Étincelle, chapitre 3
Si la mort est un mystère
La vie n'a rien de tendre
Si le ciel a un enfer
Le ciel peut bien m'attendre
Dis moi,
Dans ces vents contraires comment s'y prendre
Plus rien n'a de sens, plus rien ne va.
Tout est chaos
A côté
7h45, normandie
Les pas de la médecin sont lents alors qu'elle approche de sa maison. Ses pieds sont glacés alors qu'elle parcoure le chemin inverse de celui qu'elle a fait quelques heures plus tôt. Ses battements de cœur qui avaient fini par diminuer augmentent de nouveau alors qu'elle n'a aucune idée de ce qu'elle va découvrir.
Devant sa porte ouverte, un groupe de pompiers discutent entre eux alors que quelques uns s'activent sur le côté droit de sa demeure encore debout. L'un d'entre eux se tourne vers elle et s'approche.
— Bon, on a tout sauvé. Vous verrez, il n'y a qu'un souci de placo. Vous avez eu beaucoup de chance, si vous n'aviez pas appelé, avec l'isolant, il ne restait plus rien.
Un soupir de soulagement lui échappe à l'idée que sa maison est toujours debout.
— Vous pouvez rentrer c'est sécurisé. Mais protégez-vous la bouche, la ouate de cellulose brulée, c'est cancérigène.
Elle écoute avec attention les dernières consignes. Notamment celle lui indiquant de ne pas remettre l'électricité étant donné qu'ils avaient coupé des câbles sans réellement savoir lesquels.
Elle finit par entrer dans son salon plongé dans le noir. Elle allume le flash de son téléphone pour pouvoir découvrir l'ampleur de la situation. Ses habits qui étaient en train de sécher ont volé à travers la pièce et sont éparpillés dans tous les coins de celle-ci. Ses fauteuils sont sens dessus-dessous. Elle a l'impression qu'une tornade a traversé la pièce.
Pourtant, quand elle approche de l'escalier, la peluche qui y avait été fixée quelques semaines plus tôt tandis qu'elle riait avec des amis est toujours bien fixée, semblant observer la pièce et protéger l'étage.
Ses pas la mènent en direction de sa chambre. L'odeur de brûlé traine dans l'intégralité des lieux de façon désagréable. L'air froid lui fouette le visage tandis qu'elle se retrouve au milieu d'un courant d'air. Toutes les fenêtres sont grandes ouvertes, en proie au vent soufflant toujours en haut de sa colline et au gel.
Le chaos la saisie quand elle pénètre dans la pièce. Les mots lui reviennent tandis que le sang bourdonne dans ses oreilles. Il n'y a qu'un petit soucis de placo. Pourtant, ce n'est pas un petit soucis à ses yeux. Pas quand elle peut voir sa belle toiture en ardoises depuis le centre de sa chambre qui n'a désormais plus aucun plafond.
Elle récupère rapidement sa montre qu'un pompier lui a indiqué avoir déposée à un endroit précis de la pièce. Il avait fait le déplacement jusqu'à l'ambulance exprès pour lui dire. Les pensées s'entrechoquent alors que chaos et organisation se mêlent. Alors que tout semble en désordre, l'un d'entre eux a pris le temps de récupérer et protéger une montre pourtant glissée sous son oreiller.
Elle quitte rapidement les lieux, n'ayant plus grand chose à y faire. La vision de son toit la hante. Elle récupère quelques habits qui avaient fini de sécher par terre dans son salon et quitte les lieux où froid et odeur désagréable de brûlé règnent en maîtres. Elle trouve une paire de chaussures qu'elle enfile après avoir enlevé ses chaussettes trempées et quitte les lieux. Elle reviendra plus tard pour mieux prendre connaissance de la situation. Il fait bien trop noir pour ça pour le moment.
Elle s'installe au volant de sa voiture. Sur son siège passager, ses vêtements pour la journée la narguent. Elle allume le contact puis le chauffage, l'envie de retrouver un peu de chaleur après s'être retrouvée dans une maison en proie aux courants d'air glacés pendant plus minutes.
