Étincelle, chapitre 2
Je ne suis pas un héros
Mes faux pas me collent la peau
Je ne suis pas un héros
Faut pas croire ce que disent les journaux
Je ne suis pas un héros, un héros
5h06, normandie
Le froid fouette Élise mais elle ne le sent même pas, malgré la veste relativement légère enfilée en vitesse avant de sortir sur son simple T-shirt lui servant de pyjama. L'adrénaline réchauffe son corps et elle peut sentir le sang battre dans ses tempes. L'oreille collée à son téléphone, elle écoute la voix qui tente de la rassurer de l'autre côté du fil.
— Vous avez un poêle ? Une VMC ?
— C'est la VMC je crois.
Il n'y avait que ça dans les combles. Elle ne voyait pas ce qu'il y avait d'autre qui pourrait être en train de brûler à cet endroit précis.
— On envoie tout de suite des gens. Laissez vos lumières allumées et mettez-vous à l'abri à l'extérieur.
— Elles le sont déj...
Elle n'a pas le temps de terminer sa phrase qu'elle se retrouve dans le noir. Les plombs viennent de sauter et l'intégralité de la maison de se retrouver sans électricité. La solution est trouvée sur le champ. Elle a l'impression que son esprit réfléchit plus vite qu'il ne le ferait dans n'importe quelle autre situation.
— Ça vient de sauter. Je mets les warning de ma voiture.
Elle finit par s'engouffrer dans celle-ci, allumant immédiatement le contact pour enclencher le chauffage et réchauffer l'habitacle. Sur l'écran central, la température s'affiche en négatif. L'hiver n'est pas encore officiellement là, mais cela fait déjà quelques jours que son climat est arrivé en Normandie.
Toutes les minutes, elle allume son téléphone pour regarder l'heure. Les minutes passent de façon interminable. L'attente est insoutenable alors qu'elle est consciente que chaque seconde compte. La peur s'est infiltrée dans tout son organisme, mais elle en est réduite à attendre qu'on lui vienne en aide. Elle se demande combien de temps ils vont prendre. Elle a lu des témoignages de personnes voyant leur maison réduite en cendres devant eux alors que les pompiers avaient été trop lents à arriver. Elle espère que ça ne sera pas le cas chez elle.
Pourtant, elle fait confiance aux pompiers de tout son être. C'était son métier de rêve. Celui qu'elle voulait faire quand elle était enfant. Et puis aussi quand elle était un peu plus âgée. Et également lorsqu'elle était une adolescente devant faire ses choix d'orientation. Elle avait finalement compris qu'elle avait peut-être un peu trop peur du feu pour ça.
Mais elle s'était renseignée une fois installée sur la façon de devenir pompier volontaire. L'idée de rejoindre une caserne, de donner de son temps était importante. La rouquine avait finalement abandonné l'idée. Elle devait avoir l'entière capacité de ses moyens pour soigner ses patients en journée et elle n'était pas sûre que ce serait le cas après des nuits de garde. La distance était également un problème. Du haut de sa colline, elle a une vue sur des kilomètres à la ronde mais elle est également tenue éloignée du village et des casernes.
Mais aujourd'hui, alors qu'elle voit enfin les lumières bleutées illuminer le noir du ciel en venant de diverses directions et se rejoignant en bas de chez elle, elle est heureuse que des personnes donnent le temps qu'elle n'a pas. Elle sait qu'ici ce sont des amateurs qui vont débarquer. Parce que ce sont eux qui font tenir le service et les casernes. Des inconnus, des bénévoles volontaires pour la population en parallèle de leur travail.
Alors que les lumières posées sur le casque s'approchent dans son allée, un soupir de soulagement lui échappe. Elle jette un bref coup d'œil à son téléphone qui indique désormais cinq heure trente. Ils avaient été rapides à venir.
Le froid la happe lorsqu'elle met un pied en dehors de l'habitacle de sa voiture. C'est à ce moment précis qu'elle réalise qu'elle est uniquement en chaussettes. Les cailloux lui rentrent dans les talons alors qu'un premier homme s'approche d'elle. Elle lui indique brièvement ce qu'elle a vu. Il hoche la tête avant de s'inquiéter de la présence éventuelle d'autres personnes ou d'animaux. Elle lui confirme être seule et avant même que leur conversation se termine, deux corps s'engouffrent dans la maison plongée dans le noir.
— Du coup c'est quoi, poêle ? VMC ?
— La VMC je pense.
— Ah les VMC...
Elle ne comprend pas les remarques. Pourquoi étaient-ils tous aussi certains que ça venait de là ? C'était une VMC, pas un poêle ou un sèche-linge !
