┌ Chap.1┘×UNE TRAHISON ENCORE DOULOUREUSE.×

Alycia

Il y a des pensées, qui sont plus au moins assoupie, et d'autre plus dominantes dans l'esprit de chacun. C'est ce qui forme en quelques sortes le caractère. Or, je l'ai assimilé inconsciemment et mon esprit s'est approprié ce qui lui convenait le plus, en laissant échapper les plus sombres. Sûrement une forme d'autodéfense. Mais cela ne s'applique pas lors de mes nuits. Et seulement, à ce moment, mes démons ressurgissent.

Je fixe cette brune aux larges yeux noisette, entourés de cernes bleuâtres ; dans le miroir. Je promène autour de celle-ci un regard alourdi, encore d'une bien sombre pensée. Je ne dors plus, ou dors mal. Le sommeil agité de cauchemars, de luttes, de combats, coupé de réveils brusque. Les pensées les plus tristes, les sentiments les plus douloureux qui agitent mon âme avec violence toutes les nuits, disparaissent comme une vision ; à l'aube, et je me sens vide, jusqu'au fond de l'âme. Les cuisantes et douloureuses angoisses de ces temps passés, quoique encore si amères, ne sont plus que de silencieux et profonds soupirs ; ma poitrine en est gonflée.

Je resserre ma longue queue de cheval, pour me redonner une certaine prestance, et affiche un léger sourire, satisfaite du travail du fond de teint qui habille cette affreuse image morne et fade. Je sors de la salle de bain et descends au rez-de-chaussée sur la pointe des pieds, pensant que tout le monde dort. Mais la lumière qui jaillit dans le salon, me prouve le contraire.

— Maman ? Qu'est-ce que tu fais là ?

Elle est assise sur le canapé, au milieu d'une quantité de paperasses et de lettres à moitié ouvertes, éparses sur la table basse. Elle débarrasse promptement les papiers dans un grand carton, rangé plutôt sous la table. Sa réaction semble être celle d'une enfant prise sur le fait.

— Je trie des documents, se justifie t-elle. Tu as bien dormi ma puce ?

Je soupire, inquiète pour sa santé. Elle tourne la tête en ma direction tout en glissant soigneusement une lettre dans son carnet. Elle a toujours le visage aussi pâle et creux ; les yeux enfoncés, plein d'une douleur que j'aperçois encore pénétrer jusqu'à son cœur. Cette vision m'étouffe, sachant que je suis la cause de son état.

— T'aurais dû me demander, je m'en serais occupée, dis-je en m'asseyant à ses côtés. Tu devrais être dans ton lit à te reposer et te préoccuper seulement de toi et du bébé.

Malgré son corps maigre, presque décharné, son ventre fait la taille d'un ballon de foot. Bientôt, à son septième mois, elle attend un garçon, dont le prénom reste encore inconnu.

Maman me sourit faiblement pour me rassurer, mais même ce geste lui est d'une pénibilité surprenante, lui arrachant un gémissement de douleur. Je me lève aussitôt, et l'allonge doucement sur le canapé avant de la couvrir d'un plaid qui ne traînait pas loin.

— Tu dois éviter de trop bouger. Tu as pris l'insuline ?

Elle me répond d'un hochement de tête, avant de s'endormir, épuisée. Je l'ai entendue s'agiter dans son lit toute la nuit. Le diabète et l'hyperthyroïdie sans compter sur la sciatique ne l'aide en rien dans sa grossesse, et elle refuse catégoriquement d'aller voir un médecin pour être suivie. Mais son état se dégrade de jour en jour. Heureusement, pour son troisième cycle, elle a rendez-vous avec la gynécologue. Plus que quelques jours.

Je rentre dans la cuisine et pose le petit-déjeuner sur la table, tout en argumentant seule, avec moi-même, sur ces tristes vacances passées dans le plus pénible isolement.

Je les regrette déjà. L'idée de revoir Chloé après sa trahison me tord l'estomac. C'est ridicule, je le sais. Je ne devrais pas être autant effrayée à l'idée de la revoir, alors que je suis celle qui a été trahi. Je tente tant bien que mal de m'arracher de ses pensées amères pour me jeter dans l'égaiement d'une autre.

Plusieurs minutes se sont écoulées, alors que je tiens encore la cuillère de céréales entre mes doigts. Ils ne doivent plus être croquants maintenant qu'ils sont restés trop longtemps baignés dans le lait. C'est malin. Je repose la cuillère dans le bol. Mon estomac ne veut clairement pas coopérer pour le petit-déjeuner.

J'entends mon téléphone vibrer sur la table, plus loin. 3 nouveaux messages et deux appels manqués.

| De Alex <3 : |
« J'suis devant crevette :) »07h00
« Ça veut dire sors... »–07h06
«Si tu rappliques pas d'ici trois minutes je pars sans toi. »–07h10–

Je souris bêtement en lisant ses messages, avant de sentir un coup sourd, frappé en moi. Un heurt douloureux.

