Feu, chapitre 1
Au feu, les pompiers
V'là la maison qui brûle
Au feu, les pompiers
V'là la maison brûlée
— Qu'est-ce que tu fais pour le goûter ?
— Tarte aux pommes.
Les prunelles sombres de la rousse se mettent à briller. Elle adore les tartes aux pommes que confectionne sa mère depuis qu'elle est enfant. Ce n'est pas le gâteau qu'elle cite en premier quand on lui demande son préféré, mais elle se régale toujours une fois la part devant elle. L'acidité des fruits, le croquant de la pâte, le côté croustillant du dessus des fines tranches de pommes après qu'elles aient caramélisées dans le beurre et le sucre. C'est léger, c'est délicieux. Elle a hâte d'être à l'heure du goûter pour pouvoir la dévorer.
Elle pianote sur son téléphone, regardant les résultats des matchs de Coupe de France week-end. Son sourire s'élargit quand elle voit que le Havre a également gagné. Désormais, elle rêve d'un match entre le club que ses amis supportent et son club de cœur au Stade Océane. Pour une fois, elle pourrait allier les deux.
Une notification sur whatsapp s'affiche et elle reconnait le nom d'une coéquipière. Elle est étonnée, leur match de handball doit tout juste venir de se terminer. Elle a essayé de trouver le résultat mais il n'est pas encore tombé. Elle espère de tout cœur qu'elles auront une nouvelle fois gagné et ainsi pris encore un peu plus d'avance au championnat.
Rappelle-moi, c'est urgent.
Son regard étonné s'arrête sur le message. Elle ne voit pas ce qu'il peut y avoir d'urgent, son amie est à des kilomètres d'elle. Son estomac se noue alors qu'une idée lui traverse l'esprit, la seule à laquelle elle puisse penser. Mais c'est insensé.
Ta voisine vient de me contacter.
— Oh putain.
Elle se lève d'un bond du fauteuil où elle était installée une seconde plus tôt. Son cœur vient d'accélérer subitement alors qu'elle ne veut pas comprendre. C'est impossible.
Elle allume son téléphone laissé en mode avion le temps du week-end. Il se met à vibrer de façon successive. Des appels. Nombreux. Des numéros. Tous inconnus. Elle se précipite hors des lieux alors que sur l'écran de la télévision la compétition de ski alpin se poursuit. Une fois dans une pièce calme, elle appuie sur sa messagerie. Elle sent le sang qui bat dans ses tempes alors qu'elle a le cœur au bord du vide, n'ayant pas envie de connaître l'objet des messages laissés.
Au fond, elle les connait déjà.
— Bonjour, ici la gendarmerie, on cherchait à vous joindre. Votre maison est en train de brûler.
Le ciel s'abat sur sa tête en même temps que l'incompréhension.
— Les pompiers sont présents, il y a des flammes.
Les flammes. Celles absentes la fois précédente. Celles qu'elle aime tant voir s'élever.
— Bonjour, c'est le capitaine de la brigade des pompiers. On cherchait à savoir où vous étiez. Votre maison est en train de brûler, on est sur place.
Les messages s'accumulent. Le gérant de l'électricité du secteur indiquant qu'il coupe le courant pour que les pompiers puissent utiliser de l'eau en toute sécurité. Les voisins cherchant à la prévenir. A nouveau les gendarmes.
Elle finit par laisser tomber son téléphone sur la table à proximité alors qu'elle laisse tomber son corps fin sur un siège.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
— Y a eu une reprise de feu.
Les mots lui arrachent le cœur alors qu'elle les prononce. Elle n'a pas envie de faire face à la réalité, pas encore. Pourtant elle appuie sur la touche pour rappeler celui qui l'a appelé en premier.
— Oui c'est Élise Dupré, j'appelle pour ma maison en feu.
Elle contient les craquements dans sa voix alors que la peur la saisit. Elle triture ses doigts tentant d'imaginer l'étendue des dégâts.
— Y a des gros dégâts dans l'agrandissement mais la maison principale a été sauvée, il n'y a qu'un petit dégât sur la toiture.
