieux que nous restions discrets au bahut. Mais tu m’expliques pourquoi nous le sommes aussi vis à vis de nos amis ? Il ne me semble pas que eux aussi nous voudront du mal, non ? Pour ma part, mes amis savent que nous sommes ensemble. Je ne sais pas ce qu’il en est des tiens. Si c’était ok de leur côté, tu aurais pu demander à l’un d’entre eux de prendre contact avec moi ou au moins l’un de mes amis. Je suis perdue, Manoé, car je ne sais pas où est-ce qu’on va tous les deux.

— Hé Mélissa ! C’est quoi le problème ? J’ai l’impression que tu cherches une excuse pour qu’on s’embrouille à peine réveillés ! tique-t-il sur la défensive.

— Je ne cherche rien, je veux juste comprendre, lui rétorqué-je déterminée.

— T’as raison, m’annonce-t-il soudain en sortant du lit et enfilant déjà son sweat. T’as entièrement raison ! Ça n’a que trop duré ! 

— Qu… Quoi ? bafouillé-je terrorisée à l’idée qu’il me laisse ainsi après à peine une soirée de retrouvailles.

— Il est temps que je règle le problème. Je vais de ce pas faire enregistrer une annonce à la gazette de la ville et informer tout le monde qu’un faux bourdon est raide dingue d’une abeille ensorceleuse, dit-il, un sourire canaille accrochée à ses lèvres pendant qu’il lace ses tennis.

Je m’approche de lui rassurée et m’accroche à son cou pour lui voler un baiser.

— T’es fou, tu le sais, ça ? lui lancé-je souriante.

— C’est certainement dû à un trop plein de miel, fait-il mine de lapper mes lèvres. Maintenant, pour que tout soit clair et limpide entre nous, Mélissa, je ne cherche pas à te cacher, jamais ! Je veux juste préserver ce que nous avons avant de nous balancer aux hyènes. Mais, si dans mon attitude, quelque chose a pu t’inspirer le contraire, c’est qu’il est temps que je rectifie le tir. Je vais donc organiser un pique-nique entre potes avant la reprise. Ça te va vendredi ? 

— Euh… ouais ! Cool ? Enfin je veux dire, je ne pensais pas que tu me prendrais au mot donc je suis un peu déboussolée. Je ne veux pas t’obliger à faire un truc que tu ne veux pas.

— Tout ce que je veux, c’est être avec toi ! T’avoir tout en profitant de mes potes, ça n’est que du bonus ! Allez ! Il faut que je file ! m’informe-t-il alors que je me remets à peine de sa déclaration à peine voilée. Mel, il faut que tu comprennes que je ne sais pas faire ces choses-là, faire des concessions ou prendre en considération les sentiments d'une autre personne dans les choix qui jusqu'ici ne concernaient que moi. Je ne sais pas comment faire, mais je veux apprendre avec toi, OK ? Allez, je vais chercher le petit dèj et je reviendrai en frappant à la porte d’entrée comme le gentil garçon que ta grand-mère pense que je suis, me dit-il tout en me volant un baiser, me laissant sans voix face à son aveu. 

Je laisse Manoé enjamber la fenêtre, autant anxieuse de le voir partir que de l’imaginer chuter dangereusement de ma fenêtre. 

Une fois que je suis rassurée de le voir les deux pieds au sol, je file passer à la douche puis descends à la cuisine. 

Mamie m’y rejoint quelques instants plus tard. 

— Bonjour ma puce ! Bien dormi ? me demande-t-elle en ne cherchant même pas à cacher l’ironie dans sa voix.

— Comme d’hab, éludé-je rapidement.

— Tu m’en diras tant ! sourit-elle. J’espère que tu lui as dit que je préférais les brioches au sucre.

— Quoi ? Mais.. Comment…? bégayé-je les yeux ronds de stupeur.

— Je te ferai remarquer, ma chère, que tu n’es pas très douée pour ce qui est de chuchoter, Mélissa, se moque-t-elle gentiment de moi. 

— Tu n’es pas fâchée ? lui demandé-je un peu perdue.

— Non, ma chérie. Malgré mon âge, je me rappelle encore ce que c’est d’avoir 18 ans. Je me souviens de l’époque où ton grand-père venait me voir en douce dans l’appartement de mes parents. Ce fichu parquet grinçait à chaque pas à vous faire frissonner de terreur. Mais ce n’est pas ce qui l’arrêtait. Nous n’arrivions jamais jusqu’à ma chambre de peur de se faire surprendre. Je ne te dis pas tout ce que le tapis persan du salon a dû recevoir ! finit-elle dans un rire joyeux.

— Mamie ! Par pitié, épargne mon pauvre estomac vide ! hurlé-je faussement choquée.

— Je te le répète encore, ma puce, tu as l’âge de découvrir l’amour, ses joies et j’espère le moins possible, ses peines. Maintenant, tant que tu fais attention et prends toutes tes précautions, je n’y vois aucun inconvénient. Il faut bien que jeunesse se passe ! me dit-elle plus sérieusement en me gratifiant d’un baiser sur le front.

On sonne à la porte et déjà je me sens plus légère comme si les milliers d’ailes qui voletaient dans mon ventre avaient migré vers mon dos et me portaient vers Manoé...

Nous nous installons à la cuisine et c’est enivrés du délicieux parfum des viennoiseries rapportées par mon petit copain que nous partageons un succulent petit déjeuner, Manoé, Mamie et moi. 

Oubliés ces jours de morosité. Mon coeur se gonfle d’un sentiment nouveau. Je le dévore du regard et il me semble que lui aussi, même si je parierais que le sien se teinte d’un désir palpable.

Après avoir brièvement raconté sa situation à Mamie, celle-ci insiste pour que Manoé reste à la maison au moins jusqu’au retour de sa mère samedi. 

Je suis sur un petit nuage. Je ne me rendais pas compte à quel point notre relation cachée me pesait. Même si nous n’en sommes pas encore au point de crier au monde entier que nous sortons ensemble, savoir mon châtain dans l’intimité de mon cocon familial, accueilli par ma grand-mère, me réchauffe le coeur et me donne l’impression de pouvoir soulever des montagnes. 

D’ici vendredi, nous aurons notre premier baptême du feu, entourés de nos amis respectifs. Je ne sais pas encore comment ce pique-nique va se dérouler, car j’ai entièrement laissé les rênes à Manoé. Pourtant, je suis gonflée à bloc. J’attrape le faux bourdon qui pend entre mes seins sous mon tee-shirt, et je me promets d’être une reine à la hauteur. 

Je regarde mon poignet où il y a encore quelques semaines, l’encre indélébile peinait à s'effacer. 

Bientôt, je serai entièrement “sienne”...

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Coucou tout le monde !

L'heure des explications a sonné !
Maintenant que le trop plein d'hormones reflue de son organisme, notre abeille a les idées plus claires et confronte son faux bourdon.
C'est vrai quoi ! Elles étaient un peu légères ses excuses !

Melissa qui met leur relation clandestine sur le tapis, Manoé qui envisage un pique-nique avec les deux bandes réunies...
Vous en pensez quoi ?

Il semble sincère pour le coup, surtout quand il joue au Roméo qui escalade la palissade.

À samedi pour la suite de ces retrouvailles !

Bisous funambules
Namsra

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