Je mesure l'abîme qui me sépare de mes amis. Redevenir celle que j'étais à leurs yeux, sera une tâche bien compliquée. Je tire un long soupirs, avant de répondre à son message.

« J'arrive ;) »07h12

Je respire profondément l'air, et le laisse emplir mes poumons, avant d'expirer lentement. À peine la porte ouverte, le vent glacial vient me fouetter le visage. Je remonte aussitôt mon châle, afin de recouvrir mon nez, déjà congelé.

J'aperçois au loin la voiture bleu d'Alexis, garée de l'autre côté de la ruelle. Je m'empresse de le rejoindre ne voulant pas plus m'exposer sous ce temps calamiteux.

— Mon dieu, il fait super froid dehors, je me plains essoufflée, en refermant la portière derrière moi.

— Vingt minutes.

— Quoi ?

— Vingt minutes que je t'attends ! dit-il d'une voix mordante.

— Désolée ?

Il secoue la tête, le sourire aux lèvres, démarrant la voiture. Il est amusé, ou bien désespéré de mon retard habituel.

La tête posée contre la fenêtre, je m'assoupis et admire le paysage danser. Une fois apaisée par la compagnie de mon meilleur ami, l'esprit plus calme et les sens plus rassis; je commence à occuper mon imagination sur le déroulement de ma rencontre avec Chloé, après sa trahison. Mais sans but, sans résultats satisfaisants, je finis par me persuader de simplement l'ignorer.

— C'est quoi cette tête d'enterrement ? T'es pas contente de me r'voir ? se moque le blond.

— Un mois et demi c'était pas assez long, je réponds sur le même ton.

Il me donne une tape amicale sur l'épaule, sans perdre la route de vue.

— Dis pas n'importe quoi, j'suis sûr que je t'ai manqué.

Je souris doucement à sa remarque, peut-être parce qu'il n'a pas tort.

Durant tout le trajet, il n'a fait que raconter son exploit : d'avoir fini son nouveau jeu en seulement deux nuits. Bien que ce qu'il me disait ne m'intéressait pas le moins du monde, je n'osais pas l'interrompre tant il en était fier. Mais je le connais assez pour comprendre aisément, que ce sujet futile n'était choisi que pour m'occuper l'esprit indirectement, et rendre mes pensées moins égarées.

Nous descendons de la berline, arrivée au lycée polyvalent Paul Gilbert. À huit heures du matin, le ciel est encore bien sombre, et le vend froid de saison souffle toujours aussi furieusement.

Jusqu'à ce que nous entrons dans l'établissement, Alex ouvre la bouche, mais ne dit rien. Il semble vouloir me faire une annonce déplaisante par le ton qu'il prend :

— Tu sais...

Il s'arrête, n'osant pas poursuivre. Je m'inquiète.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— Bon, ça sert à rien de passer par quatre-chemins, souffle t-il. Chloé vient manger avec nous ce midi.

Je ris nerveusement, pensant que c'est l'une de ses innombrables blagues. Mais un doute pénible s'installe. D'autant plus qu'il m'est impossible en examinant ce qu'il a dit, d'y découvrir une quelconque forme d'ironie.

— Tu plaisantes ?!

Alexis s'apprête à s'expliquer, lorsque nous arrivons dans la salle d'histoire. Mes yeux s'attardent sur Chloé, assise à sa place à bavarder avec sa "nouvelle meilleure amie". D'un regard embrumé de douleurs et de déception. Je serre les dents, prise d'une furieuse envie de crier, dominée par la colère. La revoir me met dans un état indescriptible.

Elle tourne sa tête en ma direction. Durant une fraction de seconde j'ai cru apercevoir de la surprise dans ses yeux. Mais elle se reprend rapidement, lâchant un léger sourire hautain, avant de reprendre sa discussion avec Margot.

— Aller, vient... dit-il d'une voix calme en me tirant par le bras à notre table.

La gorge nouée, je repasse fâcheusement l'altercation.

« C'était un secret trop lourd à garder pour moi. » ; « J'ai fait ça pour ton bien. »

Comme si ses explications atténueraient sa bévue. Pourtant ce qu'elle a fait, été dans l'unique but de soulager sa conscience. Je l'accable d'injures. Si seulement... Si seulement ce jour-là, je n'avais pas été aussi stupide et fragile ! Elle n'aurait jamais dû apprendre la vérité, alors que je n'étais pas là seule impliqué dans cette histoire

A t-elle au moins conscience de la douleur que j'ai pu ressentir ? Des conséquences que cela a pu engendrer ? Évidemment que non, elle n'y a sûrement pas songé. Pour quelqu'un qui ne voulait pas me faire souffrir, tu as visé bien haut.

