Feu, chapitre 5

Bien caché dans ma cabane
Je suis l'roi d'la sarbacane
J'envoie des chewing-gums mâchés à tous les vents
J'ai des prix chez le marchand


Élise ne rentre pas trop tard du travail ce jour-là, elle doit passer d'importants coups de fil pour son futur relogement. Après avoir mis un message à Dominique, elle se retrouve bien vite dans la cour de l'exploitation à la rechercher. Elle finit par l'appeler. Le son de machines résonne alors qu'elle décroche. 

— Je suis à la traite, rentre et installe-toi. Tu verras y a ma cousine qui est là. 

Elle pénètre dans les lieux et tombe immédiatement sur la dite-cousine. Celle-ci est beaucoup plus jeune qu'elle l'imaginait. Elle l'observe quelques secondes. Elle a des yeux clairs aux iris parfaitement bleutées. Elles ressemblent en tout point à la couleur présente dans ceux de Pierre. Ses cheveux blonds foncés avec quelques reflets dorés sont peuplés de quelques tresses et fixés en une queue de cheval un peu défaite. Elle lui adresse un sourire légèrement timide avant qu'elle s'assoie à côté d'elle. 

— Bonjour, je suis Élise, je joue au volley avec Domi. 

— Bonjour.

Les traits de la gamine se détendent légèrement alors qu'elle semble l'observer avec ses grandes prunelles océan. Elle la voit approcher doucement le paquet de gâteaux dans sa direction. 

— T'en veux un ?

Malgré qu'elle n'ai jamais aimé les gâteaux secs, la médecin en saisit un qu'elle porte à sa bouche. Le biscuit lui assèche immédiatement le palet et elle se contient de ne pas laisser transparaitre le fait qu'elle se force devant celle qui doit avoir une dizaine d'années.

— Merci beaucoup ! T'es la sœur de Pierre ?  

Elle a un hochement négatif de la tête et la rousse n'en revient pas. Elle a tant de traits communs avec le blond qu'elle n'a pas recroisé ce jour-là. La veille, il avait prétendu aller faire la traite du matin, mais elle n'a aucune idée de s'il a réussi à se lever ou si il est resté dormir comme sa cousine semblait convaincu qu'il le ferait. C'était apparemment commun qu'il ne se lève pas, ce qui n'avait pas l'air de particulièrement embêter la jeune femme au vue de l'aide peu efficace de son cousin qui avait apparemment deux mains gauches et peur des vaches. . 

— Non, c'est mon cousin. C'est toi qui as ta maison qui a brulé ? 

Elle secoue doucement sa tête, ses mèches libérées depuis qu'elle a quitté le cabinet volant doucement. 

— T'as pas eu peur ? Y avait des grandes flammes ? Les pompiers sont venus ? Est-ce qu'ils avaient la grande échelle et leurs lances à incendie ? Ils avaient leurs sirènes ? C'était le camion citerne ? Ils t'ont fait sortir par la fenêtre comme dans les films ? T'avais dû sauter ? 

Elle contient son rire devant la salve de questions qui vient dans sa direction. Dans les prunelles couleur ciel, elle lit une immense curiosité. L'intérêt brille fortement tout comme l'admiration. Et la nordiste se revoit enfant, quand elle regardait des films avec des pompiers avec des étoiles dans les yeux et était toujours déçue si elle n'était pas présente quand ils venaient vendre leurs calendrier. A cette époque, ils appartenaient à ses métiers qu'elle rêvait de faire. Les hommes du feu étaient alors ce qu'elle rapprochait le plus des héros dans le monde réel. 

— J'ai pas vu les flammes et je suis descendue par les escaliers. Mais le dimanche, il parait qu'ils avaient le camion citerne et la grande échelle parce qu'il y avait de grandes flammes. 

— Trop cool ! 

— Mais j'ai pas vu parce que j'étais pas chez moi. 

Une petite moue apparait alors sur les fines lèvres de l'enfant qui l'observe avec son regard profond, ne semblant pas vouloir louper une seule miette de l'histoire qu'elle pourrait potentiellement raconter.