Les mots rentrent dans son crane et elle essaie de se faire une image de ce que peut être sa maison sans réellement le vouloir. Elle écoute silencieusement, attendant la fin sans avoir envie de l'entendre.
— Le rez-de-chaussée a été épargné par les flammes, mais vous savez dans un incendie, le pire c'est pas le feu, c'est l'eau.
Elle manque de laisser tomber son téléphone quand la fin de la phrase résonne dans le combiné.
La voix du pompier est calme alors qu'elle l'appelle à la suite. Il doit lui expliquer ce qu'ils ont fait et la situation. Elle l'écoute attentivement alors qu'il lui annonce qu'ils sont sur le départ. Il fait déjà nuit noire dehors, il n'y a rien à voir ce soir.
— En revanche je vous préviens, il y a des gros gros dégâts.
Son estomac se retourne. Elle sait que les mots viennent de la même personne que ceux lui disant que ce n'était qu'un léger souci de placo. Les images affluent dans son esprit alors qu'elle tente d'imaginer à quoi son premier investissement pourrait bien désormais ressembler. Elle apprend qu'elle a désormais une planche à la place de la porte. Ils l'ont détruite à la hache pour rentrer. Les informations pleuvent sans qu'elle n'arrive à toutes les assimiler. Et alors qu'il gèle dehors, l'incompréhension l'entoure. Parce qu'on s'imagine facilement un feu reprenant en été, beaucoup moins quand la glace recouvre les prairies et que le givre crée de magnifiques paysages blancs. Pour une fois, elle ne sait pas si elle trouve toujours le feu aussi fascinant qu'avant.
Ses yeux se portent sur le ciel sans nuage où elle peut voir les étoiles qui peuplent leur univers. Elle a toujours aimé les regarder avec son père. Aujourd'hui, elle aurait préféré que des nuages noirs les cachent et que le ciel pleure la disparition d'une personne merveilleuse sur terre.
La porte s'ouvre et se reclaque bruyamment quelques secondes plus tard.
— La vache, ça caille.
Le normand sent son sourire s'étirer lorsqu'il reconnait la voix de sa cousine. Il l'observe alors qu'elle salue les oncles et tantes avant de se rapprocher de la table. Enfants, ils avaient fait les quatre cent coup ensemble avec leur troisième cousin. Ils avaient tous le même âge et les journées et nuits passées chez leurs grands-parents étaient des souvenirs que l'ainé des trois de quelques mois chérissait particulièrement.
— Tu nous rejoins Domi ? On fait un Pictionary.
Pierre regarde sa cousine s'installer à leur table un immense sourire aux lèvres et les cheveux humides de la douche prise après son match.
— T'as gagné ?
— Ouep.
Ses yeux sombres brillent de joie alors qu'elle lui claque un baiser sur la joue.
— Content d'être de retour ? Pas trop difficile le choc thermique ?
Il pouffe alors que le rire s'installe.
— Tu me le présentes quand Charles ?
Il lui met un léger coup dans l'épaule alors que son rire cristallin s'élève.
— Tu n'en rates vraiment pas une.
— Qui ne tente rien n'a rien non ?
Les regards se lèvent au ciel alors qu'elle retire sa veste et repose ses yeux sur la table.
— Quelle équipe veut de mon talent pour le dessin ?
— Un chat !
— Non !
— Une panthère !
— Raté !
— Un léopard ?!
— Ouiiiiii !
Les doigts de sa cousine se mettent à dessiner de plus belle alors que toute la famille est regroupée autour de la table.
— Vous êtes vaches, vous auriez pu valider la panthère.
Plusieurs rires s'élèvent à la remarque de sa mère qui passe justement par là.
— Non. C'était léopard, on valide léopard, ce sont les règles.
Les yeux bleutés roulent vers le ciel tandis que la plus jeune de la tablée reste silencieuse.
— On allait quand même pas te laisser gagner quand même.
Alors qu'ils jouent tous aux jeux de société depuis leur plus jeune âge, il est hors de question de laisser qui que ce soit gagner, benjamin de la troupe ou non. On joue pour gagner, et tant pis si le petit dernier perd. Ce n'est pas rendre service pour la vie future que de tout lui mettre sur un plateau d'argent, même sur un simple jeu lors d'un après-midi en famille.
