Étincelle, chapitre 5
J'ai froid quand je n'y suis pas
Même si tout me plaît
Tout me va, tout ira
Des fois et sans raison
J'préfère y rester
Pour de bon à la maison
22h, nord-pas-de-calais
— Ben alors.
Elle est enveloppée dans les bras de sa mère alors qu'elle vient à peine de déposer son sac dans l'entrée. Élise respire enfin. Les odeurs, les sons, les couleurs, elle est dans son élément. Elle est dans les lieux les plus rassurants qu'elle connaisse parce que c'est ici qu'elle est devenue ce qu'elle est désormais.
Elle y a vécu ses plus grandes disputes avec ses frères et sœurs, des mercredis après-midi à travailler sur la table de la salle à manger, des soirées à rire ou pleurer en regardant pour la trentième fois un de ses films ou dessins-animés préférés. C'est aussi ici que des pansements se sont appliqués sur ses blessures, que des mots réconfortants ont été apportés quand elle a vécu ses premières tristesses et que des encouragements sont venues avant les matchs lui plus importants. Elle repense aux déguisements qu'elle y a créés avec sa sœur, aux heures passées à courir dans le jardin en jouant aux gendarmes et aux voleurs avec son frère et aux nombreuses batailles d'eau qui ont fait résonné leurs cris dans la cour l'été.
— Cramée la baraque.
Elle fait un large mouvement de bras vers son plafond, comme pour imiter une flamme s'envolant en direction du ciel avant d'éclater de rire. Elle a revu sa maison de jour avant de rentrer. Elle y a récupéré des habits pour passer le week-end et la semaine suivante ainsi que le contenu de son frigo privé d'électricité. Elle a alors fini de relativiser devant ce qui n'était que de faibles dégâts.
Désormais, elle pense aux blagues des pompiers dans l'ambulance, à son oreiller retrouvé à quatre mètres de sa fenêtre, à ses habits de la veille déposés au dessus du tas d'isolant. Et cela la fait sourire. Et cela la fait également rire.
— Les pompiers ils sont comme toi quand on était enfant. S'il y a un truc qui traine par terre dans la chambre. Hop, par la fenêtre.
Elle arrache des sourires à ses parents qui l'observent avec attention, bien conscients qu'elle reste sous les vestiges du choc.
— N'empêche, cramée quoi.
Elle pioche dans un bol de gâteaux apéro, ses préférés. Derrière elle, un feu brûle dans le poêle à bois, réchauffant l'atmosphère chaleureuse du petit salon.
— Après j'en veux un peu à l'assurance. Ils en ont jamais parlé. Ils parlent des cheminées qu'il faut faire ramoner, mais les vmc, jamais. Alors que soixante-quinze pour cent des incendies c'est ça quoi. Franchement, je comprends pas.
La situation est incompréhensible à ses yeux. Si elles sont si dangereuses, elle se demande pourquoi elles ne sont pas plus surveiller, pourquoi on n'en parle pas plus. Elle a fait quelques recherches pendant sa journée. Le nettoyage des vmc est souvent évoqué. Mais la première raison y est toujours la pureté de l'air et son rendement. Le risque d'incendie arrive toujours pratiquement en dernier dans les raisons évoquées sur internet. Cela devrait être la principale raison. D'ailleurs, plusieurs de ses collègues étaient au courant, pour avoir déjà vécu la situation.
— Eh voilà !
Le plat de lasagnes au saumon et aux poireaux est déposé sur la table par sa mère alors que les prunelles sombres de la rousse se mettent à briller de joie. L'idée que son père ait immédiatement pensé à aller faire des courses quand il a su qu'elle rentrait ce soir-là emplit son cœur d'une agréable chaleur. Il n'est pas immense cuisinier, mais il maitrise parfaitement son plat préféré depuis de nombreuses années.
Les heures s'écoulent et ses pensées reviennent perpétuellement sur ce qui lui est arrivé.
— Si je mets ça, tu crois qu'il comprendra ?
— Ton frère ? Je pense pas.
Elle envoie pourtant le gif d'un bonhomme rouge levant les bras devant des flammes sur le conversation familiale avec une petite remarque sur la vérification de la vmc de son cadet s'il n'a pas envie de se retrouver ainsi devant son récent investissement.
Pourtant, la réponse est immédiate. Lui qui met parfois des semaines avant de répondre ou de sans donner de nouvelles répond dans les dix minutes, puis appelle alors qu'un téléfilm policier tourne sur l'écran géant ornant un mur de leur salon. Elle discute pendant un certain temps avec lui, lui racontant, ajoutant des éléments auxquels les premiers n'ont pas eu le droit.