Elle quitte les lieux en direction de sa maison de santé. Là-bas, elle sait qu'elle pourra faire une toilette sommaire et s'habiller avant de retrouver ses collègues.
Elle roule depuis quelques centaines de mètres quand la réalité l'engloutit. La lumière clignotante, les bruits, l'odeur, la chaleur, la fumée. Sa gorge irritée, ses talons abimés. Son salon où tout a volé, ses moquettes noircies, sa chambre recouverte d'une fine couche d'isolant. Son plafond fracassé. Cette toiture visible depuis une pièce.
Un flot de larmes s'échappent et vient s'échouer sur ses joues alors que ses épaules sont secouées par les sanglots. Sa vision se brouille alors qu'elle traverse les routes de campagne et que la nuit règne encore sur les lieux.
Lorsqu'elle pénètre dans son cabinet, elle se sent immédiatement en sécurité. Elle se raccroche aux pièces qu'elle connait par cœur. Il est tôt, jamais elle n'arrive aussi tôt normalement. Le hurlement de l'alarme la sort de ses pensées. Complètement déboussolée, elle a oublié de l'éteindre. Le son strident lui déchire les tympans qu'elle tente vainement de protéger de ses mains. Elle finit par parvenir à l'éteindre.
Elle pense alors à son alarme qui était manquante. La réalité la frappe et l'horreur s'insinue en elle. Elle va devoir rencontrer l'assurance, cette assurance qui lui a parlé des alarmes quelques mois plus tôt. Les larmes qu'elle avait réussi à maitriser roulent de nouveau sur ses joues. Est-ce qu'elle allait ne plus avoir de maison parce qu'elle n'avait pas d'alarme ?
Elle se laisse tomber sur le fauteuil de son bureau. Ses doigts allument habilement son ordinateur et elle se met à taper frénétiquement dans sa barre de recherche. Elle ouvre des dizaines de pages expliquant la loi concernant les alarmes incendie. Les battements incontrôlables de son cœur finissent par se calmer quand elle semble comprendre que cela n'aurait pas de conséquences. De toute façon, elle n'aurait jamais sonné, il n'y avait pas de fumée dans son salon.
Son regard est perdu dans le vide alors qu'elle retire son pyjama pour des habits, se préparant pour sa journée de garde. Elle attend l'arrivée de ses collègues pour savoir comment agir. Seule dans les lieux, les instants passent lentement alors qu'elle en est réduite à attendre. Attendre l'arrivée des collègues. Attendre l'ouverture de l'assurance. Attendre pour savoir quoi faire. Personne ne peut la guider de toute façon, les incendies, c'est pas censé arriver. Elle avait même rigolé, lorsqu'elle avait pris le niveau le plus haut de son assurance. Parce que sérieusement, un feu, quelle était la probabilité que ça arrive ? Elle ne regrettait désormais pas les quelques euros payés en plus chaque mois. Pour un esprit scientifique, elle avait oublié que le problème dans les probabilités, c'est que c'est une possibilité, mais que lorsqu'elle tombe sur soi, ce n'est pas uniquement zéro virgule zéro zéro zéro un pour cent de risque. C'est le choc puissance maximale qui frappe. C'était pareil pour les maladies. Dans des moments comme ça, on pouvait se dire qu'un mauvais esprit jouait avec nous, que c'était de la faute à pas de chance ou en vouloir au monde entier.
Peut-être faible, la réalité était là. La possibilité existait et c'était elle qui s'était faite toucher cette fois-ci.
— Élise, t'es déjà là ?
Elle quitte son bureau pour se glisser dans le couloir. Devant elle, leur secrétaire se tient la tête recouverte d'un bonnet et les joues rougies par le froid alors qu'elle venait toujours à pieds. Été, hiver, neige, pluie ou fortes chaleurs. Elle marchait. Dans ses souvenirs, il n'y avait eu que trois semaines où elle n'avait pas marché pour venir et c'était après qu'elle se soit faite une entorse en se prenant le trottoir juste devant le cabinet.