Elle voit la lueur de leurs lampes frontales éclairer les différentes pièces. Les velux de l'étage sont ouverts et un flot de fumée s'en échappe immédiatement.
Une femme se retrouve alors devant elle l'entrainant vers l'ambulance pour vérifier ses poumons. Les cailloux s'enfoncent dans sa chair, elle se retrouve à marcher dans de la terre et la boue transperce le tissu, lui glaçant les pieds au passage.
Elle finit par s'assoir sur la table d'examen de l'ambulance. Elle sait avant même qu'il approche son matériel ce que l'infirmier va prendre comme constantes chez elle. Elle tend son bras droit ainsi que son index gauche, les laissant installer leurs instruments de contrôle.
— Vous avez avalé de la fumée ?
Elle hoche la tête.
— Vous avez été longtemps au contact ?
— Je sais pas. Non, pas trop.
Elle n'arrive pas savoir combien de temps il fallait pour que ça compte comme longtemps. Elle sait juste que sa gorge l'irrite. On finit par lui tendre une bouteille d'eau quand elle le dit tandis que sa tension et le taux d'oxygène dans son sang sont évalués.
— C'est parfait, vous n'avez pas été asphyxiée.
Un soupir de soulagement lui échappe. Elle est bien heureuse de ne pas avoir à se retrouver à l'hôpital, surtout à cette heure de la nuit. Il n'y avait pas que les médecins libéraux qui étaient en sous-effectifs dans le secteur. L'état des hôpitaux était déplorable et elle n'avait pas envie d'avoir à se battre pour aller à celui de Rouen et non à celui de secteur parce qu'il n'était pas au niveau à son goût. Encore plus dans ce contexte et sans nouvelle de ce qu'il se passait chez elle.
— Et c'est quoi ?
— VMC. Enfin, je crois.
— Ah les VMC...
— C'est courant ?
— Ouais, environ soixante-quinze pourcents des incendies domestiques je dirai. Elle était nettoyée ?
— Je sais pas. L'ancien propriétaire avait changé les filtres.
— Il faut les nettoyer une fois par an.
La surprise l'enveloppe. Elle ne comprend pas comment elle peut ne pas être au courant de cette information. C'est beaucoup soixante-quinze pourcents. C'est beaucoup pour pas un seul mot lors de son rendez-vous pour son assurance habitation, ni aucune prévention au moment de son achat.
— Y avait un détecteur de fumée ?
Son cœur se serre quelques secondes. Elle n'en avait pas. Elle aurait dû en avoir un, mais elle n'en avait pas.
— Pas bien.
La réponse la heurte. Elle se sent comme une enfant ayant fait une bêtise. Ça faisait des semaines qu'elle devait aller en acheter un sans jamais prendre le temps de le faire parce qu'elle finissait le travail trop tard ou trouver des choses plus intéressantes à faire à ses yeux. Aujourd'hui, alors qu'elle savait sa maison en proie au feu, elle regrettait ses choix amèrement. Elle finit par hausser les épaules.
— De toute façon, il n'aurait pas été là.
Il aurait été dans son salon, proche du poêle, du feu, ou de la cuisine, pas perdu dans les combles d'où partaient apparemment tant d'incendies.
Le chauffage mis ne suffit pas à réchauffer ses pieds trempés et gelés, mais il lui évite de prendre trop froid. Autour d'elle, les membres de l'ambulance trainent sur leurs téléphones, discutent de leur nuit de garde ou de leur réveil. Élise apprend donc que certains venaient tout juste de rentrer de la précédente intervention quand d'autres avaient été appelés pour la première fois de la nuit.
Ils parlent également de leurs week-ends. C'était la fête des pompiers et ils préparaient déjà les festivités. Des anecdotes de l'année précédente sont racontées à une nouvelle pompier volontaire qui va participer à sa première Sainte Barbe.
— J'espère que vous avez achetés le calendrier !
Elle rit en réponse.
— Oui.
Elle savait très bien où allait l'argent lorsqu'elle leur donnait un chèque tous les ans, mais elle s'en moquait bien.
— Vous venez de Goderville ?
— Non, de Bénarville. Mais y a d'autres villages en renfort, je sais juste pas qui.
— Ah bon ? Parce que je croyais que c'étaient eux. C'est ce qu'ils m'ont dit quand ils sont venus pour le calendrier.
— Comment ça c'est eux qui ont vendu le calendrier ?!
Un air outré s'affiche sur le visage et elle ne peut empêcher un rire d'à nouveau franchir la barrière de ses lèvres. Mais il s'évanouie rapidement alors que la réalité la reprend.
