Combustibles, chapitre 3

We are the champions, my friends
And we'll keep on fighting till the end
We are the champions
We are the champions
No time for losers
'Cause we are the champions of the World

deux mois plus tôt

Les voix se mêlent dans le club house suite à une énième large victoire. Leur saison a parfaitement bien commencé et l'avance au championnat grandit de match en match. Élise les rejoint les cheveux encore humides de sa douche et les accompagne immédiatement dans leur chant. Les pupilles de toutes pétillent alors qu'elles sont euphoriques suite à ce nouveau succès.

— Tu prends quoi Salamèche ? 

— Une ambrée s'te plait. 

Elle récupère la bière qu'on lui tend avant de la faire claquer contre les verres et bouteilles de chacune de ses coéquipières, entraineurs et proches. Les sourires sont plaqués sur chaque visage. Elle porte la boisson à ses lèvres avant de reprendre en cœur le refrain, leur chant emplissant leur petit club house. 

— T'aurais une clope ?

Elle se tourne en direction de la voix. A côté d'elle, une tête est hochée et plusieurs d'entre elles quittent la salle si conviviale quelques secondes plus tard. 

— J'envie pas les fumeuses. 

Quelques rires s'élèvent en réponse à cette remarque. Depuis le début de l'après-midi, la pluie frappe avec force la toiture du gymnase. Les gouttelettes claquent avec intensité, résonnant dans celui-ci et produisant un son régulier et bruyant sur les tôles de la toiture. Si un court auvent va les protéger de la pluie, les bourrasques de vent paraissent puissantes. Toutes savent donc qu'elles ne reviendront pas complétement sèches d'ici quelques minutes. 

La médecin croque dans le sandwich qu'elle vient de se faire, soulageant son début de fringale. Elle déteste manger après avoir fait du sport et doit toujours se forcer à le faire. Mais elle a conscience que c'est un impératif si elle veut ne pas tomber et être bien plus mal par le manque de nutriments quelques heures plus tard. 

Elle est bientôt rejointe par une amie et elles écoutent la pluie tomber, se perdant dans leurs pensées tout en mangeant ce qu'elles ont confectionné.

— Il était temps qu'il pleuve, les prairies sont cramées, j'ai jamais vu ça en presque trente ans. 

— T'as que vingt-sept ans. 

— T'as compris le principe. 

Ses lèvres s'étirent légèrement tandis que la malice se met à brûler dans son regard.

— Oui. Et je sais. Moi aussi je les vois les herbages complétement brulés quand je conduis en campagne. Vous allez avoir assez à manger pour votre troupeau ? 

— On avait des stocks après l'année dernière, on devrait passer l'hiver sans souci. Mais on est déjà en train de taper dedans vu que l'herbe redémarre tout juste.

La rouquine a les prunelles qui ne quittent pas sa coéquipière. Elles habitent dans des villages proches et passent plusieurs heures par mois à covoiturer pour aller à l'entrainement. Alors même si elle n'y connait pas grand chose à l'agriculture, elle en apprend un peu plus à chaque trajet. 

— Mais il faudra pas une deuxième année comme ça. 

— Je déteste l'automne et la pluie, mais je te dis pas tout ce qu'il faudrait qu'il tombe pour recharger les nappes. C'est encore sec, sec, sec.

— Bon la fermière et le pokémon ils vont arrêter de parler de la pluie et du beau temps et reprendre un verre ? 

Elles rejoignent rapidement le groupe, faisant rouler leurs yeux dans un énervement feint et de francs sourires plantés sur les visages.

— Tu conduis ? 

— Si tu veux.

— Un rhum coca alors. 

La rousse récupère la boisson alcoolisée qui est tendue et la porte à ses lèvres, savourant le sucré de celle-ci. La conversation continue sans qu'elle ne la comprenne pleinement.

— Vous parliez de quoi ? 

— De F1. C'est fait pour Verstappen. 

Élise fait une légère moue en réponse. Si elle connait les noms après avoir entendu certaines de ses coéquipières en parler régulièrement, elle est bien incapable de mettre un visage sur un nom. 

— D'accord. Vivement la fin du mois qu'un vrai sport de vitesse reprenne.

— Toujours aussi fan de ski ? 

— Comment ne pas aimer le plus beau sport du monde après le volley ?

Devant elle, ses coéquipières ont des visages amusés. Elles sont habituées depuis longtemps à la voir regarder des courses pendant les trajets d'aller ou retour de matchs. Mais à son plus grand déplaisir, elle n'a pas réussi à en convaincre beaucoup de la beauté de cette discipline pour l'instant.  


