18
À l'arrivée en gare, je fonce pour sortir du train. Putain. Le grand bol d'air me fait du bien. Et le calme aussi. J'en peux plus des gosses qui chialent, y'en avait partout dans le wagon.
Mes deux pieds foulent le bitume et je souffle. La nostalgie. Faut pas se méprendre, je ne suis pas nostalgique de mon chez-moi d'avant. Non, je suis triste d'avoir quitté Paris. Je déteste la mer et ses plages. Je déteste les ports. Je déteste cette ville. Ouais, on peut dire que ça me fait clairement chier de retourner ici. J'ai l'impression de revenir des années avant, de faire cent pas en arrière.
Je soupire. Faut que je trouve mon père avant d'être tentée de prendre le prochain train qui rentre à la capitale. À part lui, y'a rien qui me retient.
Quand je l'aperçois, mon cœur se serre. Il m'avait manqué. Je me rue vers lui comme une gamine. Mort de rire, il m'encercle de ses bras. Je grimace, on peut pas dire que je suis de nature très tactile. Au bout d'un moment il me lâche, pour mon plus grand plaisir.
- C'est fou ce que tu as grandi, il lance.
Je lève les yeux au ciel, mon père adore faire cette blague dès qu'il me voit. À force c'est plus drôle. Je fais la moue quand il m'ébouriffe les cheveux.
- T'as fini ?, je râle.
Il sourit à pleines dents. Visiblement il est ravit de m'avoir cassé les couilles.
- Faut que tu te détends. Pète un coup.
Il me fait un clin d'œil. Je me gêne pas pour lui donner un coup de coude. D'ailleurs il me le rend. Ça a toujours été un jeux entre nous. C'en a pas l'air mais c'est affectif, c'est beaucoup plus efficace qu'un câlin.
On marche en silence jusqu'à la voiture - seul moyen de se déplacer dans ce bled de merde - et je mets ma valise dans le coffre.
- Je me demande qui va clamser en premier. Toi ou la voiture ?
Il explose d'un rire franc. J'ai toujours adoré mon père. Il prend jamais mal une remarque et il adore plaisanter. Il aime l'humour noir et les blagues douteuses. Lorsqu'on est réunis c'est pire, il m'a transmis le virus alors ça finit toujours dans une compétition. Genre celui qui fera la blague la plus pourave du siècle.
- Eh papa ?, je lance.
Il démarre la voiture et me jette un coup d'œil.
- Quel est le point commun entre un nécrophile et un homme qui se baigne en Bretagne ?, je questionne.
Mon père secoue la tête.
- Tous les deux disent : "elle est froide mais une fois dedans, elle est bonne".
Son regard se fait malicieux. Celui qui veut dire "Bien joué mais je vais te battre". Maintenant, je suis sûre qu'il en a une meilleure. Je déteste perdre, je suis dégoûtée.
- Quel est le point commun entre l'humour noir et les parents ? Certains en ont et d'autres pas, il réplique.
On explose de rire, elle est vraiment malsaine celle-là. Faut que je la retienne pour la faire à Joli-coeur. D'ailleurs, ce con commence à me manquer.
À Joli-cul : "Bien arrivée. Ça fait un bien fou de plus voir ta gueule de merde, je vais peut être rester plus longtemps que prévu finalement".
Mon ventre grogne, j'ai toujours pas mangé. J'avais faim dans le train mais je voulais pas me faire enculer en payant un pauvre sandwich la peau du cul. Forcément j'avais oublié de prendre de la bouffe.
- L'ogre à faim ?, se moque mon père.
Je le fusille du regard pendant qu'il me tends un paquet de chips. La mal-bouffe c'est notre seconde passion commune.
Mon repas est stoppé par mon portable qui vibre. Fait chier. J'avoue, je ne prends pas particulièrement soin de mon téléphone mais j'aime pas mettre de gras dessus. Je trouve ça encore plus degueu que le reste.
De Joli-cul : "Enfin reste pas trop longtemps là-bas, flemme de trouver un autre plan-cul".
Je lève les yeux au ciel. Il me saoule. Définitivement.
- Au fait pourquoi Abi est pas venue ?, questionne mon paternel.
Je serre les dents. J'ai pas trop envie de parler d'elle. On s'est pas du tout vu depuis la dispute de la dernière fois.
- On s'est pris la tête. Elle a été conne. J'te raconterais plus tard.
Quand j'aperçois la maison où j'ai grandi mon cœur se serre. J'ai beau détester ma ville natale, j'aime bien mon ancienne maison.
Dès que j'ai passé le pallier de ma porte je pose la planche d'Antoine au sol. Ce qui est cool avec mon père c'est qu'il a toujours accepté que mon frère et moi on skate dans la maison. Pour sûr, il n'a jamais été maniaque. Je ne me rappelle plus le nombre de fois où je me suis cassée la gueule en skatant sur la rampe du petit escalier.
Je roule jusqu'à la cuisine et prépare deux sandwichs. Une fois que j'ai "cuisiné" je m'affale sur le canapé. Mon père ne tarde pas à me rejoindre et on mange ensemble devant un film. Je souris. C'est comme au bon vieux temps.
- Tu m'avais manqué, je souffle.
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