— Oh non, et t'étais pas triste ? 

— Un peu quand même. 

— Normal. Moi aussi j'aurai été triste de pas voir la grande échelle. 

Élise manque de s'étrangler en buvant une gorgée du jus d'orange qu'elle s'est servie. Elle sent une petite main venir taper dans son dos pour l'empêcher de s'étouffer et adresse un petit sourire et un faible merci une fois qu'elle a arrêté de tousser. Son sourire s'élargit depuis l'air déçue qui se peint sur le visage pâle à côté du sien. 

— Tu veux venir voir ma cabane ? Je l'ai mise toute bien cette après-midi.

Elle hoche la tête, ne souhaitant pas décevoir la jeune fille dont le visage s'illumine en réponse. Elle la regarde avec étonnement enfiler son manteau, ne s'attendant pas vraiment à ce qu'elle soit dehors. Elle finit par la suivre alors qu'elle sort par une porte à l'arrière de la maison et traverse un petit champ sur un petit chemin en gravillons. Elle sent le froid la saisir et ne regrette pas d'être dans sa veste de ski, l'une des rares ayant survécu à l'incendie. 

Elle finit par se glisser à l'intérieur d'une cabane après avoir du grimper à une petite échelle de corde sur quelques mètres. Celle-ci est confortable et Élise s'assoie quand elle lui fait signe qu'il faut qu'elle prenne place sur un petit coussin coloré. 

— C'est Domi et Tim qui l'ont construite avec Pierre quand ils étaient petits. Mais ils m'ont dit que j'avais le droit d'en faire ce que je voulais. 

— Elle est jolie.

Elle la détaille, observant les nombreux dessins punaisés sur les murs, les feuilles et petites branches décorées avec goût. Des tissus et coussins ajoutent de la couleur et du confort à l'endroit alors qu'il parait immédiatement joyeux et convivial. Elle attrape la couverture qui lui est tendu et s'emmitoufle dedans, étonnée d'avoir si peu froid et d'être autant à l'abri du vent dans le lieu.

— Tu veux bien jouer avec moi. 

Elle hoche la tête, admettant que ce n'est pas ce jour-là qu'elle passera ses appels, ou qu'elle le fera un peu plus tard. Peut-être que la jeune fille ne va pas vouloir jouer pendant des heures et qu'elle se lassera d'elle. 

— Tu veux jouer à quoi ? 

Après avoir regardé autour d'elle, la médecin est bien forcée d'admettre qu'elle ne voit aucun jeu qui semble caché quelque part dans les lieux.  

— A tu préfères. Tu connais ? C'est quand on dit, tu préfères ça ou ça. Par exemple, tu préfères avoir froid et perdre un doigt de pied ou avoir trop chaud et un gros coup de soleil ? 

Élise éclate de rire devant la question avant de prendre le temps de réfléchir. 

— Avoir trop chaud je crois !

— Domi, tu sais où est Ophé ? Je la cherche partout mais elle est pas à la maison. 

— Tu devais pas m'aider à la traite toi ? 

Un sourire amusé est présent sur le visage de la jeune femme qui vient de se tourner dans sa direction quelques brèves secondes avant de se remettre à la tâche qu'elle effectuait précédemment. Les pis sont rapidement nettoyés avant d'être branchés. Les mouvements sont mécaniques et rapides, Pierre est impressionné. Même après des années d'observations et de tentatives, il sait toujours ne pas être particulièrement doué pour l'activité principale de l'exploitation familiale. 

— Désolé... Mais j'étais pas inactif, je coupais du bois pour ce soir. 

— Parfait ! T'as essayé dans notre cabane, elle l'adore, elle y est peut-être. Sinon, aucune idée.

— Par ce temps ? 

Les épaules se haussent alors que l'éleveuse ne regarde même pas dans sa direction pour lui répondre. Les bruits sont forts dans l'étroite pièce, il sait qu'ils ne pourront pas discuter, la cacophonie empêchant de s'entendre parler. 

— J'essaie d'aller la chercher, je reviens t'aider pour le nettoyage. 

