13. Où es tu ?
En média "Faded" d'Alan Walker
Cette nuit-là, celle où j’ai pris conscience que mon coeur avait jeté son dévolu sur Manoé, je n’ai pas réussi à trouver le sommeil. Je me repassais en boucle la journée écoulée, de ma vexation à la découverte de son anniversaire, à notre baiser d’au revoir à l’angle de ma rue, en passant par le tête à tête dans son cocon intime. J’en aurai des choses à raconter à Loly lors de ma prochaine visite.
Suzelle sera contente de voir que contrairement à ce qu’elle craignait, mon coeur n’est pas cadenassé et qu’il s’est ouvert à quelqu’un d’autre. D’ailleurs, je ne vois pas pourquoi elle pense cela, même si c’est une affection moins fusionnelle, mon amitié avec elle et nos deux autres amis, m’est très précieuse. Je me livre juste un peu moins que ce que j’ai toujours fait avec Loly. Mais mes amis sont les piliers de mon temple d’équilibre. J’en ai déjà perdu un, l’un des principaux. Si jamais je venais à en perdre d’autres, tout s’effondrerait autour de moi.
Manoé tend à en devenir un, et, chose qui m’effraie, j’ai envie de le laisser prendre cette place. En quelques semaines, ma vie qui depuis la mort de Loly, semblait tourner au ralenti, prend un rythme effréné. Je m’étonne à apprécier cette ivresse causée par les bouleversements que subissent mon corps et mon coeur, depuis que Manoé s’est imposé dans ma vie. C’est soudain mais ô combien exaltant !
Comme je le craignais, ce vendredi matin, malgré l’excitation que je ressens à l’idée de revoir mon beau châtain, même pas 24 heures après nos embrassades passionnées, j’appréhende de devoir brider mon coeur quand immanquablement, je verrai les autres filles du bahut lui tourner autour comme des ouvrières s’affairant autour du seul faux-bourdon de la ruche, ignorant totalement qu’il a déjà trouvé sa reine.
Je veux être sa reine ! Pas juste une abeille parmi tant d’autres. Je veux être LA seule qu’il choisira de vénérer.
En attendant, mes amis, mes piliers, endossent parfaitement leur rôle en me distrayant et m’obligeant à détourner le regard de celui qui est mien secrètement. Je ne sais pas si j’arriverai à m’acclimater à son monde et si nous finirons par ne plus nous cacher, car le Manoé vantard et leader du lycée est à mille lieues du garçon simple et sympathique, amoureux des fleurs et de la nature que j’ai eu l’occasion de découvrir.
Comme je le pensais, mes amis sont ravis de voir que le bellâtre et moi avons plus ou moins entamé une relation, même si ma rouquine, fan des embrouilles policières, ne comprend pas la raison de notre discrétion exagérée d’après elle. Au grand étonnement de tous, c’est Stan qui vient à mon secours en argumentant en faveur de mon beau châtain.
Le midi au self, nous profitons pour parler organisation de ma fête d’anniversaire prévue ce dimanche. Je ne sais pas encore comment je vais gérer le fait d’avoir Manoé au milieu de mon petit cercle fermé des gens que j’aime plus que tout. Ça me fait penser qu’il faut que je le dise à Paul. J’imagine déjà la tête de Manoé se retrouvant nez à nez avec son prof de français chez une élève du bahut. Ce sera l’occasion de lui présenter les Sarault et de lui parler de Loly. En même temps, je suppose que cet anniversaire sera emprunt de nostalgie puisque c’est le premier en six ans que je célébrerai sans elle, physiquement.
La journée se poursuit et se termine sans que je n’ai l’occasion de croiser Manoé dans les couloirs. Bizarrement, mis à part leur arrivée ce matin comme sur le tapis rouge, ils se sont faits anormalement discrets. Ce n’est pas trop dans leurs habitudes. Même Suzelle ne connaissait pas la raison de leur comportement étrange. Peut être que mon jardinier a décidé de se ranger pour mieux m’intégrer aux siens ? Je repars un peu déçue à la fin des cours. Je m’étais habituée aux clins d’oeil et plus récemment aux baisers volés dans les coins du lycée.
Le samedi défile dans une effervescence explosive. Entre ménage, courses, déco, pâtisserie, je veux que tout soit nickel pour le lendemain. Mme Sarault vient à la rescousse en fin de journée pour nous aider à préparer certains plats. Cette année est peut être la dernière où toute mon équipe (ou presque) sera réunie car entre Suzelle qui envisage des études FLE en Italie, Fanny qui compte postuler comme fille au pair en Irlande et Stan qui sera souvent en championnat puisqu’il intègre l’équipe de Rugby locale, nous n’aurons que peu d’occasions de nous retrouver. Du coup, le thème choisi est celui du roman préféré de Loly et par extension le mien, Le tour du monde en 80 jours, revisité en Tour du monde en 80 mets.
