15. Moment Parfait

En média "Perfect" d'Ed Sheeran

Ce mardi soir de deuxième semaine de vacances, je relis sur mes draps la dissertation que l’on doit remettre à Paul à la rentrée, mes écouteurs bien enfoncés dans mes oreilles, d’où sortent les chansons de ma playlist “Love”. Je n’ai jamais compris ce besoin que l’on a d’écouter des chansons d’amour quand justement on en souffre, comme pour nous rappeler tout ce qui nous fait défaut, tout ce dont on est privé. 

Soudain, une ombre apparaît à ma fenêtre. Je reste saisie d’effroi à l’idée que quelqu’un tente de pénétrer dans ma maison par ma fenêtre située au premier étage. Je cherche rapidement des yeux un objet qui me permettrait de me défendre en cas d’agression, arrache les écouteurs de mes oreilles et de mon portable que je saisis des deux mains, prête à composer le numéro d’urgence. Je ne prête pas attention à la musique qui en sort, comme pour me rappeler l’absurdité de la scène. 

Puis l’ombre se met à toquer et j’hésite un instant à prendre mes jambes à mon cou et à hurler pour interpeller Mamie qui doit dormir depuis un moment vu l'heure avancée. Mais comme dans tout bon polar, tout sens logique me quitte et je m’avance à la fenêtre pour soulever le rideau. Je retiens un cri de surprise quand je découvre Manoé, en sweat sombre à capuche qu’il a relevée sur sa tête, tenant en équilibre sur la corniche. Je m’empresse de lui ouvrir avant qu’il ne se fracasse le crâne en contrebas.

— Mais qu’est-ce tu fais.... commencé-je à le questionner une fois qu’il a enjamber le bord de ma fenêtre.

— Chuuut ! Laisse-moi juste te prendre dans mes bras, Mon Abeille ! m’interrompt-il en m’enlaçant dans ses bras.

Ma raison me somme de lui ordonner de me lâcher tandis que mon corps, ce traître, se repaît de sa chaleur. Contre son torse, inhalant son odeur si unique, je retrouve enfin l’apaisement qui m’a déserté il y de ça bientôt dix jours. Je sais que nous devons parler, il y a de nombreuses choses à régler, mais pour l’instant, je permets à ma tête de faire un break et laisse le champ libre à mon coeur qui bat à tout rompre dans ma poitrine. Celui de Manoé n’est pas en reste car il bat tout aussi vite que le mien, mais peut être est-ce dû à l’effort physique qu’il vient d’accomplir pour grimper à ma fenêtre. C’est à ce moment que décide de s’élever dans le silence agréable de la chambre, les notes de Perfect d’Ed Sheeran. Je tente de me détacher à regrets de mon beau châtain pour aller couper le son, quand celui-ci me retient. Puis, encerclant ma taille, il entame un petit mouvement de balancier sur le rythme de la chanson, que je suis sans plus de résistance. 

Mes mains retrouvent naturellement leur place sur sa nuque que je caresse du bout des doigts, jouant avec les quelques boucles soyeuses qui y résident. Manoé glisse doucement ses mains sous mon haut de pyjama et trace de petits cercles sur la peau nue de mes reins, déclenchant un embrasement de mon corps dont les flammes lèchent sensiblement mon bas ventre. Il se penche contre mon cou tout en me rapprochant encore plus contre lui, comme s’il cherchait à ne faire plus qu’un avec moi. Son souffle chaud balayant les quelques petits cheveux sur ma nuque a raison de mon self control et je laisse échapper un doux gémissement. 

Manoé se redresse, plonge soudain son regard dans le mien et tandis que je me noie dans les vagues azur de ses yeux, il happe mes lèvres entre ses dents. A peine ai-je le temps de réaliser la douleur infligée, qu’il passe sa langue dessus comme un baume. C’en est à la fois trop et pas assez pour moi, je réduis l’espace entre nos lèvres et l’embrasse. Comme s’il attendait mon feu vert, mon beau châtain se met à me dévorer la bouche, comme un assoiffé qui retrouve son oasis après une longue traversée du désert. Je me laisse aller à cette plénitude. Tout mon corps se tend de plaisir, de la racine de mes boucles à la pointe de mes orteils. Mes seins, libres sous mon tee-shirt, deviennent lourds, les pointes durcies se frottant délicieusement contre le torse encore vêtu de Manoé. 

Je ne sais pas à quel moment nous nous sommes déplacés jusqu’à mon lit, mais je me retrouve les cuisses collées à mon matelas. Manoé nous renverse délicatement, me retenant dans ma chute et le poids de son corps contre mien me tourne la tête. Je me sens comme ivre sans avoir bu une seule goutte d’alcool. Ses mains remontent lentement le long de mes côtes tandis que nos bouches ne se sont toujours pas détachées l’une de l’autre. Quand il referme sa main sur mon sein gauche, cela sonne le glas sur notre interlude. Je ne peux pas lui permettre d’aller plus loin, sans savoir où tout cela nous mène-t-il, ni les raisons de son douloureux silence.