Elle finit par replonger dans ses pensées, le regard perdu dans le vague. Elle se demande ce qu'il se passe dehors. Un regard à son téléphone lui indique qu'ils sont dedans depuis vingt minutes mais elle n'a toujours aucune information. Elle ne sait pas si c'est une bonne ou une mauvaise nouvelle.
— Tu penses qu'il y en aura pour longtemps ?
— Possible.
— Je vais prévenir mes parents qu'ils s'occupent de ma fille.
Elle relève la tête vers la jeune femme qui a les traits fatigués. Elles s'observent avec bonté et se sourient doucement.
— C'est dans des moments comme ça que je regrette de pas réussir à perdre mon poids. Le seul truc qui me réconforte c'est que mon mec n'ait pas le droit non plus au feu.
— Il peut toujours pas ?
— Non, pas assez lourd.
— De toute façon, c'est toujours pareil, c'est quand on est stationnaire qu'il y a les incendies.
— Non mais sérieusement, Robin ça fait un an qu'on l'a pas vu, il se met disponible cette nuit et paf direct un incendie. Il a une de ces chances.
La médecin se crispe. C'est dans son feu qu'ils aimeraient être. C'est de sa maison qu'ils parlent. Cette maison qui va peut-être finir ruinée.
— J'ai pris du poids avec ma grossesse et je l'ai pas perdu, ça fait un an que j'ai pas le droit au feu. J'arrive pas à le perdre et mon copain c'est l'inverse, lui il arrive pas à en prendre.
La voix est douce quand la jeune maman lui explique sa situation. Elle se met alors à sa place. Elle ne sait pas comment elle vivrait d'être privée d'une de ses passions, comme elle pouvait l'être tout en voyant les autres en profiter.
La porte s'ouvre alors brusquement et l'air glacé s'engouffre dans le véhicule.
— Vous auriez pas de la flotte ? On en a plus et c'est une vrai fournaise.
Le visage dans l'encadrement de la porte ruisselle de transpiration malgré les températures négatives de l'extérieur.
— Comment ça se passe ?
— C'est la merde, ça a pris dans la ouate de cellulose.
Elle l'observe d'un regard légèrement étonnée sans comprendre les conséquences de cette information. Mais elle parait importante aux autres pompiers qui lui souhaitent bon courage en retour avant de lui lancer une bouteille d'eau.
— Bois-en, c'est pas ce week-end que tu vas en boire.
Tous éclatent de rire à cette remarque, avant que la petite bouteille d'eau soit bue d'une traite.
— Y a qui dans l'incendie ?
Des noms sont sortis et elle voit les prunelles qui luisent d'une façon merveilleuse. Leurs visages montrent une fascination pour le feu et ceux qui plongent dedans. Et au plus profond d'elle, Élise comprend. Parce que si le feu la terrifie lorsqu'il lèche ses doigts ou s'en approche trop, il l'a toujours émerveillé et ce n'est pas pour rien qu'elle passe des heures à observer les flammes emprisonnées dans son poêle. La bouteille finit par être lancée dans le véhicule et la portière refermée.
Ses prunelles dérivent du toit de l'ambulance aux lueurs bleutées éclairant toute la campagne à l'extérieur. D'ici, on a l'impression que c'est un sapin de Noël géant et uniquement éclairé de bleu. Tout le voisinage doit être réveillé.
— Oups.
Si certains ne l'étaient pas, ils doivent désormais l'être après que la sirène ait été activée par mégarde. Le son strident la sort de ses pensées et elle allume son téléphone pour voir l'heure ayant grandement avancé.
— A une prochaine ! On vient de terminer.
La portière s'est ouverte à la volée sur une troupe de pompiers qui quittent les lieux, le casque à la main.
— Il reste votre groupe et le commandant de l'opération qui finissent les rangements.
C'est l'estomac noué et le cœur au bord des lèvres que la médecin descend de la table où elle est restée semi-allongée pendant presque deux heures. Elle ne sait pas dans quel état elle va retrouver sa maison, elle imagine le pire et son sang se glace autant que son corps fouetté par l'air gelé lorsqu'elle sort pour se diriger vers son habitation toujours plongée dans le noir de la nuit.
21h10, los angeles
— Je suis repu.
— Que de vocabulaire !
Un rire échappe à l'australien devant le regard outré que fait le monégasque suite à la remarque du néerlandais. Le repas avait bien avancé et les mets proposés étaient délicieux. Le normand sent sa tête qui commence à tout doucement tourner suite aux verres de vin avalés. Il note que la situation est la même chez ses trois compères.