— Margot déjeune avec son mec aujourd'hui, et Chloé va se retrouver toute seule, chuchote t-il.

— Et alors ! Je baisse d'un ton, en constatant que ma voix était bien trop forte. Non, j'suis désolée ! C'est au-dessus de mes forces !

— Alycia, on ne va pas la laisser manger seule quand même.

Évidemment que non. Mais, nous sommes une vingtaine dans cette classe, pourquoi vouloir absolument manger avec nous ?

— De toute façon, tu as déjà pris ta décision, je m'énerve en sortant mes affaires.

Tandis que la professeure entre dans la classe ; les bras chargés de paperasse, Alexis tente de me raisonner en revenant à ces arguments qu'il m'a déjà servi et qu'il répète sans cesse pour me convaincre. De toutes façons, je n'ai pas d'autre choix que d'accepter, et puis, ça ne durera que quelques minutes, le temps du repas. Mes pensées ne s'arrêtent pas là, me laissant une impression confuse et pénible.

Le blond me sort brutalement de ma rêverie en me secouant frénétiquement l'épaule. M'arrachant un hoquet de surprise.

— T'as entendu ça ? Ç'est cool ! se réjouit mon voisin de table.

— De quoi tu parles ? je demande agacée.

— Va y avoir un nouveau !

En plein milieu de l'année ? Ça me paraît bizarre. Je hausse un sourcil, intriguée. Toute la classe semble excitée et impatiente de voir à quoi il ressemble. Je l'aurais été si je n'avais pas l'esprit autant encombré, et occupée à m'angoisser de me retrouver face à Chloé.

Je me gifle mentalement. Il faut vraiment que j'arrête avec ça. Ça fait deux mois que ça dure, c'est pathétique.

— Tu peux entrer William, invite la professeure, en tournant son visage vers la porte.

William fait son apparition et s'avance progressivement dans la salle. D'une démarche lente, mais assuré, il se positionne face à la professeure. La différence de taille est impressionnante. Il faut dire que madame Leblanc, n'est pas non plus très grande.

Un détail retient particulièrement mon attention : Comment fait-il pour ne pas avoir froid ? Ça veste en cuire est sa seule source de chaleur, dont je doute qu'elle le couvre convenablement en ce temps hivernale.

Le blouson lui apporte une connotation rock à sa tenue. Je me surprends à me demander s'il écoute ce genre de musique. Son pantalon slim et ses bottines à lacets en cuire, achève de le vêtir.

Il n'est habillé que de noir. Il aime cette couleur. Seul, le bordeaux de son pull à col rond, casse le monochrome de sa tenue. Il a la physionomie parfaite d'un rebelle.

J'entends la voix d'Émilie me gronder qu'on " ne juge pas une personne par son style ", si elle était là. Et elle a sûrement raison, mais j'ai dû mal à l'imaginer autrement.

C'est étrange qu'elle ne soit pas là d'ailleurs. Elle ne rate jamais un cours.  J'espère qu'il ne lui est rien arrivé de grave. Je jette un rapide coup d'œil à mon téléphone. Mais toujours aucune réponse de ça part.

— Je t'en pris, présente toi, poursuit madame Leblanc.


Je reporte mon attention vers lui. Il dégage un magnétisme impressionnant. Ses cheveux si brun sont tout ébouriffés, et entours confusément sont front étroit. On aurait presque envie d'y glisser les doigts.

Il a un visage au trait fin, le teint légèrement pâle, et ses yeux noirs, conservent leur impassible expression de nonchalance qu'il affiche depuis son arrivée.

— William Braun, dit le nouvel élève d'une voix grave et monotone.

William Braun ? Ce nom me dit vaguement quelque chose, mais impossible de mettre le doigt dessus.

Je tourne la tête vers Alexis. Il en sait peut être plus. Alors que je m'apprête à lui poser la question, je le surprends à murer dans son silence, les mâchoires serrées, et le marron de ses yeux songeur. Comme s'il avait trop de pensées pour les exprimer clairement.

— Alex ? dis-je en posant ma main sur son avant-bras.

Il tourne sa tête en ma direction.

— Ça va ?

Son visage, plus pâle que d'ordinaire, dénote une colère qu'il ne domine pas sans peine. Mais il ne prononce pas un mot. Absorbé dans une pensée unique, il se hâte de se reprendre.

— Ouais.

Il se racle la gorge et reprend d'une voix plus claire :

— Ouais, ça va.

Mon regard passe plusieurs fois d'Alex à William, puis de William à Alex ; confuse, et intriguée de connaître la raison qui le met dans cet état. Ils se connaissent forcément. Sinon il ne réagirait pas de cette façon.