Manoé ressent mon changement d’humeur et détache ses lèvres des miennes non sans me gratifier d’un dernier baiser.

— Je te dois des excuses, je sais, commence-t-il penaud.

— Et des explications, embrayé-je, bien décidée à ne pas lui faciliter la tâche. Ça fait dix jours que je n’ai plus aucune nouvelle de toi. Je ne comprends pas à quoi tu joues et honnêtement je n’ai pas envie d’intégrer la partie à mes dépens.

— Je ne joue pas Mel ! Si tu savais le nombre de fois où j’ai eu envie de te parler durant ces dix derniers jours. Ça m’a rendu malade de louper ton anniversaire sans pouvoir te prévenir avant, me révèle-t-il, les yeux emplis de peine.

— Mais alors pourquoi ne l’as-tu pas fait ? Et où étais-tu tout ce temps ? l’interrogé-je.

— Le vendredi de la sortie, à la fin des cours du matin, ma mère m’a fait appeler à son bureau pour m’informer que mon grand-père avait été admis aux urgences de l’hôpital de Nice. Ni une ni deux, elle réservait déjà nos billets de train et on a filé à la gare presque aussitôt. Ça m’a foutu en l’air de voir les larmes de ma mère dévaler son beau visage. Elle d’habitude si souriante, la force pure, je l’ai vu se décomposer dans mes bras à l’idée de ne pas arriver à temps pour voir son père. J'ai ressenti comme un gouffre géant s'ouvrir sous mes pieds. Je ne sais ni quand ni comment mais je me suis retrouvé à cogner le mur des chiottes dégueulasses de la gare, dans lesquelles je m'étais enfermé pour laisser couler, moi aussi, ma terreur de le perdre. Je sais juste que je voulais t'appeler pour que ta voix éloigne les ombres qui m'aspiraient ; mais quand j'ai retrouvé un minimum de contrôle, mon téléphone gisait, noyé, au fond de la cuve. Je n’ai même pas eu le temps d’informer quiconque. Les heures qui ont suivi, dans le train, je n’avais qu’une idée fixe en tête : est-ce que Papy allait s’en sortir ? Puis on s’est rendu à l’hôpital après avoir récupéré une voiture de location. Mamie nous y attendait dans la salle d’attente. Elle était rassurée de ne plus être seule tandis que les médecins faisaient passer une batterie d'examens à son mari.

— C’est grave ? Est-ce qu’... n’arrivé-je même pas à formuler tant la souffrance dans son récit se fait mienne.

— Il est hors de danger maintenant. Il a eu un début d’AVC mais Mamie a eu les bons réflexes et il a été pris en charge à temps. Il s’en sort bien avec un régime alimentaire drastique, une surveillance à domicile et beaucoup de repos. Il est resté quelques jours à l’hôpital, puis on l’a autorisé à rentrer chez lui. Ma mère y est encore, m’informe-t-il.

— Et toi ? Pourquoi es-tu revenu sans elle ? lui demandé-je surprise de son retour en pareille circonstance.

— Je suis resté au chevet de mon grand-père chaque jour qu’il a passé à l’hôpital. Quand il est rentré, que je me suis rassuré sur son état de santé, la pression est retombée et je me suis senti vidé. J’ai réalisé que pendant tout ce temps, j’avais mis ma vie entre parenthèses. Mais là, tout me revenait puissance dix et je n’arrivais pas à gérer de ne pas pouvoir te voir ni t’appeler. Mon portable et sa puce HS, je n'ai pu récupérer que les contacts de ma dernière mise à jour, et ton numéro n'y figurait plus. Je voulais te contacter mais je ne l'avais pas mémorisé. Maman s’est chargée d’informer la mère d’Anne-So pour que celle-ci ne s’inquiète pas de notre absence mais a voulu rester discrète. Elle ne voulait pas que tout le bahut apprenne ce qu’il se passait dans nos vies. Elle voulait juste faire un break auprès de ses parents. Les vacances sont bien tombées on va dire. Moi, je suis rentré pour te voir. Je ne pouvais plus rester aussi loin de toi, m’avoue-t-il en me livrant davantage au travers de son regard abondant de sincérité.

— Je ne sais pas quoi te dire. Je suis tellement désolée pour tout ce que tu as pu vivre ces derniers jours. Je me rends compte que j’ai été affreuse de t’en avoir voulu tout ce temps. Si seulement j’avais su ! J’aurais tellement aimé être là pour toi, lui dis-je en me blottissant contre lui.

— Mais tu es là maintenant, et c’est tout ce qui compte. Je te demande pardon d'être parti comme un voleur et d'avoir raté ton anniversaire, m'embrasse-t-il les cheveux. Avant que je n’oublie, j’ai un petit quelque chose pour toi.