Je sais, je sais, je suis folle mais Mamie m’a suivie. Du coup, les filles, Mr et Mme Sarault, Stan et Paul, tout le monde met la main à la pâte, c’est le cas de le dire. Sous forme de mignardises, de bouchées, de cocktails, nous avons choisi de brasser les différentes saveurs que l’on découvre aux quatre coins de la planète.
C’est épuisés mais satisfaits que nous finissons tardivement ces préparations culinaires samedi soir.
Profitant que je me sois isolée dans le jardin pour savourer un peu de calme, Paul me rejoint.
— Alors, Beauchamp, hein ? me demande-t-il sans ambage.
— Je sais que ça a de quoi surprendre au vu de mon tempérament farouche, mais ouais, Beauchamp !
— Tu es sûre de toi, Mel ? Me demande-t-il avec ce ton paternaliste que je lui ai toujours détesté.
— Qu’est ce que tu veux dire ? J’ai pas dit que j’allais faire ma vie avec ni qu’on finirait dans une jolie maison au grand jardin avec nos deux enfants et demi, un chat et le chien qui va avec les belles familles de magazines art déco ! craché-je plus sèchement que je ne le voulais.
— Woh woh woh ! Rentre les griffes, ma belle ! Loin de moi l’envie de remettre en question tes choix, je veux juste m’assurer que tu comprends bien dans quoi tu t’embarques, essaie-t-il de me raisonner. A ma connaissance, tu n’as jamais eu de petit copain et Beauchamp n’est pas réputé pour être un modèle d’exemplarité. Tu…
— Je t’arrête tout de suite, Paul. J’apprécie ta sollicitude mais tu parles de choses que tu ne connais pas. Même si c’est difficile à croire, je t’avoue que j’en ai été la première surprise, Manoé n’est pas le petit con arrogant qu’il laisse paraître au lycée. As-tu déjà essayé de lui parler plus personnellement qu’en lui remettant sa copie de dissertation ? J’espère que demain, tu saisiras l’occasion. Et concernant mes éventuelles relations amoureuses, passées ou présentes, cela ne te regarde en rien. Si je me plante, bah, je me relèverai encore plus forte. Je ferai mes propres erreurs.
— Mel, écoute, tu es si franche, si entière, je ne voudrais pas que tu te fasses avoir par un beau parleur, c’est tout. Ce genre de gars se joue des filles naïve comme toi. Enfin, je veux dire…
— C’est bon, je crois que tu en as suffisamment dit pour ce soir. La fille naïve est fatiguée, elle va aller se coucher pour ne pas avoir une tronche de cake demain lors de son anniversaire, le congédié-je blessée par ses mots.
— Excuse-moi, je ne voulais pas t’offenser, s’excuse-t-il penaud.
— C’est bon, t’inquiète, je crois qu’on est tous un peu à cran après cette journée harassante. Demain, place à la fête ! Tu verras que tu as tort de le juger si vite, conclus-je en lui accordant tout de même un bisou amical sur la joue avant de me diriger vers l’intérieur et surtout vers mon lit qui m’appelle.
Après m’être préparée pour la nuit, je jette un oeil à mon portable, désespérément vide de message depuis vendredi matin où Manoé m’a souhaitée une bonne journée. La discussion tendue avec Paul et son silence, à lui, peuplent ma nuit, et pour la seconde fois, pour des raisons bien différentes cette fois-ci, je ne trouve pas non plus le sommeil.
C’est en traînant des pieds que je commence ma journée d’anniversaire après que Maman m’ait appelée aux aurores, pour être sûre d’être la première à me le souhaiter. Mamie a été la deuxième, étonnée de me voir bien réveillée alors qu’habituellement, je ne boude pas mon lit. Le reste de la matinée s’est poursuivi avec les différents appels de mon père et mes amis. Mais toujours rien du châtain.
Vers midi, ravalant ma fierté, et pour me rassurer, je tente de joindre Manoé sur son portable mais je tombe directement sur la messagerie. De peur que la déception ne s’entende trop dans ma voix, j’opte pour un texto.
Moi : Salut ! ça va ? Juste pour te rappeler l’heure de ma fête. Rdv à partir de 14h chez moi ? J’ai hâte ! Biz, Mel.
Je relis mon message, traquant le moindre mot qui trahirait l’angoisse qui grandit en moi, puis l’envoie.