— Ça marche ! 

Le nettoyage est certainement l'unique moment de la traite que Pierre maitrise, il sait donc qu'il ne risque pas de se prendre une Dominique énervée de plein fouet. Il part donc à la recherche de sa petite cousine de l'autre côté de l'exploitation. Il lui avait promis de jouer avec elle avant de la laisser faire ses devoirs et il ne comprend pas pourquoi elle n'est plus là alors qu'elle lui avait bien fait comprendre qu'elle l'attendait de pied ferme un peu plus tôt dans la journée.

Il peste alors que son pantalon se retrouve sali par la boue suite à la pluie qui ne cesse de s'abattre sur la Normandie depuis le week-end précédant. Il sourit en s'approchant de la cabane, repensant à tous ces étés passés à bricoler et jouer avec ceux qui étaient encore maintenant certaines des personnes les plus proches de lui. Ils ne mènent pas du tout la même vie, mais il aime quand il revient ici. Parce qu'avec ses cousins, il sait qu'il n'y a jamais de jugement ni même de jalousie. Cela fait bien longtemps que le pilote a compris qu'ils n'envient pas le moins du monde son mode de vie, contrairement à certains de ses amis. 

— Tu préfères : manger des fourmis ou manger des punaises ? 

La voix de sa petite cousine résonne et il se demande à qui elle est en train de parler. La question lui parait complètement incohérente. 

— Franchement, je sais pas. Les punaises ça pue, mais les fourmis ça peut piquer. Du coup je pense les punaises quand même, comme ça elles pourront pas me piquer la gorge. 

— C'est vrai ça, moi aussi je crois que je préférerai les punaises. Allez à toi !

— Tu préfères, être bloqué dans un arbre avec des lions en dessous de toi et pas de nourriture ou être sur un radeau avec des requins en dessous au milieu de la mer et pareil sans nourriture ?

— Être bloqué dans un arbre !

— Pierre !! 

L'exclamation de sa cousine résonne en retour de sa réponse au tu préfères. Quand il passe la tête à travers l'embrasure de la porte qu'il vient d'entrouvrir, il peut discerner l'immense sourire barrant son visage. A côté d'elle et de profil, il détaille la médecin dont il avait fini par reconnaitre la voix. Elle lui adresse un léger sourire tout en se décalant pour lui laisser de la place. 

— Tu joues avec nous Pierre ? 

Il n'arrive pas à refuser ce moment à sa cousine, surtout quand elle le supplie avec ses beaux yeux bleus papillonnant. Quand sa réponse tombe, elle se jette dans ses bras et il sait qu'il ne regrettera pas. 

— Tu vas commencer à préparer tes devoirs Ophé ? J'arrive dans cinq minutes pour te faire réviser ta poésie. Et dès que tu la connais on pourra rejouer.

La très rapide moue qui était apparu disparait dès l'instant où il lui propose un autre jeu par la suite et elle se transforme en un immense hochement de tête. Une fois la blonde disparue, il reporte son attention sur la jeune femme de son âge qui l'observe tout en souriant. 

— Est-ce que j'ai droit aussi à un tu préfères ? 

Le sourire s'élargit en réponse et il est heureux que la jeune femme accepte de jouer à ce jeu d'enfants avec lui même sans la présence de sa cousine. Il lui rappelle les soirées avec Charles à une époque lointaine. Cela faisait des années qu'il n'y avait pas joué.  

— Tu préfères sortir avec un footballeur ou avec un pilote de formule un ? 

Un rire cristallin résonne en retour. 

— Tu lâches vraiment pas l'affaire avec tes pilotes et ta formule un.  

Son rire rejoint le sien alors qu'elle semble se mettre à réfléchir à la question. 

— Franchement tu pouvais pas proposer les skieurs, ça aurait été plus simple comme question, là c'est un peu la peste et le choléra. 

Il manque de s'étrangler à l'écoute de la fin de la phrase. 

— Peut-être quand même les pilotes. Les footballeurs ont tellement de casseroles au cul pour certains, pas certaines de vouloir entrer dans leur univers, bien que je sois pas certaine que celui des pilotes soit bien mieux.