— Oui.
— Eh ben, t'es là tôt, dis-donc !
Elle n'arrive pas à sourire de la blague. Sa difficulté à se lever le matin n'était pas inconnue et parfois sujet à des remarques.
— Ça va ?
Sa tête se secoue de droite à gauche.
— Ma maison a brulé.
Le murmure lui échappe. Sa gorge se noue violemment. Dire les mots à voix haute lui font prendre un peu plus conscience encore de la situation. Ses yeux la piquent et bientôt les larmes lui échappent de nouveau. Elle se retrouve enveloppée dans une étreinte rassurante.
Le silence se fait pendant de longues secondes.
— En plus je devais aller au conseil municipal et je suis de garde cet aprem, et...
— Viens. On va aller prendre un café. Tu vas t'assoir, me raconter et ensuite j'appellerai pour ta garde et le conseil municipal. Je crois que t'as plus important à faire ce matin.
C'est telle une zombie qu'elle la suit jusque dans leur petite mais chaleureuse salle de pause.
23h30, los angeles
La musique retentit dans le bar où l'alcool coule à flot. Pierre en est à son quatrième verre. Après avoir bu quelques bières, il tourne désormais au whisky. Le normand s'est rapidement plaint de la boisson gazeuse sans aucun goût dans cet endroit du monde. A côté, cela ne paraissait pas déranger Daniel. En même temps, l'Australie n'était pas non plus réputée pour sa bière.
Le corps de Max se laisse tomber sur le tabouret de bar à côté du sien. Il met bientôt à son tour un de ses coudes sur le comptoir et se tourne dans sa direction.
— Il va comment ?
D'un mouvement du visage, il désigne le monégasque en train de se déhancher sur la piste de danse.
— Bien. Officiellement.
Un léger hochement de tête lui répond. Il lit un sérieux soudain dans le regard bleuté du néerlandais.
— Il ment.
Pierre roule des yeux. Evidemment que Charles n'allait pas bien. Il le lisait aux faux sourires qui s'étalaient sur son visage. Il le devinait dans les quantités d'alcool trop importantes avalées. Mais c'était si récent. Il n'était pas certain qu'il y avait quelque chose à faire d'autre que d'être présent pour lui s'il désirait en parler à un moment où un autre.
— Je sais. Mais va donc lui tirer les vers du nez si tu penses être si doué et qu'il te parlera à toi.
Un soupir désolé s'élève. Et puis un léger énervement s'installe dans les yeux océan assombris par l'absence de lumière du lieu. Après plusieurs mois passés à ses côtés, Pierre devine qu'il a été légèrement blessé par les paroles. A moins que ça ne soit pour autre chose.
— Il ne me parlera pas. On est pas proches. On ne parle pas de ça.
Les prunelles bleutées croisent celles de la même couleur qui lui font face. Les pupilles du néerlandais étaient légèrement dilatées mais on devinait encore aisément le bleu qui les entourait. Avec les années, le français avait appris à lire les pensées traversant l'esprit de son cadet aux réactions de ses yeux. Max était très doué pour prétendre mais son regard le trahissait toujours lorsqu'on le connaissait suffisamment.
— Alors de quoi vous parlez ?
— De voitures.
La réponse tombe si naturellement qu'elle sèche le blond qui ne sait pas quoi y répondre.
— Entre autre.
Le normand ne l'écoute pas vraiment et ne s'intéresse que peu aux autres sujets dont les deux plus jeunes pourraient discuter ensemble. Il n'a d'ailleurs jamais posé la question à Charles, acceptant qu'il pouvait avoir envie de garder pour lui le contenu des longues discussions qu'il pouvait avoir avec Max. Pourtant, ce n'est pas l'envie de savoir qui lui manque.
Mais ce soir-là, l'inquiétude a pris possession de lui. Il a peur pour son ami et il a l'impression qu'il n'est pas le seul. Ses craintes prennent le dessus sur sa curiosité pourtant relancée par les réflexions de celui aux cheveux blonds tournant vers le châtain.