— Un feu !
— Non.
— Une maison qui brûle !
— Presque !
— Un incendie !
— Oui, un incendie !
— Je l'avais dit avant.
— Fallait parler plus fort !
Les cousins commencent à se bagarrer autour de la table pour savoir qui de l'un ou l'autre a trouvé la réponse en premier.
— Non, mais il a encore triché, je l'ai vu lui faire le mot silencieusement. C'est toujours pareil quand il joue.
Pierre éclate de rire lorsque les mots s'élèvent. Ses yeux clairs se braquent dans ceux sombres de son cousin. Ils n'ont que peu de points communs. L'un d'entre eux est le fait qu'ils adorent les jeux de société, encore plus en famille, et qu'ils y soient particulièrement tricheurs.
— Mais n'importe quoi. J'ai rarement vu aussi mauvais perdant que toi.
Un paquet de cartes vole sur la table, envoyé valser par le brun en direction du pilote Alpine.
— EH ! Faites gaffe à mon jeu !
C'est la voix de la cousine dont ils partagent l'âge qui s'élève. Le blond tourne la tête vers elle. Il tombe d'abord sur le visage de la cadette. Il lit le regard déçu de sa jeune cousine qui était heureuse de faire un jeu avec eux pour une fois. C'est vrai que c'est rare que ce soit le cas. Jusqu'à peu de temps, elle était vraiment trop jeune pour qu'ils s'y intéressent. Ils jouaient et passaient d'agréables moments mais pouvoir jouer à des jeux adaptés à tous niveau âge est bien plus amusant.
— Quels exemples vous faites tous les deux ! Pas un pour rattraper l'autre, vous êtes tous les deux aussi mauvais joueurs. Vous devriez prendre exemple sur Dominique.
Le pilote se retourne vers sa cousine qui a les prunelles qui flamboient et lui tire ostensiblement la langue. Un sourire amusé s'étale en retour sur ses fines lèvres.
— Elle ?! Non mais je rêve, c'est la reine de l'anti-jeu !
— Vouloir que personne ne gagne au mille bornes si je sais que je vais perdre n'est pas de l'anti-jeu, si j'ai que des cinquante mais que tu peux pas mettre tes deux cent parce que j'ai toutes les fins de limitation de vitesse, c'est le jeu ! Pas de gagnant, c'est une victoire en soi dans ces cas là !!
Il pouffe devant les explications complexes de celle qui se faisait bien trop souvent une joie de pourrir les parties de ce jeu qu'elle adore pourtant. Si elle n'est pas tricheuse, nul doute qu'elle est tout aussi mauvaise joueuse qu'eux. Il se souvient encore la fois où elle avait renversé le plateau du monopoly alors que les dés n'allaient jamais dans son sens. Un jeu nul, où seul la chance compte et interminable. I-nu-ti-le.
— Bon, on va peut-être goûter, ça calmera les esprits.
Les têtes sont immédiatement hochées.
— On fera un autre jeu après Ophé, promis.
Ses lèvres s'étirent fortement alors qu'une tarte aux pommes et amenée. Les parts du gâteau encore tièdes sont mises dans des assiettes et réparties entre tous les membres de la grande famille réunie ce week-end là.
— Du coup, tu viens cette semaine Pierre ? Martin nous rejoindra pour le week-end normalement.
Il hoche la tête énergétiquement. L'idée d'aller se cacher avec sa cousine dans la campagne normande prenant le dessus sur tout.
— J'essayerai d'inviter quelques potes un soir, ça sera l'occaz que tu les revois que le grand Pierre Gasly nous fait l'honneur de sa présence.
Il croque dans la tarte confectionnée par sa tante. Elle a le goût de l'enfance et de la famille. Elle a le goût du chez lui. Alors que son regard se porte sur les personnes entourant la table, il se souvient à quel point c'est les instants comme ça qui le réconforte toujours quand il a des petits coups de mou dans sa vie.
x x x
ça a brulé :(
suite tout bientôt j'espère. avec la rencontre !!!!!
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