Quand elle monte se coucher à deux heures du matin, la fatigue qui l'a fui toute la journée, l'adrénaline ayant pulsé bien trop fortement dans ses veines presque vingt-quatre heures plus tôt la gardant éveillée plus que de raison, finit par la rattraper. Elle s'écroule comme une masse dans son oreiller, ne pensant que brièvement à ce qui dormait sagement dans les combles juste au-dessus de sa tête. Elle a déjà subi un incendie, elle ne va pas en subir un second. Pourtant, bien caché, enveloppé dans une couche d'isolant, la vmc installée vingt ans plus tôt n'a jamais été nettoyée. Ici, dans son cocon, elle l'oublie, rien ne pourra jamais lui arriver.
13h, los angeles
Malgré un réveil difficile, les deux amis ont réussi à prendre leur taxi pour arriver en temps et en heure à l'aéroport de l'immense ville américaine. Pierre sent ses paupières qui se ferment régulièrement à cause du manque de sommeil mais le doliprane avalé plusieurs heures plus tôt à fortement fait effet. Il se dit qu'il pourra profiter de l'intégralité du trajet pour se reposer.
Il arrête sa valise devant un quai d'embarquement, se tournant vers le second francophone qui a fait la même chose. Il fait tomber son bagage à main bleu et blanc à côté de l'objet à roulette avant de se tourner vers son ami, se préparant aux au revoir et à la séparation pour plusieurs semaines.
Les bras de Charles entourent Pierre alors qu'ils prennent des voies différentes au départ de l'aéroport. Le normand prend un avion en direction de Paris pour ensuite rejoindre sa Normandie natale et retrouver sa famille quand le monégasque rejoint ses proches à Madrid, pour par la suite passer quelques jours sous le soleil hivernal espagnol.
— Passe de bonnes fêtes Pierrot.
Il le resserre brièvement contre lui.
— Toi aussi. Profite bien de ta famille et du soleil.
Les yeux émeraude se font malicieux en face de lui.
— Je devrais en voir plus que toi.
Le rire du monégasque résonne. Mais le blond a toujours adoré la mer l'hiver. Les balades sur les falaises de la Côte d'Albâtre sont une tradition familiale qu'il suit avec un immense bonheur chaque trêve hivernale. Si certains aimaient les plages de sable fin, les galets d'Etretat lui rappellent son enfance et sont ce qu'il préfère à la mer. Il aime bien plus se tordre les chevilles et avancer avec difficulté dans les silex érodés que de retrouver du sable dans l'ensemble de ses vêtements, et encore plus de ses chaussures. C'est alors impossible à nettoyer et il ne supporte pas d'en avoir se glissant entre ses doigts de pieds alors qu'il est en chaussettes.
De plus, le sable chaud fait toujours remonter un passé douloureux. Les falaises sont certainement moins chatoyantes que des plages de sable fin bordant une eau parfaitement claire, mais elles ne mentent pas sur ce qu'elles sont. Et derrière leur blanc froid, sa mer plus claire mais glacée, il n'y a rien à cacher. La Manche ne mentait pas comme pouvait le faire la Mer Méditerranée.
— Si ça va pas, tu peux m'appeler à n'importe quel moment.
Il marque une légère pause. Ses prunelles azur se braquent dans les yeux verts intenses. Il ne doute pas qu'il ne pensera pas trop à sa rupture en famille dans un lieu dépaysant, mais il n'est pas certain que ça ne soit pas le cas lorsqu'il retrouvera la solitude de son appartement monégasque par la suite.
— Et si tu veux te changer les idées, moi, ainsi que la Normandie et son climat que tu juges déplaisant sauront t'accueillir.
Un petit ricanement s'élève en réponse. Il a le temps de voir le léger mouvement de tête amusé du brun et le pousse doucement quand il voit son regard moqueur.
— Merci pour la proposition. Mais c'est le seul moment où on peut vraiment être en famille. Et... Tu sais...
Il entraine l'autre contre son torse, le serrant fort dans ses bras.
— Je sais.
Il se recule, remet son sac sur ses épaules et pose une main sur la poignée de sa valise.
— Il va vraiment falloir que j'y aille, je vais finir par le rater.
Mais il se fait malgré tout broyer une dernière fois par l'étreinte de son cadet. Il a l'impression que ce sont des adieux alors qu'ils vont se revoir bien trop rapidement.
— Merci vraiment pour ces vacances. Même si c'était au soleil alors que tu voulais du froid. Ça m'a vraiment fait du bien. Fais bon voyage.
— Tout le plaisir était pour moi. Bon vol à toi aussi. On s'appelle vite ?
Il finit par filer. Deux pouces se lèvent en réponse à sa question avant qu'ils ne se transforment en un large mouvement de main. Il lui répond avant de disparaitre derrière un portillon, son passeport à la main, espérant ne pas se faire recaler à la douane américaine si compliquée.
Le pilote est endormi avant même que l'avion ne quitte le sol, rattrapé par ses vacances bien épuisantes pourtant bien méritées. Lorsqu'il se réveille plusieurs heures plus tard, il ne pense qu'à sa famille qu'il va retrouver pour la première fois autrement qu'en coup de vent. Et il a rarement été aussi impatient.
x x x
et voilà nouveau chap. mon productivité est à son maximum depuis quelques semaines (ne vous y habituez pas !)
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