Il l'observe alors qu'elle semble continuer sa réflexion. Il se dit qu'elle a peut-être raison dans le fond de ne pas vouloir s'approcher de certaines personnes qui pensent que l'argent peut absolument tout acheter. 

— Après si en plus c'est Charles.

Il se fige, ne comprenant pas ce que fait le nom d'un de ses meilleurs amis dans la bouche de celle qui parait ne rien connaître de son sport et son métier, et encore plus suite à cette question. 

— Tu sais qui est Charles ?

Un sourire amusé naît sur le visage à la peau ornée de tâches de rousseur qui lui fait face. 

— Aucune idée de sa tête, mais c'est le plus beau-gosse d'après Domi quand les filles ont fait un débat au gymnase. 

Un rire lui échappe sur le champ. Il n'en revient pas de sa cousine et de son faux amour qu'elle clame au monde entier pour Charles. Il n'arrive toujours pas à savoir si celui-ci et véritable ou si elle le fait pour l'embêter mais force est de constater que même ses coéquipières semblent avoir entendu parler de son intérêt pour le fils Leclerc.

— J'ai failli croire que tu m'avais menti sur ta passion dévorante pour le sport incroyable qu'est la formule un.

— Eh non, dommage hein ? 

Ses prunelles luisent de malice alors qu'un sourire légère moqueur étire ses fines lèvres. Il continue de l'observer alors que la couverture multicolore tranche avec elle et que ses cheveux détachés l'entourent comme une crinière. Il s'amuse alors qu'elle souffle dans l'air et qu'un nuage s'élève devant elle. Il l'observe effectuer le même mouvement à deux autres reprises, ses pupilles brillant à chaque fois. 

— Est-ce que j'ai malgré cette passion droit à un tout dernier tu préfères

Le regard se reporte vers lui, plongeant dans le sien alors qu'elle lui sourit. 

— Tu vas finir par être attendu par ta cousine. Et elle a pas l'air aimable si on tient pas ses promesses. 

 — Ça sera pas très long. Tu préfères que je t'embrasse ou que je t'embrasse pas ? 

Il ne pense qu'à cette question depuis qu'il sent sa chaleur le long de sa cuisse alors qu'elle lui a prêté un morceau de sa couverture sans réfléchir et qu'il s'est retrouvé assis juste à côté d'elle dans cette cabane grande mais pas trop adaptée à des adultes malgré tout. Il y pensait déjà la veille au soir, alors qu'il tenait son coude et qu'elle se tenait à quelques centimètres de lui des bols dans la main tout en se moquant de lui.

Il n'a cessé de la regarder à la dérobée toute la durée du jeu, elle et ses rires, ses remarques, ses questions. Et surtout sa bouche s'étirant pour parler, pour rire, pour sourire, ainsi que ses iris pétillant à chaque petite chose amusante. Elle était là à s'occuper d'une gamine qu'elle ne connaissait pas pendant des heures sans rien demander, ni même essayer d'arrêter le jeu, le relançant même quand lui aurait bien tout stoppé.

— Teste ce que tu penses être la bonne réponse et tu verras bien.  

Il pose doucement sa bouche sur celle qui n'était pas bien loin de la sienne depuis des dizaines de minutes. Quand il la sent répondre doucement à son baiser, il se dit qu'il ne s'est pas trompé et qu'il n'y a peut-être pas que lui qui a vu que le contact passait particulièrement bien. Car depuis la veille et l'instant même où il a posé son regard sur ses cheveux de feu, il a su qu'elle lui plaisait plus qu'un peu. 

Les doigts se portent à son torse le repoussant lentement. Il recule pour voir la jeune médecin lui souriant timidement. 

— Je crois que t'as une poésie à faire réviser. 

— Je peux pas avoir le droit à un dernier tu préfères ? J'avais encore une question. 

Son rire éclate en réponse. 

—  Plus tard peut-être. 




c'est rapide je sais, (bcp trop même par rapport à mes écrits habituels) mais le feu, c'est rapide ! 

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