Les messes basses se font de plus en plus nombreuses. La professeure tape sur son bureau à l'aide de sa longue règle, pour calmer la cacophonie.

— Je m'attendais à ce que tu donnes un peu plus de détails à ta présentation, mais je comprends que tu dois être intimidé. Tu peux aller t'asseoir à la place libre au fond de la salle. Elle s'assoit sur le bord de son bureau. Comme c'est ton premier cours, ce n'est pas bien grave si tu n'arrives pas à suivre. Viens me voir à la fin de la deuxième heures pour que je puisse te remettre les dernières leçons. Je compte sur vous pour bien l'intégrer... Bien, on reprend.


×××

Les cours d'histoire sont terminés. Durant ses deux heures Alexis était complètement ailleurs, ne sachant quelle chimère il nourrissait dans ses pensées. Lui qui est habituellement dynamique et agité, à rendu la classe bien calme aujourd'hui. Je me demande quel lien, ils peuvent avoir. En tous cas, je n'ai pas souvenir de l'avoir déjà vu au collège ; je ne pense pas qu'il soit l'un de ses charognards. Mais cela expliquerait la colère qu'il lui porte.

— Pourquoi le détestes-tu autant ? je demande innocemment en ajustant la sangle de mon sac sur mon épaule.

Le blond sourit amèrement ; et, comme emporté, il s'écrit :

— Parce-que...

Il s'arrête en serrant les dents, comme pour briser au passage les paroles qui lui montaient à la bouche.

— Parce-que ? je répète en surveillant le trouble croissant, qui se montre en lui.

— Parce-que, c'est tout. Bon, on y va ?

Il comprend par mon regard curieux que j'en attends bien plus qu'un simple "parce que". Il lève les yeux au ciel, résolu de ne rien dire de plus. Pour l'instant.

Je suis le blond vers la sortie de la salle. Non sans pousser quelques soupirs à son attention. Alors que nous nous apprêtons à franchir le seuil de la porte, la professeure m'interpelle :

— Alycia, j'aimerais te parler deux minutes.

Elle remet un épais classeur à William ; qu'il commence déjà à feuilleter, avant de nous rejoindre. Je comprends à son visage inquiet du sujet qu'elle veut aborder, mais j'espère bien me tromper.

— On t'attend dans le hall, dit Alexis en posant une main encourageante sur mon épaule.

Une fois mon meilleur ami parti, madame Leblanc se tourne face à moi, les bras croisés.

— Alycia, je suis ta professeure, mais je suis aussi là pour t'écouter.

Je baisse les yeux au sol ; l'embarras et l'incertitude se peignent sur mon visage. Je ne réponds rien, mais je n'étais pas moins attendrie de son intérêt à mon égard. Elle me dévisage dans l'attente d'une réponse, mais elle poursuit aussitôt, comprenant mon intention de rester muette.

— Tes amis se sont fait un sang d'encre en ayant plus de nouvelles de ta part. Que c'est il passé ?

— Rien, je réponds espérant couper court au monologue.

— Lorsqu'ils m'ont contactés, ils avaient l'air assez inquiets pour que ce ne soit « rien ». Pourquoi dans ce cas, ne pas avoir donné de nouvelles pendant près de deux semaines ?

À cette seule pensée, mes jambes se dérobent, et je sens que mon cœur va m'étouffer. Je tente tout de même de répondre calmement.

— Mon... téléphone était cassé.

J'espère que ce mensonge passerait, comme pour la plupart de ceux qu'il a satisfait. Face à son air circonspect, je me sens obligée de rajouter un sourire pour la rassurer.

— Je vois bien que ça ne va pas, et cela s'en ressent sur ton bulletin. Tu étais l'une des meilleures élèves et tes notes ont cruellement chuté. Tu n'es plus attentive en cours et les devoirs maisons ne sont jamais rendus. Tu sais que le Bac arrive dans quelques mois ?!

Elle marque une pause, s'attendant sûrement à ce que je rajoute quelque chose.

— Bon, je n'te retiens pas plus. Va prendre ta pause. Mais sache que je suis là pour t'aider. Peu importe la raison, je ne te jugerai pas.

Je la remercie sincèrement, après avoir écouté pour la énième fois le même discours, d'autres personnes. Je m'en vais aussitôt d'un pas pressé.

Ne comprend t-elle pas que mon silence, sert à camoufler une souffrance imprononçable ? Qu'il permet d'éviter d'autres dégâts que j'ai déjà commis ? Je m'empresse de quitter cette salle étouffante. J'ai besoin d'air.

Je tourne une dernière fois la tête vers la salle, et plonge directement dans le regard indifférent de William. Je me tends, tous les sens en alerte. Est-ce qu'il a... tout entendu ?

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