C'est certainement sur Max que c'est le plus visuel. Ses joues ont rougi et ses pupilles sont bien trop dilatées en comparaison à son état normal. Chez les deux autres, c'est plus sonore. Cela s'entend aux rires trop forts de Daniel et à l'anglais de moins en moins maitrisé de Charles.
— Dessert ?
— Bien sûr dessert ! On est en trêve, c'est pour quelque chose.
Il roule ses yeux face au champion du monde en titre. A côté de lui, Charles pouffe en observant son rival de la saison précédente qui fait déjà signe au serveur de leur apporter les cartes.
— Fais gaffe, tu vas encore te faire rattraper par la patrouille Helmut sur ta prise de poids.
— Oooooh Daniel prends soin de son coéquipier, c'est mignon.
Les deux amis roulent des yeux de façon synchronisée.
— Marko peut toujours chouiner dans la presse, c'est pas ça qui va m'empêcher de vivre ma meilleure vie cet hiver.
Et sur ces belles paroles, il récupère la carte tendue, l'ouvre et plonge dans sa lecture. Pierre la parcourt également du regard. Il ne sait pas à quel point il a encore faim mais l'idée d'une fin de repas sucrée malgré son estomac déjà bien rempli reste alléchante.
— Tout donne envie, je crois que je vais prendre deux desserts.
— Merci pour le futur titre Max.
Le brun de Ferrari a le regard malicieux quand il lâche sa remarque. Pierre sait déjà qu'elle va être la réponse avant même qu'elle ne franchisse les lèvres de celui à qui la phrase était destinée. Il peut la lire sur le visage qui oscille entre taquinerie et assurance.
— Avec ce que les ingés nous ont concocté, je peux bien prendre du poids. Ça rééquilibrera et donnera un peu de suspense au championnat.
Il se prend un léger coup en retour avant que son rire n'éclate fort dans le restaurant.
— Leur dévoile pas tout Maxy.
Le blond ne répond rien, mais leur adresse un sourire moqueur. Et puis, ses pupilles brillant de mille feux s'ancrent dans celles de son nouveau coéquipier et ils paraissent échanger silencieusement quelques secondes. Il finit par replonger dans le papier, poursuivant sa découverte de tous les desserts proposés. Le français fait de même. Son choix s'arrête finalement sur les boules de glace qui le tentent fortement par cette chaleur.
— Bon le gros mangeur s'est décidé ?
— Ouais !
Il lève la main, appelant le serveur qui vient bientôt prendre leurs commandes.
— Un seul dessert ? Eh bien, c'est impressionnant !
— Vos gueules. J'ai hésité avec le truc au chocolat mais bon, c'était peut-être quand même un peu pousser. J'aime pas gâcher et je suis pas certain d'avoir si faim que ça quand même.
— C'est vrai qu'il faisait envie. Mais la soirée va être longue tu sais ! Et puis, il parait que tu veux du suspense.
Les iris bleutés se lèvent au ciel devant la légère provocation apparaissant presque tel un défi. Il ne faut qu'une seconde à toute la table pour savoir comment cela va se terminer.
— Mettez le fondant en plus. Avec des cuillères en rab, j'ai l'impression que je suis pas le seul à me restreindre à cette tablée.
Pierre se fait transpercer par les pupilles azur qui paraissent plonger dans son âme et y lire tout ce qui s'y trouve pendant un instant. Cette sensation désagréable ne disparait que lorsqu'elles se détournent vers l'australien à qui elles arrachent un sourire immédiatement.
— Et sinon vous êtes toujours d'accord pour faire la tournée des bars après ?
Les réponses affirmatives sont immédiates et le visage du monégasque s'étire en un immense sourire en retour. C'était principalement lui qui voulait se changer les idées, mais Pierre n'était jamais contre une bonne soirée en compagnie d'agréables fêtards.
— Par-fait !!
x x x
notez bien la chanson choisie, c'est trèèèès important pour la suite de l'histoire.
un chapitre très déséquilibré entre les deux protagonistes mais je voyais pas où couper la partie d'élise donc... mais ça devrait se rééquilibrer rapidement.
j'espère que ça vous plaît :)
instant prévention : faites vérifier vos vmc et faites passer le message qu'il faut les vérifier. comme le disent si bien les pompiers dans l'histoire, c'est 75% des incendies domestiques et tous sont d'accord sur le chiffre (pompiers, déménageurs spécialisés dans les incendies, experts des assurances). démontage et nettoyage une fois par an ! et c'est bien de la changer aussi après une dizaine d'années :) - sauf si vous voulez que votre maison finisse en barbecue géant ^^
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