— T'as déjà eu le cœur brisé ?
— Oui.
— Je parle pas de non victoire ici hein. C'est déjà arrivé ?
— Oui.
Le mot claque dans l'air tandis que les prunelles s'échappent. Il n'insiste pas, comprenant sur le champ que le champion du monde n'a pas envie d'en parler. Il ne s'attendait pourtant pas à cette réponse. Parce qu'il n'avait pas souvenir de voir un jour Max proche de quelqu'un et encore plus en couple. Pourtant à la lueur trainant dans son regard, la douleur paraissait vive et réelle.
— Toi ?
Il hausse les épaules. Les souvenirs remontent. Une autre époque. Un autre continent. Une douleur dont il n'avait jamais réussi à réellement se séparer. Son premier amour l'avait englouti tout entier. Il avait embrasé son coeur et son corps. Sa rupture avait été un véritable traumatisme. Une douche froide qui avait éteint le feu qui brûlait en lui. Depuis, il avait l'impression de chercher sans trouver. Depuis, il avait l'impression que rien ne parvenait à le réchauffer. Comme si son cœur était gelé et que rien ne parvenait à le raviver.
— Tu crois qu'après avoir eu plein de relations, on peut se poser et vraiment aimer. Je veux dire, ne pas voir l'autre que comme un corps à utiliser pour son propre plaisir, et autre chose qu'une relation qui se sera consumée quelques heures plus tard.
L'incompréhension s'installe sur le visage de Max, tout comme l'étonnement.
— T'es sûr que ça va Pierre ?
Le regard est figé dans le sien et il se sent être scruté comme il l'a rarement été. Les mots lui ont échappé et il aimerait les ravaler, ne pas avoir confié ses plus gros doutes à son ancien coéquipier. Il ne comprend pas comment c'est à lui qu'il a pu se confier et pas à Charles dont il est si proche.
— Je crois que j'ai trop bu.
— Je crois aussi.
Il l'observe qui se lève. Il ne sait pas s'il est déçu ou soulagé que le néerlandais évite le sujet. Il n'est pas certain qu'il voulait réellement lui en parler. Mais voir la douleur pendant quelques secondes sur ses traits l'avait fait chavirer. Parce que si Max admettait qu'il avait eu le cœur brisé, c'était peut-être plus simple de se dire que cela pouvait arriver à tout le monde et de faire face à ses plus grandes peurs même s'il les enfouissait sous un sourire de façade, des discussions inutiles en soirée et des nuits agitées dans les draps d'inconnues.
— Oui.
Le mot est simplement dit tandis que le blond passe devant lui.
— Quoi ?
— Oui je crois qu'un cœur peut être réparé quels que soient les dégâts qu'il a subi et finalement redémarrer.
Il reste quelques secondes silencieux, ses paupières clignant en entendant la réponse.
— Mais je n'ai pas dit que mon cœur...
Il se fait couper avant d'avoir pu terminer sa phrase.
— Tu mens aussi mal que ton meilleur ami. Vous avez au moins ça en commun.
Il lui échappe pour rejoindre l'australien sur le dos duquel il se jette en criant. Il les regarde de loin tituber à deux. Il distingue la main tendue de l'ainé tendant son verre au plus jeune qui s'en saisit et l'avale d'une traite.
Il attrape son verre et descend de son tabouret. Peut-être que lui aussi avait besoin de faire comme Charles et Max et d'oublier. Mais alors que l'alcool lui embrume l'esprit, que la sueur roule dans son dos à trop danser et que ses cordes vocales lâchent d'avoir trop hurlé sur les chansons qui résonnaient, il doit se résoudre à faire face à la réalité, aucune soirée, ni aucun alcool avalé n'avait jamais réussi à ne serait-ce que le rafistoler.
x x x
on avance petit à petit :) qu'est-ce que vous pensez d'Élise ? de Pierre ?
suite le we prochain si tout se passe bien.
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