L’ensemble de mes invités arrive entre 14 heures et 14 heures 30. Il n’y a pas grand monde, juste les mêmes qui étaient déjà réquisitionnés hier : les Sarault, Paul, Fanny, Suzelle, Stan et Mamie. Grâce à Paul, on m’offre le luxe d’une double visioconférence avec ma mère en mission humanitaire en Afrique subsaharienne et mon père au Canada. Même si la connexion est très mauvaise du côté de ma mère et que du coup elle ne peut pas rester aussi longtemps que je l’aurais souhaitée, je passe un agréable moment avec ma famille et mes amis. Tous les plats préparés par les uns et les autres sont justes succulents.
Les anecdotes fusent sur nos folles escapades avec l’équipe des 5. On en profite pour programmer notre randonnée annuelle dans le Jura avec les Sarault, chose que l’on a toujours fait chaque année durant les vacances de Pâques et qu’ils souhaitent faire perdurer en souvenir de Loly.
Sur les coups de 17 heures, je me fais une raison : Manoé ne viendra pas. Il n’a pas répondu à mon message et tous mes appels tombent directement sur sa messagerie. J’ignore les coups d’oeil insistants de Paul, pas prête à admettre que peut-être il avait vu juste et que j’ai été trop conne pour croire qu’un gars comme Manoé en aurait vraiment quelque chose à fiche de moi.
Suzelle et Fanny me rassurent comme elles peuvent en me disant qu’il doit avoir une bonne raison et de ne pas me refermer aussi vite qu’une huître au moindre accroc. Je refuse la proposition de Fanny qui voudrait faire jouer ses contacts pour savoir où se trouvent Manoé et sa bande et ce qu’ils font. C’est le début des vacances d’hiver, donc je suppose que chaque élève du lycée compte profiter un max. Le pire, c’est que s’il m’évite volontairement, je n’aurai même pas la possibilité de le croiser au lycée. Hors de question que je me traîne comme une stalkeuse jusqu’à chez lui. J’attendrai que les deux semaines de vacances s’achèvent pour avoir une sérieuse discussion avec lui.
Je refoule l’amertume qui m’enserre la gorge et décide de ne pas laisser Manoé Beauchamp gâcher mon dix-huitième anniversaire par son absence. J’aurai tout le temps pour me laisser aller à ma peine, une fois la fête finie.
Stan, à sa façon, m’apporte tout son soutien en faisant le gai luron. Nous enchaînons, jeux, danses et chorégraphies en tout genre. Même Paul se prête au jeu et range sa casquette de prof coincé pour se laisser aller avec nous, ses élèves de dernière année, mais surtout la bande de potes fidèle à sa soeur par-delà la mort.
A 21 heures, c’est épuisés mais joyeux que nous nous disons au revoir. Les Sarault n’ont qu’à traverser la rue pour rentrer chez eux tandis que Paul propose de déposer Stan chez lui alors que les filles partent avec la mère de Fanny, venue les récupérer.
Mamie attend que nous soyons seules dans la cuisine pour me prendre dans ses bras.
— Ne juge pas trop vite, ma puce !
— Quoi ? Je ne vois vraiment pas de quoi tu veux parler, lui mens-je pitoyablement.
— Ce n’est pas à un vieux singe qu’on apprend à faire la grimace ! me tire-t-elle la langue. Je vois bien que tu t’es attachée à Manoé en très peu de
temps et vu le spécimen, qui te le reprocherait ? C’est un bon garçon quoique son comportement laisse à penser.
— Comment tu peux en être sûre ? Tu ne l’as rencontré que les rares fois où il est venu s’occuper du jardin, lui demandé-je.
— Il y a des regards qui ne trompent pas ma chérie. Ce garçon, quelque soit la raison de son absence aujourd'hui, semble être tout aussi épris de toi. Crois-en mon expérience ! A mon âge, il y a des choses qui ne trompent pas, répète-t-elle en m’embrassant les cheveux.
Je rejoins ma chambre, pleine de doutes mais aussi d’un infime espoir. Se pourrait-il que Mamie ait raison, que Manoé ressente lui aussi quelque chose pour moi ? Ou comme me l’a suggéré Paul, se moquerait-il tout simplement de moi ?
Où es-tu Manoé ? Que fais-tu ? Et surtout, pourquoi ne me réponds-tu pas ?
*********************
Coucou à vous !
Mélissa a enfin déposé les armes face au beau Manoé, et c'est d'amour que son cœur bat dorénavant pour lui.
Mais que vois-je ? On dirait bien que de gros nuages sombres se profilent à l'horizon.
Manoé lui a posé un lapin ! Pas cool, le le jour de son anniversaire, en plus.
Qu'elle peut bien être la raison de son absence ?
Paul aurait-il vu juste ?
Ou bien, le flair de Mamie se révélera-t-il efficace ?
On se retrouve samedi pour la suite.
Bisous furtifs
Namsra
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top