Il sort de sa poche arrière un emballage un peu froissé sur lequel on peut voir un autocollant doré “joyeux anniversaire”.

— Joyeux anniversaire en retard, Mon Abeille ! me souhaite-t-il en m’accordant un chaste baiser sur les lèvres.

— Oh Merci ! Mais tu n’aurais pas dû, je ne t’ai rien offert, moi, à ton anniversaire, 

— Au contraire, tu m’as offert ma première Saint Valentin ! Ce n’est pas rien, se moque-t-il à moitié.

— Eh ! Tu oublies ton super goûter d’anniversaire préparé par mes soins ! me marré-je.

— Les meilleurs cookies de ma vie ! Le lait sur tes lèvres avait comme un goût de paradis. Puis-je en avoir encore un peu ?

— Tu parles du lait ou de mes lèvres ? Parce que si c’est de produits laitiers dont tu as besoin, on en a tout un litre au frigo, le taquiné-je.

— C’est toi toute entière que je veux ! Accorde-moi cette nuit et toutes les autres jusqu'au retour de ma mère, samedi. S’il te plaît, dis oui, me demande-t-il très sérieux.

— Je… Je ne sais pas. Enfin tu comprends, je ne sais pas si je suis prête à plus…

— Je veux juste te serrer dans mes bras. Juste que tu sois la première chose que je vois à mon réveil. Je t’avais promis de passer nos vacances à se voir chaque jour, et on vient d’en perdre dix. Je veux pouvoir savourer chaque instant de ceux qu’il nous reste, insiste-t-il convaincant.

— Mais je ne suis pas sûre qu’aussi ouverte d’esprit qu’elle le soit, ma grand-mère accepte ce fait. Je ne pourrai pas découcher, tenté-je de le raisonner.

— C’est moi qui viendrai te rejoindre la nuit venue, après qu’on ait passé la journée ensemble, finit-il de me convaincre d’un baiser appuyé.

— OK, mais on doit rester discrets. Justement, comment as-tu fait pour arriver à ma fenêtre ?

— A la force de mes bras, m’dame, et surtout grâce au treillage métallique qui sert normalement au chèvrefeuille grimpant, m’annonce-t-il fièrement.

— Tu es fou, rigolé-je.

— Complètement fou de toi, me déclare-t-il. Laisse-moi rester cette nuit, tu veux bien ?

— Et ta mère ? Elle ne va pas s’inquiéter de ne pas pouvoir te joindre chez vous ? lui demandé-je perplexe.

— J’ai déjà contacté ma mère donc elle sait que je suis bien rentré. Si elle cherche à me joindre, elle le fera via mon portable, m’indique-t-il un sac à dos que je n’avais pas remarqué jusque là posé devant la fenêtre.

— Tu avais tout prévu, lui fais-je remarquer. 

— Je m’étais préparé juste au cas où. Tu ne veux pas ouvrir mon cadeau ? me rappelle-t-il le paquet que je tiens toujours dans les mains..

J’ouvre délicatement l’emballage et en le renversant, une chaîne en argent accompagnée de son pendentif en tombe. Je le prends dans les mains et découvre qu’il représente une abeille avec des petits cristaux jaunes à la place des ailes.

— Il est magnifique, Manoé ! C’est très gentil à toi de m’offrir cela. Une abeille, hein ? le taquiné-je tout en lui tendant l’objet pour qu’il me le mette autour du cou.

— Pas une abeille, mais un faux-bourdon ; pour qu’il reste toujours là où est sa place, me chuchote-t-il près de l’oreille qu’il mordille avant de la sucer.

Une fois la chaîne accrochée à mon cou, le pendentif se retrouve pile poil entre mes seins, à quelques millimètres de mon coeur.

Cette nuit-là, je m’endors dans les bras de Manoé, apaisée comme jamais car même s’il ne les a pas prononcés, ses gestes sont criants des sentiments qu’il éprouve pour moi et qui sont partagés. 

Tendrement enlacés, bercés au son des chansons de ma playlist sur le thème de l’amour,  j’ai comme une révélation : je veux me donner à lui. Peut être pas aujourd’hui, ni peut être demain, mais une chose est sûre : Manoé aura mon corps puisqu’il possède déjà mon coeur et mon âme.


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Bonjour à tous !
J'espère que vous avez passé un excellent week-end ! Le mien a été très sportif mais c'est un pur bonheur de pousser son corps jusqu'à ses limites physiques.

Concernant notre abeille, mais qui voilà ?
On dirait bien que le déserteur est de retour et de façon peu ordinaire.

Alors, et ses excuses ? On en parle ?
Quoiqu'il en soit, Melissa est si heureuse de le retrouver qu'elle en oublie ses dix jours de chagrin.

Et que dire du cadeau ? Le faux bourdon est un vrai romantique !
J'ai hâte de voir comment vont se terminer leurs vacances scolaires.
Une idée ?

À mercredi !

Doux bisous mielleux
Namsra

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