How I wish I could walk through the doors of my mind
Hold memory close at hand
Help me understand the years
How I wish I could choose between Heaven and Hell
How I wish I would save my soul
I'm so cold from fear

I guess it's time I run far, far away, find comfort in pain
All pleasure's the same, it just keeps me from trouble
Hides my true shape, like Dorian Gray
I've heard what they say, but I'm not here for trouble
Far, far away, find comfort in pain
All pleasure's the same, it just keeps me from trouble
It's more than just words, it's just tears and rain


— C'est quoi cette chanson ? Vous voulez qu'on se mette à pleurer ? DJ change de musique !

—  Ok, ok. 

— D'ailleurs t'es encore là ? T'as eu ton autorisation de sortie par ta meuf ? 

— Non. Mais je me suis autorisée moi-même, y en a marre de sa jalousie. En plus je vois pas pourquoi elle est jalouse. 

Eclats de rire qui s'élèvent. 

— C'est vrai que nous non plus on voit pas pourquoi elle serait jalouse, c'est vrai qu'il n'y a jamais d'histoires au sein de cette équipe. 

Toutes se mettent à pouffer tandis que deux d'entre elles poussent gentiment la coéquipière moqueuse en dehors du cercle. Il est encore tôt, mais les visages s'échauffent alors que l'alcool brûle leurs œsophages et enfume petit à petit leurs esprits. Elles restent des heures à continuer de festoyer et de s'imaginer un futur radieux ensemble où leurs cœurs s'embraseraient suite à la première victoire de l'histoire de leur club en fin d'année.

Pierre grogne et vient plaquer son oreiller sur sa tête alors que des chants résonnent une nouvelle fois dans le couloir. Il s'était presque endormi mais il a fallu que des intrus viennent de nouveau tout gâcher. Les paroles d'une chanson de Queen s'élèvent de l'autre côté de sa porte comme cela a déjà été le cas plusieurs minutes plus tôt et il déteste les chanteurs. Ils ne sont pas difficiles à identifier. Rarement il n'a été aussi peu content de partager l'hôtel avec une autre écurie. 

Les membres de Red Bull rentrent au compte goutte de leur soirée à fêter le titre obtenu ce jour-là et l'euphorie est présente dans les rangs, ceux-ci chantant encore et encore qu'ils sont les champions du monde. Ils en oublient qu'ils ne sont pas seuls dans les lieux et que certains aimeraient bien dormir. 

Les chants, cris et exclamations ont résonné sur le paddock quelques heures plus tôt. Mais tout ce que Pierre entendait déjà à ce moment là était la pluie. Cette pluie qui claque sur la vitre de sa chambre alors qu'il cherche à s'endormir depuis des heures. Cette pluie qui giclait sur la piste alors qu'ils y roulaient tous. Cette pluie qui se plaquait avec force sur la toiture de son motorhome alors qu'il s'y est abrité pour tenter de reprendre ses esprits avant de rejoindre les médias. 

Une porte claque plus loin, étouffant les voix au passage. Il soupire et tente de refermer les yeux. Les images ressurgissent. La peur le glace alors qu'il ne parvient pas à trouver le sommeil. La violence du moment le hante. Il n'est rien. Sa vie n'est rien. Pensée qui l'obsède depuis plusieurs heures. Il est un gladiateur prêt à mourir dans une arène pour le spectacle de spectateurs. Du pain et des jeux qu'ils disaient. C'est certainement toujours vrai, même si chacun d'entre eux préfère ne pas y penser. 

Les larmes mouillent son oreiller depuis de longues minutes. Les sanglots secouent son corps. Le chagrin s'insinue dans l'intégralité de son organisme, se répandant tel un venin. Il a l'impression qu'on est en train de lui lacérer le cœur, les souvenirs trop précis de ces après-midi-là remontent alors qu'il a bien failli être leur successeur. Après des années, la peine est toujours la même. Sa souffrance indemne.

Il s'y est habitué. Vivant avec sa présence chaque jour. Celle-ci l'accompagne à tel point qu'elle semble désormais associée à son organe vital gelé. Mais parfois, elle grandit et l'engloutie tout entier. Ce soir-là est l'un d'eux. Alors que l'adrénaline a fini par retomber et qu'il a finalement réalisé, la douleur n'a d'égale que sa terreur. 

Une nouvelle salve d'employés vainqueurs pénètrent dans les lieux. Alors qu'ils festoient, chantent, dansent et profitent de la vie, ils sont bien loin de se douter que dans l'une des chambres, un pilote n'arrive toujours pas à dormir. Et dans celle-ci, loin des cris, résonnent seulement pleurs et pluie.




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petit chap enfin posté après avoir galéré à l'avancer pour cause de we bien chargé ! j'espère que ça vous plait toujours :) j'essaie de poster la suite ce week-end si tout se passe bien !

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