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- Tu préfère la jaune ou la bleue ?, je montre la board.
Je souffle, désespérée.
- Je suis daltonien au cas où t'es pas au courant, répond Deen.
Je hausse les épaules, il pourrait au moins faire semblant d'aider. Ça va faire trois quarts d'heure que j'hésite et je crois que Deen commence à saturer. Je me prends la tête sur un petit détail mais c'est super important pour moi, la couleur du skate.
- Fait comme tu le sens, il lance.
Je le sens pas, c'est bien ça le problème. Le pire c'est que les deux planches sont exactement le même modèle, si bien que mon dilemme en devient ridicule.
- Clem, il supplie.
Le vendeur a eu pitié de nous, il a sorti une chaise de l'arrière boutique et l'a tendue a mon acolyte. Ça m'a fait rire, il ressemble à un un vrai p'tit vieux, le dos courbé et affalé sur son siège.
- De toute façon quoi que je dise tu m'écoutera pas. Si je dis "prends la bleue" tu prendras la jaune juste pour me faire chier.
Je souris, il n'a pas tord. C'est fou qu'il ai réussi à me cerner aussi rapidement, on dirait mon père.
- Au pire t'en prends une verte, c'est le mélange des deux.
Je secoue la tête. Impossible que je choisisse ça, ça ira pas avec mes converses. Je passe mes doigts sur la planche jaune, c'est celle là que je veux. C'est décidée, je suis sûre de moi.
Y'a un bon sentiment qui se dégage de la couleur. C'est con de penser ça, mais c'est vraiment l'impression que j'ai. Ça me rappelle la Peugeot 103 de Joli-cœur. Elle était exactement de la même teinte.
Je saisi la planche, c'est ma bécane à moi en quelque sorte.
- Je prends la jaune !
Deen soupire de soulagement et ça me fait rire. Il me gratifie d'un "Tu m'a fait peur gamine". Je lève aussi les yeux au ciel, c'est pas comme si j'avais eu l'intention de le laisser crever ici.
On se dirige vers la caisse et c'est un charmant métisse qui s'occupe de moi. Il est pas mal, même si on va pas se mentir - il n'arrive pas à la cheville de Jared Leto. Je paye et le remercie. On sort du magasin et Papy laisse échapper un cri de victoire.
- Arrête c'était pas horrible à ce point là, je ris.
- Tu crois ? J'me suis fait chier un peu quand même, il sourit.
Je lui donne un coup de coude mais ça nous amuse plus qu'autre chose. On peut pas rester sérieux avec ce mec. En plus de ça, le voir te file direct la bonne humeur.
- Je dois rentrer princesse.
Je hoche la tête et lui fait un bisous, de toute façon moi aussi j'ai des choses à faire. En premier : tester cette putain de nouvelle planche.
À Joli-cul : "Prépare ta planche, je vais de défoncer".
Encore une fois je prend le métro pour rentrer chez moi. J'ai vraiment le sentiment de passer ma vie dans les rames. Métro, boulot, dodo. C'est pas une connerie, cette phrase résume tellement bien la vie. Pas comme d'autre. Genre : "Fume avant que la vie te fume", ça c'est vraiment de la merde. J'en ai un frisson tellement elle m'énerve.
Je suis encore occupée à grogner toute seule quand mon téléphone vibre dans ma poche. Au moins ça a le mérite de me sortir de mon monologue intérieur, j'étais en train de me monter le bourichon toute seule.
De Joli-cul : "Buttes-aux-Cailles."
Je souris, fière de moi. Je savais qu'en lui envoyant le message j'allais piquer son ego. Maintenant il ne peut plus reculer devant le défi.
En relevant les yeux, je me rends compte qu'on est à quelques stations de Corvisart. Ça tombe bien. J'attends quelques minutes puis descend à l'arrêt.
Je roule quelques instants puis aperçois Antoine au loin. Sans l'interpeller je le double et enchaîne les plus beaux tricks que je connais. Provoqué, Joli-cœur rapplique et me concurrence en faisant des ollies. Sauf qu'à un moment il trébuche mais heureusement pour lui il se rattrape à temps.
- J't'ai dis que t'es pas à ma hauteur, je raille.
J'ai beau le chercher, j'ai flippé quand j'ai vu qu'Antoine chutais. Déjà qu'il a un plâtre et une attelle, je suis pas sûre que ça aurait été top s'il s'était peté la gueule.
- T'es une salope, il rit.
Il me lance un regard noir et me désigne une rampe d'escalier. Putain, elle est particulièrement inclinée celle-là.
Je me laisse pas impressionnée et donne une impulsion à mon skate pour prendre suffisamment d'élan. Au moment fatidique je me propulse en l'air et glisse sur la rampe. Mais au milieu mon skate se brise et je me taule. Putain, fait chier.
J'avoue que de toute façon j'aurais pas réussi, je commençais à perdre l'équilibre. Tout de même, entendre les rires d'Antoine met un coup à ma fierté.
- Tu ferme ta gueule quand t'as le cul par terre, il raille.
Mou du bulbe. Aujourd'hui j'ai peut être perdu mais demain je vais le niquer.
Je me relève en frottant mes paumes l'une contre l'autre. Je fronce les sourcils quand je sens mon téléphone vibrer. C'est rare que je reçoive des messages à cette heure là, surtout que je me suis pris la tête avec Abi. Intriguée je sors mon cellulaire et le déverrouille.
De Papa : "Je suis sur Paris".
Je souris, contente de revoir mon père. Sauf que mon euphorie s'évanouit bien vite quand je reçois un deuxième texto.
De Papa : "C'est ton frère".
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